Tournant le papier entre ses doigts, le chevalier soupira face à la tâche qui s'annonçait déjà ardue. Un repas mondain, voilà ce qu'il craignait le plus dans son ancienne vie et dans celle-ci aussi : il était un homme de terrain, un combattant qui vivait sur le champs de bataille aux cotés de ses frères d'armes. Il avait vécu la majeure partie de sa vie dans l'austérité de l’Église, alors devoir de nouveau mettre l'habit de noble pour de telles frivolités... il redoutait déjà cette soirée.

La famille royale avait fait faire son costume sur mesures mais malgré cela il ne se sentait pas à l'aise dans cet habit qui entravait beaucoup de ses mouvements. En plus, on le faisait voyager en carrosse, un luxe auquel il n'était plus habitué. Il avait trouvé néanmoins la possibilité de pouvoir entraîner Lisette à mieux obéir en l'harnachant parmi les montures qui tiraient le véhicule. Elle avait failli dévorer trois doigts de deux cochers lorsqu'ils l'avaient installées mais au moins elle n'avait pas fait plus des siennes lors du voyage.

Duchesse avait été peignée et peinte afin d'être assortie à son maître et c'est avec fierté qu'elle sorti la première du carrosse, suivie d'Adalbert et de l'Escouade. Pour l'occasion même eux avaient été affublés des armoiries de la famille royale et le montraient avec fierté sous la gêne de leur chef. Au moins ceux-ci marchaient en rang derrière le colosse qui s'avança vers ses hôtes. S'il se souvenait bien du nom inscrit sur la lettre, s'était la famille Fée qui l'accueillait et elle était d'un haut rang dans la société, alors peut-être y trouverait-il la future reine de Mistral.

Un sourire poli sur ses lèvres, après s'être suffisamment avancé pendant qu'on l'annonçait, il s'agenouilla devant les maîtres des lieux et porta son poing à sa poitrine en guise de respect. Il aurait préféré se présenter avec sa fidèle armure – au moins cela lui aurait évité une séance de torture chez le styliste – mais cette dernière était enfin en réparations. Un mal pour un bien car bientôt il pourrait de nouveau la porter et redorer le blason qu'il avait lui-même entaché.

Sa voix s'éleva alors, impérieuse et grondante, tandis qu'il prenait finalement la parole alors que ses prunelles ambrées se relevaient pour examiner le couple qui se tenait devant lui. Était-ce lui ou il n'était pas le seul à être tendu par la situation ? Il fallait voir messire Fée pour le comprendre aisément : ce dernier était aussi droit que ne l'était sa coiffure.

« - Je vous remercie pour l'invitation, messure Fée, dame Fée et prie le Saint Helix pour que ma compagnie vous soit des plus agréables. »

Puis il se releva prestement et attendit, bras croisés dans son dos, qu'on le l'invita à exécuter une quelconque action.

Aussi droit qu'un piquet, le chevalier se fit accueillir par ses hôtes quand une nouvelle présence fit son apparition plus que remarquée, faisant comprendre à tout le monde déjà présent que son propriétaire n'avait aucune autorité dessus. Une fois, elle ne ralentit pas. Deux fois, le pauvre messire Fée commence à paniquer et hausser le ton. Fort heureusement, dame Fée prit enfin les rênes et d'une voix calme, fit s'arrêter derechef la petite Vostourno.

L'Escouade qui n'a manqué aucune miette de ce qu'il venait de se passer commença à enlever des points de crédibilité et de leadership envers le pauvre homme tandis que la chienne inclinait simplement sa tête sur le coté. Adalbert, quand à lui, resta le plus stoïque possible et rassura la maîtresse de maison à ce sujet.

« - N'ayez crainte à ce sujet. Cela viendra avec le temps. »

Un léger rire vint faire gronder sa gorge tandis qu'il terminait sa phrase. Au moins ils savaient s'amuser de cette situation tout à fait cocasse. Malgré leur rang, ils semblaient bien accessibles. Le colosse suivi donc ses hôtes lorsque ces derniers l'eurent invité à aller dans le petit salon et il apprit que le reste de la famille les rejoindrait. Peut-être y trouverait-t-il l'objet de sa quête...

Par contre devoir resté impassible alors que messire Fée avait littéralement un Vostourno accroché à la jambe relevait du miracle. Il ne voulait nullement offenser le noble alors le garde essayait de ne pas en rire et lança même une œillade mauvaise lorsque Duchesse ne s'en priva pas. Cela eu pour effet de faire lancer un regard espiègle de la part de Meneur et la tension entre l'Hexadron et la Couafarelle fit son apparition de nouveau.

