Saison Un

: Obscure Prophétie

« Que trépasse si je faiblis ! » tel avait été son cri sur le champs de bataille tout comme sa devise devant la populace au temps jadis, lorsqu'il était encore ce qu'il pensait être une figure de droiture et de justice pour les mistralois. Ses faits et gestes ne le représentaient point lui mais son Seigneur et la Sainte Église : lui n'était que l'instrument de leur Ordre. Alors maintenant que la laisse du chien avait été brisé, que pouvait-il faire si son maître refusait de le récupérer ? Errer dans les rues tel le cabochard qu'il était ? Devenir un chien errant ? Une bête féroce ? Ses questionnements insinuaient en lui ce trouble qui le mettait à mal et plus il doutait, plus il faiblissait.

Le chien de guerre allait-il trépasser ainsi ?

Il le saurait bien assez tôt car malgré les nombreuses mis en garde de ses compagnons de voyage, il avait fini par retourner au château. Peut-être retrouverait-il grâce aux chiens de son maître et retournerait-il à ses pieds pour y attendre ses ordres ? Assit à cotés pour monter la garde ? Ou alors envoyer derrière les barreaux d'une cage tant il était dangereux ?

Ombre parmi les ombrages de l'édifice, il s'avançait sous les regards incrédules et méfiants des âmes qu'il croisait. Pouvait-on les blâmer alors qu'ils voyaient passé un individu vêtu de l'ancienne armure des gardes royaux ? Bien sûr que non. La question était de savoir pourquoi personne n'avait encore demandé à ce qu'il ne l'enlève. À quel point, de nos jours, pouvait-on parjurer les symboles de toute une nation ?

Comme on le lui avait si bien répéter, pour tout le monde il n'était plus rien. Rien si ce n'est qu'un vieux roquet perdu qui parcourait les routes de Mistral. Alors lorsqu'un attroupement de soldats l'encercla alors qu'il demandait audience auprès du Roi, il n'en fut nullement choqué. Ou alors peut-être seulement du temps qu'ils avaient mis pour arriver à lui ? Une telle preuve de relâchement devrait être sévèrement puni et ce n'étaient pas les œillades courroucés de l'Escouade qui allaient faire penser le contraire. À quand les gardes à moitié défroqués durant l'exercice de leurs fonctions ? Son regard perçant détailla un à un chacun de ses belligérants mais il fini par répondre d'une voix grave et monotone.

« - Je ne cherche point querelle, je requiers juste audience auprès de Sa Majesté au sujet d'une ancienne quête dévolue sous le règne de l'un de ses prédécesseurs. »

Nulle parjure ne serait prononcée en ces lieux nobles, cela serait le plus odieux des outrages qu'il pouvait faire et cela lui était atroce rien qu'à y penser. Les mains levées en signe de reddition il se laissa donc conduire par ses guides, délégant à ces hommes de lourd fardeau que de porter la guisarme du héro déchu. Après toutes ces années d'abnégations et de sacrifices, il était désormais traité comme une bête. On l'avait oublié. Bafoué même. Lui qui était jadis une image de justice était finalement traîné dans la boue comme un vulgaire mécréant et cette douleur, tout comme cette colère, le plongeait dans un mutisme afin d'éviter toute escarmouche.

De toute façon, ce n'était point à ces subalternes qu'il désirait parler mais au roi et comme le Seigneur devait parler en premier et autoriser la parole, il attendrait sagement qu'il l'y intime. Le molosse attendrait toujours le moindre ordre de son maître.

Après le contingent de soldats le guidant, se furent désormais aux gardes royaux de faire rempart entre la couronne de Mistral et l'ancien commandant. Amère ironie que cette situation : lui qui naguère pointait son arme pour protéger son maître étaient désormais la cible de ses consœurs. Ainsi donc voilà la nouvelle garde royale et bien que dardé par ces regards assassins, sa détermination et sa dévotion en demeuraient intactes. On pourrait le traîner dans la boue autant qu'il plaira, jamais il ne fléchirait.

Ainsi avait-il été éduqué.

C'est pourquoi malgré la position dans laquelle il était, son regard était aussi tranchant que le fer de sa guisarme. Loin d'être impressionné par ses enfants à qui on avait donné des lances, il restait impassible. D'autant plus qu'il venait de se passer quelque chose qui allégea son cœur : parmi toute cette hostilité, deux âmes lui portèrent un respect qu'il cru ne plus jamais revoir de sitôt. À son tour, il rendit la marque autant que son corps entravé le lui permettait. Leur présence était une lueur d'espoir dans ce qu'il avait pu entrapercevoir en ces lieux où l'oisiveté était désormais reine.

