LA MAISON AU TOIT ROUGE

Le soleil était donc à peine levé lorsque Lotbrok se présenta au centre pokémon, l’estomac un peu noué, la faute à bien des choses. Sa petite errance de la veille (oui, il avait tourné un moment avant de trouver l’auberge destiné à l’accueillir) avait eu pour avantage de lui faire retenir un plan plus ou moins précis de Pignouse, et notamment l’emplacement du bâtiment au toit rouge où avait été accueilli la Caninos, qui avait la veille vécu bien des aventures. Malgré l’heure plutôt matinale, Pignouse n’était pas sans vie. La chaleur donnait aux gens en quête de fraicheur l’envie de se lever tôt et bien des pignousains semblaient s’être donnés rendez-vous au centre pokémon, s’était du moins l’impression qu’avait Lotbrok, largement influencé par sa méconnaissance avérée des agglomérations. Peu habitué aux endroits restreints bondés de monde, le jeune homme dut prendre sur lui pour traverser ce qu’il considérait être une foule (qui n’était en réalité qu’un regroupement de personnes), non sans attirer à son passage quelques regards de gens, surpris de voir un homme accoutré de la sorte. Lorsque le jeune homme atteignit enfin le comptoir du centre, l’une des infirmières sembla le reconnaître, car elle l’interpella.

« — Ah, vous voilà ! » déclara-t-elle, visiblement soulagée de le voir se présenter. Le cœur de Lotbrok se serra un instant « Votre Caninos a repris connaissance au petit matin » assura l’infirmière en le rejoignant « Elle est pleine de vie et très attachante, vous aurez l’occasion de vous en rendre compte par vous-même » ajouta-t-elle, un sourire radieux sur les lèvres.

Peu de temps après, une seconde infirmière arriva, tenant dans ses bras la Caninos qui, effectivement, avait bien meilleure mine. La chienne sembla reconnaitre son sauveur, car sa queue se secoua doucement lorsqu’elle le découvrit, encore emmitouflée dans ses couvertures. Sans attendre, la première infirmière lui tendit la pokéball qu’il lui avait donné la veille, que le jeune homme s’empressa de ranger dans l’une de ses poches avant de prendre contre lui le pokémon, encombrant au demeurant. Comment avait-il fait pour porter cette chose tout ce chemin déjà ? Bonne question.

Lotbrok ne manqua pas de remercier les deux infirmières, avant de laisser sa place largement convoitée. Maintenant que le jour était clairement levé, d’autres dresseurs et autres propriétaires de pokémons étaient arrivés et Lotbrok décida très arbitrairement qu’il était temps pour lui de s’éclipser, et c’est en prenant le chemin de la sortie que ses yeux se posèrent sur deux têtes qu’il reconnut, celles de Théa et Jade. En vérité, Lotbrok reconnut d’avantage Jade que l’écrivaine, qui arborait aujourd’hui une nouvelle coupe et une casquette, comme si … quoi, la jeune femme ne voulait pas être reconnu ou quoi ? Les deux femmes étaient accompagnées de nouveaux pokémons, dont un Scalpion et deux splendides Charmillons qui faisaient parfaitement la paire.

Dire que le jeune homme avait oublié le désir des deux femmes de le revoir n’aurait pas été tout à fait tort. Trop occupé à s’inquiéter pour son pokémon (oui, c’était désormais acquis : cette Caninos lui appartenait), l’esprit encore troublé du jeune homme avait mis de côté ce détail que le destin, dans sa bonté, avait daigné lui rappeler. Puisque Théa et Jade semblaient l’avoir vu elles aussi, Lotbrok fit le choix de les rejoindre, les bras chargés de son précieux chargement.

« — Théa ! Jade ! » les appela-t-il tout haut. Loin de s’en inquiéter, des regards se tournèrent vers eux … c’est bon, il n’avait pas fait tant de bruit que cela, non ? Lotbrok se rapprocha, loin de s’imaginer qu’il venait de mettre à mal la couverture de l’écrivaine « Je crois que notre amie va mieux » fit remarquer le jeune homme.

