Saison Un

: Obscure Prophétie

Ainsi donc la damoiselle avait appris tout ce qu'elle savait de par sa famille. Nullement choqué de ce fait, le quadragénaire trouvait même cela normal – après tout il ne connaissait nullement le concept d'école – et pour lui qui mieux que la noblesse ou le clergé était à même de pouvoir enseigner. Un sourire espiègle apparu de sous sa barbe tandis qu'il se remémorait quelques bons et rares moments passés avec son frère aîné. Mais une question lui vint en tête : dans sa propre famille, leur nom étaient-ils aussi donné en l'honneur d'illustres ancêtres ? Sa mémoire lui faisait hélas défaut.

« - Je n'en suis nullement offusqué, moi-même ne sait guère si mon prénom vient d'un de mes ancêtres ou était-ce le vœu de mes parents. Toutefois je trouve le fait triste que de ce que l'on retint d'elle était ses émois sans en connaître les origines. »

Il aurait tant donné pour bouter l'arrière-train du faquin qui avait eu l'outrecuidance de laisser dépérir cette bonne âme qu'était Adeline. Un bon bourre-pif ou même une sévère leçon afin de lui apprendre comment traiter convenablement une femme. Les bonnes manières avaient disparues avec le temps, semblerait-il. Le monde marchait sur les mains depuis qu'il s'était endormi, rude constatation mais pourtant son humeur était toujours au beau fixe. Le brun se prit à même regarder l'horizon, le regard perdu dans ses souvenirs.

« - J'ai moi-même été éduqué par ma famille jusqu'à être envoyé aux ordres. Là se fut la sainte Église qui reprit le flambeau. En plus de m'apprendre le maniement des armes. »

Même s'il avait été séparé assez jeune de sa famille, étant le second fils d'une famille de nobles, il se souvenait avoir passe de bons moments et comme un sage lui avait dit un jour « mieux vaut avoir la lame devant soi plutôt que derrière ». Il avait été souvent sur le champs de bataille mais au moins avait-il évité les intrigues politiques tout aussi sanglantes à ses yeux et moins honorables. Mieux valait être entouré de frères d'armes pour se protéger qu'être dans une antre rempli d'Arboks prompt à mordre à la moindre occasion.

Ainsi, il y voyait une fois de plus de la providence dans son malheur. Peut-être était-ce là son coté optimiste ou un peu trop dévot pour ne penser qu'à l'acharnement sur son destin. Toutefois la proposition de dame Adèle le fit s'ébranler quelques instants. Un sourcil arqué en guise de questionnement, il se demandait si cela était véritablement bien vu qu'une femme offre une boisson à un homme. De son temps, il devait plutôt que c'était au gentilhomme d'inviter.

« - Nul besoin de m'inviter pour cet acte tout à fait normal. Pourrais-je encore lever tête si je laissais toute âme en danger sans rien faire pour lui venir en aide ? Mais je peux toujours vous tenir compagnie et vous offrir de quoi vous désaltérer si le cœur vous en dit. Je serai plus qu'heureux de vous parler de Dame Adeline. »

D'un mouvement de la main, il invita la demoiselle à choisir quelle taverne ou autre lieu de boisson lui siérait le plus pour pouvoir discutailler. Il devrait tout de même point abuser de l'alcool car cette jeune femme ressemblait bien trop à son aimée pour qu'un écart ne soit pas envisageable une fois sa raison endormie par les breuvages. Et puis, pour être tout à fait honnête, lui aussi avait quelques questions à poser à cette descendante de Dame Adeline.

Quelle étrange situation que de se faire conduire par une damoiselle, de son temps cela était le contraire : ouvrir les portes, offrir un bras sur lequel elle pouvait s'appuyer, reste derrière elle dans les escaliers en cas de chute. Pour ce monde moderne, les dames étaient devenues bien plus autonomes et qu'elle ne fut pas sa surprise lors des journées précédentes à découvrir que certaines avaient même pris la place et le travail des hommes.

