Saison Un

: Obscure Prophétie

À la tournure que prit la réponse du chambellan, Lizbeth se crispa. Pour un peu, elle en aurait eu des visions de son entretien avec son maudit roi. Tout prenait la direction d'une frustration sans nom, celle de repartir sans avoir rien pu apprendre de conséquent, rien pu voir, rien pu faire. Avec toute la diplomatie dont la jeune femme était capable, et malgré sa conscience aigüe du danger que représentait un comportement rétif, elle répondit donc.

- Mais nous, qu'est-ce que nous savons de cette organisation ? Les forces publiques ont été vidées de l'intérieur par les dirigeants précédents, laissé dans l'ombre de la royauté qui n'a, jusqu'alors, jamais daignée partager ce qu'elle pouvait savoir. Il a fallu que le pouvoir manque d'être totalement renversé pour qu'une coopération un peu plus concrète s'opère, et encore. Et maintenant qu'il est temps de travailler main dans la main...

La maire fit une petite pause dans sa diatribe, tant pour ménager un effet que parce qu'elle se rendait compte qu'elle risquait d'aller trop loin. Il fallait trouver un angle d'approche pour revenir de plus belle.

- Vous vous souvenez de comment nous nous sommes rencontrés, il y a quelques mois ? La population était en proie aux quatre cavaliers, nous ne savions pas pourquoi, ni comment pareille catastrophe, pareille absurdité avait pu se produire. Et pourtant il fallait absolument en apprendre plus, connaître pour agir. Quand même le Roi refusait de laisser ce savoir se diffuser à qui en avait le plus besoin, vous m'aviez aidé. Aujourd'hui la situation n'est pas la même, elle est à la fois moins urgente et plus terrible encore. Car tout nous montre que nous pouvons craindre bien pire dans un avenir proche si nous refaisons les mêmes erreurs...

... Et c'est ce qu'ils étaient en train de faire, allait-elle dire, mais un silence semblait plus éloquent encore. Lizbeth était authentiquement inquiète pour la suite, après ce qu'on venait de lui révéler. Si l'anomalie allait bien au delà des simples mesures pour se manifester de façon aussi spectaculaire et néfaste, la nécessité de faire quelque chose lui paraissait d'autant plus évidente, d'autant plus importante à faire valoir.

Elle ne regarda pas ses deux collègues avant de continuer, emportée qu'elle était dans son échange. Les yeux complètement rivés sur le chambellan, toute son attention pesait sur cet homme étrange, et elle ne l'aurait pas lâché si une explosion s'était produite juste à coté d'eux. La frêle blonde se sentait habitée par une volonté qui n'était presque pas la sienne, immense et implacable, celle de tirer cette affaire au clair pour le bien de tous.

- Vous nous parlez de Vigneaux, mais ici, maintenant ? Nous n'avons même pas besoin d'entrer dans l'enceinte même des jardins, si l'interdiction du Roi ne saurait souffrir d'exception malgré l'urgence. Mais avec ce que vous pouvez savoir, vous pensez vraiment que le meilleur pour notre futur, pour le royaume, pour toutes les victimes passées et celles à venir, c'est de nous renvoyer là d'où nous venons sans plus d'explications ? Non, je vous en conjure, pas de votre part...

Un peu confuse par sa propre dureté, Lizbeth enchaîna rapidement vers une ouverture possible.

- Vivia Lowine pourra voir, même à distance, même à travers la brume, Roger Ranium n'a besoin que de quelques échantillons de terre et de plantes, il n'a même pas à les prélever lui-même. Dites-m'en plus sur ces phénomènes, au moins, ou laissez-moi parler à ceux qui les ont subi, ou laissez-nous avoir les rapports sur le sujet.