Saison Un

: Obscure Prophétie

Finalement, Jaffar avait fini par quitter Arnac-le-peuple. Il s'était senti revivre sur la route ! Reparti comme avant, avec trois fois rien, il n'osait s'avouer à lui-même l'excitation que lui procurait la perspective d'une aventure. Il avait dormi à la belle étoile, chez l'habitant sur la route, pour enfin revenir dans la ville de son enfance, la tant chérie Roc-Amandour, qu'il aimait jusqu'au dégoût, qu'il connaissait jusqu'à trouver son ambiance pestilentielle. Il avait même fallu traverser la grotte bifurcation, où il avait pas mal crapahuté dans le vide !

Avec la vaccination, les rues reprenaient vie, les gens ne vivaient plus dans la peur. Rien vraiment n'avait changé à part quelques devantures, les rues lui étaient toujours familières, mais pas les trognes.

Alors il avait dégusté un bon petit-déjeuner pour fêter son arrivé dans la ville ! Puis il avait été revoir quelques vieilles poires qu'il appréciait de loin. On lui avait payé un verre ou deux, avant qu'il ne commence à déblatérer des propos anti-Hélix devant un groupe de religieux. Pour démontrer la véracité de leur propos et que si Hélix était là, Hélix ferait gagner aux cartes les bons samaritains, Jaffar et ses compères avaient alors mené une partie de carte effrénée pour finalement tout perdre. Il s'était alors retrouvé sans le sou, et depuis déjà trois jours, ses compagnons d'infortune se faisaient inviter partout où ils pouvaient. Le plus âgé d'entre-eux leur avait trouvé même trouvé une riche bonne poire qui les avait tous conviés à un festin. Quand chacun d'entre-eux  eut réussi à faire inviter toute la clique chez un pauvre diable, ce fut au tour de Jaffar. Il se fit la réflexion qu'il était donc temps de se refaire et de filer d'ici.

Riri, le Korillon tout sourire qu'on lui avait cédé, traînait sur ses basques tandis qu'il se dirigeait vers le parc : n'y avait-il pas meilleur endroit pour vendre quelques remèdes à base d'excréments d'Ecremeuh ? Le Pokérus avait eu le mérite de réveiller la conscience des hypocondriaques, qui plus que jamais tombaient dans ses filets. Si vous restiez allongé dix minutes dans l'herbe à écouter le tintement du grelot de Riri, vous serez détendu pour toute la semaine ! Ça ne vous coûtera presque rien !

Il était là avec son grand sac à dos plein de ses marchandises, lorsqu'il vit cette petite pleine d'énergie entourée de ces grands Pokémons. Il se fraya un passage dans la foule. Jaffar avait bien remarqué les affichettes de la gamine sans y prêter plusieurs attention que ça. Mais maintenant qu'il voyait ses Pokémons en action ! Cette Machoc avec son poing-éclair lui fit du plus grand effet, ça, c'était un Pokémon efficace ! Comme il en voulait dans son équipe ! Pas comme ce petit Korillon, certes mignonnet et bien pratique, mais qui ne risquait pas de lui faire emporter le moindre combat, surtout face à un champion...

Les mots de la petite résonnèrent dans sa tête : elle avait ferrée de le poisson. Tout en ayant bien conscience que ses mots parlaient à tout dresseur qui voudrait gagner un combat, Jaffar se faisait complètement avoir : il lui fallait une bestiole élevé par cette jeune adolescente.

Jaffar attendit patiemment que tout le petit monde autour d'elle se lasse du spectacle, écoutant d'une oreille les curieux qui venaient lui poser des questions diverses. Son regard traîne sur l’œuf, et un instant l'idée de le voler lui traverse l'esprit. Mais il abandonne d'avance, trop de monde, trop fragile, il ne saurait pas s'en occuper, et en plus il a l'air sous bonne garde. Il voit le Bétochef, belle bête, dont il ne préfère pas trop s'approcher, comme on évite un malabar dans la rue sans réelle raison. S'il support bien les Machocs, celui-ci le met mal à l'aise, il détourne vite ses yeux.

Alors que l'éleveuse prend un instant pour elle, il s'approche, un doux sourire aux lèvres.
« Bien le bonjour, mademoiselle. Quels beaux Pokémons vous avez-là ! »
Avec les éleveurs, toujours leur parler de leurs Pokémons. Cela les gonfle de fierté et d'orgueil. C'est comme lorsque vous abordez une jeune maman avec un bambin de deux ans dans les jupes.

« Elle s'appelle Maïmaï, si j'ai bien entendu ? C'est que mes oreilles me jouent des tours parfois... Ca me fait penser à mon petit Riri ! » Il se tourna vers le Korillon qui virevoltait joyeusement en faisant doucement teinter son grelot, un peu excité par la démonstration de force qu'il venait de voir, mais aussi un peu intimidé, et qui se tenait tout près de Jaffar. « Quelle superbe, quelle force ! Vous savez-y faire en élevage, et pourtant j'en ai vu des éleveurs... » Il n'osa pas pousser l'hypocrisie jusqu'à mentionner son jeune âge, mais il laissa planer un silence qu'il voulait plein de sous-entendus.

« Et puis ces champignons, quel choix original ! Mignons mais redoutables ! ». Pour une fois, il pensait ce qu'il disait : les altérations d'état que peuvent souvent produire les bêtes de cette famille lui paraissaient bien utiles !

« Entourée de tous ces compagnons, vous pouvez traverser le monde l'esprit tranquille ! Vous n'êtes pas d'ici je suppose ? En tout cas, à la place de votre famille, je ne craindrai rien pour vous ! ».

Il se dit alors qu'il était temps de rentrer dans le vif du sujet, tout en gardant son ton affable. En parlant, il regarda le Bétochef. « Je dois avouer que je vous envie presque, vous qui avez la jeunesse devant vous et qui êtes si bien accompagnée ! Il posa son sac qui n'était pas si lourd qu'il voulait le faire paraître. Je crains toujours que mon Riri et moi soyons attaqués lorsque nous sommes sur la route ! Mais grâce à Helix, rien ne nous est arrivé jusque-là ! Mais jusqu'à quand mademoiselle, jusqu'à quand ? Nous vivons en des temps troublés... ». Il prit même la liberté de poser brièvement sa main sur son épaule en terminant sa phrase. Son visage était soucieux, ses sourcils froncés accentuaient ses rides.