Au moins le fait d'être entouré d'autant de personnes, devoir tous les saluer et faire les présentations, lui permettait de ne pas se focaliser sur ses troupes mais cela l'épuisa plus qu'il ne l'aurait pensé. Comme sur un champs de bataille, il ne fallait faire aucune erreur ou cela pourrait se payer très cher et les femmes nobles pouvaient se montrer aussi effroyables que des Banshitrouyes. Une sueur froide perla le long de son échine à cette simple pensée.

Dame Fée sembla remarquer ses tracas car elle le rassura sur le fait que l'on ne lui reprocherait nullement s'il ne retenait pas tous les noms, avant d'enfoncer une nouvelle fois son époux. Était-ce ceci que les gens appelaient l'amour Ecrémeuh ? Est-ce que Dame Adeline aurait aussi agit de la sorte avec lui s'ils avaient eu leurs épousailles ?

« - C'est en effet un véritable honneur et une lourde responsabilité qui incombe à mes hommes et moi-même. Nous mettons tout en œuvre pour ainsi être à la hauteur de vos espérances et apprenons de nos erreurs afin que les lumières de notre glorieux Seigneur puissent tous nos illuminer. »

Il fallait dire que des erreurs, il en avait faites et la mort de leur ancien souverain de même que la cicatrice qui barrait son abdomen en étaient malheureusement les conséquences regrettables. En ce sens, les champions avaient moins de poids à porter que la garde royale et pourtant ils étaient mieux perçus par la populace que ses hommes et lui. Il fallait voir le nombre de plébéiens qui préféraient l'autorité de leur maire à celle du souverain. S'en était déconcertant.

« - Malheureusement, il semble que nos efforts ne soient pas remarqués du grand public qui préfère clamer ses vivats envers les champions. Cela a pour effet, et je le déplore, de démotiver certaines troupes. »

Il avait bien vu comment certaines flammes s'étaient éteintes dans les yeux de gardes sous ses ordres lors de l'attaque. Non seulement ils n'étaient pas reconnus mais en plus ils risquaient leur vie. Combien de vois devra-t-il les relever encore ?

Au moins l'amour qu'avait le volatile pour son maître était d'une fraîcheur revigorante qui avait pour mérite de chasser ses troubles de l'esprit du chevalier, du moins pour quelques instants. À son tour d'en apprendre un peu plus sur ses confrères et de doucement faire glisser le centre de l'attention sur quelqu'un d'autre.

« - Je vois qu'elle vous affectionne grandement. Mercie, si je ne me méprends point ? »

Être trop longtemps le centre de l'attention de tout un auditorium n'était point dans les goûts d'Adalbert et ce dernier avait trouvé pour unique moyen de défense d'envoyer le pauvre messire Fée en pâture. Puisse-t-il un jour lui pardonner ceci. Sa jambe traîtresse avait aussitôt attiré son regard et poussé le grand chevalier à en apprendre un peu plus sur cet homme et son Vostourno.

Ainsi donc la petite chose lui avait été offerte en cadeau de deux ans de mariage. Cela fit apparaître un léger sourire de sous sa barbe. Lui aussi avait voulu offrir Duchesse à sa bien-aimée... avant d'apprendre que cette dernière avait disparu deux cents ans plus tôt. À cette pensée, il tourna quelques instants son regard ambré en direction de la chienne et posa sa grande paluche sur son crâne dans une caresse affectueuse. Coup réussi avec brio car voilà que cette dernière remuait de la queue avec enthousiasme face à cette preuve d'affection.

« - Quelle chaleureuse et délicate attention de votre part. »

L'origine du nom de la créature était toutefois inattendu, c'était pour ainsi dire comme si le Pokémon avait choisi lui-même son nom. Montrant une fois de plus qu'entre elle et son maître, on savait qui portait la culotte... ou plutôt la coquille. Pourtant elle montrait à la fois un visage attendrissant et ce n'était nullement ses roucoulements qui allaient faire penser le contraire. Envahissante et mignonne à la fois : quel mélange fort intéressant et peu habituel.

Néanmoins la proposition qui lui fut portée face à son épineux problème fut acceptée avec beaucoup d'entrain. Une fête pour ses hommes, voilà là une bien bonne idée! Ces gens étaient bien bons de se proposer pour une telle besogne pour les humbles soldats qu'ils étaient. Face aux nombreuses attaques essuyées, nul doute que ces festivités leurs remonteraient le moral.

