La Ville aux Vieux Os

Ici, la ville semblait être construite sur le fleuve ou peu s’en fallait. L’eau bordait si bien les bâtiments que le jeune homme se doutait qu’en cas de cru, les maisons et leurs potentiels sous-sol finissaient en mauvais état. L’eau, cependant, n’était pas son plus gros problème en cet instant précis : la méconnaissance qu’il avait de l’endroit mettait à mal son entreprise et fatigué de son voyage au pas de course, Lotbrok peinait à trouver son chemin. Dans ses bras, le Caninos commençait à faire son poids et l’obscurité grandissante faisait battre le cœur du jeune ranger. Et s’il arrivait trop tard ? Contre sa poitrine le garçon sentait l’animal respirer et si l’air ambient, bien plus chaud qu’à Bayette, ne pouvait lui être que bénéfique, Lotbrok craignait d’avoir trop tardé. Encore bien loin du centre-ville, le jeune homme aux cheveux blonds se hasarda sur un chemin longeant le fleuve, au bout duquel il pouvait voir, brillant à l’horizon, le plus gros de l’agglomération. Il paraissait encore loin, si loin ! Essoufflé et désespéré, Lotbrok s’arrêta un instant, jeta un regard autour de lui … n’y avait-il donc personne ici ?

« — Maximus ! MAXIMUS ! » appela Lotbrok, désormais à bout de souffle. Voyant que le pokémon l’écoutait, le jeune homme poursuivit, s’égosillant presque « Maximus, va trouver quelqu’un ! N’importe qui, mais trouve quelqu’un ! »

Resté en retrait depuis leur arrivée aux abords de Pignouse, le Cerfrousse avait pris soin de longer le cours d’eau, évitant singulièrement les bâtiments en mettant entre lui et les habitations des hommes tout un fleuve. Ce soir pourtant, Lotbrok avait besoin de lui et de cette sagesse qui faisait de lui un pokémon aussi réservé qu’avisé. Sans personne pour le guider dans cette ville, Lotbrok risquait de perdre un temps précieux … à deux, trouver quelqu’un promettait d’être plus rapide, pour peu que le caribou y mette un peu du sien. D’un bond le Cerfrousse disparut, abandonnant son maître pour remplir sa mission, du moins Lotbrok l’espérait-il.

Quel piètre ranger faisait-il, incapable de sauver lui-même ce Caninos. Et que dire de cette incapacité qu’il avait de se repérer dans la ville ? Ce n’était pas la motivation qui lui manquait pourtant … hélas, il était certaines choses qui ne se contentaient pas de volonté et Lotbrok en faisait ce soir l’amer expérience.

« — Tiens le coup, Caninos. On est presque arrivée. On a juste … toute une ville à traverser » déclara-t-il. Le pokémon l’entendait-il ? Pas sûr, mais les paroles du ranger n’avaient pas pour but de chercher à rassurer uniquement le pokémon : Lotbrok tentait aussi de se rassurer lui-même.

Le jeune homme aux cheveux blonds raffermit sa prise sur le Caninos, et plus tenace qu’il ne l’aurait cru il reprit sa route, guidé par la lueur du centre-ville qui brillait à l’horizon. Lotbrok, cependant, n’était pas complètement naïf : s’il ne trouvait personne pour venir le secourir, de longues heures l’attendaient encore avant d’atteindre le centre pokémon, car s’il comptait sur sa chance pour le guider, c'était plutôt mal barré.

La Ville aux Vieux Os

Dans l’obscurité naissante, un mouvement soudain attira l’attention de Lotbrok : c’était Maximus qui, sortant d’une course folle, venait de débouler en trombe dans son champ de vision. Il était talonné par un Galopa et un Arcanin et pendant un instant, le jeune homme crut que les deux pokémon pourchassait le Cerfrousse … l’Arcanin comptait-il faire du daim son repas ? Mais dans quel genre d’ennuis Maximus s’était-il encore fourré ? Le ranger s’apprêta à réagir lorsque, tout aussi soudainement que l’apparition des pokémons, une voix s’éleva dans la nuit … et c’est alors que Lotbrok les aperçut enfin : les deux pokémons feu étaient montés par des femmes, que le Cerfrousse avait vraisemblablement amené jusqu’ici. Comprenant enfin la situation, le cœur du ranger fit un bond dans sa poitrine.

