Saison Un

: Obscure Prophétie

Huit heures, le soleil a peiné à se lever. Ça n'est pas encore tout à fait l'hiver, mais déjà l'automne commence à céder sa place au grand manteau de froid qui recouvrera bientôt ces terres. Prévenu par Pérenne de la situation chez Pator, en complément à son ordre de mission. Otto se dirige d'un pas décidé vers l'exploitation. Il songeait qu'il avait bien, aujourd'hui, toutes les raisons du monde d'appeler un tel site une exploitation. Maltraitance, tel était l'intitulé de mission. Une légère appréhension lui dévorait sauvagement le ventre. Il ne voulait pas se l'avouer, mais il craignait beaucoup ce qu'il allait trouver là-bas. Il ne voulait pas se l'avouer, non, parce qu'il savait déjà que s'il le faisait, il devrait soit, déléguer et voir un autre affronter cette situation, qui elle, n'aurait pas changé. Soit, de se voir contraint, forcé, par ses valeurs, son sens de la justice, de prendre des décisions plus radicale que ce que le cadre légal le lui permet.

Il faudrait sans doute confisquer un Pokémon ou suspendre la licence d'Éleveur dudit Roger. Bien sûr, cela serait de l'abus de pouvoir, Otto devrait peut-être alors rendre son badge, mais il y avait sans doute matière à débattre auprès de la maire. S'il lui fallait dans un premier temps servir d'exemple pour faire bouger les lois, alors il le ferait. Ce n'est pas qu'il prend à la légère son statut de Ranger, c'est qu'il sait pertinament qu'il se battra bec et ongles pour récupérer son titre si la droiture venait à le mettre en échec. Ce serait alors la conséquence d'une société qui se doit d'évoluer, non pas de sa propre incompétence. C'est pour cela que, malgré tout, il décide, lui, de marcher dans cette direction. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est ce qu'il va devoir affronter. La cruauté, la bêtise, l'ignorance dont peut faire preuve le genre humain. Il connaît pourtant déjà cette belle liste de qualités, peut-être les années qu'il a passé à devenir et à exercer la fonction de Ranger l'auront fait regagner progressivement confiance en l'Humanité. Cependant, que cela demandera-t-il de la détruire à nouveau ? Pour combien de temps cette fois ? Serait-ce sans retour ?

Un Ecrémeuh. En beau milieu d'un champ, seul, attaché solidement à un pilonne. Il porte sur lui les marques de tout ce qu'Otto exècre le plus au monde. L'horreur lui fend le ventre. La nausée lui vient. Les larmes éclosent violemment au coin de ses yeux. La haine. La haine monte en lui, dans une colère sourde. Les veines de son front pulsent de violence. Il n'y a rien pour énerver Otto, rien si ce n'est la violence physique. Les conséquences de celle-ci ne sont pas en reste, il n'a pas besoin d'assister à ces actes inhumains pour qu'ils lui fasse perdre tout son sang-froid. Un enfant peu mourir d'un accident, un orphelinat prendre feu, bien sûr, il sera secoué, stressé, anxieux, mais jamais, non, jamais il ne se retrouvera en incapacité de réagir ou même plus précisément de bien réagir. Là, par contre, il n'est déjà plus lui. Consommée par la rancœur, la profonde aversion qu'il ressentait pour cet homme qu'il n'avait pas encore rencontré ne connaissait aucune limite. Otto ne pense dès lors plus. Ce ne sont pas des idées, des réflexions qui lui traversent la tête. Il n'est qu'un bombe, prête à explosée.

Il frappe, calmement à la porte. On lui ouvre, assez rapidement.