« - L'idée de la fête est amplement suffisante, n'ayez nul doute là-dessus. En voyant qu'ils ne sont nullement aussi délaissés qu'ils ne le pensent, mes hommes retrouveront leur motivation et leur ardeur de jadis. C'est avec grand plaisir que j'accepte votre offre ! »

Rien de telles que de bonnes festivités pour chasser les tracas l'espace d'une soirée. Une fête pour les soldats de la famille royale, voilà de quoi égayer un peu leurs esprits assombris. Le chevalier s'inclina une nouvelle fois en guise de respect et était plus qu'impatient d'aller annoncer la nouvelle à ses troupes. Nul doute qu'il devrait les surveiller durant cette nuit mais au moins ils avaient bien mérité cette récompense.

Au moins le pauvre individu aux cheveux hérissés n'était plus uniquement la source de quelques moqueries, il venait de renforcer le blason aux Mélodelfe auprès de la garde royale et accessoirement de la famille royale ! Voilà même que son épouse se prit d'une soudaine affection en déposant un baiser sur la joue de son mari. Loin de se formaliser de ce geste, Adalbert s'en amusa. Les jeunes...

« - Merci pour ces compliments mais ce ne sont point là mes uniques compagnons ! Je possède aussi une Ponyta qui deviendra plus tard ma monture, un Minisange offert par notre monarque ainsi qu'un Passerouge qui, j'en suis persuadé, évoluera en l'emblème de ma famille et le fera renaître de ses cendres : le flamboyant Flambusard ! »

Une fine équipe de limiers que voilà et sachant les épreuves qui les attendaient, ils n'étaient pas de trop dans son équipe. Ne lui restait désormais plus qu'à entraîner tout ce beau monde. En gros, Adalbert n'allait pas se reposer avec toutes ces responsabilités qui s'accumulaient sur son dos. Son regard dériva une nouvelle fois de ses hôtes vers ses Pokémons et un regard reconnaissant se posa sur le petit Hexadron.

« - Toutefois ce sont bien là mes premiers compagnons depuis mon retour des montagnes enneigées.  Possédez-vous aussi d'autres nobles et fiers compagnons ? »

Messire Fée n'était pas très porté Pokémon et le garde royal ne lui en tiendrait nullement rigueur, si chacun pouvait se débrouiller sans, il ne voyait point pourquoi les y obliger. Son équipe était adaptée pour retrouver la trace de ses cibles : Duchesse avec son flair, Hesediel et Sentinelle en éclaireurs, Lisette pour la course-poursuite et finalement l'Escouade pour lui prêter main-forte en combat. Certes beaucoup d'alliés mais autant de compagnons à gérer en plus des troupes.

Si messire ne voulait qu'un Pokémon la dame, quand à elle, était une éleveuse et possédait même quelques pièces singulières. La curiosité du chevalier titillé, il lui offrit un sourire poli.

« - Serait trop osé de ma part de pouvoir les observer un jour ? »

Mais voilà que les mondanités firent coupées sur invitation de l'hôte des lieux à aller festoyer. Alors lorsque le chevalier arriva dans la salle, quelle ne fut pas sa joie en découvrant les plats proposés et la table exquisement dressée. S'il n'avait pu toucher au champagne, préférant éviter tout alcool connaissant ses anciennes mauvaises habitudes, il pourrait désormais boire tout son saoul avec eau et remplir sa panse.

Si lui ne buvait point, ce n'était pas le cas de la famille Fée et si certaines questions étaient innocentes, d'autres le mirent mal à l'aise. Il était un chevalier de l’Église du Saint Helix, Parbleu ! Ses vœux n'avaient été nullement rompus et c'était ce qui l'avait sauvé du mariage avec la reine. Même s'il portait un amour et une dévotion pour la la famille royale, il n'était nullement impatient d'épouser cette face de Kecleon.

Encore heureux qu'il n'ait pas rapporté son morceau de Glace Éternelle ou il aurait été plus que coincé. De toute façon sa promise avait rejoint le Saint Helix depuis si longtemps que désormais il ne vivrait plus que pour les monarques et la Sainte Église. Au moins les souvenirs de messire Fée, s'étalant à maintes reprises à cause de son Vostourno avait de quoi lui remonter le moral.

Lui changer les idées mais aussi le sortir de certaines situations délicates en remettant les plus curieux et curieuses à leur place. Malgré le sourire poli qu'il adressait à la tablée, il leur offrit un regard reconnaissant pour leur aide. Les femmes pouvaient des fois faire plus peur que le meilleur des bretteurs...