« — Maximus ! » s’écria-t-il. Son ton trahissait son soulagement.

La voix lui avait posé une question, mais l’approche des deux femmes le fit réfléchir à deux fois. Menaçant, arrivée à son niveau l’Arcanin dévoila des crocs d’une blancheur extrême qui fit frémir le ranger. Loin de suinter la bravoure, Maximus s’était réfugié derrière son maître, dont les bras tenaient toujours son précieux chargement. Intimidé, le jeune homme eut un mouvement de recul. Trouillard, le garçon ? Non, disons simplement que n’importe qui de censé aurait fait un pas en arrière à l’approche d’un menaçant chien-ours de près de 2 mètres.

« — Oui, oui ce Cerfrousse m’appartient » répondit finalement le jeune homme, sans lâcher du regard l’Arcanin qui le dépassait largement en taille. Appartenir était un bien grand mot, mais jouer sur les mots n’était pas vraiment à l’ordre du jour « Je viens de Bayette où un blizzard a fait rage. J’y ai trouvé ce Caninos mal en point, mais le centre pokémon de la station est saturé à cause de la tempête. L’infirmière m’a dit de me rendre à Pignouse, mais cette ville m’est totalement étrangère et j’ai peur de ne pas atteindre le centre pokémon à temps » raconta le ranger. Il fit une courte pause avant de poursuivre « J’ai envoyé mon Cerfrousse chercher de l’aide et il vous a trouvé. J’ai juste besoin de quelqu’un pour me guider à travers la ville. S’il vous plait » ajouta-t-il.

Lotbrok ouvrit un pan de sa cape pour dévoiler le Caninos, toujours inconscient. L’Arcanin allait-il reconnaitre ce petit issu de son espèce ? Lotbrok n’en savait rien mais déjà, il sentait que son cœur s’était épris de cette créature au destin incertain. N’était-ce pas là le lot des bêtes à misère ? A n’en pas douter. Ces créatures-là avaient le don de susciter chez les autres leur compassion et, quand ils n’en avaient pas, de la créer et Lotbrok n’avait pas fait exception à la règle.

« — J’espère simplement que ce n’est pas déjà trop tard » déclara le ranger après un instant de silence.

Le chien au pelage roux respirait encore et c’était là sa seule consolation. Impuissant, le jeune homme leva les yeux vers les deux femmes. Naturellement, son cœur tendait davantage à faire confiance à celle qui chevauchait le Galopa, jugeant l’autre quelque peu … réfractaire. A l’instar de son pokémon, la méfiance semblait l’animer bien plus que sa comparse.