De feu et de glace. Otto persiste à n'être que de feu et de glace. Apporter l'attitude la plus glaciale, la plus détachée. Si le regard de l'éleveur semble assez inquiet en voyant naître sur les lèvres d'Otto un sourire un peu trop carnassier pour être honnête, il ne se doute pas, certainement pas du profond contrôle de lui cela lui demande de ne pas lui exploser le nez, d'ores et déjà. Otto avait déjà réfléchi à ce qu'il pourrait bien dire à Roger. Il avait bien réfléchi. Lui soumettre l'idée que cela n'était tout simplement pas rentable de maltraiter son Pokémon, au-delà de l'éthique dont il semblait de toute façon parfaitement dépourvu, que c'est de l'argent qu'il perdait en battant son Pokémon. Qu'il lui faudrait bien plutôt faire attention au bien-être de son cheptel pour en tirer un maximum de profit. En outre, qu'il ne pouvait pas dire que cela lui était profitable d'une quelconque façon et qu'il s'agissait bien plutôt d'un passe-temps malsain qui devrait lui valoir la prison ou la mort. Malheureusement, nous sommes à Mistral et cela ne lui vaut... Rien du tout. C'est même Otto qui sera en tort lorsqu'il lui retira sa licence d'éleveur et lui confisquera jusqu'à son moindre Pokémon. Un braiser ardent de colère et de dégoût lui gonfle la poitrine. Il met une énergie incroyable en le maintien d'une impassibilité relative et surtout dans le retardement de son explosion. Pourrait-il seulement exploser plus tard ?



C'est plus qu'Otto ne pouvait en supporter. Il pouvait exploser à n'importe quel moment. En roue libre, il se cantonnait au rôle qu'il venait de se donner, salvatrice idée qu'il avait eut là, jusqu'ici en tout cas. La Pokéball de Gympie s'agitait frénétiquement. Réagissait-il à l'immondice qui se tenait devant son compagnon ? À la souffrance de l'Ecrémeuh qui agonissait, là-bas, frigorifié et affamé ? Ou bien, plus improbable encore, à l'affolement que connaissait chaque fibre de son porteur devant un spectacle aussi ignoble que celui-là ? Il n'y a aucun besoin de trouver une réponse à ses questions. La chose est claire, si rien n'arrête Otto rapidement. Il commettra l'irréparable.

La pulsion. Passer à l'acte. Cette douce mélodie de massacre qu'il se jouait dans sa tête lui apportait un peu trop de réconfort pour que cela soit sain. Il devenait, peu à peu, inhumain. Adèle, thaumaturge ou miracle, débarqua à ce moment précis. Sauvé par le gong, il n'aurait pas à répondre, en tout cas pas tout de suite. Il ne déverserait donc pas verbalement son flot de haine à l'encontre de l'éleveur, il ne le pousserait pas à la faute pour mieux ruiner sa vie. C'est ce qu'il se disait maintenant, c'est déjà infiniment plus raisonnable que les différents scenarii qui lui passaient par l'esprit, plus sanglant. L'arrivée d'Adèle eut pour effet de mettre en pause l'incendie de rage et violence qui proliférait en Otto. Elle ne l'avait pas éteint, mais permettait au fur et à mesure de son argumentaire, permit à notre brûlé de voir une autre issue possible.



La pulsion. Passer à l'acte. Cette douce mélodie de massacre qu'il se jouait dans sa tête lui apportait un peu trop de réconfort pour que cela soit sain. Il devenait, peu à peu, inhumain. Adèle, thaumaturge ou miracle, débarqua à ce moment précis. Sauvé par le gong, il n'aurait pas à répondre, en tout cas pas tout de suite. Il ne déverserait donc pas verbalement son flot de haine à l'encontre de l'éleveur, il ne le pousserait pas à la faute pour mieux ruiner sa vie. C'est ce qu'il se disait maintenant, c'est déjà infiniment plus raisonnable que les différents scenarii qui lui passaient par l'esprit, plus sanglant. L'arrivée d'Adèle eut pour effet de mettre en pause l'incendie de rage et violence qui proliférait en Otto. Elle ne l'avait pas éteint, mais permettait au fur et à mesure de son argumentaire, permit à notre brûlé de voir une autre issue possible.

Comprenant alors quel rôle j'avais à jouer à ce moment-là, je décidais de surenchérir. Il me fallait faire attention à ne pas tomber dans la démesure ou même éviter tout sujet sensible. Notre Ranger rassembla tout son courage, il avait été tremblant, dubitatif devant le discours d'Adèle, il se devait maintenant d'entrée en scène pour parachever son travail. Il lui fallait prendre cette nouvelle issue offerte, qui lui tendait les bras, le seul véritable espoir en lequel il n'osait même pas espérer.





