Saison Un

: Obscure Prophétie

Eh bah, quel accueil ! Il est sauvage, son Ramoloss, ou quoi ? Peut-être qu’il vient tout juste de l’attraper et qu’il a encore peur des humains. Sinon, y’a toujours mon autre supposition : il l’a juste attrapé pour le bouffer, et la bestiole est juste trop bête pour s’enfuir. C’est débile les Ramoloss, même pas drôle à chasser : ils bougent pas. Si, parfois, ils se retournent pour essayer de s’enfuir d’un pas leeeeeeeeeeeeeeeent, si lent que t’aurais le temps de les fusiller cinquante fois avant qu’ils soient planqués derrière un mur. Par contre, les queues de Ramoloss en lardons… ça, c’est un délice !

Bref, pas le temps d’en faire un bifteck, le Ramoloss est déjà rangé dans sa pokeball après une chute malencontreuse qui me conforte dans mes pensées carnivores. Quoi que, on félicite pas son repas, d’habitude. Le doute reste entier… comme le futur repas, pour l’instant.
Du coup, concentrons-nous plutôt sur le blabla du monsieur. Qu’est-ce qu’il fou en pleine forêt si la simple évocation des monstres qui y vivent l’inquiète déjà ? Tout le monde sait que les bois sont truffés de Pokémon dangereux ! Surtout quand on s’enfonce comme il a fait. Et puis, c’est quoi l’arc d’hélix ? J’ai déjà vu des images d’Hélix, il est mignon comme tout avec son petit corps bleu et son coquillage sur le dos ! Mais jamais vu d’arc. Bizarre…
Ça, ça résume bien. Il est bizarre ce type. Aussi bizarre que son chapeau troué. Mais moi, je juge pas les gens, alors je lui fais un grand sourire quand même après l’avoir écouté !

— Nan, presque pas ! je suis venu qu’une fois, et j’ai presque pas eu de temps d’explorer pasque j’ai trouvé un enfant bizarre tout seul, mais je l’ai pas attrapé. Il m’a lancé un caillou qui flottait puis il s’est enfui ! Du coup fallait que j’aille voir les policiers pour le retrouver. Et après, il était trop tard.

Voilà voilà. C’était mon incroyable expérience avec la forêt du mont Bazoucan ! Un résumé ? Boarf, on est perdu. Mais c’est pas grave, Split il saura retrouver le chemin, lui !

— Mais pas de problème, suis chasseuse moi, alors la forêt c’est comme chez moi ! Il arrivera plus rien avec moi !

On dirait que le monsieur, il reprend déjà du poil de la bête ! Ben voilà, il est c’est bien ça ! Loin d’imaginer le degré de paraitre en l’homme qui m’accompagne, je le crois prêt à se lancer vers de nouvelles aventures et engage aussitôt la marche dans une direction pointée par la queue de mon Insolourdo. Insolourdo que je redépose au sol après ce premier indice, afin qu’il suive une quelconque trace nous permettant de retrouver la civilisation.

— Split c’est le meilleur, on va être rentré en cinq minute !

Et sauver des gens, c’est le meilleur remontant qui soit pour vous faire oublier une mauvaise journée ! J’adore mon travail. Mes deux travails, même ! Et c’est avec un grand sourire que j’invite… Celui-dont-on-n-a-pas-encore-prononcé-le-nom à me suivre.

— Attention par contre, y’a plein d’orties par ici !

Oui parce que Split, il connait la destination, par contre il se fiche pas mal du trajet. D’entrée de jeu, il passe sous un buisson et m’oblige à en écarter les branches. Je fais signe au monsieur de passer devant, puis reprend la tête de l’expédition en sautillant, l’air toute contente de me montrer aussi serviable.
Le truc, c’est que plus on avance, plus le chemin il est bordélique avec la forêt. Y’a des ronces, comme j’ai dit, mais aussi des endroits avec de l’herbe jusqu’aux genoux que je me retrouve à couper à la machette, et on a même croisé le gros cadavre d’un Charmillon encore sanglant et à moitié dévoré, ce qui m’a bien fait rire. Moi, j’ai confiance en Split, et je sais qu’il nous emmène au bon endroit. Par contre, ça en donne pas du tout l’impression !

Hihi ! C’est marrant, comme il a l’air tout pas à l’aise, le monsieur, dans la forêt ! Mais pourquoi il est venu s’il aime pas ça ? Trop bizarre !
Finalement, les orties ont raison de son calme. Enfin, je crois ? Ah, non, il a juste rangé son chapeau. C’est vrai que c’est inutile un grand chapeau comme ça dans la forêt. Non ! Je reprends : c’est inutile un grand chapeau comme ça. Partout, partout !
Bref, répondons, puisqu’il relance la conversation ! Je lui souris, amusée par sa question bête :

— Beeen, tous les chasseurs ils ont ça ! C’est normal, non ? On peut pas chasser sans un fusil et on peut pas avancer dans la forêt sans machette !

