Saison Un

: Obscure Prophétie

Aux confins des terres domptés par l'Homme, Otto se trouvait là, aux Gorges du Vermillion. Cela n'était pas trop tôt. Il avait dû en faire du chemin pour en arriver là ! C'est-à-dire qu'il comptait déjà s'y rendre en quittant Bivouac, mais la Mission qu'il avait rempli à Kedal avait totalement chamboulé ses plans, il s'était retrouvé à remonter Mistral jusqu'à Arnac-le-peuple pour y trouver la Maire. Fort heureusement, s'il n'existe pas une foule d'innovations technologiques à Mistral, les taxis, eux, existent bel et bien et c'est en embarquant dans l'un d'eux qu'Otto avait fait le voyage retour jusqu'ici. Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres. Il pouvait souffler. Non pas que ce lieu représente en lui-même une cinécure, bien plutôt parce qu'on n'y retrouve que peu ou pas d'humains. À nouveau, il pouvait caresser les herbes hautes de la paume et de bout des doigts, respirer un air pur, se mettre du vert plein les mirettes. Un vrai bonheur, un bol d'air pur.

Azobé à ses côtés, il entama une marche qui s'avérerait au fur et à mesure de plus en plus complexe. Mais il avait foi, d'une part en lui et d'autre part en son Pokémon. S'il y avait toujours un certain membre de son équipe qui pouvait lui poser problème, malgré quelques instants d'apaisement tout à fait attendrissant, il pouvait définitivement compter sur son Fermite. Ca n'est pas une flèche, mais il fait un travail honnête. C'est une qualité qu'Otto apprécie tout particulièrement. Profiter d'une nature hostile pourrait permettre à ces compères de resserrer leurs liens, d'autant plus qu'aucun autre de ses Pokémons ne serait véritablement à son aise dans pareil endroit. Ce n'est pas la boule de suif que le brûlé se promène au cou qui lui servira en grand chose. En effet, il y a plusieurs jours de cela, le balafré avait retrouvé sur son coussin un drôle d'œuf. Une sorte d'œuf charbonneux, si ce n'est un bloc de charbon, tout simplement. La confusion pouvait décemment se comprendre, mais le Ranger avait l'œil et il devait s'agir d'une espèce endémique de Galar, du moins c'était son avis.

La nuance est fine entre un vulgaire caillou et cet éventuel Charbi, mais Otto ne pouvait tout de même pas manquer sa chance de faire éclore lui-même un bébé Pokémon et d'enfin assouvir son envie irrépétible de paternité. Serait-il prêt à donner la béquée au nouveau-né ? Bien entendu ! Il n'en ferait jamais assez ou plutôt, il n'aurait jamais peur d'en faire trop quand il s'agit d'un nourrisson. Les yeux luisant d'impatience, il caressa le bout de pierre. Quelle agréable surprise, il était tiède ! Certes, il n'avait jamais été froid, mais tiède, quand même plus chaud qu'auparavant ! Ni une, ni deux, l'oeuf éclos dans le cou d'Otto, s'envole la membrane de jais qui enveloppait l'adorable nouvelle tête. Il s'agissait bel et bien d'un Charbi. Tout feu tout flamme, Otto s'égosille d'une voix haut perchée, gazouille à la vue de ce petit être logé là, au creux de son cou, où il l'avait couvé.

Une fierté incommensurable envie le cœur d'Otto. Il était un peu papa là quand même. Il ne s'agit peut-être pas de son sang, mais il en ferrait de même ! Il prêta serment à sa conscience qu'il ferait tout pour rendre ce poupon heureux, quitte à se séparer de lui si le temps était venu qu'il découvre le monde de ses propres ailes. Une larmiche glissa sur sa joue alors qu'une telle pensée venait de dévaster son esprit. Non, il reprend son calme. Ca sera dans longtemps, ne pleurons pas déjà son futur départ ! Célébrons bien plutôt son arrivée. Enthousiasme comme jamais, le brun entreprit de sortir Gympie, tant que le chemin permettait encore de faire tenir un compagnon de plus. En beau milieu de la voie, Otto s'accroupit. Gympie, désabusé, comme à son habitude, brouta un brin d'herbe qui se trouvait à portée, l'air de rien. C'est lorsque son despote déposa devant son museau un petit cyclope qu'il hennit et jeta sa tête en arrière, plus que surpris.


Otto se surprend à reprendre Gympie, naturellement. Loin d'être à l'aise en constatant l'interaction qu'il venait d'avoir avec le Ponyta, force est de constater que c'était arrivé. Il va bien falloir qu'ils apprennent à communiquer entre eux s'ils veulent pouvoir mener à bien leurs ambitions. Le tout est qu'Otto décida de mener une réunion au sommet, une réunion exceptionnelle pour discuter des différentes possibilités de surnoms pour Charbi ! Au terme d'un long monologue pendant lequel Otto essayait de lire les réactions de chacun, avec grand-peine, tout le monde semblait relativement satisfait de « Fusain », à commencer par Otto lui-même. Le moment était calme, serein. Sans suffisamment pour que quelqu'un se décide à le rompre en hurlant.


Autant d'émotions, une si forte exclamation, de quoi pouvait-il s'agir ? Chaque chose en son temps. Le Ranger n'était donc absolument pas seul dans ces terres ? Un frisson d'inconfort lui parcouru sa colonne vertébrale, une moue désappointée naquit sur sa bouille. Décidément, lui serait-il interdit d'être loin des autres hommes ? Lui qui voulait simplement la paix, le voilà encore fourré dans un drôle de situation. La responsabilité dont il se sentait investit de par sa licence oblige, il renferma Gympie dans sa pokéball, par sécurité. Il lui fallait maintenant s'assurer qu'il n'y avait pas de problème. Même s'il n'en avait absolument pas l'impression vu le ton enjoué avec lequel avaient été prononcé ces mots, ne sait-on jamais, un excès de zèle n'est jamais que la routine pour Otto. Le voilà donc, marchant d'un bon pas en direction du cri, suivi de près par Azobé et en ayant récupéré Fusain dans son col. Le Charbi s'enfouissait confortablement dans la laine grossière du pull d'Otto, était-ce là une habitude qu'il garderait des jours à rester peau à peau avec son dresseur ?

Alors qu'il commençait à discerner une silhouette en contrebas, le brûlé dévala la pente tout net. Le Fermite qui avait tenté de prévenir son compagnon de route qu'il s'approchait un peu trop du bord. En le voyant serrer des dents, mais dérapant avec une agilité insoupçonnée sur les roches, il en conclu qu'il devait s'agir d'un jeu et le suivi donc joyeusement. Une fois en bas, Otto ne bougea pas d'un pouce. Il soupira, délivré de l'angoisse d'à nouveau rencontrer quelqu'un dans une position inconfortable. Il n'eut que le temps de prononcer la phrase qui suivra, qu'il se retrouvait déjà les quatre fers en l'air, emporté dans sa glissade par son ami de métal.