Saison Un

: Obscure Prophétie

Du courage ? Haha, ce n’est pas du courage qu’il faut pour ce genre de chose, simplement de la persévérance. Il n’y a rien que je craigne, moi qui suis déjà mort. Mais ne contredisons pas les compliments.

Quoi qu’il en soit, je réalise que Kata s’est attirée la foudre des Vignelais à plusieurs reprises. Je ne peux empêcher quelques rires retenus tout au long de ces descriptions, tandis que ma main caresse mon front avec insistance devant tant d’aberrations.

On commence avec quelque chose d’évident. Celui-là, je le savais. J’y réplique immédiatement, hochant la tête pour signifier ma compréhension tout en expliquant :

— N’étant pas présent à l’époque, j’aurais du mal à confirmer celui-ci. D’après Kata, elle voulait aider un idiot à choisir une pâtisserie puisqu’il essayait de commander quelque chose qu’elle ne voyait pas en vitrine. Si elle a effectivement prononcé le nom interdit pour se renseigner dessus, Kata ignorait jusqu’à l’existence de cette pâtisserie aux multiples appellations qui lui a value de se faire briser les jambes par un Bétochef.

Pas étonnant qu’elle ait fini traumatisée après une telle injustice. Ce n’est pas à elle de faire mea culpa, mais j’imagine que l’inverse n’arrivera jamais. Et le demander de vive voix ne ferait qu’aggraver la situation.
Bref, celle-ci est anecdotique. Cela aurait surement été oubliée avec le temps. La suite, en revanche…

Je laisse toutes les accusations défiler, très amusé de voir la collègue de Lise défendre Kata et lui offrir la présomption d’innocence. Elle va même jusqu’à me mettre en avocat de l’enfant pour expliquer toute cette situation ! Hahaha, elles n’ont rien compris ? Je pouffe en le réalisant. J’aurais dû être plus direct. Je comprends mieux leur bienveillance vis-à-vis de moi, cela risque de changer très bientôt.

— Ne trouvez-vous pas le phénomène des rumeurs désopilant ? Les faits sont là, tous véridiques, mais chacun y appose des intentions qu’ils supposent sans chercher davantage alors qu’il suffirait de quelques mots pour s’informer auprès de l’intéressée.

Je me tourne vers celle qui défendait Kata, la salue avec respect puis exprime :

— Je vous remercie de votre enthousiasme quant à la défense de Kata. Bien que ce soit une cause perdue, à n’en pas douter. Par ailleurs… (je laisse échapper un rictus avant de reprendre) vraiment, je doute que ma voix soit davantage écoutée que la sienne. Éviter Vigneaux sera plus sage que d’essayer d’ouvrir les yeux à une foule avide de vengeance, quitte à s’en prendre à ceux qui les défendent. Toutefois, je peux vous donner ma version des faits, libre à vous d’y croire ou non, vos réponses suffisent à satisfaire ma curiosité.

Je les laisse réagir si elles le désirent avant de commencer en m’engageant dès le début sur la pente glissante des révélations :

— D’abord, il semblerait que je me sois mal fait comprendre en me présentant. Je suis le Pitrouille dont vous parlez. Haïssez-moi pour mes actions comme tant d’autres si vous le désirez, peu m’importe. Je n’ai agi ni pour ces cavaliers, ni pour les vivants, bien qu’il semblerait que mes actes aient permis votre victoire en libérant vos Pokémon de la malédiction. Mon unique but était d’offrir à ces âmes fauchées le final qu’elles méritaient après tant d’épreuves.

Je suis heureux d’avoir mené ce projet à terme, bien qu’il m’ait tant couté. Pendant quelques instants, nous avons brillé tous ensemble, marquant l’histoire de notre existence. Et désormais, chacun de ces trépassés profite d’un repos mérité.

— Quant à ma venue au manoir en compagnie de cette chère Phila, Kata étant inconsciente comme aujourd’hui à cette époque, la raison était la même que lors de notre seconde venue plus récente. Nous devions retrouver Jack, ou au moins ses recherches, pour achever le remède du Pokérus et guérir nos deux humaines. Avant d’être un cavalier possédé par Pestilence, Jack était l’unique scientifique travaillant sur cette maladie. Si la foule en colère nous avait abattus ce jour-là, comme ils ont bien failli le faire puisqu’une balle a frôlé Kata, vous seriez tous encore agonisants.