Le monde s'écroule autour du Ranger. C'était pourtant une bonne idée. N'importe qui aurait pu tomber dans ce piège, pourquoi pas un abruti comme lui ?.. On ne peut raisonner avec un esprit aussi fermé, il est littéralement en haut du pic de l'ignorance, au sommet de la montagne de la stupidité de l'Effet Dunning-Kruger. On ne peut remporter une argumentation avec quelqu'un qui n'a pas d'honneur. Les digues internes, derniers remparts de la sanité d'Otto sont sur le point de se rompre. La situation risque de dégénérer et le brun n'a absolument aucun pouvoir sur celle-ci. Dans un ultime espoir, il tente une dernière fois de parlementer.





La femme de Roger qui avait écouté notre discussion jusqu'ici, porta son fusil à son mari avant qu'il ne prononce sa dernière phrase. Il vérifia que son deux coup était chargé, puis referma l'arme. Le sang d'Otto ne fit qu'un tour. Impuissant. Il assistait au spectacle de sa propre déchéance. La rage l'avait définitivement consumé. La haine transparut, comme palpable dans son regard. Il dévisageait maintenant l'éleveur qui se crispa à cette réaction. Ce trop-plein d'émotions, beaucoup trop longtemps retenu, compte tenu de la situation, explosait finalement. Un certain sentiment de libération gagna Otto, comme l'œil du cyclone, le calme au beau milieu de la tempête. Il n'était plus acteur de lui-même, réceptacle, simple spectateur de la violence de ses ressentis. Cette fois-ci, c'est Gympie qui ramena une fois de puis le brûlé à la réalité. Il surgit hors de sa Pokéball, renversant l'éleveur à la renverse, le désarmant.

Otto rappela aussi sec Gympie dans sa Pokéball. Tout n'était pas encore perdu. Combien de temps encore pourrait-il tenir les variations extrêmes de son humeur, combien de temps le monde qui l'entoure et les gens qui le peuple auraient encore de l'influence sur ses actions ? Otto se précipita dans le champ. Il avait la ferme intention de libérer l'Ecrémeuh et le ramener auprès du Maire afin qu'elle puisse constater le genre de traitement que l'on faisait encore aujourd'hui subir aux Pokémons dans certains élevages. Il ferait constater les sévices auprès d'un centre, n'importe quoi. Mais il fallait que cette ordure tombe, lui et ceux de son espèce. Otto ne serait pas satisfait tant que cela ne serait pas le cas. Certains combats ne peuvent pas être menés tout de suite, arrêter la consommation de viande à Mistral, cesser l'exploitation des Pokémons, introduire une forme de contrat ou de droit du travail Pokémon, une rémunération, avoir un conseil de surveillance pour ce qui est de la maltraitance... Tout ça demanderai du temps, mais... Laisser un éleveur impunément avoir ce genre d'attitude vis-à-vis de ses Pokémons, cela devait cesser, maintenant.

Le temps est une notion relative. Il nous semble parfois ne pas en disposer de suffisamment et à d'autres moments, qu'il nous glisse entre les doigts. Un instant de bonheur peu venir lever l'aspect temporel d'une scène. Il nous semblerait alors possible d'avoir une éternité pour décrire en détail, chaque poussière, chaque brin d'herbe ou rayons de soleil. À contrario, bercé d'un profond désespoir, notre vision est comme troublée, diminuée, nous agissons comme mécaniquement, sans la moindre pensée. Est-ce là une forme d'instinct qui nous dicte alors notre conduite ? Au-delà de toute conscience sociale, sociétale, éthique ou des lois. Ce doit être un moment comme celui-là qu'expérimentait Otto, à nouveau.