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Lotbrok détestait voir son destin et ceux de ses proches à la merci d’autrui et force était de constater que ce soir ne le gâtait pas. Pourtant, encore jeune et naïf, Lotbrok voulait croire que les gens, naturellement, n’étaient pas mauvais ni vicieux et qu’en chacun d’eux sommeillait quelqu’un de bon, d’altruiste, sensible aux lois universelles qui faisaient de ce monde un endroit pas trop pénible à vivre. Venir en aide aux démunis faisait partie de celles-là et quand bien même la chevaucheuse d’Arcanin se méfiait-elle de lui, le jeune ranger espérait qu’elle parviendrait à faire fi de cette réserve pour faire ce que Lotbrok jugeait très arbitrairement être le bon choix. Dans cette histoire cependant, étoile au cœur de la nuit, le jeune homme semblait pouvoir compter sur la seconde inconnue juchée sur le Galopa, qui se proposa de faire bien mieux que lui indiquer la route, et malgré la méfiance de la dénommée Jade le projet fut rapidement mit à exécution, au grand soulagement du ranger. Sans vraiment trop quoi faire pour les remercier, le jeune homme se contenta d’acquiescer … la fatigue couplée à l’émotion lui faisait oublier les bases de la politesse, mais une part de lui se confortait dans l’idée qu’au vue des circonstances, ce détail paraitrait bien frivole. Bien vite, la femme aux cheveux noirs s’empressa de reprendre le contrôle de la situation en lui désignant sa monture, non sans le gratifier d’une menace trop peu enrubannée. Pas d’entourloupes hein … mais qu’est-ce qu’elle croyait celle-là, qu’avec un Cerfrousse et un Caninos à moitié mort il était en mesure d’être une menace, vraiment ? La candeur du jeune homme l’empêchait de voir le danger que pouvait représenter un étranger tel que lui, lui qui n’avait pas encore eu l’occasion de découvrir l’ignominie du monde.

Malgré l’urgence de la situation, lorsque le jeune ranger s’approcha pour monter, son corps se figea un instant devant l’Arcanin. Le garçon n’était encore jamais monté sur une pokémonture et la peur l’envahit l’espace de quelques secondes … et s’il tombait ? Et s’il se ridiculisait ? Le risque était grand, pourtant il fallait bien le prendre s’il voulait avoir une chance de sauver ce Caninos. Prenant son courage à deux mains, Lotbrok se hissa péniblement sur la monture, largement encombré par son chargement qu’il fut obligé de poser un instant sur le dos de l’animal. Lorsque d’un bond qui lui parut prodigieux leur monture se mit en route (et ce bien avant qu’il ne soit mentalement prêt), Lotbrok retint un cri de surprise qui manqua de peu de déchirer la nuit. Au lieu de cela, le jeune homme se raccrocha à ce qu’il put, c’est-à-dire un pan de crinière qui ornait l’encolure du pokémon, s’accrocher à la cavalière n’étant décemment pas le meilleur choix possible.

En bien moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le lieu de leur rencontre était déjà loin et Maximus avait disparu, bien trop peureux pour leur emboiter le pas (c’est ce que Lotbrok croyait du moins). Le jeune homme se trouvait heureux de se savoir dernière roue du carrosse (puisque Galopa était devant et qu’il était assis derrière Jade-la-méfiante) car ainsi, personne n’était en mesure de voir combien cette chevauchée à dos d’Arcanin le terrifiait, le manque d’expérience n’y étant pas pour rien. Lorsque leur course s’arrêta enfin et que le ranger relâcha sa prise sur la crinière, une petite poignée s’était détachée, trahissant le ressentit du jeune homme sur la question … Lotbrok s’en voulu un instant, mais encore une fois l’empressement le rendit rude et il glissa du dos de l’Arcanin sans s’excuser, bien que son cœur se désolait d’avoir ainsi arracher les crins du pokémon, qui avait accepté de porter sur son dos un parfait inconnu. Devant lui, enfin, se dressait le centre pokémon, lieu tant convoité par son cœur … ses jambes, encore sous le choc de la course, peinaient à porter le poids de son corps, mais cela lui importait peu. Déjà, le jeune homme serrait le Caninos contre lui, mais il prit tout de même le temps de se tourner un instant vers les deux femmes.

« — Merci, merci à vous. Que Xerneas vous bénisse » déclara simplement le jeune homme.

Les mots lui manquaient un peu, mais son regard parlait pour lui. Sans attendre ni prendre le temps d’écouter la potentielle réponse des deux femmes, Lotbrok fit volte-face et pénétra dans le bâtiment qui, comme l’avait annoncé l’infirmière de Bayette, était bien plus calme que celui de la station. Cette impolitesse ne lui ressemblait pas, mais Broko n’était plus à ça prêt désormais … loin de s’inquiéter de savoir si les deux femmes l’avaient suivi ou non, le jeune homme se rapprocha du comptoir et, voyant son air inquiet, une infirmière vint à sa rencontre.  

