Saison Un

: Obscure Prophétie

Si de prime abord la damoiselle semblait fort peu aise quand à ses dires, il s'aperçut que parler de ses coéquipiers l'apaisa et la voilà même qui parlait tout comme lui de signe du destin. Une preuve de dévotion qui faisait grand plaisir à voir car il pouvait ouïr de ses oreilles que la nouvelle génération n'avait point perdu foi en Saint Helix et à sa divine providence. Mais plus que cette preuve de dévotion, ce qui l'amusa grandement fut le fait que la descendante de Dame Adeline possédait elle aussi un Hexadron.

Toutefois n'étant pas encore familier avec leurs drôles de sphères bicolores, le chevalier ne put que sursauter face à son utilisation et l'apparition d'un congénère à son Escouade. Tout comme lui elle avait fait leur connaissance à Carcakrok, il semblerait bien que ces Pokémons n'aient point migré depuis toutes ces années. Il se souvenait alors de l'offrande que sa famille lui avait faite en lui donnant non pas un Flambusard comme à son frère mais un Hexadron qu'il nomma Escadron. Son tout premier coéquipier qui le suivi partout jusque sur les champs de bataille.

Peut-être que ces jeunes gens, comme Dame Adèle aimait à les appeler, étaient eux aussi des descendants de l'Escadron et il s'amusait à imaginer que son Escouade était un grand oncle éloigné, un parent très ancien de ces créatures tout à fait polie. En réponse à leur révérence, le vieux guerrier fit de même avant d'inciter sa Couafarelle à aller les chercher pour une petite réunion. Quelques aboiements de joie plus tard et la voilà filer à travers les ruelles de la ville à la recherche des différentes boules guerrières.

Ceci fait, il se concentra de nouveau sur la jeune femme et lui posa de nouvelles questions quand aux aspirations de celle-ci mais surtout en savoir un peu plus sur ces champions dont tous semblaient louer les hauts faits.

« - Une dresseuse de Pokémons de type poison ? Pourquoi un tel choix de votre part ? Je me souvins que Dame Adeline avait préférence pour les fées et pourquoi à tout prix vouloir devenir champion ? Je ne comprends nullement pourquoi sont-ils plus aimé que la garde royale qui pourtant risque elle aussi sa vie... »

Peut-être en avait-il trop dit dans le feu de l'action mais comme à chaque fois qu'il parlait de ce qui lui tenait à cœur, il était un peu trop enthousiaste et baissait facilement sa garde. Heureusement pour lui, des aboiements joyeux étaient là pour calmer les doutes et arriva alors la caniche fière de la réussite de sa tête car suivi de l'Escouade qui ne put que laisser échapper sa surprise en voyant leurs homologues. Mais aussi rapidement qu'ils s'étaient tétanisés, les voilà saluer l'assemblée prestement avant de se diriger derrière leur chef, attendant ses ordres mais s'inclinant à chaque fois qu'ils étaient présentés.

« - Voici mes alliés dont je parlais : mon Escouade composée de Meneur, Râleur, Rêveur, Timide, Grincheux et Heureux. Mes fidèles alliés de longue date et la progéniture de ma première troupe. »

Écoutant les paroles de la damoiselle, le vieux garde ne pouvait qu'approuver ses propos, de ce qu'il avait pu ouïr ou voir le long de son errance, bien peu de gens étaient enclins à porter le roi nouveau dans leur cœur mais de là à délaisser une profession autrefois perçue comme noble et gratifiante. Car plus que protéger un roi, c'était protéger des idéaux et une nation qui incombait aux gardes et non à ces dresseurs. Rigueur. Discipline. Abnégation. On leur demandait tellement et pourtant le peu de reconnaissance qu'on leur offrait arrivait pourtant à leur suffire alors que ces champions se pavanaient telles des princesses sans respect pour le peu qu'il avait pu en voir. Comment pourrait-il alors les respecter ?

Il croisa les bras, semblant réfléchir face aux paroles de dame Adèle mais au moins le fait qu'elle veuille effacer une image qui n'avait que trop collé à des êtres lui laissait présager qu'elle était plus prompt que les petites gens à laisser sa chance avant de juger sur des « on dit ». Isolé et mal-jugé : à travers ces créatures, il se voyait un peu. Surtout avec les racontars qu'il y avait eu à son encontre. Bafoué et humilié, son nom tout comme son blason avait été traînés dans la fange. Malgré cela il gardait toujours l'ardeur qu'un jour il puisse être lavé de tout soupçons et que les ailes de ses armoiries flamboient de nouveau pour faire régner la justice et la paix en Mistral.

« - Je vois... quelles nobles intentions et je prierai pour que vous arriviez dans votre entreprise. »

Hoplite face à Escouade. Escouade face à Hoplite. Deux chenilles de plusieurs êtres et qui pourtant agissaient en procession comme une seule et même entité. Plusieurs âmes dont plusieurs centaines d'années séparaient normalement leur existence et pourtant presque aucune différence physique n'était à notifier. Ses bras croisés sur sa poitrine se détachèrent pour se porter sur ses hanches alors qu'il regardait, avec fierté, les siens faire une révérence solennelle en parfaite et due forme.