Ensuite, par contre, ça devient plus difficile ! Ça doit être son drôle d’accent qui fait ça, mais il a dit un endroit bizarre. Kalos ? C’est où, ça, Kalos ? Ah, il doit vouloir dire Kalank ! C’est vrai qu’il ressemble un peu à ces gens de la ville, vraiment pas doué dès qu’ils en sortent. Oulà, il a failli tomber avec cette ronce ! je commence à garder un œil sur lui. Ça a l’air d’être un vrai boulet !

Un boulet qui a peur d’une crotte. J’éclate de rire à sa réaction dégoutée ! Puis de nouveau en l’entendant jurer d’un magnifique "zacite, Amote". Eh bah, ils en ont, des expressions, les Kalankais !
Je m’accroupis près de l’étron, nullement dégoutée par cette chose malodorante que je croise tous les jours.

— Aaah, oui, oui, oui, c’est un gros celui-là !

J’écoute l’adulte d’une oreille, bien trop intéressée par cette nouvelle découverte. Et déjà qu’il a un accent à la con, alors si je l’écoute d’une oreille… je comprends plus grand-chose.

Je me retourne d’un coup, remarquant l’air réfractaire du monsieur. Mais en fait… c’est trop vrai ce qu’il a dit le monsieur ! Enfin, ce que j’en ai compris.

— MAIS OUI ! Vous avez trop raison ! Vite, faut aller par-là ! On doit pas abandonner !

Cette fois, j’attrape le monsieur par la main pour pas qu’on se perde de vue et je commence à le tirer dans la direction qui, selon l’étron, me parait la plus propice pour retrouver l’animal.
C’est vrai ! Je dois pas abandonner ma recherche juste pasqu’on est tombé sur un monsieur ! Si y’a un Pokémon capable de pondre cette chose, hors de question d’aller plus loin avec Split ! Faut absolument qu’on se lance à sa poursuite maintenant qu’on a retrouvé une piste !

— Split, tu viens ? c’est par là !

Curieux du soudain changement de plan, l’Insolourdo se lance à notre suite à travers les herbages. Pendant ce temps, je relance la discussion avec cet adulte des villes soudain si courageux à mes yeux !

— C’est la première fois que tu viens ici, toi ? Kalank c’est pas loin pourtant, tous ceux que je connais de là-bas ils sont venu souvent dans la forêt !

Je parle sans le regarder, bien trop intéressée par ce qu’on piste à présent. Allez ! Le gros gibier, s’il vous plait ! Qu’il me rende ma proie !!!

Pas à Kalank depuis longtemps ? Boaaaarf, mais je comprends rien à ce qu’il raconte le monsieur. Il vient de Kalank, ou il vient pas de Kalank ? Heureusement qu’on est reparti sur la chasse, pasqu’au moins ça c’est amusant, et c’est pas compliqué pour la tête.
OH !

— BINGO !

Un Nidoran !!!! C’est çaaaaaaa ! Contrairement au monsieur, je chuchote pas du tout, moi, je hurle ! C’est pas ma première fois en forêt, moi, et je sais ce qui va se passer ! Le Nidoran crache dans notre direction avant de filer pour sa vie, effrayé par mon cri juste après que le paumé n’ait demandé quoi faire. Je me retourne donc avec mes deux rangées de dents dévoilées pour exprimer toute ma satisfaction :

— Bah on le suit, bien sûr ! Tu vas voir, après ça, tu voudras revenir en forêt tous les jours ! Ça va être trop trop cool !

Et hop, je me lance sur la trace du lapin, fusil en main. Est-ce que je fais flinguer le lapin ? Mais non, voyons ! C’est trop petit un Nidoran, ça ne m’intéresse pas. Par contre, son papa…

Un énorme « RINOOOO » nous accueille après une dizaine de pas de course sur les traces des couinements plaintifs du fuyard. La bête a du sang plein la gueule : c'est bien lui ! Il s'est régalé avec MA proie, le saligaud ! Il gronde, bondit devant nous et commence à charger dans notre direction, son dard frontal lancé dans notre direction. Ça, ça pique, on a pas intérêt à se le prendre !

— Split !

Les paupières closes de l’Insolourdo rougeoient un instant, figeant sur place d’un regard médusant le prédateur qui comptait nous empaler. Aussi calme qu’au-devant d’un panneau publicitaire, j’ajuste mon canon à hauteur d’yeux, vise…

— Attention les oreilles !