« — Mon nom est Lotbrok, je suis Ranger, membre des Gardiens. Nous étions en mission à Bayette, où la population autant que les pokémons ont subi de nombreux dégâts à cause du blizzard. J’ai trouvé ce Caninos frigorifié dans une maison en ruine, il était conscient lorsque je suis arrivé mais ... … … il a perdu connaissance peu de temps après » raconta le jeune homme aux cheveux blonds.

Lotbrok déposa le Caninos sur l’un des lits que lui désignait l’infirmière et pour la première fois depuis la station, l’apprenti ranger lâcha le pokémon. Son récit n’était pas tout à fait véritable : Lotbrok n’était pas encore tout à fait ranger, et il n’était pas non plus membre des Gardiens … pas encore, pas officiellement du moins, mais quelle importance ?

« — J’ai fait le chemin à pied depuis Bayette pour tenter de le sauver » poursuivit le garçon, mais l’infirmière le coupa.

« — Pour la sauver, vous voulez dire ? » reprit la jeune femme, qui déjà s’était mise à examiner le pokémon inconscient.

« — De quoi ? » répondit le ranger, un peu interloqué.

« — Ce Caninos est une femelle » expliqua l’infirmière. Le détail lui avait échappé, mais il fallait dire que le temps n’avait pas manqué de lui manquer. Silencieuse, la femme poursuivit son examen, tâtant çà et là le corps du Caninos toujours inconscient. Après un instant qui lui parut être une éternité, l’infirmière releva la tête pour de nouveau porter son attention sur le jeune homme « Elle n’a pas l’air blessée, mais elle est très affaiblie. Le froid n’est jamais bon pour les pokémons de type feu, surtout lorsqu’ils y sont exposés pendant longtemps. Elle devrait pouvoir s’en sortir, mais cela devrait prendre du temps. Vous devriez trouver un endroit où dormir pour cette nuit, je doute qu’elle se réveille avant demain matin » raconta l’infirmière « Est-ce que c’est votre pokémon ? » questionna-t-elle finalement.

La question ne manqua pas de surprendre le jeune homme.

« — Je, heu… je crois, oui ? » répondit-il, un peu hésitant « Pourquoi, il faut payer ? Je n’ai que quelques baies en provenance de Bayette, mais mon men… » commença hâtivement Lotbrok, mais de nouveau l’infirmière le coupa, cette fois amusée.

« — Non, ce n’est pas cela » assura-t-elle, un sourire aux lèvres. Malgré la désormais discutable gravité de la situation, le garçon qui n’y connaissait rien l’amusait un peu « J’aurai besoin de sa pokéball » déclara-t-elle simplement.

« — Ah » laissa-t-il échapper dans un premier temps « Elle, euh … elle n’en a pas encore, mais ce sera celle-ci » affirma-t-il en sortant de son sac une ball des plus basique, qu’il tendit à l’infirmière « Enfin, si elle veut bien rentrer dedans » ajouta le jeune homme.

Lotbrok eut une pensée pour ce satané Maximus, qui goûtait peu à ce gadget. Par la suite, l’infirmière emporta la Caninos avec elle et l’apprenti ranger sentit son cœur se serrer malgré les paroles plutôt réconfortantes de la soigneuse. Désormais seul, Lotbrok sentit le poids de la fatigue lui peser soudainement. Seul, vraiment ? Non, les deux femmes l’avaient suivi jusqu’ici, mais Lotbrok avait été bien trop occupé à s’inquiéter pour s’en rendre compte.