Eh bien, fallait-il autant d'homme pour venir à bout d'un vieux cabot ? Il était même en piteux état entre son tabard taché et déchiré et son armure frappée par les nombreux combats qui contrastait avec celles rutilantes des nouveaux protecteurs royaux. Avaient-ils seulement connu la moindre bataille ? Perdu des frères au combat ?

Examinant l'assemblée, le vieux combattant fut interpellé par la présence de l'étrange jeune page qui tentait bien mal de cacher et sa présence et ses armes, malgré ces détails le barbu se doutait que plus des gardes c'était surtout de ce damoiseau qu'un régicide devait se méfier. Tout aussi balafré que lui, le colosse ne pu relever l'ironie de la brûlure quand il savait le destin funeste de la lignée royale. L'enfant ne portait nulle armure mais le combattant sentait qu'il savait se battre, des vêtements discrets pour passer inaperçus mais surtout pour avoir une meilleure marge dans ses mouvements contrairement aux lourdes armures d'apparat. Il était là pour contrarié un possible attentat, à n'en pas douter.

Le seigneur actuel de Mistral prit enfin la parole et ses mots interloquèrent le quadragénaire. Comment avaient-ils eu vent de son identité. Il ne s'était pourtant présenté qu'en tant qu'ermite quémandant audience auprès de Sa Majesté au sujet d'une ancienne mission qui lui avait été dévolue. Comment se faisait-il qu'ils en sachent autant sur sa personne. Autant et si peu d'après les mots du chambellan qui l'accusait ni plus ni moins de haute trahison envers la couronne et la sanction sommée était plus que justifiée, du moins si les accusations avaient été avérées.

Son regard ambré brûlait désormais d'une ardeur ravivée par les allégations mensongères tenues à son encontre. Oui, il se souvenait désormais. Il en était sûr alors qu'on le maintint au sol afin d’être exécuté. À genou, comme jadis. Lorsqu'il avait demandé la bénédiction auprès de son Roi pour entamer sa quête visant à le délivrer des ordres pour demander la main de celle qu'il aimait et que ce dernier, dans sa grande mansuétude, lui avait accordé.  Oui, contrairement aux cancannages, il n'avait jamais abandonné son poste, pas plus qu'il avait désobéit à son Souverain.

Le froid de l'acier s'appuyait dangereusement contre sa gorge, encore une légère pression et la chair serait déchirée facilement. Le chien allait donc être abattu. Peut-être que la mort était une punition plus magnanime que l'exil en fin de compte. Il espérait juste qu'une personne digne prendrait soin de son Escouade à sa place. D'un raclement de gorge, rapide mise en garde, il lui intima de ne point bouger.

Semblant attendre son heure, le molosse ne bougea pas malgré le danger qui pesait sur sa vie. La main qui guidait sa vie exigeait son sang sans lui laisser la possibilité de s'expliquer. Il ferma alors ses paupières et repensa, amer, à ses amitiés récentes tout en s'excusant de ne plus avoir d'occasion de les revoir.

Toutefois il vivrait encore.

Telle était ce qu'avait décidé le monarque. Ses yeux s'ouvrirent sous l'incompréhension d'une telle clémence. La main du juge avait décidé d'interrompre la mise à mort et le garde avait de nouveau toute attention. Ébaubit, Adalbert remarqua qu'il n'était pas le seul à être ébranlé par un tel revirement de décision : le petite page aussi. Le roi s'adressa finalement à lui et, sur un ton solennel, l'ancien garde fit part de tout ce qu'il savait.

« - Mes honneurs votre majesté, ma mémoire me fait malencontreusement défaut quand aux circonstances précises de ma disparition. Peut-être est-ce là la divine providence du Saint Helix, loué soit son nom, qui a jeté un sort sur mon humble personne afin que je puisse me réveiller alors que mon Seigneur a plus que besoin de renforts. »

Le chevalier marqua une légère pause afin que son auditoire puisse s'habituer à son langage tout droit sorti d'un temps à jamais révolu.

