Humain. Spectre. Le pire ? Entre les deux. Se sentir humain et avoir une apparence et des pouvoirs de spectres. Etre bloquée dans le passé, mais se rendre à l’évidence qu’on n’a pas d’avenir. Ses filles ont bien grandi. Elles n’ont quasiment plus besoin d’elle. Elles ont même quelqu’un… Alors qu’elle n’a plus personne.
Ce n’est pas la grande forme pour notre pauvre Magirêve qui a une prise de conscience. Où est sa place ? Dans une luxeball ? C’est trop cruel. Elle voudrait revivre une existence. Une existence mortelle. Sans risque de mourir, est-ce que la vie valait vraiment le coup ? Toute seule, est-ce que c’était juste possible.
Voilà une âme bien en peine…
La Magirêve se retourne et menace instinctivement… avant de se rendre compte que ce jeune homme à l’allure élégante n’était pas ce qu’il prétendait être. Il était possédé par un spectre puissant qui avait aussi un certain charisme, il fallait l'admettre. Puis… Elle lui était familière… non ? Il y avait quelque chose d’agréable chez lui.
Elle essaye. Au pire, elle ne ferait que se tromper, ce n’est pas grave.
Magi… Magirêve ?
Content de te revoir aussi, ma chérie.
Phila retient sa respiration et se jette presque dans les bras de cet inconnu à l’âme familière. Elle n’y croyait pas, elle s’était résignée ! Il était là. Sauvage. Son mari décédé.
Pour quelqu’un qui étudiait les spectres, tu dois être comblée.
Magi… Magirêve ?
Oh… Cet hôte est dans le coma et je sens qu’il ne veut pas se réveiller. C’est une victime de l’apocalypse et il préfère se perdre dans ses rêves.
Ma nouvelle dresseuse s’est arrangée pour que je le garde, comprenant mes crises existentielles.
C’est elle aussi qui m’a permise de te retrouver.
Phila regarde autour. Où était sa dresseuse ? Il fallait absolument qu’elle la remercie ! Mais… Personne à l’horizon. Elle fronce les sourcils. Bizarre autant qu’étrange.
Ah ah, elle est très discrète, presque personne la connaît.
Au contraire de notre fille aînée. Je savais qu’elle avait du talent mais à ce point ! Je crois qu’il n’y a pas une boutique où il n’y a au moins un de ses livres.
Magiiirêve !
J’ai hâte de voir ce que va faire notre cadette.
Raconte-moi, comment vont nos deux filles ?
Comme dans un temps oublié, Phila se promène avec son chérie, la manche dans sa main humaine et raconte ce qui s’est passé. Comment elle a retrouvé Théa, comment elle a réussi à surpasser sa peur des spectres, leurs différentes aventures, l'apocalypse et les récents événements.
Ah, c’est de ma faute si elles sont romantiques toutes les deux.
Magihihihi !
D’ailleurs, mon coeur, tu imagines bien que je ne me suis pas présentée après toutes ses années sans un petit cadeau.
Magi ?! Magirêve magi…
Oh ma chérie, ta simple compagnie me remplit de joie, moi qui a vécu ma non-vie avec beaucoup de rancœur, tu n’imagines pas mon soulagement quand je suis près de toi.
Magirêve ? Magi ?
Non mon amour, je ne me souviens pas… On était dans la voiture et puis...Je ne me souviens que d’une immense sensation de trahisons. J’étais tellement en colère… Et je me suis réveillée au cimetière, errant avec une rage infinie avant que quelqu'un ne me capture.
Phila comprends. Elle aussi se souvient de la voiture, mais il doit manquer… Cinq minutes avant leur mort. Cette peur indescriptible qu’elle avait ressentie et qu’elle ressent quelquefois encore aujourd’hui. Probablement la peur de mourir mais, est-ce qu’ils sont vraiment morts dans un accident de voiture ?
Viens avec moi.
Sauvage l’emmène. Cela lui rappelle tellement d'aventures ensemble, quand ils visitaient le manoir et qu’il se prétendait guide alors qu’il n’y était jamais allée. Sa demande en mariage aussi. Que de souvenir.