Son regard se posa sur la Caninos, qui ne savait où regarder tant il y avait de stimulus. La politesse n’était décidément pas le fort de Lotbrok : « Bonjour, vous allez bien ? Vous avez bien dormi ? C’est gentil d’être là ! » Non non, l’apprenti ranger allait droit au but, plus par inadvertance que par réel volonté … ou bien peut-être était-ce dans sa nature ? Allez savoir.

« — Est-ce que ça vous dit de sortir d’ici ? » proposa l’apprenti ranger, peu à l’aise dans cet endroit un peu trop peuplé à son goût « Un endroit plus calme sera surement plus avisé pour les présentations » affirma-t-il.

Oui, Lotbrok comptait bien présenter la Caninos à ses sauveuses. Si le jeune homme ne la connaissait pas beaucoup plus qu’elles, l’apprenti ranger n’était pas sans savoir que la chienne était encore sauvage 24h auparavant et que, même si elle ne montrait aucun signe de malaise (son état encore un peu groggy n’y était pas pour rien), faire connaissance au milieu d’une foule d’humain inconnus n’était certainement pas la meilleure option qui soit.

LA MAISON AU TOIT ROUGE

Oui, Jade semblait partager son avis : la Caninos allait beaucoup mieux, d’ailleurs Lotbrok n’était pas au bout de ses surprises. Tandis qu’ils s’attardaient sur l’état du pokémon rescapé, autour de lui le jeune homme perçut davantage de murmures, et tout autant de yeux fixés sur eux … quoi, les pigousains n’avaient jamais vu un ranger de leur vie ou quoi ? Bon, il était vrai qu’il était habillé étrangement mais quand même ! Mais attendez … ce n’est pas lui qu’on regarde ! Alors que la tension venait de monter d’un cran, Théa sauta sur l’occasion lorsque le jeune homme leur proposa de quitter les lieux. L’écrivaine avait-elle un rapport avec toute cette agitation ? Bien avant que le jeune homme n’ait le temps d’y réfléchir pleinement, le trio était déjà sorti.

Dehors, ils se heurtèrent à la chaleur estivale, mais cela ne semblait pas être le plus gros problème des deux femmes. Des gens du centre pokémon les avait suivis dans leur retraite, mais Jade et Théa ne semblaient pas avoir dit leur dernier mot. De sa poche, l’écrivaine sortit une nouvelle luxeball, qui libéra bientôt un Roucool au plumage … d’argent ! Le pokémon voleta un instant autour d’eux, avant de suivre les ordres de sa maîtresse. Son stratagème pour éloigner les indésirables ne manquait pas d’audace, et pourtant la plupart des gens tombèrent dans le panneau. Tandis qu’il observait la foule s’éloigner, Lotbrok ne put s’empêcher de se demander qui était réellement ces deux jeunes femmes, et plus particulièrement Théa. Les luxeballs, la foule, la nouvelle coiffure, la casquette … se pouvait-il que … non, quand même pas ?

« — C’était après vous que la foule en avait ? » demanda-t-il à Théa, comme pour éloigner tout soupçon.

Le jeune homme en était certain à 99%, mais demeurait tout de même un doute qu’il souhaitait écarter, définitivement. Ce n’était visiblement pas la première fois que les deux femmes avaient recours à ce manège et quelque part, elles semblaient même y être habituées. Lotbrok était-il en présence d’une célébrité ?  Les romans de Théa étaient-ils plus connus qu’il ne l’avait imaginé ? Il fallait croire, et pendant un instant l’apprenti ranger se demanda s’il devait s’en exalter ou bien faire comme si de rien n’était. Jouir de sa notoriété ne semblait pas être la tasse de thé de l’écrivaine, aussi le jeune homme prit-il la seconde option, à savoir faire comme s’il n’avait rien compris.