Non, ce n'était pas la première fois qu'il ressentait une telle impuissance. Non, pas la première fois que le devoir et j'insiste sur ce mot, le devoir d'agir lui paraissait plus impératif que toute autre conduite. Il lui fallait agir, agir pour le juste, le bon, le beau. Un idéal. Jamais, dans cet idéal, cette scène ne saurait se dérouler, alors comment dans la réalité y rester impassible ? Impossible. Lui qui avait tant lutter pour ne pas se briser en face de l'éleveur, pour le bien de sa ruse, puis de sa combine avec Adèle. Il relâchait maintenant toute la pression, avec au fond de son esprit que les choses auraient pu beaucoup plus mal tourner. Si Adèle n'avait pas été présente, on aurait lu Roger Pator dans la rubrique nécrologique du journal.



Dans le tumulte assourdissant de son rythme cardiaque et de sa respiration saccadée, Otto luttait. Il courrait jusqu'à l'Ecrémeuh et parvient jusqu'à lui, en contournant spontanément Sourdine, c'est comme s'il ne la voyait tout simplement pas. Aider. Il entreprit de l'aider le plus rapidement possible, redécouvrant avec effroi le manque royal de force dont disposait son corps. Les mots d'Adèle lui sont bien parvenus, mais... Comme lointain, sans conséquences, c'est presque s'ils n'avaient même jamais été prononcé. Otto est bien trop aux prises avec l'absolue détresse dans laquelle le plonge ses propres sentiments.



Le grand brûlé sortit son nécessaire de soin, afin d'alléger la peine du Pokémon. Ses mains tremblaient. Il était moins que l'ombre de lui-même, une réflexion tangible, un écho lointain. Il prit l'Ecrémeuh, décharné, frêle dans ses bras et pleura dans son encolure. Il caressa avec toute la tendresse du monde une zone, vraisemblablement, d'une épaule à une omoplate qui n'était pas touchée par les affreux sévices qui lui parsemaient le corps. Il appliqua différents onguents, fit avaler une concoction, pansa certaines plaies, préféra en laisser respirer d'autres. L'objectif était de rendre supportable le fait d'exister, de respirer. Calmer la douleur, aider les tissus à leur réparation, désinfecter, bander, protéger. Telle était la mission qu'Otto se donnait à ce moment-là. Mais que restait-il de lui ?

Comment être déjà ? Comment vivre ? Pourquoi vouloir subsister dans un monde aussi corrompu et n'attachant aucune valeur à la vie ? La rage, la colère, le désespoir, l'humiliation, tout cela le transcendait et le mettait dans un état de fusion, proche même, de son point de rupture. Une fois satisfait de son travail, il passa à son prochain objectif, toujours aussi robotique.

Il s'attaqua enfin à la corde, s'abîmant les doigts sur cette corde trop bien tissée, ces nœuds trop bien noués. Il n'avait plus de force, lui qui n'en avait jamais eut beaucoup. Les larmes ruisselaient sur ses joues. Savait-il déjà que ce qu'il faisait ne mènerait à rien ? Pourquoi diable un être humain n'attacherait pas la moindre importance au traitement qu'il fait subir à un , mais, en revanche, dans son vice, veillerait bien, toute de même à attacher la « bête » très solidement. C'en est quasi remarquable à ce niveau-là d'investissement. C'est scandaleux d'en arriver à un point où on sait mieux comment faire le mal bien que d'essayer de faire le bien quitte à ce que ce soit mal.

Otto, essayait-il de se convaincre lui-même ? D'attendrir les juges dont il disposait dans sa petite tête, d'amadouer ce jury imaginaire, qui de toute façon, ne serait pas celui qui le condamnerait factuellement, mais bien celui dont le jugement l'accompagnerait chaque jour de sa vie. Finalement, il avait tout simplement besoin que la corde finisse par céder. Une ultime libération. Bien que symbolique plus que réelle, il en aurait réellement eut besoin. S'il ne parvenait pas à cela, autant se foutre en l'air.

