Saison Un

: Obscure Prophétie

Les bras dans le dos et avançant au rythme de son guide, l'ancien garde ayant réintégré son métier découvrait avec plaisir que malgré les années peu de choses avaient changées. Mis à part quelques détails, c'était comme si le château s'était gelé en même temps que lui. Curieux, il se permit de regarder derrière certaines tapisseries.

À travers les couloirs, c'était le temps lui-même qu'il remontait.

Mais il y avait toujours ce léger détail pour lui rappeler qu'il n'était plus dans son époque et en premier lieu était cette histoire de Sainte lame du roi. L'élite des combattants dont la vie était destinée à l'unique tâche de protéger le roi. Ils étaient son ombre et formés à l'art du combat. Pire, ils ne vivaient uniquement dans ce but. Les phrases étaient des suites logiques de mots mais leur choix pouvait se montrer plus révélateur qu'il n'y paraissait.

Face aux paroles de son cadet, le vieux soldat laissa un temps de silence. Il réfléchissais à cette histoire de de lame et de défaut d'identité. Le damoiseau se fourvoyait sur certains points : il pouvait être remplacé s'il tombait, il ne serait jamais uniquement un objet. Toutefois le dire tel quel risquerait de l'ébranler. Un mur aussi solide était-il, avait toujours une faille ; une simple pierre à bouger et tout s'écroulait.

« - Je me dois de vous rectifier sur un fait, damoiseau, une arme porte un nom. De par l'émotion qu'elle a suscité lors de sa création ou des hauts faits qu'elle engendrera, elle fini toujours par inspirer un nom qui la qualifie. »  

Le colosse fini par s'arrêter, un sourire triste dissimulé derrière sa moustache et sa barbe. Cette situation était de sa faute : s'il n'avait point failli, alors jamais la garde n'aurait été reléguée à la surveillance du château ni même de pauvres âmes seraient devenues des ombres. Tout avait changé à cause d'une décision. Et si ? Et s'il avait abandonné son idée de vivre aux cotés de Dame Adeline ? Est-ce que tout ceci serait arrivé ?

Tout était en partie de sa faute, cet enfant était son péché, il se devait de payer sa dette d'une façon ou d'une autre. Presque aussi subitement qu'il s'était arrêté, il reprit sa marche et s'avança jusqu'à son cadet pour y déposer une main sur son épaule.

« - Alors même si vous êtes une lame, vous avez réussi la prouesse de me défaire sans osciller. Ainsi, permettez-moi de vous baptiser Siegbert : une lame courageuse à la volonté inébranlable. »

Ce nom avait une toute autre signification pour l'homme mais il la tairait car cela relevait d'un sentiment beaucoup plus égoïste. Ne l'avait-il pas assez été jusque-là ? Son regard se fit plus lointain et il admirait de nouveau la majesté des lieux. Qu'importe le temps, ce château n'avait en aucun cas perdu de sa grandeur. Serait-il à la hauteur ? Surtout en de temps si sombres. Mais après l'ombre vint la lumière et cette lueur était représentée par ce petit être que le page lui présentait.

Peut-être était-ce là une preuve qu'il n'était pas ici par hasard, mais s'il n'avait pas été enfermé durant toutes ces années il n'aurait pu assister à pareille merveille. Un événement qui ne se produisait que tous les milles ans, il l'aurait raté de deux cents regrettables années. Tout aussi gaga de ce « nouveau-né », le vieux garde découvrait avec émerveillement ce « Clarent ». Aurait-il l'immense honneur de pouvoir l’entraîner ? Voir ce petit grandir et s'épanouir pour devenir l'un des plus puissants et fidèles protecteurs de Mistral.

« - Bonjour à toi, Clarent et sois le bienvenu parmi nous. Honoré de faire ta connaissance. Peut-être un jour aurons-nous le plaisir de nous entraîner ensemble. »

Il s'inclina respectueusement devant le petit Monorpale, son regard ambré ne le lâchant jamais. Du moins jusqu'à ce que le chambellan ne reprenne la parole. Il ne faudrait pas que ses émotions fassent de lui un soldat mal-élevé surtout que désormais il était le subalterne. Un simple soldat mais qui aurait du mal à s'intégrer aux autres. Il était bien plus vieux que ses compères et bien peu accepterait un vieillard à leurs cotés. Peut-être même serait-il perçu comme un poids mort ou un traître pour ceux qui savaient tout de sa véritable identité.

Certes le vieux garde savait tenir sa place mais ce n'était point le cas de son Escouade qui, curieuse face au petit être devant elle, se mit à l'entourer et à pousser des gloussements de joie tout en sautillant.