La Ville aux Vieux Os

Sans vraiment s’en rendre compte, Lotbrok avait trouvé un lieu pour s’assoir et perdu dans ses pensées, il sursauta presque en entendant la voix de la jeune femme à côté de lui. Lui qui était pourtant si attentif en forêt se trouvait ici distrait et la raison était toute simple : il y avait ici, comme dans la plupart des villes, un brouhaha constant, qui sursollicitait de manière permanente les sens des habitants. Le jeune homme s’en rendait compte puisqu’il n’y était pas habitué, et sans doute était-il le seul ici à avoir ce problème-là et plus encore à en avoir conscience.

« — Hum ? » laissa-t-il échapper en guise de réaction. Son regard se tourna vers la plus aimable des deux … son cerveau mit un temps avant de comprendre ce qu’elle venait de lui dire. Les sauvetages, c’était quelque chose, hein ? « Oui, oui il faut croire » répondit-il. Mais pouvait-il vraiment juger de la chose, lui qui n’en avait pas tant vécu que cela ? « Je devrais y être habitué pourtant, ce n’est pas la première fois, pas exactement du moins. Le Cerfrousse qui est venu à votre rencontre est lui aussi un sauvetage. Il était blessé et mal en point lorsque je l’ai rencontré … des braconniers, sans doute. J’étais petit à l’époque, j’ai du mal à m’en souvenir » raconta-t-il.

Sans compter que lesdits souvenirs se basaient sur les récits de son oncle, et non pas un vécu. Lentement, Lotbrok commençait à reprendre possession de lui et à se détendre … doucement mais surement, il redevenait l’apprenti ranger qui avait passé son enfance à arpenter la forêt, et non pas cette espèce de gamin perdu qui semblait découvrir le monde et les choses. Non, Lotbrok n’en était pas à son premier coup d’essais en matière de sauvetage, mais c’était bien la première fois qu’il faisait cela seul, complètement seul. L’histoire de Maximus était plus complexe, plus obscur, plus lugubre, et si aujourd’hui encore Lotbrok se demandait si le sauver avait été un bon choix (vraiment, le daim ne semblait pas tellement l’aimer …), il savait aussi que s’était à son oncle, Brock, que Maximus devait sa vie. Finalement, dans cette histoire le jeune homme n’avait été qu’un compagnon de route, un comparse dont avait bien malgré lui hérité le Cerfrousse. Alors qu’il comptait très succinctement l’histoire de Maximus le Cerfrousse, d’un coup d’œil éclair le jeune homme avisa la propriétaire de l’Arcanin, qui n’avait semblait-il pas changer d’avis à son sujet … mais de nouveau la voix de sa compagne attira l’attention du jeune homme, dont le regard fut bien vite happé par l’apparition d’un nouveau pokémon.

Pendant un moment, tout en écoutant le récit de sa maîtresses Lotbrok observa l’étoile de mer aux couleurs si atypiques. Ainsi, elle aussi avait eu une fin heureuse ? Si le jeune homme attendait de voir la Caninos éveillée avant de crier victoire, il ne pouvait s’empêcher de reconnaître la chance que la Stari avait eu de croiser la route de cette femme … car Lotbrok le savait bien : un pokémon comme ça valait cher et d’autres n’auraient pas manqué de se faire de l’argent sur le dos d’une créature comme celle-ci.

« — Elle a eu de la chance de rencontrer quelqu’un comme vous » assura le jeune homme « Elle est magnifique, je n’en avais jamais vu de cette couleur auparavant. Il faut dire que les pokémons eau ne sont pas tellement courants là d’où je viens » ajouta-t-il.

Non, les pokémons eau n’étaient pas les plus communs au Parc Naturel. Il y avait ceux de Bassin Corayon bien sûr, mais l’endroit était loin d’accueillir tout le panel des pokémons existants … et puis, Broko méconnaissait terriblement cette partie du Parc, qu’il n’avait que trop peu parcouru dans son enfance ; de loin, la forêt était l’endroit qu’il connaissait le mieux. Par la suite, la jeune femme se présenta, rappelant à Lotbrok combien il avait pu se montrer rude durant leurs premiers échanges … non, le jeune homme n’avait même pas pris la peine de s’annoncer, et il s’étonnait de voir l’autre méfiante. Lorsque Théa s’enquit de sa forme, pour la première fois Lotbrok parvint à prendre un peu de recul sur sa situation.