Je me laisse aller à rire pleinement. Vraiment, les humains peuvent être d’une stupidité sans limite…

— Si je résume, les habitants de Vigneaux en veulent à Kata pour les avoir sauvés indirectement à deux reprises, et pour avoir voulu résoudre une incompréhension dans une boulangerie. Comme je le disais : désopilant !

Bien que je doute qu’elles me croient. Mon histoire est bien plus difficile à accepter qu’une simple haine vis-à-vis d’une camarade des cavaliers. Surtout après avoir révélé mon rôle. D’autant que si Kata se fait un plaisir de m’ériger en héros à chaque occasion, je préfère me contenter des faits. Je les ai sauvés, certes. Mais ce n’était pas mon intention, ni l’inverse. Je n’ai fait qu’accomplir le rôle de mon existence.

Que c’est amusant ! Cette double réaction, à la fois divisée et simultanée. La championne semble m’en vouloir tout autant qu’à Fouifi, tandis que sa collègue est peinée et compréhensive. Le plus amusant étant que je suis davantage en accord avec la plus virulente des deux. Défendre Kata n’apportera rien, sa réputation est faite dans cette ville.

Puis l’ordre fuse. Diantre, serait-ce un exil ? Cela me donne presque l’impression d’une menace. Je n’ai déjà plus qu’une envie : insister pour l’emmerder. Ah, ça… le côté spectre qui prend les devants. Oubliez la peur, ajoutez-y une deuxieme journée en lieu et place de la nuit à combler d’ennui, et relativisez sur tous ces problèmes que les mortels s’attribuent… Vous obtiendrez un caractère bien différent d’autrefois.

Je vais me retenir. Par respect pour cette autre dame si bienveillante qui risque déjà de souffrir par la faute de Kata si elle tente de défendre sa cause perdue. Même sa dernière phrase sonne davantage comme une menace qu’un écho de la bienveillance de sa camarade. Ces humains sont si amusants. Il ne se rendent compte de rien. Il n’y a qu’à l’énième menace sur Fouifi que je juge bon de réagir :

— Si vous êtes prêtes à en assumer les conséquences… Libre à vous d’essayer.

Je ne peux que le déconseiller. Ni pour sa sécurité, ni pour celle de la Fouinette. S’il y a une chose pour laquelle la fouine est douée, mis à part le chaos, c’est entrainer d’autres personnes dans ses affaires. Comme Kata, par exemple. Abattre Fouifi risque de demander la mort de bien des innocents.

Poussé par la froideur de la championne, je me dirige donc vers la sortie après une révérence chaleureuse à leur intention.

— Bien qu’il ne fût visiblement pas partagé, ce fut un plaisir de faire votre rencontre à toutes les deux. Et je pense pouvoir affirmer sans peine que nous nous reverrons.

J’ai confiance en Kata pour ça. Elle se fourra une énième fois dans un bordel pas possible, et qui dit bordel pas possible dit intervention des champions de Mistral. Navrée madame Sens, vous devrez supporter la vue de Fouifi une prochaine fois, encore. Profitez-en pour l’abattre, comme vous le souhaitiez ! Hahaha !

La porte de l’arène s’ouvre. Ah… Me voilà obligé d’enjamber un tas de Rattata crevés encore sanguinolents. Aucune trace de Fouifi, je suppose qu’elle est allée en chercher d’autres et qu’elle lâchera sa besogne en me remarquant. Je murmure pour moi-même :

— Toi, tu n’arranges pas ton cas… (je me tourne vers les deux humaines, un sourire narquois sur le visage, puis hausse les épaules avant d’exprimer :) Kata est sincèrement désolée.

Moi ? Bien sûr que non. Et je ne vais pas m’abaisser à ramasser cela, encore moins après m’être fait mettre à la porte aussi sèchement. De toute façon, Kata peut-elle avoir une pire réputation ici ? J’en doute. Allez, tirons-nous. J’imagine que c’est le mieux que nous pouvions attendre de cette ville.