Saison Un

: Obscure Prophétie

Vigneaux était une ville qui se voulait intellectuelle de part la présence conjointe du laboratoire du Professeur Snappy et de la Grande Bibliothèque, ce qui faisait d’elle un véritable trésor de connaissances malheureusement hors de la portée de Pierre. Il aurait pu rester en ville plusieurs semaines, enfermé dans la bibliothèque afin de se cultiver en tentant d’épuiser les questions qu’il se posait après son aventure sur l’Île PiouPiou. Mais tout cela aurait demandé un temps qu’il ne se donnait pas, tout du moins pour le moment : son objectif était de rejoindre Bivouac après avoir passé une journée au sein de la ville.

Ce n’était donc ni la visite du laboratoire ni celle de la bibliothèque qui l’emportèrent, mais celle de la Place de la Grosse Cloche. Un véritable carrefour où étaient présents le Centre Pokémon local ainsi qu’une série de magasins s’assurant que la place restait fréquentée tout au long de la journée. Il s’agissait du meilleur endroit que Pierre avait trouvé pour profiter de son passage dans la ville et y collecter des informations qui lui seraient peut-être utiles.

Plutôt que de chercher dans les rayonnages des livres qu’il n’aurait pas le temps de lire attentivement, ou que vouloir prendre rendez-vous avec le Professeur Snappy qui était probablement débordé, il avait décidé de tenter sa chance avec les habitants eux-mêmes. Une pépite pouvait tomber du ciel sans qu’il ne s’y attende, après tout. C’était donc armé d’une pancarte en carton qu’il s’était installé sur l’un des bancs de la place, escomptant bien y passer toute sa journée à discuter avec les passants – ceux qui viendraient le voir, en tout cas. Se mettre en avant de la sorte avait l’avantage de laisser les gens venir à lui – ceux qui étaient intéressés par les sujets qu’il désirait aborder.

Si les Pokémon Psy les plus faibles peuvent affecter ne serait-ce que légèrement l’esprit des voyageurs les rencontrant, quelles sont les meilleures façons de s’en protéger ?

C’était le premier sujet de discussion que Pierre avait inscrit sur sa pancarte, parce que c’était celui qui lui faisait le plus peur. La Plumeline qu’il avait rencontré sur l’Île PiouPiou avait sans conteste perturbé son intégrité psychique avec sa danse calmante et envoûtante. L’impact était resté léger, mais il ne s’agissait que d’un nouveau-né. Que se produisait-il lorsque des Pokémon plus puissants étaient impliqués ? Un tel lien n’était-il que dangereux et négatif ? Pouvait-on s’en protéger à l’aide d’un Pokémon Ténèbres, ou fallait-il au contraire s’entourer d’un Pokémon Psy plus puissant encore ? Dans le cas de rencontres avec de telles Pokémon, y existait-il des exercices de pensées ou des bonnes pratiques à adopter afin de s’assurer de l’intégrité de nos valeurs morales et de notre capacité de reflexion avant ou après le fait ? Tout un ensemble de questionnements sans nulle doute abordés par certains scientifiques, peut-être Vignelais. Et une pente très dangereuse pour la tendance à la paranoïa du jeune éleveur, incapable de se mettre cette idée hors de la tête.

Postulons que nous ne pouvons pas vivre sans Pokémon pour nous protéger des dangers de l’environnement. Comment les entraîner au mieux pour faire face à ceux-ci sans toutefois tomber dans la maltraitance ? Peut-on compter sur des protocoles ne mettant en danger aucun Pokémon pour faire face à des situations de crise liées à des Pokémon sauvages ?

Le second sujet naissait quand à lui d’une inquiétude de sa part, mais qui restait encore mineur. Ayant grandi en Cosa, Pierre connaissait l’importance d’avoir des Pokémon pouvant protéger leurs dresseurs lors d’excursions dans les territoires les plus sauvages. Mais il se devait d’interroger les façons de dresser des Pokémon afin de répondre à des besoins similaires tout en respectant des normes plus BioPokés. Quel était, réellement, le dressage de demain – quelle que soit ses fins ? Et pourrait-il faire quelque chose en temps qu’éleveur ou qu’essayiste pour orienter l’ensemble dans une meilleure direction ?  

Foi et légitimité du pouvoir royal. La Foi face aux catastrophes.

Ce sujet n’était pas une question, et pas celui qui intéressait le plus Pierre, mais il l’avait griffonné dans l’espoir de soit faire des rencontres politiquement intrigantes – et pourquoi pas quelque chose lié à la famille royale consacrée par Hélix. Dans le cas contraire, il était toujours possible qu’il puisse aider ses interlocuteurs dans leur foi, ou dans les problèmes que ces questions politiques pouvaient causer avec leurs prochains. En tout cas, il était de son devoir moral que de s’assurer que toute personne en ressentant le besoin soit rassurée quand à l’existence du Saint Hélix et sa bienveillance – il savait que les deux étaient parfois questionnés par la jeunesse.

Installé, tout ce qu’il restait à faire était d’espérer passer une bonne journée avec toutes ces discussions successives si aucun évènement ne venait la troubler. Et réguler l’anxiété que cela pouvait lui causer – après tout, il ne parlait pas de Cosa, ne parlerait pas de Cosa, et était soutenu par Vignoble, gentiment couché près de lui.