« — Pour ne rien vous cacher je suis un peu perdu, mais le danger est passé maintenant que cela ne concerne plus que moi » répondit-il. Oui, maintenant que la Caninos était hors de danger, la situation lui paraissait bien moins grave. Il poursuivit « Mon nom est Lotbrok. Je suis heureux d’avoir fait votre rencontre, sans vous je ne sais pas si je serai parvenu à temps … » déclara le jeune homme en avisant les deux femmes « … et, désolé pour votre Arcanin, Jade. J’ai dû lui arracher quelques crins pendant le voyage. Il ne méritait pas ça » assura-t-il. Une moue teintée de regret se dessina un instant sur le visage de l’apprenti ranger.

Lotbrok aurait aimé mettre ça sur le dos de la vitesse, mais la peur avait été la seule et unique raison de cette crispation qui n’avait pas été sans conséquences. Faute avoué à moitié pardonnée ?

Quelqu’un devait-il le rejoindre bientôt ?

« — Normalement oui, mais rien n’est moins sûr » répondit Lotbrok « Je voyage avec un autre Ranger. Nous nous rendons au Parc Naturel, mais nos chemins se sont séparés à Bayette. Il y est resté pour achever une mission, nous étions censés nous retrouver au centre pokémon de la station mais les circonstances étant, j’ai été obligé de pousser jusqu’à Pignouse, seul. J’espère qu’il aura mon message … mais vu l’heure, je doute le voir avant demain matin » raconta-t-il. Il fit une courte pause, avant de continuer « Je pense l’attendre ici cette nuit, après avoir vérifié que Maximus va bien … si tant est que j’arrive à retrouver le chemin de notre lieu de rencontre » déclara-t-il, un sourire furtif sur le coin des lèvres. Lotbrok ne plaisantait qu’à moitié : il n’était bel et bien pas certain de retrouver le chemin du premier coup « D’ailleurs … est-ce que vous connaîtriez une auberge, ou quelque part où manger ? Un endroit où les locaux du coin ne se serviront pas du touriste que je suis pour faire leur chiffre d’affaire du jour » demanda-t-il.

Non non non, Lotbrok ne voulait pas raquer pour une soupe de bouillon. S’il connaissait la valeur des choses dans la forêt, les choses étaient différentes ici et le jeune homme avait la décence d’en avoir conscience. Se faire plumer comme un Canarticho n’était pas dans ses projets.

La Ville aux Vieux Os

Egale à elle-même, Madame-Rabat-Joie ne manqua pas de remettre l’église au milieu du village et si Lotbrok ne pouvait décemment pas lui donner tort, une part de lui n’aurait pas manqué d’apprécier un trait de bienveillance de sa part … hélas, l’idée ne semblait pas au programme, du moins pas pour tout de suite. Théa, quant à elle, tentait d’arrondir les angles et Broko devait avouer que ces deux-là formaient un duo assez atypique, complémentaire à sa manière. Il lui semblait avoir face à lui deux faces d’une même pièce, qui se faisaient échos à chaque mot. Au fil de la discussion, Jade sembla particulièrement intéressée par son statut de ranger et désormais sur le fait accompli, le jeune homme n’osa pas la contredire. Devait-il lui avouer qu’il n’était pas encore tout à fait officiellement ranger ? Ce détail avait-il vraiment de l’importance ? Lotbrok n’était pas sans ressource après tout … cependant, attentive Jade ne manqua pas de mettre le doigt sur les incohérences qui parsemaient les propos du jeune homme et d’abord silencieux, Lotbrok écouta les deux femmes débattre, non sans retenir les nombreux points qu’il allait sans aucun doute devoir éclaircir.

