Saison Un

: Obscure Prophétie

Bon, pas moyen d’en placer une. Je passe une main sur mon front, épuisée par l’insistance du monsieur rouge de colère. Sur mes épaules, Fouifi bout autant que lui, et je sens ses griffes qui s’agitent déjà sur ma main en éraflant ma peau, prêtes à servir sur le visage de ce fouteur de merde. Du calme, Fouifi, du calme ! Hélas, je n’ai presque aucune prise sur elle, dans mon état. Si au moins j’étais en forme… Ou si j’avais sa pokeball ! Tout ce que je peux faire, pour l’instant, c’est essayer de la calmer de mes caresses. Chose qui ne marche pas du tout pour la calmer.

J’ai cru que ça allait mal finir quand notre incartade se fait interrompre par la milice civile. Et quelle milice ! Je reconnais à peine Felicia avec son nouvel équipement ! En plus, elle est accompagnée d’un grand démon ultra impressionnant, c’est la classe totale ! Son visage me rappelle vaguement… Gizmo ? Whoa, quelle transformation !

Comme elle le demande, je laisse le monsieur s’exprimer jusqu’au bout malgré les grondements sourds de ma Fouinette. Avec l’arrivée de Felicia, elle porte son regard tour à tour sur les deux humains, incertaine duquel frapper en premier.

Le type explique que je suis possédée par Kabuto comme les cavaliers, qu’il faut m’emmener me faire bénir et que j’ai envoyé mon démon déguisé en Fouinette sur sa tronche pour le tuer. Tout cela agrémenté d’autant d’injures que de phrases, bien évidemment. Je soupire, une main sur le front tandis que la queue de Fouifi s’agite d’agacement dans mon dos. Felicia a intérêt de faire gaffe à ses prochaines paroles…

Mais non, la milicienne ne m’engueule pas. Elle change complètement de comportement une fois l’homme éloigné et je retrouve ma copine de l’étang. Cette fois, je soupire de soulagement. Je peux enfin reprendre la parole, bien plus décontractée malgré qu’une fatigue évidente transparaisse à travers mon timbre usé :

— Ça va, ça va… Merci, heureusement que t’es venue, je savais plus quoi faire et Fouifi allait vraiment s’énerver, elle aime pas qu’on m’embête.

La fouine croise les bras en relevant la tête, nullement touchée par mon inquiétude. Tout ce qui compte, à ses yeux, c’est que personne ne me touche. Épuisée, je m’adosse contre un mur pour retrouver mon calme tout en poursuivant mon explication :

— Pour mes yeux, c’est pas moi c’est Ciboulette qui est avec moi, comme ça il peut se reposer pasqu’il est encore plus pas bien que moi le pauvre. Mais depuis, tout le monde arrête pas de m’embêter avec, c’est fatiguant.
— Viva !

Ah, un Truc pas sauvage nous interrompt. Trop frustré d’attendre sa fameuse balade à la plage – qui n’aura probablement jamais lieu – il s’est trouvé un autre centre d’intérêt. Il détaille la tenue de Felicia avec curiosité, humant son attirail en se demandant l’intérêt de tout ceci (et au passage si ça se mange). Amusée en le voyant faire, je ne peux que traduire l’évidence de ses pensées :

— Et toi ? T’as bien changé aussi ! T’as l’air d’une super guerrière comme ça !

Truc s’amuse à tourner autour de Felicia pour l’observer sous toutes les coutures. Qu’est-ce que ça le change, de le voir avec des roulettes ! En plus, il commence à bien s’y habituer. Tant qu’on reste sur terrain plat, il peut aller n’importe où sans mon aide ! Et le mieux là-dedans ? C’est qu’il reste quand même avec moi.

Ha… ça fait du bien un peu de tranquillité. Je hoche la tête aux paroles de Félicia : j’ai bien conscience des raisons qui poussent les gens à réagir ainsi. Malgré mon "absence" à cette période, tout m’a été raconté depuis. Y compris l’identité des quatre cavaliers… mais passons sur ce point.

— Je sais même pas si Ciboulette peut se remettre vraiment, ça fait déjà des jours et rien a changé… mais m’en fiche. On s’abandonnera jamais lui et moi.

Truc accepte les grattouilles avec joie pendant que Félicia raconte sa part de l’aventure ! Apparemment, elle a pas eu la vie facile ce dernier mois. L’admiration grimpe peu à peu à travers ses paroles, jusqu’à ce qu’un petit « Whoaaa » n’accueille sa dernière phrase. Tout ça en si peu de temps, c’est incroyable ! Et elle a réussi à se remettre de tout, elle a l’air encore plus fort qu’à l’étang ! Franchement, c’est vraiment devenue un exemple à suivre, Félicia.

J’allais lui dire plein de compliment, mais elle est partie aussi vite qu’elle est arrivée. Puis ensuite elle est revenue ! Qu’est-ce qu’elle fait ? En attendant, je fait un grand sourire à son Pokémon et lui montre que je l’ai reconnu d’une simple phrase :

— Coucou Gizmo, c’est bien toi, hein ? T’as super trop changé !

Ah, revoilà Felicia. Je récupère les lunettes et ricane de cette idée si amusante ! Sans hésitation, je les essaye pour voir ce que ça donne. Bouah, ça fait tout bizarre, comme si quelqu’un avait diminué le soleil ! Je dois avoir une drôle de tête en tout cas, Truc a pouffé sitôt qu’il m’a vue comme ça. Eh, gros bêta, c’est pas plus bizarre que ton nœud papillon dans mon sac ! On l’a enlevé pour pas l’abimer dans l’eau, mais d’habitude il le porte tout le temps maintenant.

Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, les dernières questions de Felicia ne me blessent pas. Je secoue la tête tristement lorsqu’elle évoque Kedal, mais poursuit la conversation sans interruption, comme déjà remise de ma perte.

— Kedal a été détruite aussi, mais papa il dit que si les gens ils voient que moi de Kedal, j’essaye quand même d’aider partout, alors peut-être des gens ils viendront aider Kedal aussi. Pasque c’est très très dur là-bas. Mais… au final je peux pas y faire grand-chose, pasqu’on peut pas ramener les troupeaux mort et les champs qui ont brulé. Y faut juste attendre que ça revienne.

Je suis plus utile ici à aider aux réparations. Même si… c’est pas non plus la folie en terme d’efficacité. En vrai, je devrais juste chasser : c’est de viande que les gens ont besoin, en ce moment.
Je retire alors les lunettes pour les garder en main, laissant mes yeux à la vue de tous.

— Ma maman, elle s’est sacrifiée pour sauver tout plein de monde à Kedal, elle a été la meilleure des ranger jusqu’au bout. Et… j’étais super triste quand je l’ai appris. Pasque elle aussi était triste de mourir. Mais grâce à Ciboulette, je sais qu’aujourd’hui elle est apaisée et elle est heureuse pour toujours, comme tous les autres gens qui sont morts des cavaliers, du coup ça m’aide à continuer pour ceux qui sont vivants sans être inquiet pour ceux qu’on a perdu.

Je semble reprendre du poil de la bête rien qu’en racontant ça. Je me redresse un peu, délaisse le mur et montre les lunettes à Félicia :

— Merci pour ça, ça va beaucoup m’aider quand je suis trop fatiguée pour parler. Par contre, je les mettrais pas sans ça. C’est vrai que ça serait plus facile pour moi, mais j’ai pas envie de cacher Ciboulette, pasque ça serait trop pas juste. C’est grâce à lui que ma maman est pas en train d’errer n’importe où en étant triste avec tous les autres morts. Et c’est grâce à lui que les Pokémon en veulent plus aux humains. Tout le monde il devrait être gentil avec Ciboulette et l’aider à se reposer, alors je laisserai pas des gens dire des mensonges.

Sur mes épaules, Foufi est étrangement attentive. Il semblerait qu’une partie de mon savoir ne soit pas arrivé jusqu’à elle auparavant. Elle aussi juge Ciboulette différemment à mes paroles.

Il a l’air fier de sa nouvelle force, Gizmo ! Heureusement que Felicia nous a interrompu rapidement, pasque j’ai eu l’impression que Fouifi lui lançait un regard de travers, du genre "je vais te montrer ce que c’est de vrais muscles". Avec l’intervention de Felicia, la fouine reporte son attention sur nous et ce qui se raconte.

Felicia semble d’avis d’informer la population à grande échelle, en passant par la maire. Oh, ça serait gentil de la part de madame la maire de nous aider comme ça ! Mais je veux pas l’embêter avec mes histoires.
Elle enchaine ensuite sur l’idée d’aider les gens et… ça me fait beaucoup rire de la voir aussi enthousiaste ! Et rire, ça fait du bien, ça redonne un peu d’énergie :

— T’as vraiment trouvé ton rôle, toi ! C’est super et ça te va trop bien ! En plus, t’as trop la classe comme ça. Si un jour j’ai besoin d’aide, c’est sûr que je penserai à toi du coup. Mais la milice, c’est pas trop pour moi. Je sais pas bien m’occuper des problèmes des humains, je préfère rester avec mon travail de ranger. Les Pokémon sauvages je sais gérer ! D’ailleurs, c’est quand tu veux pour la chasse !

Je reprends ensuite sur l’autre sujet, bien qu’en retard :

— Je verrais peut-être avec madame la maire. Je veux pas trop l’embêter non plus, elle a tout plein de travail. Pis j’aimerai surtout que Ciboulette soit un peu plus en forme pour lui demander, pasque je crois pas qu’il veut non plus qu’on dise à tout le monde quoi penser de lui. Il est un peu bizarre, parfois ! Je veux juste pas qu’on le confonde avec des méchants spectres comme celui du bal qui m’a fait tirer sur Alphonse. Mais j’y penserai, merci tout plein ! Oh, et bonne chance pour ta patrouille !

Je la salue d’un pouce levé et d’un clin d’œil, avant d’être pris d’une quinte de toux subite. Oula, ça non plus ça s’arrange pas. Truc revient vers moi et se frotte contre ma jambe pour s’assurer que je vais bien, ses yeux inquiets levés vers mon visage.  Ça va mon copain, t’en fais pas ! Je lui offre une caresse pour le rassurer tandis que Fouifi grince des dents, agacée par mon état.

Je remarque alors la présence d’un petit rat assez bruyant avec tout l’attirail qu’il transporte. Il s’arrête devant Felicia avant qu’elle ne parte, du coup je peux intervenir :

— Oooooh, trop mignon, on dirait qu’il veut faire comme toi !

Je les regarde intéragir un peu, touchée par ce Pokémon si particulier. D’habitude, les Rattata, ça a aucun intérêt, mais celui-là est vraiment choupinet !

Une fois la scène achevée, je salue une dernière fois Felicia avant de reprendre ma route à un rythme tranquille en direction de la mer, mes nouvelles lunettes sur les yeux pour être tranquille quelques heures. Truc a bien mérité une petite baignade après toutes ces aventures !