« - Je venais d'acquérir la relique à l'origine de ma quête accordée par votre illustre prédécesseur alors qu'un voile de lumière rose me happa et m'enferma dans un cristal de glace. Si de prime abord, je cru que je n'avais été enfermé que quelques jours, on m'informa de mon erreur alors que j'apportais aide et soutien à la populace en proie aux cicatrices des méfaits des cavaliers. »  

Il fallait peser ses paroles, il n'avait plus affaire avec quelconque roturier ou petite gens. Non, devant son humble personne se dressait la Couronne de Mistral. L'autorité Suprême dont les paroles avaient fini par être entravée par celle de ce que le bas peuple appelait « mère »... ou peut-être était-ce « maire » ? Il ne se souvenait plus clairement du nom donné à cette usurpatrice et cela ne lui importait que peu.

« - Aidé par des âmes charitables, je pus trouver le gîte ? Toutefois on m'interdit de dévoiler ma véritable identité. Je comprends maintenant que ce fut là des efforts inutiles. Ces bienfaiteurs m'annoncèrent la réapparition des cavaliers à travers la possession d'enfants mais aussi les agissements du sombre ordre qu'il me tarde de purifier Ad Vitam Æternam. Qu'importe l'époque, ma loyauté est et restera à la Couronne et à Mistral. »

Toujours agenouillé sur le sol et retenu par les lances des soldats, l'ancien garde royal écoutait les informations que l'altier personnage daignait lui accorder sans bouger. Pas même lorsque l'étreinte des armes se fit moindre. Tenir l'arrêt en attendant tout nouvel ordre. D'un silence religieux, il tentait tant bien que mal d'assimiler le flot de renseignements dont on lui faisait part.

Pour ce qui était du Grand Brasier et du drame qui en avait découlé, il était déjà au fait de cela même si la façon dont il l'avait apprit avait été beaucoup plus abrupte. Dame Técla, ou Técla comme elle préférait être nommée, n'avait pas été de main morte ce jour-là. Toutefois il semblerait qu'elle ait omit de lui parler des conséquences engendrées sur les relations entre les différentes castes sociales.

Ainsi donc le déclin de ses privilèges avait tout bonnement découlé de cette Tragédie et bien que la volonté de se rapprocher de son peuple fut louable, il n'en restait pas moins que pour le héros cela relevait d'une trop grande magnanimité. Ou était-ce lui qui était trop sévère ? Après tout, il n'avait pu avoir la possibilité de s'habituer à ces changements qui s'étaient opéré sur le temps. Il comprit un peu plus la raison à cette mascarade qu'était le maire. Peut-être devrait-il avoir une audience avec elle aussi si la possibilité lui était offerte. Au moins la royauté gardait tout de même son pouvoir décisionnel au final.

Vint alors un silence brisé ça et là pour le bruit des pièces d'armure cliquetant sous les infimes mouvements de l'assemblée. Le quadragénaire en profita pour clore ses paupières et ressasser ce qui lui avait été dévoilé. Plus qu'un livre, c'était de la bouche de l'actuel monarque que les informations lui étaient offertes. Un immense privilège et un grand honneur auxquels les gardes et le chambellan assistaient là.

Toutefois ils découvraient bien vite qu'ils n'étaient pas au bout de leurs surprises et après cette pause, un sujet dont l'importance était capitale était posée sur la table. L'Ordre Noir. Encore et toujours cette infâme organisation ! Ses traits se tirèrent et les braises de ses yeux ambrés brillèrent. Il les pourchasseraient jusqu'au bout du monde, dut-il y laisser sa vie. Ces impies parjurant devraient répondre de leurs méfaits par le feu purificateur. Aucune pitié ne leur serait accordé, même si ôter la vie ne lui procurait aucune satisfaction, il ne pouvait se résoudre à laisser ces suppôts du Dôme répandre le poison de l'obscurité ! À quel point ce démon adorait nager dans le sang des victimes ? Combien encore d'innocents devraient périr avant que sa soif ne soit atténuée ?  

Ses poings se serrèrent sous la colère mais il se calma aussitôt quand une brise vint caresser sa joue et lui intimer avec bienveillance de se calmer. Était-ce le souvenir Dame Adeline qui l'apaisait encore ? Même à travers les âges et la mort, cette sainte femme veillait sur le limier devenu sauvage. Ainsi, pas de vague. Surtout pas en cet instant solennel où le bruit de draperie le fit rouvrir son regard désormais surpris.