Son projet de rester là toute la nuit ne semblait pas être la meilleure idée qui soit et lorsque Théa mentionna la Team Rocket, le cœur du jeune homme fit un bond dans sa poitrine. La Team Rocket ? Oui, même dans son trou paumé, Lotbrok avait entendu parler d’eux et de leurs déboires … mais quel danger risquait-il vraiment, lui qui n’avait aucun pokémon sur lui, ni une fortune particulièrement élevée. Ces malfrats étaient-ils capables de lui voler les quelques baies qui lui restait ? D’aucuns disaient que la misère, c’était mieux que rien du tout, mais quand même. Comme il s’y était attendu, Jade ne manqua pas d’enquêter un peu plus sur le personnage qu’il était et loin de comprendre tout ce qu’elle lui raconta (un quoi ? Un Biopoké ?), le jeune homme tenta tout de même de garder bonne figure … cependant, il ne put empêcher son regard de bifurquer un instant vers Théa lorsque la noiraude mentionna un Machopeur. De quoi, un Machopeur ? Les gens des villes avaient-ils dont tous des Machopeurs ?

« — Je ne sais pas ce qu’est un Biopoké, mais de là d’où je viens nous soignons nos pokémons nous-mêmes avec ce que la nature nous offre » commença l’apprenti ranger « Nos pokémons nous servent dans la vie de tous les jours et nous les considérons comme des partenaires, et non pas des combattants : ils ont rarement l’occasion de se blesser au point de devoir aller au centre pokémon. Quant aux pokéballs … nos pokémons sont des êtres vivants : ils vivent avec nous, et non pas dans nos poches où accrochés à nos ceintures » expliqua le jeune homme.

Si l’avis de Lotbrok sur la question était moins tranché que certains, le garçon avait grandi et vécu dans le respect de cette idée, qui n’était pas tout à fait ridicule. Après tout, imposait-on aux dresseurs de vivre dans des pokéballs ? Non, alors pourquoi fallait-il le faire avec les pokémons ? Si le jeune homme ne méprisait pas ceux qui le faisaient (c’était dans l’air du temps après tout, non ?) et s’il reconnaissait l’utilité des pokéballs dans certaines situations (c’était quand même plus simple de transporter un Ronflex blessé dans sa pokéball que de le faire rouler jusqu’au centre le plus proche) Lotbrok restait cependant attaché à cette idée. Les pokémons étaient fait pour vivre en liberté, pas enfermé dans une ball. Loin de vouloir s’y attarder, le jeune homme poursuivit … Jade n’avait pas manqué de s’interroger sur les Gardiens et Broko comptait bien lever le voile sur ses questionnements.

« — Les Rangers affectés à la surveillance du Parc Naturel forment les Gardiens. Ils sont les protecteurs de cette réserve, souvent malmenée par les touristes venus des villes. Nous prenons à cœur notre mission, qui permet aux hommes et aux pokémons de coexister de manière paisible » raconta-t-il.

Déjà, Lotbrok se considérait comme l’un d’entre eux, persuadé de se voir affecter là-bas … alors que rien n’était moins sûr. Mais son oncle allait tout faire pour que cela arrive, pas vrai ? Lotbrok ne se voyait pas autrement que Gardien. Voyager à travers Mistral, très peu pour lui, le Parc Naturel lui convenait très bien : il avait grandi là-bas et comptait bien y rester.

