Saison Un

: Obscure Prophétie

Aujourd'hui était un grand jour et le vieux guerrier attendait, fébrile, la dame qui lui apporterait sa nouvelle recrue. Lors du festival que les mistralois de cette époque appelaient le salon de l'agriculture, il avait noté un stand vendant de fières et robustes montures. Malheureusement ces créatures étaient tant appréciées qu'il n'avait guère eu la possibilité de s'en octroyer une. Qu'à cela ne tienne ! Il en commanda une auprès de la palefrenière, payant rubis sur l'ongle pour être certain d'avoir sa bête.

Après moult échanges forts courtois entre l'éleveuse et lui, la date était tombée et le garde avait invitée la damoiselle à se rendre à son gîte afin de procéder à l'échange du Ponyta. Mais, voulant faire fort bonne impression auprès de la dame afin que celle-ci ne doute de l'attention qu'il apporterait à sa future monture, il avait décidé de mettre un peu d'ordre dans la bâtisse et avait dépêché son Escouade pour l'aider dans les tâches.

Cela lui avait prit une bonne partie de la matinée et même si comme d'habitude il c'était levé aux aurores pour être sûr que tout serait prêt à temps, il avait tout juste eu le temps de terminer les derniers préparatifs sous l’œil amusée de Duchesse. Cette Couafarelle, comme toujours les aidait tout simplement en les soutenant mentalement. Rien de plus. Rien de moins. Et avec toutes les tâches accomplies, le combattant se sentait tout aussi éreinté que s'il avait passé une rude matinée d’entraînement. Les femmes souffraient tant que cela de ce genre de quotidien ? Au moins cela expliquait leur caractère bien trempé et la corpulence fort athlétique de certaines d'entre elles.  

Le carillon sonna et voilà le quadragénaire attendre devant sa demeure la vendeuse, de ce qu'il se souvenait en plus d'un fort joli minois elle portait le nom de Cristal Ligne ou quelque chose dans cette consonance. Peut-être devrait-il relire une dernière fois les lettres échangées pour ne point risquer d'écorcher son nom ou encore de l'outrer.

« - Escouade ! En position ! »

Il n'en fallu pas plus pour que les membres de l'Hexadron se mettent les uns à cotés des autres, immobiles et la tête haute en attendant l'arrivée de leur invitée. D'ailleurs, aurait-il dû lui acheter des fleurs ? Lui faire une offrande pour la remercier de se déplacer jusqu'à lui ? Décidément, il n'était pas encore familier avec les coutumes modernes. Pourvu qu'il ne fasse point de bourde...

Droit dans ses bottes et imité par son Escouade, le vieux garde vit enfin arriver la chariote tirée par un Machopeur de derrière sa fenêtre. Il fallait faire bonne figure alors une dernière fois il porta son regard sur ses différents Pokémons. Tout devait être parfait pour si solennelle occasion. La clochette de la porte retentit alors et le colosse s'avança d'un pas rapide afin de ne point faire attendre son invitée.

« - En effet! D'ailleurs bien le bonjour à vous gente dame Krystal et grand merci pour vous être déplacer afin de m'apporter l’œuf. Entrez ! »

Après l'invitation, il s'inclina poliment et laissa la gente palefrenière entrer dans son humble demeure. Dommage qu'il n'avait plus sa demeure familiale ou lui aurait fait préparer un festin pour les inconvénients qu'il aurait pu lui causer de par sa longue route. La nouvelle Mistral avait beau être en paix, une jeune femme aussi délicate qu'elle risquait toujours de se faire importuner par des hommes aux mauvaises pensées. Au moins avait-elle un allié de force pour la protéger, cela le rassurait.

« - J'ose espérer que vous aillez tout de même fait bon voyage. »

Autant face à une homme le vieux garde pouvait se montrer sans faille, le voilà bien démuni face à une frêle femme et ne savait trop comment se comporter avec elle sans paraître offensant. Dans le doute, il la guida jusqu'à la salle à manger pour qu'elle puisse établir les certificats et autres papiers officiels. Pendant ce temps l'Hexadron avait fini par quitter sa position pour inspecter, les regards curieux, la nouvelle arrivante tandis que la Couafarelle restait bien à coté du garde afin de faire comprendre sa fidélité.