Phila avait l’impression de revivre. Elle le suit sans vraiment remarquer où il l’emmène et ils arrivent dans une petite cabane perdue au milieu de nulle part.
Entre.
Sur une table blanche, il y avait le corps d’une demoiselle qui dormait profondément. Très. Profondément. La Magirêve comprends vite où son mari voulait en venir.
Magiii ?
Vas-y. Ma dresseuse l’a choisi spécialement pour toi et je pense qu’elle a beaucoup de goût également. Elle m’a expliqué que cette jeune femme avait tout perdu et qu’elle se réfugie quelque part, au-delà du monde physique.
...
La Magirêve s’approche. Alors ? Etait-ce ça, la finalité ? Posséder le corps d’une autre pour vivre de nouveau sa vie ? Est-ce que, techniquement, c’était du vol quand l’esprit de la personne est définitivement perdue ?
C’était bien ou mal ? Pour une fois, elle se pose la question. Elle regarde Sauvage… Puis décide de franchir le pas. Le jeu en valait la chandelle.
C’est encore plus facile qu’avec Théa, mais la différence, c’est qu’il n’y avait pas de cohabitation à avoir. Péniblement, elle ouvre les yeux et tente de se relever, mais ce corps manque un peu de muscles. Cela fait longtemps qu’il n’a pas bougé.
Doucement… Doucement… Au début, ce n’est pas toujours évident.
Oh… Oh...C’est… C’est incroyable !
Les sensations. Elles sont revenues. Quand il lui touche sa peau. Son coeur qui commence à battre un peu plus fort. Elle affiche un grand sourire. Même si ce n’est pas l’apparence de celui qu’elle avait épousé, c’est bien son esprit et c’était mais tellement au-dessus de tout.
Em… Embrasse-moi !
Une étreinte. Une fièvre. Une éternité pour nos deux amoureux retrouvés. Ils se blottissent l’un contre l’autre, parfois, ils se griffent la peau mais pendant quelques minutes, rien n’aurait pu les séparer. Pas même Hélix lui-même.
Tu… Tu fais toujours ça hein ?
Hum ?
Arrivée au moment où j’en ai le plus besoin !
Tout pour l’amour de ma vie.
Phila rit et pose sa tête sur son épaule. Bon, il faudrait qu’elle s’entraîne avec ce corps, mais ils avaient toute la nuit devant eux. Ils avaient tellement de choses à dire, à faire et après ? Oh, on verra.
Est-ce que… Tu crois que ta dresseuse serait d’accord pour que tu ailles voir nos filles ?
Tu leur manques tu sais...
Hum… Je peux aller lui demander.
Tu lui dis bien que je la remercie chaleureusement. Tout ceci… Toi… Ce corps d'emprunt…
C’est trop, je suis gênée !
Elle est célibataire ?
Techniquement oui, mais son coeur est pris. C’est une grande romantique elle aussi.
Oh mince, elle aurait fait une bien meilleure partie pour Théa.
Tant pis, je vais aller m’entraîner avec ce corps.
Ne me fais pas trop attendre
Etre loin de toi est une torture et je ne suis pas de ceux qui aime le plaisir dans la douleur.
Bisou et les deux spectres se séparent, pour très peu de temps
***Alors ? Tu es content ?
Infiniment heureux et ma femme tient à te remercier. Je ne l’ai pas vu aussi reconnaissante depuis la fois où elle a accouché notre cadette.
Tout le plaisir est pour moi.
Elle souhaitait savoir si… si je pouvais aller voir mes filles.
Si tu es d’accord bien sûr.
Je réunis mari et femme, ce n’est pas pour séparer père et filles. Bien sûr que tu peux, mais je compte sur ton éternel discrétion.
Comme d’habitude.
Allez, retourne vite voir ta dulcinée.
... Combien de temps j’ai ?
Hum ?
Allons, tu n’es pas Cendrillon. Si j’ai besoin de toi, je te le ferais savoir.
Mais promis, tu ne disparaîtras pas sans prévenir. Tu auras toujours le temps de dire au revoir et non adieu.
Bien madame.