Saison Un

: Obscure Prophétie

Roger était arrivé la veille à Kalank. Son voyage dans les marais n’avait pas été des plus reposant. Ce n’était pas faute de se préparer correctement pour le voyage. Non, il avait revu cette fanatique d’Hélix. Selon elle, leur rencontre n’était pas le fruit du hasard. Elle tenait absolument à conduire Roger sur le droit chemin, ce chemin lumineux que nous réservait le Tout-Puissant. Et puis quoi encore ? Le scientifique avait mieux à penser que de se rendre à l’Eglise tous les dimanches. De toute façon, son esprit refusait catégoriquement de retenir de stupides prières, vides de sens, vides de promesses.

Ainsi, la première chose qu’il fit en arrivant à la capitale était de réserver une chambre dans un hôtel miteux pour y passer les prochains jours. Le botaniste se laissa tomber sur un vieux matelas usé et ne se réveilla que tard dans la matinée.

Désormais, le scientifique sillonnait les rues détruites de la ville portuaire. Lui qui pensait rester quelques jours pour profiter de l’air marin… cette vision du chaos lui fit vite revoir ses plans. C’était sans compter l’incroyable politesse des kalankais.

- Hé toi là ! C’est combien le pokémon ?

Roger se tourna, les sourcils froncés. Un type plus vieux que lui le pointait du doigts. Du moins, c’était ce que croyait le blond. Au vu de la dégaine de l’inconnu, il semblait parfaitement clair que son corps était imbibé par certaines substances…

- Réponds-moi ! Le pokémon sur l’épaule, là, dit-il, toujours le doigt tendu vers le jeune homme.
- Astéra n’est pas à vendre.

Le blond essaya de parler sur le ton le plus neutre possible. Pourtant, il ne put s’empêcher d’y ajouter une pointe d’amertume. Malgré la froideur de Roger, l’homme n’obtempéra pas.

- lippoutou, s’il te plait. C’est pour ma copine. Ça fait des jours que je cherche ce lippoutou de pokémon dans la praire mais je le trouve pas.
- Voilà qui est étonnant, lâcha le botaniste.
- T’insinues quoi ? Nan sérieux, je te l’achète. Je dois avoir des sous, là.

Déterminé, le type saoul sortit un portefeuille dans la poche arrière de son pantalon et tendit la modique somme de vingt pokédollars à Roger. Ce dernier lâcha un profond soupir d’agacement. Mistral quelle belle région. Ses paysages, sa cuisine, sa faune… et surtout ses beaufs. Heureusement, celui-là n’avait rien d’un dominant. Il était aussi frêle, si pas plus, que le botaniste. Il était rare les fois où le scientifique se permettait de prendre les gens de haut, il fallait vraiment le chercher.

- Ecoute, je veux bien te céder mon pokémon… mais je ne crois pas que tu aies ce que je recherche.

L’inconnu s’était un peu calmé. Visiblement, il semblait à tout prix chercher ce Flabébé. C’en était presque étonnant qu’un beauf kalankais fasse tout pour faire plaisir à sa petite amie… à moins qu’il s’agît d’autre chose mais Roger ne voulait pas baigner dans ce genre d’affaires.

- Dis toujours. Ma copine me bassine les oreilles avec ça depuis des semaines… alors, c’est quoi ton prix ?
- Un cerveau.

En une fraction de seconde, des mains empoignèrent le col de la chemise du botaniste.

Aussitôt, la Flabébé se cacha le visage avec sa fleur alors que le Skitty s’apprêtait à mordre les chevilles de l’agresseur pour aider son dresseur. Heureusement, la bagarre s’arrêta immédiatement sous l’injection d’une fille… déguisée en chevalier. Si ce n’était pas commun, le costume avait au moins eu l’avantage d’impressionner l’homme complètement saoul. Quant à Roger, il cru bien avoir fait un bon dans le temps. Il balaya du regard la ville et ses passants… non, il était pourtant à la bonne époque, en témoignent les chalutiers et le décor ravagé. Vraisemblablement, c’était cette jeune fille qui venait de voyager à travers les époques. Pour couronner le tout, son visage rappelait un vague souvenir à Roger… mais il ne sut dire lequel exactement.