Assez vite, le trio retourna à l’endroit de leur rencontre de la veille. Maximus serait-il aussi de la partie ? Pour l’heure, les atypiques bois du daim ne montraient pas le bout de leur nez et l’apprenti ranger se doutait qu’il devait être quelque part dans le bois à vaquer à ses occupations. Sans doute leurs voix finiraient-elles par le faire venir … ou peut-être pas, après tout avec Maximus aucune règle ne s’appliquait. Lorsqu’ils se posèrent enfin, Jade ne lui laissa pas l’occasion de s’ennuyer et sa question le prit de court.

« — Je, hum … je ne sais pas trop » répondit Lotbrok, loin de cacher son hésitation « Je ne pense pas que ce soit à moi de choisir » ajouta-t-il, comme pour s’expliquer.

A vrai dire, trop occupé à s’inquiéter de l’état du pokémon, Lotbrok n’y avait pas réfléchis. Il s’était contenté de se focaliser sur le maintenant et non pas sur l’après, mais maintenant que Jade l’y confrontait le jeune homme se devait de répondre à cette question. Oui, qu’allait-il faire désormais ? Dans cette équation, l’apprenti ranger n’était pas sans savoir que son avis n’était pas le seul à compter. Il y en avait un autre et le jeune homme n’avait pas l’intention de décider pour elle. C’était comme ça qu’on se faisait des amis, n’est-ce pas ? En leur laissant le choix. Le regard de Lotbrok glissa vers la Caninos qui, toujours dans ses bras, avait levé les yeux vers lui. Doucement, le jeune homme déposa la chienne au sol, s’assura de sa stabilité avant de la lâcher complètement. Pendant un instant, la créature chercha où regarder, un peu perdue dans ce nouvel environnement … c’était la première fois qu’elle reposait les pattes sur la terre ferme depuis Bayette, quelques secondes pour se mettre d’aplomb n’étaient pas de trop.

« — Qu’est-ce que tu en penses, toi ? Est-ce que tu veux retourner à Bayette ? » lui demanda Lotbrok.

La Caninos tourna ses grands yeux vers l’apprenti ranger. Si les humains et les pokémons ne possédaient pas le même langage, son oncle lui avait jadis raconté que cela n’empêchait pas les créatures de comprendre ce qu’ils disaient. Lotbrok y croyait fermement, lui qui n’était pas sans connaître l’incroyable sensibilité des pokémons. En guise de réponse, la Caninos pencha la tête d’un côté, observa Lotbrok d’un air perplexe, les oreilles dressées dans sa direction. Elle l’écoutait avec une attention toute particulière, que personne ne pouvait ignorer.

« — Est-ce que tu veux rester avec moi ? » poursuivit le garçon.

La queue de la Caninos se mit à battre, d’abord doucement, puis de plus en plus fort. Sa réponse gagnait en assurance à mesure que les secondes passaient et finalement, la Caninos se laissa gagner par l’émotion : elle jappa, s’agita dans tous les sens. Dans son manège, elle impliqua même Théa et Jade, passant de l’une à l’autre pour partager avec elles sa joie à la vue de cette perspective. Si les réponses des pokémons étaient parfois ambiguës, celle de la Caninos ne laissait aucun doute.

La raison pour laquelle la Caninos souhaitait rester avec lui était nébuleuse aux yeux du jeune homme. Pourquoi la créature voulait-elle abandonner la vie sauvage pour une autre dont elle ne savait rien, et pour laquelle elle n’avait aucune garantie ? Sans doute y avait-il une part de naïveté là-dedans (tiens, ça ne vous rappel pas quelqu’un ?) et entre d’autres mains, la Caninos n’aurait pas manqué de s’en mordre les pattes. Avec Lotbrok ? Ah ça, elle ne risquait pas d’être malheureuse ! L’avait-elle pressentie au fond de son cœur ? Peut-être, qui savait après tout ? Absolument attendrissante, la joie de la créature devint également beaucoup trop bruyante et le jeune homme s’affaira à calmer le jeu.

