Saison Un

: Obscure Prophétie

Quelle Catastrophe… Voilà deux jours que Split s’est sacrifié pour moi, et il est toujours en soins intensifs au centre Pokémon. Le pauvre… le pire, c’est que je n’arrive pas a… être triste ?... Si, un peu mais… je pleure pas. Je me sens juste dépitée. Frustrée. En colère.
J’aurais dû écouter Ciboulette. Il m’a prévenue dès le début. Lui il savait que c’était pas juste un Pokémon pas content le machin devant nous. Je sais bien que je peux faire confiance à Ciboulette. Déjà qu’il peut pas beaucoup parler, alors s’il le fait c’est que c’est vraiment très très important.

Je marche en bordure de Bayette. Les travaux de reconstruction ont déjà commencé. Bayette a rejoint la tradition des autres villes, avec des machins métalliques un peu partout pour permettre aux gens de grimper et réparer les murs. Aujourd’hui, je suis pas en état d’aider. Grâce à Split, je vais bien. Juste des pansements un peu partout et beaucoup de repos à prendre, mais ça va. Du coup je prends juste une marche. J’ai pas envie de parler, pas envie de voir des gens. Je pense juste à mon Pokémon… Et je m’en veux de pas être plus touchée par sa blessure quand lui m’est si dévoué.

Fouifi est perchée sur mon épaule, l’air blasée. Les bras croisés et adossée à ma tête, elle grommelle depuis hier l’air de dire qu’elle ne peut pas nous laisser deux minutes sans qu’il m’arrive quelque chose. C’est pas si faux… malheureusement. Je m’adosse à un mur, lève les yeux vers les cieux, pensive. Entre tout ça et la maladie… je suis fatiguée.

— Oh ! Bonjour, toi.

Le cœur n’y est pas. Il est bien gentil le petit Pokémon, mais non seulement j’ai pas faim, et en plus je raffole pas des gâteaux. S’il m’avait apporté un steak, j’aurais peut-être cédé, mais là… Le pire étant que même lui, je veux pas le bouffer, c’est un truc ultra trop sucré pour moi, ça !
Alors je lui tapote la tête, histoire de lui montrer que je l’ai vue, puis reprends ma marche lente sans me préoccuper de lui davantage. Évidemment, tout cela ne m’aura pas arraché le sourire que le Sucroquin attendait. Déçu, l’animal décide d’insister et commence à me tourner autour malgré l’absence de regard que je lui porte. Il fait des cabrioles, marmonne je ne sais quelle bêtise et s’amuse à me tapoter les pieds pour attirer mon attention.

J’aurais pu l’ignorer longtemps, mais tout ce remue-ménage a fini par en énerver une autre. Oh, ça serait facile de juste l’égorger sur place, voir le bouffer, mais Fouifi s’imagine bien plus amusant comme remède contre cette stupidité. Un petit tour en Pokéball ? Voyons si le Pokémon va garder le sourire après plusieurs mois d’oubli, sa dresseuse n’étant même pas au courant de son existence. Il attendra une petite éternité dans un jardin clos, en compagnie d’autres Pokémon tout aussi oubliés que lui. Parfait pour les gêneurs comme lui !

Souhaitant mettre son plan à exécution, Fouifi plonge dans mon sac et en ressort une de mes nombreuses Pokeball. Après avoir utilisé l’objet à plusieurs reprises sur d’autres Pokémon, elle sait parfaitement s’en servir… mouvement de bras, visée, feu !

Tentative de capture niveau 4.
Pokemon vert : +3
Zone verte : 0
Pokeball : 0
Résultat : capture +3

Tiens ? Ça n’a pas marché. Il faut croire que le Pokémon a flairé l’arnaque. Le voilà qui repart en courant de ses petites patounes, terrifié d’avoir été ainsi enfermé sans prévenir. Sur mes épaules, Fouifi se marre, tout aussi satisfaite du résultat. Au moins, l’objectif initial est là : ce gêneur n’est pas près de revenir nous emmerder.

J’ai entendu le clac de la pokeball explosant. Puis de toute façon, j’ai bien vu Fouifi plonger dans mon sac. Mais je m’en fiche. J’ai tant de choses en tête… Et Fouifi a bien mérité de faire ce qu’elle veut après avoir arrêté le terrible monstre gâteau géant.
Alors je lui accorde même une petite caresse pour la remercier d’avoir éloigné l’autre Pokémon, caresse qu’elle ignore, comme à son habitude. Fouifi s’en fiche bien de ce genre de petites attentions. Je crois même que ça l’emmerde. Heureusement, je suis dans un état bien trop pitoyable pour qu’elle s’énerve contre moi aujourd’hui.

