Invité Dim 17 Jan 2021 - 16:09
Un bruit sourd et un impact secouèrent le corps lourd de Tim. Il aurait dû savoir, comprendre qu’il était encore trop tôt. Il n’en parla plus, se mura dans le silence de la nuit et ils se laissèrent tout deux emporter par le sommeil qu’une longue journée de marche avait apporté.
Tim ouvrit un œil, le soleil se levait à peine sur Mistral. Les Roucools chantaient paisiblement, la nature reprenait ses droits, l’espace d’un instant éphémère, la ville et les hommes n’existaient plus. Timothée aimait cette proximité – parfois forcée – avec son environnement. Son village lui manquait déjà, la neige lui manquait, tout lui manquait. Il se retourna pour voir si son frère dormait encore mais ne vit rien. Pas même son sac. Le feu crépitait, bien trop vivement pour que s’eût été un feu vieux de la veille. Tim se releva, regarda autour de lui. Où était Branche ? Où était Thomas ? Un profond désarroi se lu sur le visage du gros Hortons. Impossible, il n’aurait jamais osé.
Tim sauta aussi vite que son poids le lui permettait sur ses jambes, se passa la main sur le visage d’une force à lui arracher le nez et tourna sur lui-même comme une toupie : « TOM !? TOM ! C’pâs drôle çô lô… TOM ! » ; Mais aucune réponse, le chant des Roucools fut sa seule compagnie. Tim eut cette douleur propre à la perte : une aiguille, fine et perçante, traversant son cœur pour en tirer un fil. Et l’aiguille repassa, jusqu’à ce que des larmes naquirent dans le coin de ses yeux. Tom l’avait laissé là, il devait se rendre à l’évidence, il avait mis ses menaces à exécution… Était-ce car il était trop lent ? Trop bavard ? Ou parce qu’il avait parlé de Gravel ? Ou de maman ? Ou tout ça à la fois ? Était-il en colère ? Blessé ?... : « Tom ! » cria-t-il d’une voix demi-étouffée par son chagrin qu’il tentait de contenir et qui n’avait sans doute pas porté bien loin.
Une graine, qui avait été là sans doute depuis leur enfance germa. Une colère grandissait en lui comme une liane vigoureuse. Tim était en colère, mais plus que tout, outré, trahi, insulté. Il l’avait laissé, lui, son propre frère jumeau, son petit frère. Quel genre de frère fait ça ? Certes leur relation avait toujours été conflictuelle, mais toujours dans un respect fraternel et jamais ça n’était allé trop loin. Sauf cette fois-ci.
Tim considéra un instant rentrer chez eux. Il l’attendrait là-bas, pour lui mettre son poing dans la gueule et le laisser s’expliquer après, s’il avait encore toutes ses dents pour en articuler des excuses, tant mieux. Mais non, ç’aurait été lui donner raison, reconnaître cette faiblesse sur laquelle Thomas adorait appuyer. Tim ne serait pas le fils à maman et l’incapable qu’il décrivait. Il allait trouver lui-même la cause de tous ces maux et revenir avec des réponses, et si jamais il le retrouvait, ils auraient deux mots à se dire. Gauche et droite. Et en parallèle, il reformerait son troupeau, prouvant ainsi à Tom sa valeur, celle qu’il a toujours chercher dans le regard de son frère sans jamais la trouver.
Timothée racla d’un pas lourd la terre et jeta une bonne quantité de terre sur le feu dont la flamme diminua de volume. Puis un autre. Et bientôt seule une mèche de fumée s’échappait du camp. Il rassembla ses affaires, mis son sac à dos et repris la route : « C'toé et moé mat'nant, Joufflu. »