« — Ok d’accord très bien, on a compris » lui assura l’apprenti ranger, un peu dépasser par cet élan de … d’affection ? Oui, ça avait l’air d’être ça. S’accroupissant, Lotbrok tendit une main vers le pokémon, que la Caninos s’empressa de frôler de son museau bien plus chaud que la veille « Si tu restes avec moi, il va falloir qu’on te trouve un nom » déclara-t-il.

Après quelques coups de langues, Lotbrok se redressa, avisa un moment la Caninos qui, semblait-il, attendait un verdict. Le regard du jeune homme se porta en direction de deux femmes et de leurs pokémons.

« — Lorsque j’étais petit, ma tante me racontait une histoire d’indiens et de conquérants. Dans l’histoire, l’une des indiennes s’appelait Nakoma. J’aime bien Nakoma » leur raconta-t-il. Nakoma n’était pas l’héroïne principale de cette histoire, où se mêlait amour et violence et dans lequel était chanté l’air du vent, mais qu’importe ? « Est-ce que ça te plait à toi aussi ? » demanda-t-il à la Caninos.

Le pokémon sembla prendre un instant de réflexion … un nom, ce n’était pas rien tout de même ! Finalement, deux aboiements couplés d’un battement de queue annoncèrent la réponse de la Caninos. La proposition de Lotbrok semblait lui convenir, là encore ses mimiques ne laissaient pas de place au doute.

« — Alors, ce sera Nakoma » conclu le jeune homme.

De nouveau, la chienne se laissa gagner par ses émotions. Elle se mit à courir autour de Jade et Théa, aboyant d’allégresse comme un diable sans s’inquiéter de savoir si elle dérangerait. Abandonnant du regard la créature débordante d’énergie, Lotbrok se mit à observer les compagnons de Jade et Théa … et eux, comment s’appelaient-ils ? Les eux Charmillons n’avaient pas quitté leur poste, et derrière l’écrivaine, comme une ombre se tenait encore son Scalpion.

« — Et les vôtres ? Comment s’appellent-ils ? » leur demanda l’apprenti ranger.

C’était toujours bon de savoir.

LA MAISON AU TOIT ROUGE

Ce que Lotbrok avait jusqu’à présent élevé au rang de soupçon se révélait finalement être vérité : Théa était plus importante qu’il ne l’avait cru ou même imaginé … sinon, pourquoi sa présence attisait-elle les foules ? Cette lacune en matière de culture le frappa un instant, lui qui avait jusqu’à présent vécu reclus dans un coin de nature. Etait-il donc aussi paumé que cela, pour ne pas se savoir en présence d’une célébrité ? Le jeune homme tenta de se réconforter en se disant que ce n’était pas écris sur son front, mais en d’autres circonstances la situation n’aurait pas manqué d’être dangereuse. Et s’il s’était retrouvé en présence d’individus maléfiques ? Oui, malgré son désintéressement relativement évident du monde en dehors de la forêt, Lotbrok se devait de se tenir informer … pour sa sécurité, mais également celle des autres.

Heureusement, Nakoma happa bien vite l’attention de tout un chacun. La Caninos arracha même un sourire à Jade, et sa joie de vivre emporta dans son élan les deux Charmillons, offrant un spectacle peu commun mais ô combien satisfaisant. Puis, à la demande de l’apprenti ranger, Théa s’affaira à présenter les pokémons présents. Si entre deux paroles le nom d’Utopie lui était parvenu, celui du Scalpion fut une réelle découverte, tout comme ceux des deux Charmillons qui ne cessaient de batifoler autour de la Caninos, pour le plus grand plaisir de Nakoma.

« — Utopie, Estoc, c’est un plaisir de vous rencontrer » affirma le jeune homme en offrant successivement un regard aux deux pokémons « Vous aussi, Romance et Charmillo. Vous me rappelez les nombreux papillons qui arpentent le Parc Naturel » ajouta-t-il à l’adresse des deux Charmillons.