Le chien était pardonné. Sa longue errance à travers les routes trouvait enfin sa fin et s'il fallait boire l'eau divine d'un calice pour prouver la pureté de son cœur, alors ainsi soit-il ! Les rituels ecclésiastiques ne lui étant aucunement étrangers, nulle crainte ne se lisait sur son visage, pas même la moindre hésitation et alors qu'il se relevait pour cueillir entre ses mains la coupe finement décorée, il cru revoir dans le reflet l'image du jeune homme qu'il fut jadis lors de ses premiers vœux de fidélité au Seigneur. Tant d'années avaient passé. Printemps. Étés. Automnes. Hivers. Le monde et la ronde des saisons avaient continué de tourner alors qu'il était pendu dans les limbes du temps. Tant d'années passées et pourtant son regard restait toujours aussi déterminé et dévoué.

En cet instant solennel, le héros déchu leva sa coupe aux cieux, cherchant par ce geste la bénédiction du Saint Helix alors que son Escouade commença à s'agiter devant l'allégresse qui l'envahissait en même temps que le vieux guerrier prononçait de nouveau ces mots qui retrouvaient de nouveau un sens. Sa devine.

« - Que trépasse si je faiblis ! »

La coupe fut portée à ses lèvres et il y but tout le béni breuvage. Qu'importe s'il y avait du poison à l'intérieur, sa foi envers le coquillage divin était et demeurerait sans faille. Mais plus important, il allait redorer le blason de sa famille, ôter les calomnies que son nom avait subit durant toutes ces années et se battre de nouveau pour ses idéaux. Pour son Roi.

« - Pour la Couronne ! Pour Mistral ! Je renouvelle mes vœux ! »

Sous les paroles du déchu, les membres de l'Hexadron levèrent leur tête solennellement, comme pour apporter leur soutien à leur chef. Le regard tourné vers les fenêtres de l'édifice, il regardait par delà les nuages et le ciel. Ô douce et bienveillante Dame Adeline, désormais aux cotés du Seigneur Helix, était-elle heureuse de le voir de nouveau avec ce feu sacré brûler dans ses prunelles fidèles ? Le savait-elle de nouveau à sa place et non dans la rue ?

Le chien avait retrouvé un foyer à protéger.

Délicatement et avec prudence, il reposa le calice de là où il l'avait extirpé et se remit à genou. Tant que le roi n'avait pas prononcé sa sentence définitive, il ne bougerait ni ne prononcerait plus mot. Accepté de nouveau, il allait enfin pouvoir aider ses amis dans leur traque de l'Ordre Noir.

Tout ne faisait que commencer.

La cérémonie terminée, le vieux guerrier espérait enfin pouvoir se reposer. Toutes ces émotions n'étaient plus de son âge. Il avait beau avoir connu de nombreuses batailles, tenu tête à un bon nombres de situations toutes plus périlleuses les unes que les autres et pourtant devoir être le centre de l'attention de toute une assemblée était ce qui le mettait le plus à mal.

Toutefois le roi n'en avait pas fini avec lui et alors que l'homme aux cheveux grisonnants goûtait à la possibilité de pouvoir respirer sans risquer une lance trop proche de la gorge, il lui annonça une nouvelle épreuve. D'abord ébaubit face à la nouvelle exigence, le combattant se montra finalement inquiet quand aux probables conséquences d'une joute en plein palais. De son regard ambré, il demanda l'approbation aux deux protecteurs royaux avant d'accepter, à contre cœur, la nouvelle épreuve.

Tenter d'enlever l'arme du chambellan, telle était sa nouvelle mission. Ainsi donc il ne s'était point fourvoyé en jaugeant le jeune homme un peu plus tôt. Le page était bien l'un des êtres dont il fallait le plus se méfier, bien plus que la garde royale ou les simples soldats. Peut-être avait-il été en repos forcé un peu trop longtemps, ses analyses ne s'en étaient tout du moins pas émoussées contrairement à son corps qui lui avait prouvé à maintes reprises depuis son réveil qu'il n'était plus ce qu'il avait été jadis.

Silencieux, il dardait le manège du jeune homme en réprimant tant bien que mal un soupir. Pourquoi il telle mise en scène ? Tenter de faire baisser sa garde ? On ne s'auto-dénigrait pas ainsi gratuitement. Ou alors il savait qu'il avait toutes ses chances face au vieux roquet qu'il était. Il fallait dire qu'en étant suivi depuis les ombres, les services de sa majesté avaient eu tout le loisir de voir à quel point l'enveloppe charnel de l'ancien garde pouvait lui faire défaut. Il n'avait ni l'endurance ni la dextérité des temps jadis contrairement à ce damoiseau vêtu pour des combats fluides et rapides.