— Allons là-bas, ça a l’air plus calme, dis-je à la Fouinette.

Je sais pas ce que je cherche, en vrai. Juste à marcher. Longtemps. Aussi longtemps que je peux marcher aujourd’hui pour faire passer le temps jusqu’à retourner voir si l’état de Split s’améliore enfin. Le reste… ça n’a pas d’importance, aujourd’hui.

Plutôt mourir ? Soit.
J’ai repéré le terrier à l’odeur, tandis que j’étais perchée sur l’épaule de Kata. L’humaine a fait une pause. J’appelle ça une pause cerveau : elle a juste plongé son regard vers les cieux, l’air pensive comme jamais, comme si la réponse à la vie et à tout ce qui existe dans l’univers allait lui tomber dessus ainsi. L’occasion idéale de m’éloigner un peu pour jeter un œil à ce terrier.

Je le savais. Ça empestait la faiblesse. Regarde-toi. Pitoyable que tu es. À mon arrivée, tu t’éloignes encore. Pire encore, tu essayes de cacher ta blessure. Tu m’offres ton ventre si fragiles pour protéger ce secrets incachable. Idiot. Incapable. Pire encore qu’une Fouinette entière. J’attrape cette vermine de mes griffes plantées dans son torse, le tire à moi malgré ses couinements mêlés de douleur, de peur et de honte. Ainsi, je l’arrache à son terrier, révélant la supercherie aux yeux de tous. Même Kata semble surprise de voir une Fouinette sans queue. Même elle se désintéresse de l’inutile, le jugeant au point d’être un effort de chasse perdu. Ce qui intéresse les chasseurs, c’est la queue des Fouinette pour en faire des écharpes. C'est même surement pour ça qu'il a survécu jusqu'ici.

Alors, mon gros, on se débat ? Aurais-tu peur de mourir finalement ? Ou as-tu simplement peur de le faire en plein jour, sous le regard du monde entier. De ma main libre, j’assène une déchirure sanglante à la créature avant de la relâcher étalée sur le sol. Voilà, là, tu vas crever. Et tu n’auras probablement pas la force de retourner dans ton terrier.
Y’a pas de raison que tu échappes à l’humiliation, mon beau. Tu es faible. Meurs en faible à la vue du tous. Si tu veux qu’il en soit autrement, t’as qu’à survivre. Y’a pas d’autre option.

Je me détourne du Pokémon gravement blessé, l’abandonnant là pour retourner sur Kata qui reprend sa route sans se préoccuper de mes griffes encore rouges.

Fouifi revient sur mon épaule, me tirant de mes contemplations du ciel et de ma lassitude. Y’a rien à faire, je n’arrive pas à penser à autre chose. La journée d’hier fut bien trop dure à encaisser. Je ne peux qu’errer sans but en attendant que ça passe, en espérant que cela passe un jour. Ce n’est pas si terrible, après-tout : cela arrive d’avoir des Pokémon blessés en chassant. Ce n’est pas ça qui me chagrine tant, mais un mélange entre ma réaction et l’existence même de cette créature agressive.

L’interpellation d’un Machoc vraiment pressé me tire de mes pensées. Oulà, il arrive à toute vitesse avec son gros chargement ! Déjà, Fouifi montre les crocs, prête à défoncer ce chaufard s’il ose ne serait-ce que s’approcher de moi. J’attrape la Fouinette de mes deux mains :

— Non, Fouifi ! Le Pokémon il travaille, faut pas le déranger.

Je préfère m’écarte de sa route, et me prendre au passage quelques griffures de Fouifi qui se libère de mon étreinte pour retrouver pattes à terre. Elle me dévisage d’un regard noir pour me rappeler qu’elle ne supporte pas qu’on l’empêtre dans ses actions.

— Mais tu l’aurais attaqué, réprimandai-je la fouine sans grande conviction.

Son regard ne change pas. Bien sûr qu’elle l’aurait fait, puisqu’il le méritait ! Je secoue la tête : ce n’est pas aujourd’hui que j’arriverai à la convaincre que tabasser la moindre menace n’est pas une solution. Je passe une main sur mes nouvelle griffures, grimace un peu, puis m’installe dans un coin pour sortir une gourde et nettoyer tout ça. Fouifi ne remonte pas, préférant se dresser sur sa queue à la verticale pour surveiller les alentours, des fois qu’un autre chauffard débarquerait.