Mais trop occupés à danser autour de la Caninos, les deux Charmillons n’y firent pas attention. Loin de se contrarier pour si peu, Lotbrok les observa un moment, avant de voir Jade lui offrir un conseil plus avisé qu’il ne pouvait l’imaginer. Faire évoluer Nakoma n’était pas vraiment dans ses priorités (il venait à peine de la rencontrer, comment pouvait-il penser à cela ?) pourtant le jeune homme ne manqua pas d’en prendre note, reconnaissant la sagesse de ses paroles. Pokémon de légende, les Arcanins étaient dotés d’une puissance extrême et entre de mauvaises pattes, ce pouvoir pouvait s’avérer … dévastateur, et dangereux s’il n’était pas contrôlé. Oui, mieux valait s’assurer de la maturité d’un Caninos avant de le transformer en Arcanin, au risque de le regretter amèrement.

« — Merci pour ce conseil, je tâcherai de m’en souvenir … pour elle mais aussi pour moi » assura Lotbrok, dont le regard s’était posé sur Nakoma.

Un Caninos foufou était une chose, un Arcanin une autre … combien mesuraient-ils déjà, une fois évolué ? La question à peine émergée de son esprit, un mouvement attira l’attention de l’apprenti ranger et l’instant d’après, l’immense Arcanin de la veille apparut entre les deux femmes. A son arrivée Nakoma eut un sursaut, et intimidée elle se recroquevilla sur elle-même, cessant instantanément de jouer avec les deux papillons. Le canidé était si grand comparé à elle, et tellement intimidant ! Pourtant, après un instant de totale immobilité, d’abord basse la queue de la Caninos se mit à se balancer doucement, timidement … ce grand Arcanin ne lui voulait pas de mal, hein ? Non, visiblement pas, alors Nakoma se hasarda à s’approcher prudemment, la mine basse. L’exaltation des deux Charmillons l’aida à surmonter sa peur (après tout, si les deux papillons étaient contents de le voir, c’était qu’il n’était pas si méchant, n’est-ce pas ?) et lorsque Nakoma arriva à leur niveau, la Caninos sembla reconnaître une odeur familière, dont son subconscient semblait se souvenir … reconnaissait-elle celle de celui qui lui avait permis d’atteindre le centre pokémon ? Sans doute, ce n’aurait pas été étonnant … après tout, les Caninos n’étaient-ils pas connus pour leur flair inégalé ? Percevant son hésitation, Lotbrok se rapprocha de Nakoma, plia les genoux pour s’accroupir près d’elle.

« — N’aie pas peur, tu peux aller le voir. C’est grâce à lui que tu vas mieux aujourd’hui » assura le jeune homme en glissant un instant ses doigts dans la fourrure encore épaisse du pokémon.

Nakoma semblait déjà faire confiance à son maître, car elle fit un nouveau pas vers l’Arcanin … et lorsqu’elle comprit que le danger n’était pas au rendez-vous, son comportement changea du tout au tout. Après plusieurs battements frénétiques de queue, les pattes avant de Nakoma se plièrent, et le derrière relevé elle invita l’Arcanin au jeu, non sans accompagner son geste d’un aboiement aigu. Oui, Nakoma était encore jeune et cela ne faisait aucun doute …

Leur petit jeu aurait pu durer encore longtemps si, soudainement du haut du ciel, un cri strident n’avait pas attiré leur attention. Lorsque Lotbrok leva les yeux, son regard découvrit un Flambusard planant au-dessus d’eux … c’était Phénix, l’oiseau-feu d’Alix ! Sans doute plus brutalement qu’il ne l’aurait fallu, l’oiseau piqua vers eux pour rejoindre le groupe et son arrivée fut accueilli par des aboiements de la part de Nakoma, qui goûtait peu à cette venue un peu trop rapide. Bien trop imposant pour se poser sur Lotbrok ou n’importe qui d’autre, la course du Flambusard s’arrêta sur une large pierre non loin du groupe. En guise de salutation, le pokémon les gratifia d’un cri qui se voulait amical.