« — Quant à l’argent, on m’a enseigné la valeur des choses et non pas leur prix. Chez moi, on échange les choses et les services, on ne les achète pas. Dans les zones reculées, loin des villes, l’argent a peu de valeur : les gens là-bas ont besoin de choses concrètes, immédiates, qu’ils peuvent toucher et manger. En dehors du système, je ne fais rien avec une pièce … alors qu’une baie peut toujours me servir de repas, ou bien soigner l’un de mes pokémons » poursuivit Lotbrok « C’est une manière de vivre, un peu archaïque certes, mais qui valorise les gens et non pas autre chose. J’ai grandi dans un endroit comme ça, et ceux qui m’ont élevé ont toujours vécus comme ça aussi … mais bon, il faut bien vivre avec son temps, je suppose. J’ai encore un peu de mal à me faire à la valeur des choses ici. A Bayette, j’ai payé 100 pokédollards une baie des plus commune, que j’aurai pu trouver en forêt rien qu’en me baissant … le même prix qu’une potion. Vous avez une étrange vision de la valeur des choses, vous, les citadins »

Oui, c’était étrange. Pourquoi un objet aussi simple qu’une baie devait-elle coûter aussi cher qu’un produit transformé ? Les gens d’aujourd’hui s’étaient-ils tant éloignés de la nature, pour être ainsi incapable de reconnaître et de ramasser les baies eux-mêmes ? Bizarre, oui, vraiment bizarre …

« — Je dois recevoir mon badge de Ranger et mon affectation officielle à la base du Parc Naturel » continua le jeune homme « Je n’avais jamais voyagé aussi loin de chez moi, et je n’étais pas censé me retrouver tout seul pendant ce voyage. J’aurai surement des problèmes, mais si la Caninos s’en sort, cela aura valu le coup » assura-t-il.

Lotbrok avait peu voyagé durant son enfance et cela expliquait son manque d’expérience en matière de pokémontures. Cette idée trahissait bien sûr son manque d’expérience en tant que ranger, mais cela n’avait pas beaucoup d’importance à ses yeux, puisque à son humble avis il n’avait pas mentit. Si ce détail ne lui permettrait certainement pas de consolider la maigre confiance que Jade pouvait avoir à son égard, au moins le jeune homme était-il sincère sur un point : dans cette histoire, sauver la Caninos avait été sa seule et unique motivation et douter de cela était bien compliqué.

« — En tout cas, quoi qu’il arrive, je vous suis redevable » affirma finalement le jeune homme, qui n’avait pas oublié ce qu’elles avaient fait, ni ce qu’elles comptaient faire « Je n’ai actuellement rien à vous offrir, mais il va sans dire que je contracte ce soir une dette à votre égard. Je ne suis peut-être pas encore un très bon Ranger, mais j’ai une bonne mémoire : je ne l’oublierai pas. Si un jour votre route vous mène non loin du Parc Naturel, n’hésitez pas à vous y arrêter. Pour le reste, je paierai ma nuit à Pignouse, je pense avoir assez. Vivre sur le dos des gens n’est pas mon crédo … indiquez moi simplement un endroit sûr et décent » déclara-t-il. Lotbrok abusait déjà de leur temps et de leur gentillesse, il n’allait pas en plus passer une nuit aux frais des princesses, quand bien même cela ne leur aurait-il rien coûter.

Maintenant que Lotbrok s’était un peu plus dévoilé, le jeune homme était curieux d’en appendre un peu plus sur ces deux mystérieuses femmes dont il ne connaissait que les noms. Cette Théa n’était pas sans surprise avec son Galopa, sa Stari chromatique et son Machopeur vraisemblablement capable de le retourner … et que dire de cette Jade et de son Arcanin, plus méfiante qu’un Flamiaous ? Piquée à vif, la curiosité du jeune homme l’emporta, lui qui ne se montrait habituellement pas inquisiteur.

« — Et vous … est-ce que vous êtes de Pignouse ? » demanda-t-il aux deux femmes « Je ne sais rien de vous si ce n’est vos prénoms » fit remarquer le jeune homme.

Lotbrok s’attendait à des présentations bien sûr, ou quelque chose s’en rapprochant. Loin de vouloir enquêter, savoir à qui il devait quelque chose était un concept auquel il tenait, et puis, ce n’était que le juste retour des choses, non ? Pour l’heure, ces femmes restaient des inconnues pour lui et ce détail le dérangeait un peu, puisqu’il leur devait déjà beaucoup.