Puis vint alors une simple petite phrase, suivie d'un rire et le chevalier comprit que bientôt cette joyeuse famille s'agrandirait d'un nouveau membre. Quelle nouvelle fort merveilleuse et Adalbert leva son verre d'eau.

« - Quelle excellente nouvelle ! Mes félicitations pour cet heureux événement ! »

Puis plus bas, d'une œillade complice en direction de la maîtresse des lieux.

« - Ne vous en faites point, ma dame, vous ne serez pas seule ce soir à ne pas boire de vin. »

Et de famille, il semblerait qu'ils en parleraient encore un bon moment car la discussion s'attarda sur la sienne. À ces recherches, le guisarmier fut surpris et désarmé, il avait pris l'habitude que les gens ne fassent nullement attention à ceux qu'ils rencontraient qu'il en avait presque oublié sa propre famille. Disparue dans la honte des suites des médisances de certains à son encontre. Peut-être même l’œuvre des partisans de l'ordre noir, maudit soient-ils !

« - Concernant ma famille, il faut dire que notre nom a été salement entaché par certaines mauvaises langues cancanant des inepties. Malheureusement la vérité n'a pas été dévoilée et c'est ce qui a causé la perte de notre blason. J'espère pouvoir un jour le redoré et retrouvé notre demeure à Carcakrok. Mais si vous voulez en savoir d'avantage, je suis disposé à satisfaire votre curiosité. »

L’œillade complice que lui offrit l'éleveuse lui confirma son droit à lui demander à voir cette fameuse collection. Heureux de cette faveur, l'homme inclina la tête de reconnaissance tout en affichant un sourire. Il était quelque peu impatient de découvrir les perles que la dame gardait précieusement sous son toit.

Puis vint le toast au futur heureux événement. Quelle chance qu'avait son hôte : pouvoir un jour devenir père. Malheureusement ce bonheur était désormais hors de portée pour le pauvre chevalier mais il devrait vivre avec. Après tout, ses hommes étaient un peu comme sa famille et il devait les guider et veiller sur eux pour que rien de fâcheux n'arrive. Peut-être le trouvait-on trop stricte mais s'était pour le bien de tous.

Ses aveux alimentaires faits et l'explication de la discrétion de son existence, l'homme découvrit la curiosité de ses hôtes. En d'autres circonstances, il aurait coupé court à la conversation mais découvrant la bienveillance de ces derniers envers la garde et la fidélité qu'ils avaient envers la couronne, ce dernier pouvait bien leur faire part de la vérité. Toutefois il devait y mettre quelques conditions. Chaines et cadenas seraient verrouillés pour le moment...

« - Ce n'est point une coïncidence mais je ne puis en parler en public, j'attendrai donc une discussion en privé pour vous faire part des détails sur ce fait. Ne m'en veuillez point, de grâce. »

Messire Fée avait un peu trop bien fait ses recherches de ce qu'en voyait le garde royal. Ses piques seraient-elles des aimants à vérités ? Il espérait juste que la maîtresse de la maisonnée ne soit pas emportée par les émotions en découvrant la vérité vu son état. Le garde royal se sentirait mal à l'aise s'il était à l'origine d'un vertige de la future mère.

« - Je vois cependant que vous vous êtes bien renseignés sur l'histoire de ma famille. J'en suis honoré et espère être à la hauteur de vos attentes. »

Si le chevalier semblait imperturbable, ce n'était très clairement pas le cas de son Hexadron dont les membres commençaient tous à suer ou lancer des regards inquiets en direction de leur chef. Duchesse faisait suffisamment confiance à Adalbert pour régler lui-même ce sujet épineux et préféra à la place partir en quête d'une âme charitable pour lui offrir un os. Pour une fois que le titre de son maître allait lui servir, elle n'allait pas s'en priver et même faire les yeux larmoyants pour se donner toutes les chances d'obtenir ce qu'elle voulait auprès des plus anciennes des convives.

Ceci réglé, le grand brun se retourna vers les autres participants des festivités et répondait avec plus ou moins de gênes face à leurs questions, essayant de contourner celles qui le mettaient mal à l'aise. Il semblerait que les femmes des temps modernes soient bien plus curieuses et extraverties que leurs ancêtres. De son temps, aucune ne se serait permit de poser de telles questions ! Alors, entre deux réponses, il se permettait de savourer l'exquis repas concocté pour l'occasion.

« - Mes hommages à votre chef cuisinier, cela fait fort longtemps que je n'ai guère eu le loisir de savourer pareils délices ! Je pourrais même dire que cela fait des centaines d'années que je n'ai point festoyer aussi bien ! »