« — Lotbrok ! » l’interpella une voix au loin.

L’apprenti ranger se retourna vivement … pour découvrir Alix perché sur sa Chevroum ! Au trot, le duo se rapprocha pour finalement les rejoindre. Une fois à leur hauteur, le ranger mit pied à terre d’un bond, et la brusquerie de son mouvement rendit Nakoma méfiante, si bien qu’elle partit se réfugier aux côtés de Lotbrok. Lorsque le regard d’Alix se posa sur les deux femmes, Broko comprit bien vite que contrairement à lui, le ranger n’eut aucun mal à reconnaître Théa. Un sourire s’esquissa sur son visage.

« — Et bien, Lotbrok, te voilà bien accompagné ! » fit-il remarquer « Tu ne fais pas les choses à moitié à ce que je vois … de toutes les rencontres qui s’offraient à toi, il a fallu que tu tombes sur la personne la plus célèbre de Mistral ! » Alix se rapprocha des deux femmes, leur tendit la main « Je me nomme Alix Thirieur. J’espère que notre ami Lotbrok ne vous a pas trop causé de soucis … me voilà pris de curiosité : comment vous êtes-vous rencontré ? » demanda-t-il.

Oui, Alix était bien curieux de savoir comment son pseudo-élève avait réussi à s’octroyer une rencontre avec l’une des personnes les plus convoités de Mistral. En attendant, le regard du concerné cherchait en vain quelque chose … mais où était donc le Caninos qu’Alix était censé trouver ?

LA MAISON AU TOIT ROUGE

L’arrivée d’Alix ne manqua pas de chambouler l’harmonie relative que le groupe venait enfin de trouver. La méfiance de tout un chacun, jusqu’alors apaisée, monta d’un cran lorsque l’homme s’approcha plus rapidement qu’il ne l’aurait fallu. Protectrice, Jade s’empressa de se rapprocher de l’écrivaine tandis que, du coin de l’œil, Lotbrok apercevait la fourrure de l’Arcanin se hérisser. La fatigue (ou l’émotion ?) rendait-elle Alix imprudent ? Sans doute, mais le jeune homme se garda bien de faire la moindre remarque à ce sujet. Alix était assez grand pour faire ce qu’il pensait être juste, non ? Tandis que les présentations se déroulaient, silencieux Alix écouta le récit de Théa avec une attention toute particulière. Il ne cacha pas sa surprise lorsqu’elle lui parla de la scène avec Maximus (vraiment, le caribou était sorti de sa forêt pour rejoindre des inconnues ? Incroyable !) et son regard glissa en direction de la Caninos rescapée quand l’écrivaine mentionna son nom. De toute évidence, le ranger intégra bien vite les aventures de son jeune élève, qui brillait par son silence, et il ne manqua pas de réagir lorsque Théa supposa son identité.

« — Lui-même » répondit-il le plus simplement du monde « Lotbrok a eu de la chance de tomber sur vous » assura le ranger. Derrière lui, son Flambusard émit un cri, comme pour confirmer ses dires.

Lotbrok, quant à lui, ne cessait de cogiter. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, le jeune homme ne parvenait pas à comprendre l’absence du Caninos qu’ils avaient si longuement cherchés à Bayette. Plus abruptement que la décence l’aurait voulu, le jeune homme le questionna à ce sujet.

« — Où est le Caninos que tu étais censé retrouver ? » lui demanda-t-il.

Est-ce qu’il lui demandait des comptes ? Le ton portait à confusion et l’espace d’un instant il déconcerta le ranger, qui sans doute ne s’y attendait pas. Comme pour le rassurer, Alix le gratifia d’un sourire.