Guisarme contre cette bien étrange épée à la lame fine mais à la vocation tout aussi mortelle. Elle n'avait peut-être pas son allonge mais elle était plus légère, plus fluide à manier ce qui donnait un avantage certain à son opposant s'il arrivait à passer le périmètre de sécurité qu'offrait sa fidèle arme. Sur les champs de bataille, elle avait prouvé sa valeur et protégeait son Royal Maître de part son allonge. Mais ici et avec autant de vies autour d'eux, il devait se refréner et ne pas se laisser emporter par sa rage sanguinaire. Ô oui, aussi loyal une bête fut-elle, en goûtant au sang elle en devenait dépendante.

Les deux belligérants face à face, le plus jeune dévoilait enfin son vrai visage. Cela l'amusait-il se s'être donné ainsi en spectacle ? De le ridiculiser en le prenant plus bête qu'il ne l'était. Un soupir las s'échappa d'entre les lèvres de l'homme fatigué tandis qu'il reprenait entre ses mains sa fidèle alliée de fer et de bois. Il l'avait déjà maniée une première fois pour dévoiler son identité et justifier son titre.

« - Ce serait plutôt à moi de te demander d'être clément envers ma personne, jeune homme. »

Tout comme le chambellan, le chevalier se mit en position défensive. Une tension palpable gagnait désormais le plus grand tandis que son Escouade était devenue immobile d'inquiétude. Il devait réfléchir à une stratégie pour pouvoir amoindrir la possibilité à son adversaire de se mouvoir. Cela ne serait pas chose aisée car l'autre était plus léger et il ne portait nulle armure pour l'entraver. L'une autre de ses options serait de feinter différentes attaques jusqu'à asséner le coup de grâce. Il espérait juste que son dos ne le lâche pas comme il l'avait fait devant la milicienne...

Une seconde. Peut-être une minute. Qui pouvait réellement compter le temps lorsqu'un événement était à venir ? Pour certains ce ne serait qu'un battement d'aile, la chute d'un grain de sable alors que pour d'autre cela pourrait relever de l'éternité. Qui était-il pour juger du temps alors qu'il en avait été son prisonnier pendant si longtemps. Là où il aurait dû y avoir trois générations, il n'y en avait eu qu'une. La flamme de sa famille s'était éteinte, dans la honte, de par sa faute et il devrait désormais porter ce lourd fardeau.

Coupable. Il avait été jugé coupable même par le roi. Ainsi c'était ce qu'avait retenu de lui l'Histoire ? Un couard et un fugitif ? Alors cette promesses de rédemption était comme le dernier salut avant que l'on achève la bête mais pour cela il lui faudrait livrer de nouveau bataille. Ce page avait-il aussi peu d'estime de ce vieux guerrier qu'il était pour lui faire l'affront de se paraître plus néophyte qu'il ne l'était ? Un combattant sait en reconnaître un autre d'un coup d’œil et on avait beau le draper sous l'apparence d'un « chambellan », il n'en restait pas moins un guerrier. Il le prouva à peine eut-il pris son arme en main.

Longue et fine lame face à une vieille arme d'hast, le combat s'annonçait difficile pour le guerrier. Cette fois la liesse qui s'était emparée de l'Hexadron disparue. Les petits combattants savaient la situation délicate dans laquelle venait d'être mise leur chef. Ils se tendirent, l'envie d'aller porter assistance au vieux guerrier prit même au plus téméraires mais les plus sages savaient les remettre à leur place. Tout comme le chaos régnait dans la tête chez de meute, elle se propageait à travers toute sa troupe.

Bien que plus petit, le jeune brun était fort agile et vif. Sur un champs de bataille, il aurait été une menace évidente pour la longue lance qu'il maniait. Un adversaire redoutable s'acharnait sur lui avec une telle rage. Au début les estocades étaient gérables, le jeune le testait et plus il recevait de résistances, plus ses assauts devenaient virulents. Combien d'âme avait fini par ployer devant lui ? En un sens, ils avaient tous les deux les mêmes yeux : ceux d'un chien fidèle à son maître. Ils iraient jusqu'au bout. Était-ce une mise à mort qui avait été demandée ? Afin de voir jusqu'où irait la loyauté ?