« - Voulez-vous ripailler ou de quoi vous rincer le gosier ? »

Il se passa une main derrière la nuque, le frais de son gantelet contre sa peau chaude apaisait son mal-être. Que pouvait bien manger une palefrenière des temps modernes ? Des encas délicats ou alors quelques tranches de saucissons avec fromage et pain ? Un vin fruité ou au contraire une pinte d'hydromel ? Il avait l'impression de marcher sur des œufs en cet instant mais au moins voir celui qu'il attendait le calma quelque peu. Ainsi donc son futur palefroi se trouvait sous cette coquille ? Difficile de s'imaginer un puissant destrier à travers une aussi petite chose.

Ainsi donc ce voyage pour lui apporter sa nouvelle recrue n'importunait nullement la gente dame, le chevalier en fut rassuré et tandis qu'il laissait à dame Krystal le temps de s'installer, il examinait cette Auriel qu'elle lui présentait. Une petite fée : avec un tel compagnon, la fortune devait effectivement lui sourire.

Son regard ambré retourna aussitôt vers la palefrenière qui lui expliquait l'état de l’œuf tout en le questionnant sur de probables expériences passées avec des ponytas. S'il ne pouvait lui avouer avoir passé son enfance de jeune noble à s'occuper de sa propre monture, il pouvait aisément mêler sa nouvelle vie de garde royal avec le fait qu'il s'y connaissait en la matière.

« - Étant un membre de la garde du château et un représentant des forces de l'ordre, j'ai en effet pu m'occuper de nombreuses créatures équines. Ne vous en faites point sur ce sujet, gente dame. »

De son temps, les chevaux étaient des destriers qu'il affectionnait par rapport aux autres montures mais par dessus tout, celles qu'il craignait le plus étaient les créatures volantes. Dans les airs non seulement il était rapidement malade mais en plus il se sentait moins à l'aise que sur des palefrois. Pour ce qui était de l'emplacement prévu pour l’œuf, l'âtre avait été aménagé et un coussin avait été installé devant afin de supporter son futur et fragile occupant.

D'un mouvement de la main, il invita la damoiselle à déposer son protégé vers son nid temporaire. Une fois éclos, il le laisserait quelques temps devant afin que le feu du foyer puisse aider ses flammes à devenir ardentes avant de pouvoir le laisser dans une étable – ou du moins une pièce de ce gîte qu'il avait aménagé en tant que tel – où il pourrait s'épanouir à sa guise. Au moins ses premiers mois seraient passé à l’abri des intempéries et autres facéties des saisons.

« - En effet, je vois que ce petit est déjà vif, veuillez le poser sur le coussin-ci, s'il vous plaît. Nous avons fait notre maximum pour lui aménager l'endroit le plus adéquat pour qu'il puisse s'épanouir au mieux. »

Malgré le fait qu'il essayait de ne pas faire paraître ses troubles, cela faisait moult années qu'il n'avait eu entre les mains d’œufs de Pokémons ou encore de nouveaux-nés. Le dernier œuf en question avait été celui de son Escouade, fils de feu son vieil allié et ami Escadron. Suivant la jeune femme à distance raisonnable, il fini toutefois par s'arrêter devant la coquille qui gigotait déjà fortement. Il fallait croire que ce petit était plein de vie et déjà prêt à vivre dans ce monde, tout ce qu'il ignorait était qu'il allait servir un gardien vieux de plus de deux cents ans et qu'il allait devoir muscler son corps pour supporter son armure mais aussi son attirail.

De nombreuses épreuves et une multitudes d’entraînements attendaient ce petit-être alors le voir aussi pressé à vivre ne faisait que le rassurer. Une bien puissante monture pour un ancien garde déchu, cela lui allait parfaitement. Par réflexe et peut-être attendri par la taille de la vie à venir, il se permit de poser sa main non gantée sur la surface de la coquille et bientôt les gigotements se furent plus violents, jusqu'à ce que quelques craquements se firent entendre.

« - Il est même plus que pressé de nous rencontrer. »

Fit-il, amusé, avant de s'éloigner vers la table là où dame Krystal devait sûrement s'être installée pour remplir toute la paperasse nécessaire à l'échange de la créature. Le plus dur pour le vieux guerrier était de devoir apposer sa signature si cela devait se révéler nécessaire. Il avait certes été gracié par le roi mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il était lavé de tout soupçon auprès de la société. Une plume et un encrier étaient déjà posés sur la table où un bon nombre de feuilles et parchemins jonchaient le bois en attendant de servir de papiers officiels.