La presqu’inconnue en armure endossa le rôle de médiatrice, demandant des explications sur la situation. Légèrement perplexe, le blond haussa un sourcil interrogateur. Serait-elle des forces de l’ordre ? Peu importait. Elle avait eu moins le mérite d’éviter à Roger un joli coquard. Evidemment, ce fut le kalankais qui s’exprima en premier, non sans accentuer son discours par des « lippoutou » distingués. Bien sûr, ce type se gardait bien de dire qu’il avait été un peu trop insistant au goût du botaniste. Probablement que le beauf s’estimait dans son bon droit…

- Effectivement, ce… monsieur est venu me voir pour acheter Astéra. Et oui, j’admets avoir manqué de courtoisie. Mais ce qu’il ne vous dit pas, c’est qu’en plus de faire preuve d’aucune politesse, il a lourdement insisté pour obtenir mon pokémon. Ensuite, Roger se tourna vers le concerné. Donc, je vous le répète pour la troisième ou quatrième fois, Astéra n’est pas à vendre !
- Ah mais lippoutou, tu comprends vraiment pas, j’ai-

Le kalankais eut un instant d’hésitation, observant du coin de l’œil le Grimalin et sa dresseuse alors qu’il pointait du doigt le scientifique. Finalement, il jugea opportun de ne pas terminer sa phrase et baissa le bras.

- Ok, ça va. J’ai compris. Tu peux la garder ta fleur, j’ai mieux à faire.

Les mains dans les poches, la tête haute, le beauf décida de quitter les lieux, prenant soin de lâcher une dernière insulte. Une bonne chose de faite pensa Roger. Grâce à cette fille, il n’aurait pas à s’abaisser au niveau de cet énergumène. La prochaine fois qu’il se rendrait à Kalank, Roger se promènerait lui aussi en armure. S’il ne suffisait que de ça pour calmer les ardeurs de certains…

- Eh bien, merci. Vous faites partie de la maréchaussée ? Je ne savais pas qu’ils avaient changé leur uniforme…

En réalité, Roger connaissait une partie de la réponse. Si la maréchaussée avait vraiment changé la tenue de ses agents, cela aurait sans nul doute créer beaucoup de vague. Il lui semblait moins invraisemblable que cette jeune fille vienne d’une époque moyenâgeuse.

La milice civile, évidemment. Une nouvelle idée de la nouvelle Maire, dont Roger ne savait quoi penser. Il était du genre à préférer la prévention à l’oppression. Néanmoins, il devait bien admettre que cette jeune fille était arrivée pile au bon moment et son accoutrement semblait régler certains problèmes à lui seul.

Quand elle se présenta, Roger n’eut presque plus de doutes. Il était évident qu’il l’avait déjà rencontrée quelque part mais où et comment… Quand il ne s’agissait pas de plantes, sa mémoire se retrouvait souvent défectueuse.

- Je m’appelle Roger. Roger Ranium. Hum… peut-être me trompé-je mais j’ai l’impression de vous avoir déjà vu quelque part. Est-ce qu’à tout hasard, vous seriez originaire de Frîme?

C’était la seule piste que Roger pouvait avoir. Bien sûr, le blond avait déjà eu l’occasion de visiter quelques endroits de Mistral avant de se lancer entièrement dans son voyage… mais s’il l’avait simplement croisé dans un tournant, elle ne lui aurait pas parut aussi familière. Et elle semblait trop jeune pour être une ancienne camarade d’étude. En y repensant, la situation en elle-même était un énorme déjà-vu. Quelqu’un qui vient en aide à un parfait inconnu… Bon sang ! Cela revenait enfin à Roger.

- Mais oui, ça me revient ! Ça y est ! Tu ne serais pas cette fille de Frîme qui avait toujours des soucis avec les autres enfants ?

La phrase était maladroite et mal tournée… mais ce n’était pas l’intention de Roger. Il était simplement content de ne pas rester sur cette impression de déjà-vu. Cette scène avait déjà été reproduite par le passé, à un détail près : les rôles étaient inversés. Il y avait quelques années, bien avant de devenir botaniste, Roger s’était interposé dans plusieurs disputes d’enfants. A chaque fois, ses disputes impliquaient une même jeune fille : Félicia. Une fois parti à Vigneaux pour ses études, l’apprenti scientifique n’eut plus jamais l’occasion de recroiser cette tête brûlée. Voilà donc qu’il recroisait son chemin, dans la magnifique ville portuaire qu’était Kalank.

- Alors tu t’es donc mise au service du peuple ? C’est une noble cause.