Le fracas des lames résonnait comme jadis lors des batailles à ses oreilles mais au lieu des complaintes des combattants tombant autour de lui, il n'y avait qu'un silence pesant. Pourtant les images entre passé et présent se juxtaposaient de temps en temps. Il tenta alors de se calmer afin d'éviter à cette soif de sang de ressurgir, lorsqu'un chien avait goûté au sang, il lui était difficile de s'en délivrer et seule la mort était la solution pour la plupart du temps. Pour lui ? L'alcool avait grandement aidé à se calmer mais faisant de lui un loup plutôt qu'un chien. Une bête solitaire qui avait été sauvé de sa solitude par la main bienveillante d'une âme pure. Peu à peu elle avait réussi à dompter la bête, à la calmer et à panser ses blessures. Pourtant jamais la bête ne pourrait la remercier pour tout la bonté qu'elle lui avait donné.

Un nouvel élan, une nouvelle attaque, il fut plus brusque que ce qu'il pensait et lorsqu'il comprit les intentions de son adversaire il était bien trop tard pour arrêter son coup. Il tenta alors de l'arrêter. L'autre était beaucoup trop jeune pour périr ainsi. Mais l'élan avait déjà été donné. Peu lui importait son bras, la vie de son adversaire était bien plus importante. Il se freina de toutes ses forces mais l'impact résonna dans toute la pièce.

Fort heureusement, ce ne fut pas le bruit de la chair qu'il entendit mais celui du métal et lorsque sa vision le ramena à la réalité en face de lui se dressait l'un des Exagides. Le petit page recula sous la violence de l'impact tandis que le vieux guerrier senti une douleur irradier de son bras jusque dans son dos, il en lâcha même sa guisarme. Seul le froncement de ses sourcil et ses mâchoires serrées étaient les marques de ce qu'il ressentait. Pourtant dans son regard on put y lire une profonde reconnaissance en faveur de la créature qui avait agit.

Le roi à son tour approuva ce geste et le vieux combattant posa genou à terre en signe de soumission et de respect pour son adversaire et pour le Pokémon. Il inclina ensuite la tête ne réponse aux remerciements du damoiseau pourtant ce sourire avait un goût amer pour le quadragénaire. Le roi reprit alors la parole et lui annonçait son retour parmi la garde mais de nouveau au bas de l’échelon. Il acceptait la décision sans concession ni même rechigner. Après son manque de contrôle, il se devait de reprendre un entraînement intensif.

« - Je vous remercie, votre seigneurie. Pour votre magnanimité. »

Une nouvelle fois le regard du chevalier déchu croisa celui de la noble créature, autrefois son alliée et il se releva lorsque le jeune homme le convia à le suivre. Docilement le molosse s'exécuta et s'inclina une dernière fois poliment devant le roi actuel pour clore son entrevue. Ceci fait, il préféra détruire le piédestal sur lequel l'autre semblait l'avoir installé.

« - Appelez-moi Soldat Adalbert ou Adalbert, comme il vous plaira. Je ne suis plus Sire depuis si longtemps. »  

Il ramassa sa fidèle arme et la replaça dans son dos puis invita son Escouade à les suivre jusqu'à leurs nouveaux quartiers. De nouveau il allait devoir vivre en communauté et c'était une habitude qu'il avait fini par perdre avec ses anciennes fonctions. Pourvu que ses alliés n'en soient pas affectés. Il suivi son guide à travers les couloirs du château mais il ne put bien longtemps garder le silence.

« - Et vous ? Quel est votre nom, jeune homme ? Votre vie est très importante, il ne faut point l'oublier. Servir son seigneur est une noble tâche mais vous n'y arriverez seulement en restant en vie. Un soldat mort est un bien piètre bouclier si vous voulez mon avis. »

Fit-il, en essayant de détendre l'atmosphère tout en essayant d'inculquer une leçon à son cadet. L'acte bien que courageux était toutefois stratégiquement inadmissible. Toutefois il comprenait son acte pour avoir été éduqué pour. Il semblerait bien que malgré le temps passé, les chiens de garde existaient toujours. À travers ce jeune homme, il se revoyait lui étant jeune. Un vieux roquet arriverait-il à le faire réfléchir sur leur précédent affrontement.