Saison Un

: Obscure Prophétie

N’est-ce pas une formidable journée ?
J’accompagne la mort dans son périple en servant de montgolfière à une armada d’âmes égarées. Certaines s’entassent en moi, bien décidées à profiter du confort tandis que d’autres ne cessent de remuer, intenables tant l’ambiance les électrise. Après-tout, c’est un jour de fête pour elles ! Le dernier jour de leur existence. Cela mérite bien une petite danse, n’est-ce pas ?
Mes lumières clignotent, inégales. Toute cette agitation me perturbe. Loin d’être seul avec moi-même, chacune de mes pensées se voit devancée des élucubrations d’un de ces nombreux fêtards. Regardez-les accourir jusqu’à moi ! Mort n’a encore frappé personne ? C’est à se demander d’où ils viennent, ces chenapans, pour participer à notre petite beuverie. Je les accueille néanmoins, en digne boule disco infernale.

Allez, mes jolies ! Venez-avec moi ! Gauche, droite, et on avance sur les traces de Mort, notre maitre de dance. C’est lui qui donne la cadence, choisi les danseurs… Et n’espérez pas que la fête s’achève avant qu’il ne l’ait dit !

Non, je n’ai pas perdu la tête, voyons. Qu’est-ce qui vous fait imaginer cela ? C’est juste… L’euphorie du moment ? Laissez-moi quelques temps pour m’en remettre. Ce n’est pas tous les jours qu’un pays tout entier vous confonds avec une salle des fêtes.

Je secoue la tête, cherchant à reprendre mes esprits. Mort avance. Mort, ou Gab ? Les deux. Les deux ne sont qu’un, pourtant, les deux participent à la fête à leur façon. Ça me rassure, je ne suis pas le seul à sombrer. Mon sourire s’étire à cette pensée. Douterai-je de mon choix ? Bien au contraire ! L’œuvre se poursuit, souffre de quelques incertitudes, mais promet de s’achever au sommet de son art.
Allez, Ciboulette… un peu de retenue. La mort s’éloigne, tu dois la suivre. Quelle déception ce serait de se montrer indigne du rôle de ta vie. Oublie la fête, oublie les danses. Garde ces âmes éloignées de la tienne, et reprend les rênes de ton existence. Le show attend de nous d’être irréprochables.

Je m’étonne d’ailleurs que cette ville soit privée de spectacle. Ils n’en seront que témoins, sans l’avoir vécu. Soit. L’œuvre n’est pas entre mes mains, puisque j’ai décidé d’y endosser un rôle. Nous avançons sur les rails d’une destinée bien définie, ancrée dans l’esprit de mon guide. C’est à lui de décider, je l’ai jugé digne de suivre les choix qui le mèneront à son apogée.
Quant à moi… Voici une promesse, non seulement à mon camarade de scène, mais aussi au public qui nous regarde. Qu’importe les étrangetés cauchemardesques qui pourraient advenir, nous tiendrons bon jusqu’au dernier acte.

Je vous suis, Mort.