Qu'il est dur de ravaler sa haine. C'est quelque part le sentiment d'avoir perdu sa dignité qui le ronge à présent. De n'avoir pas obtenu gain de cause, le Ranger en est vert. Il ne peut souffrir le regard de ce Roger, pas plus que celui de Sourdine et surtout celui d'Adèle. Il se sent enfant réprimandé. Stoppé dans un moment d'hystérie. L'injustice de la situation lui fait vriller l'estomac. Une pulsion profonde de détruire, de saccager monte en lui, mais il n'en fera rien. C'est trop tard, la situation a été réglée. Cette pensée est salvatrice, sans cela, sans cette croyance que désormais, il est trop tard, que maintenant, il n'a que l'air un ahuri aux idées extrême, il mettrait ce domaine à sac. Heureusement, non pas la raison, mais cette impression de passer pour l'abruti de service sape toute volonté en lui. Ce dont il aurait vraiment envie maintenant, ce n'est pas de se ranger bien sagement, de s'épousseter comme si de rien et de poursuivre en fermant les yeux. Il a envie de meurtre, de sang, de se laisser déchaîner Gympie.

Quel soulagement qu'il soit enchaîné à des notions aussi volages que l'image que l'on revoit aux autres, de ce dont ils vont en penser. Ce n'est pas par devoir, pas par conviction qu'il ne réduira pas en cendre cette exploitation. Ce n'est que grâce à ses propres démons. S'il était pleinement lui-même, même au regard des conséquences désastreuses que cela aurait, tout aurait sauté. Remercions, alors, le manque de confiance et d'estime qu'Otto à en lui-même. Une fois de retour à la clôture, il saute au sol, caresse Sourdine sur le sommet de son crâne, les yeux toujours larmoyant. S'il n'est en rien d'accord avec ce qui est en train de se passer, il témoigne par ce simple geste tout le respect qu'il a pour ce Pokémon, ses valeurs, ce en quoi il croit et le lien qu'il entretient avec sa dresseuse.

Le brûlé jette un coup d'œil à Adèle, hoche de la tête, bien maladroitement. Comme pour lui signifier que c'est bon. Il n'y aura plus d'esclandre, i les choses ne vont pas plus loin. Il doit avancer. Ce n'est plus la peine de tergiverser là-dessus. Adèle à d'une certaine façon, raison. Ca lui coûte de l'admettre, mais elle est bien plus en phase avec le monde dans lequel ils vivent tous les deux. Il fait mauvais vivre à Mistral pour un amoureux des droits fondamentaux. Otto commence donc déjà à établir la suite de son plan. Rapporter les faits au Maire. Il croit savoir qu'il est notable qu'elle n'apprécie ni Kedal, ni la manière dont ses habitants traitent leurs Pokémon. Peut-être y aurait-il une carte à jouer là-bas, quelque chose à faire. Quitte à déclencher un esclandre.

L'esprit déjà ailleurs, le cœur encore lourd. Otto à besoin de soutien. C'est le moment tout choisi pour se réconforter dans les bras de son Fermite. Nouveau compagnon de route. Il attrape sa pokéball, s'éloignant d'Adèle de plusieurs pieds puis libère Ramsès de sa geôle. Le Fermite, assez décontenancé ne sait pas spécialement où se mettre. Otto sourit à son air badaud. Ce Pokémon sait être aussi efficace et rigoureux que possible, lorsqu'il est jeté dans une situation qu'il est inconnu, il est toujours un peu perturbé, le temps de récupérer quelques informations sur l'environnement, de se faire des repères. Cela, serait-il un problème en cas d'urgence ? Il est toujours utile d'avoir un équipier au sang-froid. Si c'est usuellement le rôle que son « maître » joue en règle générale, Otto aurait bien besoin aujourd'hui d'avoir un second dans ce domaine.

Le Ranger s'accroupit donc pour se mettre à hauteur du Fermite. Cette vision ramène Ramsès à la réalité, laissant de côté les réflexions complexes qu'il développait pour analyser la situation au mieux. Otto tente de le prendre dans ses bras, mais les plus de trente kilos de la bête le font tomber à la renverse. C'est aussi facilement que cela qu'ils arborent enfin tous les deux un sourire qui fait chaud au cœur. Enfin, dans cette journée, pourraient-ils souffler au moins une fois. La tension est loin d'être redescendue, un mot de travers de la part de l'éleveur et c'est Gympie qui remplacera la solide fourmi. Il n'imposerait jamais un massacre à un Pokémon qui n'en à pas soif. Il sait, cependant, que pour cela, il peut compter sur son Ponyta. En attendant, Otto décompresse avec ce petit nouveau qui a besoin de voir du pays.

