Lizbeth Estem Sam 10 Oct 2020 - 10:43 La chambre était petite, proprette malgré la vétusté notable du mobilier, dont l'air fatigué donnait à la pénombre dans laquelle la pièce est plongée un aspect mélancolique. Un lit grinçant, une petite commode, une chaise, un bureau faisant office de coiffeuse, dont le miroir face à l'unique fenêtre apportait un éclairage et une profondeur bienvenue. Malgré cela le soleil n'apportait que peu de ses rayons dans la pièce, et la couleur et les craquelures du vernis des meubles avait des allures de vieille peinture, dans la lumière ténue de l'unique lampe à huile. Assise devant son reflet, Lizbeth l'observe, s'observe.
La jeune femme se sentait comme nue, privée de quelque chose qui la couvrait, la protégeait. D'une main distraite, elle toucha une nouvelle fois son crâne, comme pour vérifier du bout des doigts ce qu'elle constatait du regard. C'était du beau travail, indéniablement, mais la scientifique n'aurait su dire depuis quand elle n'avait plus eu les cheveux si courts. Peut-être jamais, finalement. Sur le lit à sa gauche, de petits bruits se firent entendre.
- Non Joeboy, non... Je sais ce qu'il va se passer si je te laisse sortir. Il va falloir s'armer de patience.
Ses derniers mots n'étaient pas tant pour son pokémon que pour elle. Dans une situation aussi troublée et chaotique, ne pas avoir avec elle son assistant lui pesait. Quoique non, le Motisma, même si son comportement le rendait totalement inapte à ne serait-ce qu'être laissé en dehors de sa pokéball, était toujours ici. En attestait la manière dont, obstinément, il s'agitait de temps à autre pour signifier son envie de sortir. C'était une maigre consolation pour Lizbeth. Quoi qu'elle puisse supposer, n'en restait pas moins que la "malédiction" que subissait Mistral était un phénomène inexpliqué à ce jour, et que de ce fait aucune solution n'était encore envisageable.
Alors qu'elle sentait des marmonnements de mauvais augure lui venir aux lèvres, la jeune femme se secoua. Le goût amer de son impuissance lors du bal était encore bien trop présent dans sa bouche pour qu'elle recommence à se lamenter. Elle avait bien cru s'effondrer complètement, hors de question de se laisser glisser à nouveau dans les horribles ténèbres où son esprit avait sombré après la catastrophe. Non, sa fierté ne lui permettait pas de se laisser aller. Elle avait une élection à gagner après tout.
- J'ai parfois de ces idées tout de même... Hum, d'un autre coté j'ai l'impression que rien ne sera fait correctement si personne ne prend le problème en main...
Ses réflexions à voix haute résumaient très bien sa motivation. Mois après mois, maires après maires, rien n'était fait pour Mistral, rien de très efficace du moins. Et malgré les contraintes de la politique, malgré les limites de ce que qu'un gouvernement pouvait faire, malgré tout cela Lizbeth ne pouvait pas ne pas se dire qu'il y avait de l'incompétence dans l'air. La royauté, en plus de se voir contestée dans ses fondements même, avait fait la démonstration de ses manquements, avait restreint le progrès social et technologique pendant tant et tant d'années que, même maintenant, elle imaginait mal une brusque mise à niveau de leur part. Restait le système électoral, avait tout ce qu'il gardait de démagogue et perfectible, et bien sûr la couronne venant chapeauter tout cela de ses vues rétrogrades...
Tout en se remettant en tête ces sujets, la jeune femme reprenait son maquillage. D'ordinaire jamais apprêtée de la sorte, s'offrir au regard du commun lui semblait une bonne raison de faire exception. Et puis, elle n'aurait su affirmer que teint était aussi frais qu'à l'ordinaire... Quoi de mieux que des produits cosmétiques pour habilement masquer tout cela, n'est-ce pas ? La frêle blonde ne savait pas qui d'autre se présentait à cette élection en temps de crise, mais il lui paraissait évident que les habitués de la politique étaient aussi et avant tout des grands manipulateurs de l'image. Alors, sans se bercer d'illusion sur sa capacité à les égaler sur ce plan, Lizbeth avait au moins à cœur de bien se présenter.
Du moins, cela constituait une explication bien rationnelle et bien pratique... La vérité se rapprochait bien plus d'une tentative de distraction, plus pour elle-même que pour qui que ce soit d'autre. À ses propres yeux elle n'était pas de taille pour tout cela. Mais entre la jeune femme d'il y a une semaine, aux cheveux mi-longs, à la mise sommaire, au teint pâle mais rosé, et à celle de maintenant, aux airs de femme d'affaire avec sa coupe à la garçonne, son foulard, son maquillage et ses petites boucles d'oreilles... Était-ce un simple déguisement, ou un véritable changement ? La réponse devrait attendre, car l'heure tournait, et le débat approchait à grands pas.
|