Toutefois la simple question posée par la demoiselle qui sirotait son thé l'ébranla plus que de raison et après s'être passé une main derrière la nuque, il dut avouer que son enrôlement n'avait pas été totalement de son propre chef. Cela pouvait être un contre-argument à toutes ses paroles enfin du moins pour ce qui était de la partie des Ordres, pour ce qui était de devenir garde royal, cela avait toujours été un rêve à ses yeux.

« - Pour ce qui est de l'Ordre, ce fut parce que j'étais le cadet d'une famille de nobles et que voulant abrégé tous conflits quand à un probable problème de succession, on m'y envoya. Ainsi ma famille faisait un don au Saint Helix tout en évitant des guerres fratricides. Cela me guide vers le chemin de la droiture et de l'abnégation. Je ne vivais plus pour moi-même mais pour le peuple Mistralois et son autorité. Ainsi naquit mon désir de devenir garde royal : pour protéger l'autorité de notre illustre contrée ! »

Voilà un parfait exemple de l'effet Papillusion où le simple choix d'envoyer quelqu'un sur une voie l'avait permit à devenir meilleur. Malheureusement les obstacles et les douleurs rencontrés l'avait fait chuter. Fort heureusement à l'époque, il avait réussi à trouver l'âme qui lui avait permit de se relever. Une question restait alors au fond de sa tête : cette fois qui serait là lorsqu'il redeviendrait une bête ? Malgré ses doutes, il tenta de n'en rien laisser demeurer malgré les flammes qui brillaient dans ses pupilles rutilantes.

« - Peut-être qu'un sujet moins épineux serait préférable. Si vous avez des questions, dame Adèle, je suis toute ouïe. »

Recevoir des louanges alors qu'il n'y était pour rien dans les choix quand à son destin, voilà une situation qui avait de quoi le surprendre mais si la damoiselle désirait le voir ainsi alors qui était-il pour briser ses espérances. Étant le cadet de sa famille, on avait déjà tout tracé son devenir et servir l'ordre afin de ne plus rien posséder était le choix de son père, non le sien. Toutefois malgré une rancœurs quand à sa condition, il fini par s’accommoder de sa situation et même y trouver l'inspiration et les motivations pour viser plus haut qu'on ne lui avait permit.

D'un chevalier du Saint Helix il avait évolué pour devenir un garde au service de Sa Majesté, portant de ce fait non pas un mais deux étendards pour lesquels il avait fini par vouer sa vie. Le chien de guerre faisait régner l'ordre et la justice là où il était envoyé et qu'importe les missions et les nombreux combats, il savait qu'il aurait toujours une place où retourner lorsque la fatigue et la lassitude s'emparerait de son être. Car plus que le respect de son souverain, c'était l'admiration de Dame Adeline qu'il lui permettait d'endurer toutes ses épreuves.

Un tendre sourire, des prunelles reconnaissantes envers le Saint Helix de les ramener l'un à l'autre. Entre devoirs, il avait tout le loisir de profiter de quelques pauses et profiter d'une vision un peu plus romancée de la vie aux cotés de cette sainte. Elle lui montrait un tout nouveau regard sur la belle Mistral et chassait de sa candeur les horreurs inscrites dans son âme des champs de bataille. La terre rougie de sang faisait alors place à des plaines fleuries. Ce n'était que là qu'il pouvait enfin baisser sa garde et se reposer quelques instants.

Comme il était fort troublant de retrouver ces petites manies, ce même pétillement dans le regard de sa descendance. Dame Adèle était-elle ici pour lui permettre de se relever chaque fois que son genou fléchirait ? Elle aussi n'avait point peur de dire ce qu'elle pensait et de laisser parler son cœur. Un courage fort louable surtout pour la période de laquelle le vieux garde venait. Une femme parler, et puis quoi donc par la suite ? Qu'elles se prétendent leurs égales ? Voilà à quoi s'était heurté la jeune femme et malgré la frêle carrure, elle avait réussi à rester digne. Forte. Un modèle inébranlable de vertu et de volonté.

Il n'en fallu pas moins pour l'aider à se relever alors qu'il avait fini dans la fange. Douceur mêlée à une stricte bienveillante. Oh oui stricte, car si la délicate noble se montrait d'une gentillesse sans égale, elle savait aussi lui tenir tête et ce fut ainsi qu'elle réussi à dompter la bête que tous pensaient perdue.

« - La famille est bien là source de querelles mais aussi une force en laquelle on peut s'appuyer. Car si on peut en subir une partie, celle que l'on fonde sera toujours là pour s'entraider et se soutenir... même si le lien du sang n'existe point. »

Mieux valait laisser de coté les divagations d'un vieux combattant qui avait trouvé dans ses confrères une famille qui endurait comme lui les labeurs de la vie mais aussi les joies de retrouvailles et la complicité d'une vie simple et humble. Finalement le fait de l'avoir éloigné du luxe et de l'oisiveté l'avait peut-être sauvé.