Si Otto y avait prêté attention, il aurait sans doute remarqué l'appréhension dont Adèle témoignait à la découverte de son nouveau compagnon. Ramsès, pour ne pas le nommer, s'entendait déjà plutôt bien avec Otto. Il faut dire que le Fermite reçoit toute l'affection que le Ranger n'a jamais pu donner à un Pokémon qui lui appartient et celle qu'il n'ose démontrer à Gympie. La relation entre ces deux-là est donc au beau fixe, même si cela reste tout de même bien superficiel pour le moment. Aucun d'entre eux n'est durablement lié l'un à l'autre. La durabilité, voilà une thématique qui convient bien mieux à ce Fermite ! Une idée commença à germer dans la tête d'Otto. S'il avait déjà commencé à l'appeler, Ramsès, le brûlé ne l'avait encore jamais appelé de cette façon, n'y avait référence à lui de cette façon. C'est avec un grand sourire qu'il s'adressa à la fourmi.


Toujours aussi exotique. Tiré d'une essence de bois connue pour son imputrescibilité. Cela était parfait pour un Pokémon connu pour sa résistance ! Le nouvellement nommé Azobé semblait lui aussi apprécier ce surnom. Otto laissa éclater un rire léger face à l'attitude joyeuse, mais, confuse de son équipier. Il penchait la tête curieusement d'un côté, puis de l'autre, comme intrigué. Le quart d'heure qu'Adèle prit pour finir sa discussion avec l'éleveur et sa femme s'écoula tranquillement. Certes, il faut se méfier de l'eau qui dort, le balafré est loin d'être absolument serein, mais au moins, les choses se déroulent plus calmement. Sourdine était restée avec eux pendant tout ce temps, sans spécialement ni se rapprocher, ni s'éloigner. C'est presque comme si elle se sentait le devoir de les surveiller. Rien de suffisant pour les déstabiliser dans leurs espiègleries.


Adèle venait de ressortir de cet enfer. Il fallait donc assumer ce qui venait de se passer, maintenant ? Aie. Otto préférerai autant s'enfouir dans une galerie d'un tunnel creuser par Azobé ! Atroce moment où il lui faut présenter ses excuses à la Ranger. Ce n'est pas comme s'il avait eut une attitude très... Professionnelle. Ce matin ne témoigne absolumment pas de sa posture professionnelle habituelle. Il faut dire qu'en quelques années de formation et d'exercice de la profession, il n'avait pas été confronté à ce genre de situation et il commence à comprendre un peu mieux les horreurs qui se tapissent en ce monde. Il y a donc bien plus à faire que ce qu'il le croyait. Lui faudrait-il dans quelques années se présenter lui-même comme Maire pour finalement faire triompher ses idées ? L'idée lui traversait l'esprit aussi rapidement que cela, sans plus de conséquences.


Il conclu cette phrase avec un air profondément déterminé. Les phrases étaient prononcées sur un ton sincère, mais ferme, rigide. Otto avait besoin d'avoir des réponses, besoin d'être entendu sur son indignation, besoin de voir que d'autres que lui savent que les choses doivent changer. S'il n'obtenait en rien gain de cause, si personne ne savait l'écouter. Kabutops serait témoin des répercussions que cela aurait. Du moins, c'est cette idée qui, insidieusement, se faufilait dans l'esprit du jeune biopoke. Encore une fois, s'il n'est d'aucune façon du genre à initier toute violence, c'est bien elle qui à elle seule peut le pousser à en user. Cela fait partie des fragilités de l'esprit d'Otto qu'il lui faudrait apprendre à gérer, canaliser. Lorsque l'on ne les exprime pas, ce genre de pensées gangrène leur auteur.