Kata Strophe Dim 7 Juin 2020 - 11:36 On rentre. C’est le mot d’ordre pour aujourd’hui. On a assez vu de Vignelais pour toute une vie.
J’avance à un rythme étonnamment soutenu, sachant que je me balade avec une jambe plâtrée, sac rempli et fusil dans le dos, et que je prends des pauses toutes les heures pour ne pas m’épuiser. Déjà, j’arrive à Bivouac. La moitié du chemin, en somme. Malheureusement, le soleil s’égare à l’horizon. Il serait stupide de ma part d’essayer de traverser la forêt calcinée seule de nuit. Je vais bivouaquer. À Bivouac. Haha… Ouai, nan, je n’arrive pas à rire, même dans ma tête.
Un air sombre marque mon visage depuis mon départ de Vigneaux – et même avant cela, d’ailleurs –. Je voyage dans un silence pesant, avec pour seule compagnie un Truc craintif qui me suit de loin. Déjà qu’en temps normal, il préfère se montrer discret et garder ses distances, alors à présent que plus aucun sourire n’illumine mon visage, je vous laisse imaginer l’état de doute qui l’envahit. T’en fais pas, petite tête. C’est bientôt fini pour toi aussi. On va reprendre sur des bases saines. Les bases d’une ranger chasseuse, une vraie.
Après trente minutes d’errance parmi les canaux de la ville, j’ai fini par m’installer sur l’un des nombreux bancs au bord de l’eau. Il est encore tôt pour aller dormir. Faudrait manger un truc et chercher un endroit où dormir, mais j’ai pas envie de voir des gens. Alors je reste là, à flemmarder. Et comme en fait, je suis incapable de rester sans rien faire, j’ai sorti une canne à pêche rétractable trouvée dans une boutique récemment et la déplie pour jeter la ligne dans l’eau. Comme ça, j’ai l’impression de faire quelque chose. Quelque chose d’inutile, puisque je n’ai ni appas ni hameçon, mais quelque chose. J’aime bien rester ainsi, à fixer le fil qui ondule de ma canne à l’eau et intrigue les poissons qui n’osent s’y frotter. Ça permet de penser un peu à autre chose, d’oublier tout ce bordel et ma jambe blessée. J’en oublie même Truc, qui du coup parvient à s’approcher de moi. Il s’allonge sous le banc, comme à son habitude, camouflé par l’ombre du bois qui me supporte.
Un profond soupir m’échappe. Je ne me suis jamais sentie aussi lasse.
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