Mais voilà que plus la jeune damoiselle parlait et plus elle ébranlait sans le savoir le guerrier. « Proche de vous », peut-être qu'en ayant la même apparence que sa dulcinée, elle en avait aussi le cœur mais il se refusait à tenter quoi que ce soit. Il avait eu sa chance naguère et avait malheureusement échoué. Si le destin l'avait fait croiser le chemin de cette jeune dame, peut-être était-ce pour lui rappeler ses devoirs envers la couronne et tout Mistral. Afin que cette fois il ne flanchasse point : son devoir avant ses sentiments.

« - Peut-être est-ce parce que nous avons une même vision du monde ou connu des expériences similaires. Le hasard n'est jamais la réponse à toutes les coïncidences de ce monde et peut-être est-ce pour une raison précise que le Saint Helix vous a placé sur ma route. En tout cas cela vous a permit d'en apprendre plus sur votre illustre ancêtre. Tout comme je vous conseille de ne point vous laisser influencer par les racontars et les cancannages, je sais que vous avez un œil perçant pour découvrir la vérité et accorder une seconde chance. Alors, je vais vous donner une petite épreuve : trouver ce chevalier que votre ancêtre à sauver de la déchéance et retrouvez-moi. Ceci fait, je vous promets une grande récompenses. »

Interloqués par le choix de leur chef, l'Escouade au grand complet porta ses regards surpris dans sa direction. Pourtant nul doute ni même folie se dégageait du barbu. Juste une certaine appréhension que seuls les plus perspicaces pouvaient deviner. L'homme leva alors la main afin de quérir une nouvelle fois la serveuse afin de s’acquitter du paiement comme il l'avait promit. Ceci fait, il tourna son visage bienveillant vers la jeune femme.

« - Je vous rassure, je ne suis en aucun cas offusqué et ce serait avec un grand plaisir que de vous retrouver le moment venu. »

Ne point faire ce genre de recherche par appât du gain, hein ? Pourtant le vieux guerrier était plus que persuadé que sa récompense plairait grandement à la damoiselle... ou risquerait fort de lui donner l'envie de lui coller un bourre-pif. Il découvrirait bien assez tôt la décision de la jeune femme et qu'importe sa réaction, il la comprendrait à bien des égards mais devait avouer préférer l'option où elle se satisferait d'une nouvelle conversation autour d'une boisson.

Tout comme feu son aïeul, cette jeune femme avait une volonté ferme et peu prompte à se laisser guider par les hommes. Toutefois il remarqua bien vite qu'elle se retenait de payer sa part et tenta de réprimer un léger sourire de sous sa barbe en la voyant ainsi bouillonner. Nulle crainte pour la prochaine fois, il lui laisserait payer sa consommation si cela était son choix. Il était certes galant mais refuser à un esprit sa liberté ne lui était aucunement plaisant.

« - Qu'il en soit ainsi. »

Tout avait été dit pour cette première rencontre et nul besoin de retarder la damoiselle plus que de raison. Ainsi lorsque cette dernière lui fit comprendre son intention de partir, le grand quadragénaire s'inclina poliment en guise de salut avant de tourner son regard ambré en direction de son Escouade. À cet instant une idée fugace lui traversa l'esprit et il se demandait s'il avait réussi à retrouver dame Adeline à temps, est-ce que sa descendance aurait elle aussi un compagnon similaire au sien.

Son aimée lui manquait tant et il n'avait même pas eu le temps de se recueillir sur sa tombe, il faudrait qu'il veille à corriger cela au plus vite. Du moins, après s'être assuré que sa majesté ne craignait plus rien. La première attaque ordonnée par l’impie Ordre Noir avait certes été déviée mais elle avait laissé la garde affaiblie et il n'était guère certain de pouvoir tenir une nouvelle attaque. Fort heureusement son heurte avec la jeune femme n'avait point rouvert sa blessure mais ce n'était pas une raison pour se sentir infaillible. Au contraire, il devait redoubler de vigilance et se faire le plus d'alliés pour l'aider dans sa tâche.

« - À notre prochaine rencontre dans ce cas et que la bonne fortune guide vos pas. »

Petite prière en guise de salut suivi d'une polie révérence et le colosse en armure laissa passer sa cadette avant de fermer la marche. Au dehors, il lui adressa un dernier sourire complice avant de s'en aller vaquer à ses occupations. Après tout, avant d'être aussi abruptement interrompu, il était en charge d'aider la populace.

« - J'ose néanmoins espérer que notre prochaine rencontre ne sera point cause d'un vol à cause d'une bicyclette diabolique. »

Un nouveau rire aussi tonitruant que franc de la part du grand homme et le voilà disparaître à travers la foule, suivi de Duchesse et de l'Escouade. Il se demandait qu'elle serait la réaction en apprenant la véritable identité de ce héros déchu qu'elle avait, sans le savoir, eu devant ses yeux.