Jamais il ne les aurait crues aussi solides et fortes pour tenir de tels rôles. La vision de son monde se confrontait de plus en plus avec celui-ci et cela avait de quoi le dérouter. Au moins savoir qu'il était toujours utile à la société et les petites gens lui permettaient pendant quelques temps de pouvoir se changer les idées et oublier ses tracas.

Marchant assidûment derrière sa guide, ils finirent tous les deux dans une petite taverne qui ne payait pas de mine mais sachant que la demoiselle l'avait choisie plutôt qu'une autre, sa boisson devait être bonne. Après tant d'émotions, il ne voyait pas pourquoi elle l'aurait conduit jusqu'à une vieille gargote miteuse ou était vendue de la pisse de Tiboudet. Après avoir tiré la chaise de la damoiselle afin qu'elle puisse s'y installer confortablement, il s'assit à son tour et attendit que le tenancier ou une de ses vendeuses ne les interpelle pour prendre leur commande.

C'est à cet instant-là que dame Adèle décida d'ouvrir la conversation, non sans avoir passé quelques temps à fier la caniche qui ne se priva guère de lui montrer les crocs avant de lever un regard condescendant... du moins jusqu'à ce qu'elle ne fixa de nouveau le guerrier et alors son regard se radoucit et pétilla même alors qu'elle battait joyeusement de la queue. Quel vrai caractère de chien celle-là !

Adalbert, quand à lui, ne remarquant guère le comportement discourtois de sa Couafarelle semblait bien plus absorbé par la question de la jeune femme aux couettes. Ainsi elle n'allait point pas quatre chemins et posa tout de suite sa question sur Dame Adeline. Déchiré entre dire tout ce qu'il savait d'elle au point d'en paraître suspect et d'enfin dévoiler le véritable visage de celle qu'il aimait, il tentait de répondre de façon satisfaisante.

« - Dame Adeline aidait les petites gens tout comme elle aidait les membres de l’Église dans leurs tâches. Elle était dévouée et elle a même aidé un pauvre ivrogne à retrouver foi en le Saint Helix et en lui-même. Grâce à sa compréhension et sa patience, elle réussi même à faire de lui le chevalier honorable qu'il fut jadis. Toutefois cette amitié se transforma au fil des années en amour et afin de pouvoir rompre son serment d'abnégation pour lui prendre la main, ce dernier entreprit une quête mais ne revint jamais. Peut-être est-ce là la raison de son changement de comportement. »

Réfléchissant, le garde se demandait s'il n'était pas la cause de tous les problèmes de sa dulcinée. Cela dégrada son humeur mais il tenta de n'en pas faire mine auprès de sa bienfaitrice. Et puis, après avoir tant parlé, il était temps de se rincer le gosier. Las d'attendre une serveuse, il fini par en interpeller une et commanda pour son invitée et pour lui-même.

« - Un bon vin pour mon amie que voilà et un tonnelet de bière pour ma part. Grand merci  mais hâtez vous tout de même. »

Nouveau rire tonitruant de la part du chevalier alors que son invitée changea son vin pour un thé aux fruits. Les goûts de la noblesse des De Mirre avait changé ou était-ce encore une informations qu'il n'avait point encore reçu qui faisait que la damoiselle déclinait poliment son breuvage alcoolisé. Décidément le maréchal Anty aurait plus à lui apprendre qu'il ne le pensait. Pourtant en voyant tous ces bons vivants autour d'eux, il n'aurait jamais pensé que l'alcool fut proscrit, ou alors cette dame Adèle n'en appréciait guère l'amertume.

« - Vous n'aimez point le vin ? »

Comme ses guides le lui avaient suggéré plus tôt, mieux valait poser au plus vite ses interrogations plutôt que de les ressasser en tête au risque de réitérer une bourrinosserie. Pourtant elle ne semblait nullement importunée par son choix de boisson, juste quelque peu gênée, mais au moins ses récits qui relataient les hauts faits de celle pour qui battait son cœur avait le don de la captiver. Nulle colère ne se lisaient dans ces prunelles, juste un intérêt profond. Comme il était étrange de voir de pareilles mimiques sur un visage à la fois familier et étranger.