Mais avant que la dame n'ait eu le temps de choisir une chaise, le voilà la prendre de court et tirer en premier l'une des chaises afin de l'inviter le plus poliment à s'y installer. Il avait beau être à une époque loin de la sienne, il n'allait pas pour autant perdre ses bonnes manières.

« - Installez-vous, je vous en prie. »

Après que la dame ne se soit assise, se fut à son tour d'aller s'installer à une chaise en face de celle préparée à son encontre. Ainsi, une distance convenable serait respectée entre les deux contractants. Des mains de l'éleveuse, le certificat passa dans les siennes et il y lut les informations concernant la lignée de son fidèle destrier. Un père fougueux et une mère douce, peut-être cela donnerait un poulain facile à dresser et n'ayant aucune crainte lors de probables escarmouches. Il ne pouvait rêver mieux pour un nouveau allié dans son équipe.

La caniche qui n'avait cessé de suivre son maître durant tout ce temps se coucha à ses pieds, surveillant tout de même la conversation d'une oreille attentive. Pendant ce temps les membres de l'Hexadron avaient fini par quitter leur place originelle pour s'attrouper autour de l’œuf qu'ils examinaient tous avec une attention toute particulière. Était-ce ainsi que s'était déroulée leur propre éclosion ? Non, de ce qu'ils se souvenaient, leur père était le Pokémon d'Adalbert et une fois éclos, ils l'avaient tout simplement suivi, le considérant comme la figure paternelle qu'il n'avait jamais pu avoir. Tel était le lien secret qui unissait le vieux guerrier à sa troupe.

Après avoir lu toutes les informations que contenaient les feuilles de papier, le guisarmier fini par attraper sa plume et son encrier qu'il avait installé pour cette occasion et fini par écrire son nom complet en caractères calligraphiés avec soin. Ainsi il signait de Adalbert Gamotte à la fin de la page mais ne poussa pas le vice jusqu'à y cacheter le tout avec de la cire et des armoiries placardées sur sa chevalière. Ceci fait, il sorti une bourse de cuir et en sorti la somme due.

« - Je pense que tout est en ordre désormais. »

Fit-il avant de tendre le tout à la damoiselle qui s'avéra avoir besoin à son tour de lui. Ainsi donc elle voulait apporter du sang neuf à son élevage avec un Ponyta de Galar. De bien belles et fières montures mais plus utilisées pour la cavalerie de soutien ou de complaisance plutôt qu'en première ligne sur les fronts où les puissants Bourrinos faisaient trembler le sol et le cœur de leurs ennemis.

« - Cette créature aussi élégante soit-elle est réputée pour être insaisissable pour qui ne sait comment s'y prendre. J'avoue avoir plus travaillé avec des Bourrinos, des Zéblitz ou des Galopas que des Ponytas galarois. Ils savent sonder notre cœur et s'ils nous jugent dignes, apparaîtront d'eux-même. En cas contraire, ils disparaîtront dans une brume mystique pour se perdre dans le cœur des forêts les plus denses et les plus enchanteresses. Ces créatures ont besoin de délicatesse et d'une attention toute particulière. Choses qu'un rustre tel que moi ne peut leur offrir. »

Il conclu sa phrase par un rire tonitruant, affirmant par cette bonne humeur qu'il n'était point offusqué d'être perçu comme un gros Ursaring effrayant. Cela eu pour effet de faire se relever la tête de la Couafarelle afin d'examiner son maître et commença à remuer de la queue lorsque ce dernier se releva et tendit une main à l'éleveuse afin de l'aider à se relever.

« - Je serai fort aisé de découvrir la mère de ma future monture et n'ayez crainte sur ce point, je ne monte jamais un cheval avant que ses pattes et son dos ne soient assez solides pour me supporter. »

De son bras, il invita la dame à s'appuyer sur lui afin de lui faciliter l'escorte jusqu'à dehors et fut amusé de voir que pour une fois son Hexadron ne le suivait pas, obnubilé par la petite chose qui s'agitait sans cesse sur son coussin. D'un sourire attendrit il leur donna un ordre qu'ils étaient plus qu'heureux de suivre.