PAN !

La balle se loge entre les deux yeux de la créature, laquelle s’effondre aussitôt, inerte.

— Tadaaaaaaaaaa ! J’suis trop forte, t’as vu ?!

Pour une fois que j’ai quelqu’un avec moi pour assister à ma chasse, fallait bien que je m’en vante un peu !
Néanmoins, avant que nous puissions nous réjouir complètement, les yeux de Split – bien plus attentif que moi – rougeoient à nouveau. Le petit Nidoran couvert de crasse était encore là ! Après nous avoir guidés jusqu’ici, il a assisté à toute la scène. Et si Split ne l’avait pas paralysé à son tour, il semblerait qu’il aurait bondit à son tour pour venger son papa. Courageux, le marmot ! Mais bon, je peux rien en faire d’un Nidoran, moi. D’habitude, ça fuit ces machins-là, et il a l’âge de survivre seul.

— Mais idiot, faut que tu fuies, sinon on va te tuer aussi !

Pas moyen, il persiste à essayer de mettre une patte devant l’autre pour s’approcher. Bon, tant pis. Je sors une pokeball et la lance. Au pire, je trouverais bien quelqu’un à qui le refiler, le machin !

Oups, est-ce qu’il voulait le capturer avant moi ? Le monsieur s’est interposé ! Mais, euh… la ball est quand même arrivée à destination. Et s’est confirmée. C’est quand même pratique, les pokeball ! Y’a rien d’autre pareil à Mistral. La techmonogie c’est vraiment pas logique. En tout cas, il m’a bien fait rire à miauler de surprise le monsieur, il a vraiment pas l’habitude de la forêt et la chasse !

Et il parle bizarrement aussi. Très bizarrement ? Je comprends un mot sur deux ! À chaque fois, je lui fais une gueule pas possible, le front froncé pour essayer de déchiffrer ses "laimes" et autres "pitcheries". C’est pas l’accent de Kalank, ça ! C’est bien bien différent ! J’ai dû mal comprendre.

En tout cas, il résume à la fin, et le résumé, je comprends : "bien joué" ! Voilà, ça c’est du langage bien de chez nous ! Je lui décerne mon plus grand sourire, aussi fière qu’au-devant de mes parents, puis répond aussitôt à son conseil :

— Ah oui oui ! C’est comme ça que Jean-Jean il faisait ! Même qu’il retournait toujours sa casquette avant de lancer, ça le rendait trop trop cool !

Eh bah, il connait quand même des trucs le monsieur ! Comme quoi, quand on fouille, on finit toujours par trouver les gens intéressants !

— Ben ouiiiii ! C’est pour ça que je l’ai capturé, pour pas qu’il soit tout perdu le bêta. Normalement il est assez grand pour se nourrir, mais il a un instinct tout nul à nous attaquer alors qu’on est plus forts, alors plutôt chercher un éleveur qu’il s’occupera de lui.

J’éclate de rire à la dernière supposition du monsieur. Le manger ? Mais quel idée ?!

— Bah bien sûr que non, on va pas le manger ! Lui par contre… (je pointe du doigt le gros Nidorino.) Les Nidoran c’est tout riquiqui, faut jamais chasser les petits pour les manger pasque du coup ils deviennent pas grand, et ça fait moins de viande, et en plus ils auront pas refait d'autres petits pour la prochaine saison. C’est que les mauvais chasseurs qu’ils font ça ! Tiens, tu m’aides ?

Tout en discutant de tout cela, bien contente d’étaler ma science dans le seul domaine où je suis incollable, je commence à sortir tout un matériel adapté à trimballer le gros Pokémon. Parfois, je tends une corde au monsieur pour qu’il m’aide à tenir quelque chose en place ou tirer un bon coup, tout en lui précisant bien :

— Surtout, faut rien toucher de son corps, pasque y’a plein de poison partout dans ses pics !

Après avoir attaché des cordes aux endroits stratégique pour faire rouler le Pokémon sans toucher ses aspérités empoisonnées, je l’installe sur une bâche bien solide qui résistera à ses pics et me prépare à le trainer à travers les bois. Je tends alors une dernière corde au monsieur :

— Tiens, on a pu qu'à le trainer maintenant ! J’te laisserai même gouter si tu veux quand il sera cuisiné ! Y’a rien de meilleur que le gibier du jour ! En plus, celui-là c’est un gibier qui m’a volé du gibier, alors c’est encore plus top que d’habitude !

Vengeance, hahaha ! Faut jamais voler sa proie à un chasseur !