Au moins le vieux garde semblait lui faire bonne impression, c'était tout ce qu'il demandait. À défaut de ne pouvoir avoir son cœur comme sa mie le lui avait offert il y avait jadis tant d'années de cela, une camaraderie lui suffirait. Car oui elle avait le minois de dame Adeline mais il ne devait aucunement perdre de vue qu'elle n'était pas celle qu'il avait aimé. Elle était sa descendante.

Par contre s'il apprenait que celui qui avait lié sa vie à celle pour qui il avait risqué sa vie n'était nul autre que son grand frère alors il renierait le nom de sa propre famille et maudirait à tout jamais son aîné. En plus de l'avoir fait envoyer dans l'ordre il lui aurait même pris jusqu'à son cœur et cela il ne pourrait jamais le lui pardonner. Coutume ou pas.

Toutefois les questions se succédaient et le chevalier avait du mal à pouvoir y répondre tout de go. Il tentait alors d'utiliser le stratagème des demies vérités afin de se débourber de ce pétrin dans lequel il s'enfonçait petit à petit.

« - La plupart de mes connaissances proviennent des artefacts récupérés des ruines de ce qui fut jadis la demeure des Gamotte. Pour la plupart, elles sont mises sous scellé au musée non loin de là. J'ai eu la chance de pouvoir y avoir accès avant que ces reliques du passé ne soient enfermées dans leur écrin de verre afin que tous puissent découvrir la vie de cette famille déchue. »

Au moins il lui donnait une piste même s'il savait qu'elle n'aboutirait jamais. Comme dame Félicia le lui avait fait comprendre, nul objet ne pouvait être retiré du musée et il lui serait ainsi fort difficile d'avoir accès à ces documents. Par contre peut-être que les quelques tableaux le représentant pourraient lui faire faire se poser d'autres questions quand à l'identité de l'homme qui lui avait soufflé ces informations. Mais nulle crainte à avoir car d'ici-là, il serait déjà bien loin.

« - Ainsi j'ai le regret de vous annoncer, chère damoiselle, que votre entreprise en dors et déjà vouée à l'échec. Mieux vaut se contenter de ces quelques informations... »

Même s'il était, à sa grande honte, soulagé de ce dénouement, il offrit tout de même un regard compatissant envers la jeune femme. Vint alors leurs boissons et le chevalier leva quelques instants sa grosse chopine en guise de trinque avant d'en avaler goulûment le contenu et ce, sans sourciller. Même s'il préférait garder ses manières en face de dames, avoir tant parlé lui avait donné grand soif.

Face à l'explication de la demoiselle quand à son refus quand à la boisson alcoolisée, Adalbert ne put s'empêcher d'afficher un franc sourire. Un seul accident par jour en effet suffisait, surtout si elle devait remonter sur cette machine diabolique de deux roues. Pour sa part, cette mince chopine suffirait à le contenter tout en ne risquant pas de le rendre saoule. Toutefois il préférerait rentrer à pied plutôt que d'utiliser ce cadeau fait lors de la joute mistraloise. Un cadeau bien empoisonné à son humble avis.

Au moins la damoiselle semblait apprécier leur rencontre et surtout les circonstances et tout comme lui semblait percevoir cela comme un signe du destin. Il acquiesça à la remarque d'Adèle qui tenta de boire son thé. Personnellement, il n'était pas un grand amateur de cette eau aromatisée mais il savait que cela plaisait grandement à Dame Adeline, tout comme à toutes les dames de la noblesse. Peut-être une question de goût...