« - Surveillez-le bien ! »

Les papiers finalement en ordre, chacune des deux parties les rangèrent en sécurité afin de ne point les perdre ou qu'un malandrin ne les subtilisent d'une main habile. Ainsi le garde rangea ses papiers dans un coin de la table. Mis à part l'Hexadron et l’œuf qui gigotait encore et toujours il n'y aurait âme qui vive dans cette demeure prêtée.  

« - Des fois la violence n'est pourtant point la solution. Je sais que ma corpulence n'est guère là pour le prouver mais la parole peut aussi être une option. Moins l'on se montre hostile et plus nous avons de chance de faire bonne impression. »

En même temps, que pouvait bien risquer un grand gaillard comme lui ? La damoiselle devait se dire que ses paroles étaient bien plus aisées à dire qu'à exécuter mais il espérait que ce conseil lui serait tout de même d'une certaine utilité. Si les nobles dames de son époque arrivait à chevaucher pareilles montures, c'était qu'elles avaient bien réussi à mettre la main dessus. Alors il n'avait aucun doute que les femmes de cette époque auraient beaucoup moins de mal que leurs délicates prédécesseurs. Au pire, elle pourrait toujours lui demander de l'aide si le cœur le lui en disait.

La jeune femme au bout de son bras, il l'accompagna vers la cour arrière seulement cachée aux yeux des curieux par un petit muret de pierres, ce même muret qui n'empêchait guère les villageoises de venir à lui chaque matin pour lui souhaiter une bonne matinée tandis qu'il se rinçait de ses exercices matinaux. Dans leur trajet, ils étaient toujours suivi par la fidèle mais néanmoins capricieuse Duchesse qui surveillait au grain tout en gardant une distance convenable.

« - J'ai rencontré en effet durant mes nombreuses épopées bon nombre de Pokémons mais celui qui m'a le plus marqué est celui qui représente le blason de ma famille : le Flambusard et j'espère un jour pouvoir en posséder un. L'oiseau au plumage de feu, bien moins céleste que Sulfura mais dont les yeux acérés pouvaient repérer une proie à des lieux à la ronde ! »

Il espérait de par ses actions pouvoir un jour de nouveau faire flotter ses armoiries la tête haute et que l'oiseau de feu pourrait de nouveau déployer ses ailes fièrement afin de protéger Mistral. La pensée de cette possibilité empli le cœur du quadragénaire d'un espoir revigorant et d'une ardeur à servir au mieux les tâches qu'on lui avait attribué. Peut-être que petit à petit, il pourrait de nouveau trouver grâce aux yeux de sa patrie et enfin de son Souverain. Pour l'instant il ne pouvait que porter le manteau du chevalier déchu.

« - Et vous, damoiselle Krystal, quelle espèce a le plus marqué votre âme ? »

Il était inconvenant de ne parler que de lui sans s'enquérir de quelques informations sur son interlocutrices. Les femmes devaient d'autant plus être écoutées que souvent elles étaient de sages conseils. Amenant la palefrenière à l'endroit indiqué et attendant que la charrette puisse les cacher le plus convenablement, le guerrier s'approcha de la jument de feu.

Les flammes ardentes de la créature lui rappelait le feu purificateur qui avait brûlé bon nombre d'âmes impures et contrastaient avec le calme dont la créature semblait faire preuve. La main bien droite, paume vers le haut, il la laissa le renifler avant de l'approcher un peu plus et de la poser son le museau de la créature, juste entre ses naseaux. Voulant pour le moment faire connaissance avec elle sans risquer de se brûler, il s'autorisa quelques caresses sur son front, son cou et quelques tapotements amicaux sur son encolure.

Comme l'avait affirmer sa détentrice, cette jument semblait être assez calme et tout en faisant quelques manipulation, il surveillait ses réactions notamment ses oreilles. Finalement il s'en éloigna et se tourna vers la dame aux cheveux auburn.

« - Puis-je vous demander de l'équiper afin d'étudier son trot et son pas. J'aimerai aussi vérifier l'état de ses pattes et ses articulations. »

Il savait que le plus difficile pour un cheval était d'accepter de se faire toucher les pattes – si l'on ne comptait pas le fait de passer rapidement derrière sa croupe - alors pour cet exercice mieux valait peut-être que sa propriétaire ne soit à ses cotés.