Kedal. Me voilà assise devant une pierre, sur lequel est gravé un nom. Anna Strophe. Ton nom, maman.
Tu es morte en héros. Je pense qu’on me l’a dit vingt fois, déjà, depuis que je suis arrivée. C’est dingue… moi qui rêvait de trouver plein de héros pour aider Mistral, voilà où j’en suis. Je regrette que tu l’ais été. Bien sûr, je suis fière de toi, plus fière que jamais, et à aucun instant je t’en veux. Pourtant, j’aurais préféré que tu ais peur, que tu t’enfuis et que tu survives, comme les autres. Que n’importe qui d’autre meurt, mais pas toi. Pas toi…
Pourquoi mes larmes ne coulent pas ? Tout est tellement triste dans ce monde. Papa est tellement triste. Même en me voyant, il n’a pu que pleurer de désespoir. Le nez rougi par l’alcool cumulé des derniers jours, il s’est effondré en me serrant si fort que j’ai cru étouffer. Je sais pas quoi lui dire. Je sais pas comment lui expliquer pourquoi c’est pas si triste, pourquoi je peux continuer à vivre sans tout abandonner comme lui. J’y arrive pas, pasque, je le sais pas en fait. C’est comme ça, c’est tout. Je pose ma main sur ta tombe, hésitante, un peu perdue, comme si tout ceci était irréel. Puis je lui accorde quelques mots. Un petit je t’aime, pour ma maman chérie d’amour. Un petit désolé de pas avoir été là. Et un promis. Promis, quand je serais grande, tu seras fière de moi de là où tu regardes. Et un jour, dans très très très longtemps, quand on aura tout fini de sauver des gens dans la vie, bah on ira chasser ensemble à nouveau, tous ensemble.
Je pose une main sur la deuxième tombe, beaucoup plus large. Je t’oublie pas non plus, Grand Dada. C’est grâce à toi que tout le monde il est en vie, aujourd’hui. Que papa et Volti ils sont en vie. Tu as été incroyable. Un jour, peut-être, Petit Dada il sera aussi fort que toi. J’ai dit à papa que s’il voulait, il pouvait le garder. Mais il a pas répondu. Je crois que c’est trop tôt.
Je recule et m’assoie. À mes côtés, murée dans un silence pire que le mien, y’a Volti. Cette pauvre Volti.
Je l’ai retrouvée ficelée comme tout sur la table du salon. Plusieurs jours après que Ciboulette ait cassé la malédiction, papa avait pas osé la libérer. Je crois qu’il a peur d’elle. Il lui parle plus. La regarde plus. Et quand j’ai voulu la libérer, il a hurlé. J’ai continué quand même, et je lui ai expliqué, mais il m’a pris le bras pour m’arrêter. Il a fallu que j’insiste pendant toute une heure après qu’il m’ait tout raconté pour qu’enfin il veuille bien que je la libère.
Et elle est restée comme ça. Allongée sur la table, inerte. Pendant toute la journée, c’est moi qui l’ait portée pour qu’elle bouge. Même là, je l’ai déposée près de toi, maman. Pour qu’elle aussi, elle puisse te parler un peu comme moi.
Y’a Ciboulette qui est là, aussi. Tu l’aimais bien, Ciboulette ? J’ai jamais vraiment su. Je crois que lui, il t’aimait bien. Vous avez pu parler, un peu, il parait. Je l’ai dit à Volti. Je lui ai dit que tu pensais à elle, à la fin. Tu sais que j’avais jamais vu Volti pleurer ? Je pensais qu’elle était encore plus forte que toi ! Vous êtes toutes les deux tellement incroyables… Vous êtes la meilleure famille que j’aurais pu avoir, avec papa.
J’aurais plein de choses à te raconter, maman. Plein d’aventure qu’on a eu, Truc et moi. D’ailleurs, il est pas venu, Truc, il est chez Jojo. Volti est déjà assez triste, alors je l’ai pas embêtée. Mais je suis sûre qu’il pense tout pareil. Il a des roulettes maintenant ! Et il est tout joyeux ! Encore plus qu’avant quand il mangeait !
… … …
C’est triste que tu puisses pas répondre. Tu m’entends, hein, de là où t’es ? J’espère. Sinon, je te dirais tout le jour où on se reverra. En attendant, je prendrais soin de papa. Et de Volti. Tu verras, cette fois, je ferais tout comme il faut !
Je reste là, immobile des heures durant, à caresser ma grande sœur tandis que mes pupilles brillantes fixent la tombe devant moi. Ça va être difficile, la vie, maintenant.
Mais tu y arriveras.Tu crois ?
J’en suis persuadé.Merci, Ciboulette. Merci d’être là. Je sais pas ce que je ferais sans toi. Je sais pas comment j’aurais fait tout ça sans toi…
*****
— Je vais à Bayette. Papa a relevé la tête, abandonnant son énième vert pour me jeter un regard abasourdi. Voilà des jours qu’on fait rien. Papa boit et pleure, moi je chasse pour qu’on ait à manger, et Volti se morfond sur le sol dans un coin. Même Fouifi s’est tirée sitôt qu’elle a compris que je n’avait pas l’intention de bouger d’ici. S’il n’y avait pas Ciboulette, je me sentirais horriblement seul en cet instant, avec pourtant tout ce monde autour de moi.
Alors voilà. J’ai décidé qu’on devait avancer. Papa l’a pas fait depuis des jours et des jours, d’aller voir les gens à qui on donne la viande d’habitude, alors je vais m’en occuper. Comme ça, il sera bien obligé de faire des choses ! Je vais aller dans toutes les villes, aider les gens, et montrer qu’on est toujours là. Et après… peut-être que les gens ils viendront aider eux aussi ?
J’ai fait un gros câlin à papa et à Volti avant de partir, mais surtout sans me laisser retenir ! Pasque c’est comme ça qu’on va avancer. Je récupère mes pokéball, appelle Fouifi partout pendant une bonne heure jusqu’à la retrouver, puis vais enfin chercher Truc.
Le daim m’accueille d’une humeur incroyablement joyeuse ! Il me tourne autour une fois, deux fois, trois fois… Puis s’arrête devant moi et recommence à se concentrer comme il l’avait fait devant Krystal. Rien… Rien… Rien… OH ! Y’a comme des mini lucioles qui ont pris naissance dans son feuillage ! C’était vraiment un tout petit instant, mais je l’ai vu ! Et lui, il semble tout fier de ses progrès, alors je le félicite en lui triturant les joues de mes deux mains.
— Encore un peu d’entrainement, et je pense qu’il pourra utiliser Synthèse comme tous les autres ! Il est plutôt doué pour apprendre ! La pratique, c’est autre chose, mais il fait ce qu’il faut !Je remercie Jojo pour ses efforts, bien contente qu’il s’occupe si bien de Truc ! Faut dire que lui aussi, il a souffert des cavaliers, alors ça aurait pu ne pas être sa priorité. D’abord, il a perdu deux de ses meilleurs reproducteur, ne se retrouvant qu’avec un seul Haydaim, et pas le plus beau. Et ensuite, le village a réquisitionné la majorité de ses Vivaldaim pour se nourrir dans les gorges. Le pauvre, lui qui dit toujours qu’il les élèves pas pour les manger… Il aura finalement menti, pour aider tout les autres. Sa demi-douzaine de bêtes restantes fait peine à voir, à présent. Mais lui aussi, comme moi, il garde le moral. C’est sur nous que le village compte pour la suite ! Alors, on doit continuer. Pour Kedal !
Truc apprend Synthèse.