« - Le monde est petit ou alors le Saint Helix a fait en sorte que nos destins se rencontrent. »

Le chevalier croyait encore et toujours à ce que l’Église lui avait inculqué depuis qu'il était rentré dans les ordres. Mais son invitée n'en avait pas fini avec ses questions et une fois qu'elle avait comprit qu'elle ne pourrait plus tirer grand chose du passé de la famille De Mirre, elle bascula sur un autre sujet : Duchesse la Couafarelle. Le vieux chevalier tourna alors son regard ambré vers la caniche qui arborait un regard empli de curiosité face à l'intérêt de la jeune fille à son encontre.

« - Cette curiosité est assez rafraîchissante eheheh, en effet vous avez bien devant vous une Couafarelle. Cette boule de poils est contre toute attente une fière traqueuse. Après tout avant d'être un chien d'ornement, c'est une créature utilisée pour la chasse. Ses talents m'ont par ailleurs sauvé la vie lors de mon passage dans la grotte givrée. »

Terminant sa chopine, il en commanda une seconde car il sentait que les questions de la demoiselle allait de nouveau pleuvoir et mieux valait avoir le gosier bien arrosé qu'il voulait pouvoir suivre. D'ailleurs il put voir que si sa bière descendait vite, ce n'était point le cas pour la tasse de thé de dame Adèle.

Accueillant avec un plaisir non dissimulé sa seconde chopine, cette fois le guerrier la but plus lentement ou sinon à cette allure-là, il roulerait sous les tables avant que la damoiselle n'ait terminé son eau aromatisée. Il fallait dire qu'elle lui permettait de prendre un peu de répit entre chaque gorgée avec toutes ses questions qui l'amusaient grandement. Certes elle utilisait beaucoup de flatteries qui n'avaient pas lieu d'être mais il mettait cela sur le compte de son engouement et de sa propension à bien vouloir se faire voir afin d'obtenir le plus d'informations de lui.

« - Tout être est exceptionnel, qu'il soit humain ou pokémon ma chère. Après tout, ne trouvons-nous pas cela remarquable lorsqu'un homme met à terre un machopeur ? Chaque être à une capacité bien à lui qui lui permet de se démarquer des autres et ainsi servir les desseins que le Saint Helix lui a attribué. »

Toutefois il fallait avouer que les membres de sa petite troupe étaient tous utiles, chacun à leur manière, pour l'aider dans ses nombreuses tâches quotidiennes. Entre ses fiers compagnons membres de l'Hexadron et Duchesse et son flair acéré, ils méritaient tous leur place à ses cotés en temps que gardiens de la paix et de l'ordre à Mistral. Toutefois ils n'étaient pas aussi puissants que feu son Escadron et n'étaient qu'au stade de l’entraînement mais il espérait qu'un jour tous puissent rivaliser en force et en stratégie afin qu'il n'ait plus à tourner l'épaule à chaque fois qu'ils étaient séparés.

« - En plus de ma Couafarelle, je possède un Hexadron, toutefois je crains fort que dans la cohue ils ne se soient éparpillés mais je n'ai nulle crainte à avoir, je sais que mon compagnon me retrouverai tôt ou tard. »

Ce n'était pas parce qu'il avait perdu un ancien compagnon au combat que la même tragédie allait se réitérer encore et encore. Il laissait au pokémon le soin de revenir à lui et s'il tardait trop, il utiliserait la truffe affurée de sa chienne pour l'aider à débusquer chacun de ces « tire-au-flanc ». Les paroles de la damoiselle eurent tout de même le don d'attiser la curiosité du plus âgé et c'est avec ce sentiment non dissimulé qu'il voulu en apprendre d'avantage sur les compagnons de la descendante de Dame Adeline.

« - Vous dites vous être spécialisée dans certains pokémons ? Puis-je en savoir la raison et la spécialité je vous prie ? »

Après avoir assouvi tant de questions, pourquoi ne pas poser quelques questions à son tour et puis il était curieux de savoir si Dame Adèle avait les mêmes goûts que sa douce Dame Adeline.