« — Ne t’inquiète pas, le problème est désormais réglé. Le Caninos est entre de bonnes mains » assura-t-il. Sans doute s’imaginait-il l’incident clos, car le ranger s’apprêtait à poursuivre sur autre chose … mais c’était sans compter sur Lotbrok et son désir d’aller au fond des choses.

« — Qu’est-ce que tu en as fait ? » questionna le jeune homme, qui sentait anguille sous roche.

Son instinct ne l’avait pas trompé : Alix resta un instant silencieux, comme s’il savait que les mots qu’ils s’apprêtaient à prononcer ne plairaient pas au garçon. Bien sûr, Lotbrok n’était pas le seul à avoir un bon instinct, car les paroles du ranger déplurent effectivement au jeune homme.

« — Je l’ai rendu à la petite fille qui l’avait capturé » déclara-t-il, crachant enfin le morceau « La fillette s’en occupera bien, et après tout il lui appartenait … »

« — Mais elle va le faire combattre ! » s’indigna le jeune homme.

« — Cela ne veut pas dire qu’il ne sera pas heureux. La nouveauté effraie tout le monde au départ, mais le Caninos s’y fera. Il ne manquera pas de nourriture, et plus aucune station ne sera saccagée par sa faute » déclara Alix « Notre rôle en tant que Rangers est de faire en sorte que hommes et pokémons puissent vivre ensembles. Nous ne sommes pas des défenseurs de la cause pokémon : ce que les gens font avec les leurs ne nous regarde pas. Notre mission était de faire en sorte que le Caninos ne fasse plus de dégâts à Bayette : c’est désormais chose faite » affirma-t-il. Sur le visage du garçon était née une certaine animosité, qui n’échappa pas au ranger « Tu dois apprendre à prendre sur toi et à faire fi de tes propres convictions. Je sais que le sort de ce Caninos t’importait, mais tout ne peut pas toujours finir bien pour tout le monde. Est-ce que tu comprends ? » demanda-t-il.

Lotbrok se contenta de le fusiller du regard, tout en sachant en son for intérieur que, dans le fond, son mentor n’avait pas tout à fait tort. Non, Lotbrok ne pouvais pas naïvement espérer un happy ending pour tout le monde, mais trop préoccupé par celle qui était désormais Nakoma le jeune homme avait fait le choix de faire confiance à son mentor … avait-il bien fait ? Désormais, Lotbrok n’en était plus aussi certain.

Loin d’avoir totalement digérer la leçon, le jeune homme s’enferma dans un mutisme qui n’échappa pas à Nakoma. Abandonnant son regain d’intérêt pour le grand Arcanin (elle était retournée auprès de lui pendant le discours d’Alix), elle rejoignit son nouveau maître et s’assit à côté de lui, non sans fixer du regard le ranger aux cheveux bruns. S’en suivit un malaise, qu’Alix s’empressa de rompre.

« — Quoi qu’il arrive, mesdames, je vous remercie d’avoir veillé sur notre jeune ami et sa nouvelle créature » déclara le ranger « Je gage que nos chemins se séparent ici » supposa-t-il.

Alix n’était pas pressé de se débarrasser des deux femmes : c’était là le cours normal des choses, tout simplement. Elles ne pouvaient pas rester avec eux éternellement, non ? Sans doute avaient-elles bien des choses à faire … tout comme eux, qui avaient encore du chemin à parcourir. Puisque Lotbrok sentait la séparation venir, le jeune homme sortit de son silence, mais seulement pour elles.

« — Ma proposition tient toujours. Si un jour vous passez par le Parc Naturel, n’hésitez pas à vous arrêter aux quartiers des Gardiens » rappela Lotbrok.

Non, il n’avait pas oublié la pseudo-offre qu’il leur avait faite la veille au soir. Lotbrok avait le désir de les revoir un jour et s’il avait conscience que la vie n’offrait pas toujours ce que l’on souhaitait, il savait aussi que le destin savait se montrer feignant, parfois, souvent.