Saison Un

: Obscure Prophétie

Flatter le flanc, observer les réactions. Je suis sur le qui-vive. Tenter d'apprivoiser la peur démesurée qui me broie la gorge et me plombe le torse n'est pas chose aisée. Je caresse aussi tranquille que possible un Gympie qui semble toujours aussi indifférent à ma personne. Il n'a pas l'air dérangé, pas le moins du monde. Autant dire qu'il se fout de savoir si je le brosse dans le sens du poil ou si je tente de l'amadouer d'une quelconque façon. Il n'a pas spécialement l'air de m'avoir à la botte, mais il semble sincèrement ne pas être perturbé par ma présence. Lui, contrairement à moi, ne semble pas être étouffé par quelque culpabilité que ce soit. Il a l'air tout à fait à l'aise à mes côtés. Je dois bien avouer que je l'envie et que ça me pince un brin le cœur. Certes, c'est un Pokémon, un être pensant qui n'a pas du tout la même conception des choses que moi... Mais ça ne l'empêche en rien d'être un trou du cul et je dois avouer que je commence soupçonner qu'il en soit un. Il n'a jamais eu la moindre amabilité à mon égard ou pour une autre créature.

Certes, je me suis servi de lui comme bélier pour désarçonner Roger, le fermier maltraitant de Kedal, mais il n'a pas l'air de m'en vouloir plus que ça... Du moins en apparence ? Pour sûr, s'il savait ce qu'il faisait, il me haïrait de n'avoir pas osé mettre fin à ses jours. C'est que bien idéaux aillent dans une direction, ma morale, elle est plus facilement influençable. Qu'est-ce qui m'a empêcher d'exécuter M. Pator ? La présence d'Adèle ? Le fait de commettre un meurtre ? La peur, le dégoût, l'effroi ? N'est-ce pas simplement que je ne souhaitais pas le moins du monde devenir un meurtrier ? Bien sûr que l'idée ne me ravit pas d'en arriver à une telle barbarie, mais je ne pense pas qu'il s'agisse de ça. Je suis certes frêle, mais sur le plan de l'idée, je pense être en accord avec le fait d'abattre quelqu'un pour mes idées. C'est une pensée bien radicale, mais je ne vois pas en quoi suivre son instinct, qui lui me dictait clairement de supprimer cet homme, me mentirait. Si je ressens qu'il doit mourir, qu'il est allé trop loin dans la stupidité, ne faut-il pas qu'il meure ?

Je me fais peur à moi-même, je lève ma main de sur le dos du Ponyta, il s'ébroue, mécontent que les caresses prennent si brutalement fin. Je me saisis le visage à deux mains. Qu'est-ce que je suis en train de me raconter ? Comment pourrais-je vouloir voir mourir quelqu'un ? De la même manière que les Pokémons ont besoin de temps et d'explications, il en va pour les Hommes. Je ne devrais pas m'attendre à bouleverser leurs quotidiens d'un coup d'un seul. Je pense que c'était là le message que voulait faire passer Adèle. Faire preuve d'honneur, pour quoi faire ? À quoi bon vouloir raisonner avec qui n'a pas d'honneur lorsque l'on peut simplement faire tomber dans un piège grossier plus stupide que soit ? Il y a bien moins de mal de fait dans ce cas. Est-ce vraiment là ce que je dois en retenir ? Je l'ignore. Mais tandis que je pénètre pour une énième fois dans la Forêt Calcinée, je sais que je veux être fort. Je dois me constituer une équipe vaillante et prête à agir.

Décidément, voilà Otto de nouveau face à un Fermite. Rien de très original. Azobé avait l'air de mettre mal à l'aise Adèle, si elle avait dû vivre une expérience désagréable avec un ou plusieurs spécimens de cette espèce, le grand brûlé quant à lui n'avait jamais rien vécut de tel. Azobé avait été un amour, volontaire, compréhensif, un poil benet, mais au bon cœur. Rien qui ne justifie en somme une appréhension pareille à celle qu'Adèle affichait. Cela donne tout de même à réfléchir, qui a rencontré la déviance et qui a rencontré la norme ? Otto est-il celui qui serait surpris de se rendre compte de l'attitude territoriale et sans pitié que l'on peut attribuer aux Fermites ? Cela paraît au Ranger hautement probable. Ainsi, la méfiance est de mise, il rappelle à lui son Ponyta, immédiatement. Non pas qu'il craigne pour lui le moindre danger, bien plutôt pour se laisser dérouler une interaction sans nuisance. Otto lance Azobé dans la mêlée, sans rien en attendre de plus, il sont approximativement du même niveau, viennent du même endroit, qu'est-ce qui fait qu'il devrait craindre l'un et aimer l'autre ?

Le Fermite sauvage semble profondément perturbé par cet effet miroir assez déroutant, où est-ce que ces inconnus veulent en venir, à quoi bon perdre l'avantage de type si un combat devait s'engager ? C'est précisément-là que voulait l'emmener Otto, il ne souhaite pas engager le combat. Azobé, quant à lui, à l'air assez dubitatif et ennuyé de retrouver l'un de ses congénères, il n'a que faire de ce lieu, il n'a que faire de feu étaient les siens. Il fait donc demi-tour face à cette immense déception et vient réclamer une caresse sur le dessus du crâne à son compagnon. Quitte à sortir de sa pokéball pour aucune raison, autant en retirer un poil de tendresse, la réflexion se tient... Lui donnant ce que son partenaire souhaite, Otto surveille bien le pokémon sauvage qui ne semble avoir ressentit aucune animosité de la part d'Azobé. Il décide donc de poursuivre sa route vers Bivouac, aucune raison de s'attarder ici plus longtemps, cet endroit aura déjà donné à son équipe l'élément dont il avait besoin.


C'est ailleurs qu'il lui faudra compléter son équipe, peut-être en sélectionnant des individus, plus que volontaires, compétents à agir sur des situations précises et d'urgences.