Saison Un

: Obscure Prophétie

Doucement, le jour déclinait sur Bivouac. C'était un épanchement de rayons de soleil, à ras-de-terre, dispersant une traînée de paillettes sur les pavés mordorés du village. Pouvait-on réellement parler de village, par ailleurs ? Bivouac n'était-il pas un aimable carrefour où les cœurs voyageurs se rencontraient et échangeaient quelques anecdotes le temps d'une soirée ? Les clameurs et les rires sonnaient les soirs de beau temps, lorsque le ciel se teintait tout juste des couleurs du crépuscule. Les nuages s'écrasaient sur l'horizon ; les pépiements des oiseaux semblaient résonner sur la plaine, le clapotis du cours d'eau qui traversait la bourgade berçait les enfants.
Et ce fut en cette fin d'après-midi que Frann mit pour la première fois de sa vie les pieds à Bivouac. Il avait tant lu sur ce repère de baroudeurs qu'il aurait pu entonner des poèmes entiers, appris par cœur les nuits d'insomnies et de silence. Mais, muet, il préféra faire profil bas, petite ombre étrangère seulement de passage. Horace, d'une insatiable curiosité, traînait derrière, furetant recoins et bosquets ; Ovide, quant à elle, fidèle à ses habitudes, demeurait fermement accrochée à l'épaule de son dresseur, et du haut de ces un mètre soixante-cinq, observait le monde d'un œil attentif.
Frann avait veillé à prévenir la tenancière de l'auberge de son arrivée un peu tardive. La demoiselle, éleveuse et hôtesse, avait trouvé en lui un client idéal : d'une pierre de coup, une adoption et une nuit dans les literies réputées de la célèbre Auberge Inn.
Le jeu de mot manquait d'élégance, mais de ce que l'étudiant en lettres classiques avait lu, il n'y avait pas de quoi s'en plaindre. Il espérait trouver un peu de repos loin de son appartement où s'entassaient livres et feuilles volantes, griffonnées de notes toutes plus impénétrables les unes que les autres. Il avait emporté un peu de ce royaume littéraire dans son sac ; une roman qu'il se devait de finir dans le week-end ; rien de bien impossible, rien de bien passionnant non plus.
Le brun était en réalité gagné par une certaine lassitude : l'année s'éternisait, le rythme s'intensifiait… Il lui tardait de pouvoir revenir dans sa ville natale, profiter des joies de ces montagnes à l'air pur, et reposer son âme ballotée par les récents évènements. Bien heureusement, sa famille n'avait pas été affectée, contrairement à d'autres ; pourtant, il se souvenait clairement de cette pensée honteuse, qui l'avait amené à souhaiter la malheureuse disparition de sa Tante Ursule, que la seule présence dissuadait de passer plus d'une semaine à Roc-Amandour.

La vie se ternissait, de jour en jour, de semaines en semaines. Les cauchemars revenaient régulièrement, les visites hebdomadaires à l'église de Vigneaux avaient un goût amer.
Et, peut-être par caprice, ou par souci de confiance et de protection, Frann avait soudainement ressenti le besoin d'élargir son équipe à une autre créature. Il avait pendant longtemps guetté l'élevage de la dénommée Krystal Inn, s'intéressant tout particulièrement à ses équidés. Une monture digne de ce nom, le jeune homme en avait toujours rêvé. Mais ce n'était pas le genre de la famille, et ses difficultés avec les Pokémon l'en avaient successivement dissuadé. L'arrivée d'Ovide dans sa vie, qu'il n'acceptait pas encore tout à fait, pesait aussi lourd dans la balance.
Néanmoins, désormais âgé de vingt printemps, il comptait bien se jeter à l'eau : apprendre à monter comme les héros de ses romans favoris, et traverser au grand galop les landes désertes… C'était un rêve de gamin ; un caprice d'adolescent. Un petit plaisir coupable, somme toute. Bien sûr, il ne possédait toujours pas de permis de monte : c'était l'un des principaux obstacles. Et la créature sur laquelle il avait jeté son dévolu serait dans un premier temps trop jeune pour compter ne serait-ce que s'assoir sur son dos.
Il avait encore du mal à s'imaginer à dos d'un Zéblitz tout fringant. Il aurait sans doute le temps de se faire à l'idée, d'ailleurs. Car l'évolution n'était certainement pas pour tout de suite. Et puis, avant tout, Frann devait apprendre à gérer ses émotions : les Pokémon et lui, ça faisait mille. Si après quelques années et entraînements intensifs il avait réussi à dompter Horace, son Chaglam, il ressentait toujours un certain malaise au contact des compagnons d'autrui. Comme disait son père, tout le monde ne pouvait pas être bon dresseur. Lui faisait certainement partie des plus médiocres.
Mais c'était bien mal connaître le jeune Parlet que de le croire prêt à baisser les bras : non, il comptait bien apprendre, peu importe le temps que cela prendrait.
Il avait déjà projeté de partir sur les routes au cours des grandes vacances ; c'était une entreprise un peu audacieuse, certes, mais Frann désirait s'en sentir capable. C'était bon pour sa confiance, bon aussi pour gagner en indépendance et en maturité. S'il comptait prendre un compagnon de route ? Il ne savait pas encore. Qui donc pourrait accepter de l'accompagner, lui, le garçon sérieux et un brin taiseux ? C'était une aventure à mûrir et à organiser au cours des quelques semaines de cours qui lui restaient. L'occasion idéale, en tout cas, pour apprendre à cohabiter avec les Pokémon, et se concentrer sur leur dressage.

Frann bifurqua finalement sur une route un peu retirée de Bivouac ; il avait consulté une carte avant de venir, pour repérer l'adresse que lui avait jointe Madame Inn dans son courrier… Une grande auberge, solide, charmante. Il allait bien finir par la reconnaître.
Et, effectivement, derrière un petit bois touffu, se profila l'architecture massive de l'auberge. Ses toits d'ardoise brillaient légèrement aux derniers rayons du soleil. Les balustrades des balcons étaient élégamment décorées de vasques débordantes de fleurs ; même de loin, l'élégance de cette demeure était notable. Un léger sourire se dessina sur les lèvres du brun, qui accéléra un peu le pas après s'être assuré qu'Horace était toujours à sa suite. Il arriva donc devant le grand portail qui marquait la frontière de ce grand domaine privé. D'un œil curieux, il observa la bâtisse avec plus d'intérêt : c'était une construction relativement ancienne, et profondément traditionnelle. De grands ouvertures en arches la rendaient tout à fait unique. Le lierre, dense, grignotait sa façade en brique et lui donnait un petit air de conte de fée. Un joli chemin en pierres rouges savamment disposées menait jusqu'à l'entrée. De l'extérieur, on avait l'impression d'un petit manoir bourgeois, mais en avisant le fond du domaine, dissimulé par de grands et beaux arbres, on remarquait si on était un peu attentif une petite écurie.

Après un temps d'hésitation et les miaulements râleurs d'Horace qui était monté sur la murette pour s'y pavaner, Frann se décida enfin à faire sonner la cloche du portail, qui tinta bruyamment, assez pour avertir l'hôtesse si elle se trouvait dans le bâtiment principal.
Il se sentait un peu mal à l'aise : arriver aussi tard ne lui ressemblait pas… Mais l'après-midi passée à l'étang s'était prolongée plus longtemps que prévu.

Bref. Il s'excuserait platement… Du moins, si quelqu'un venait lui ouvrir.

@ ft. Krystal Et voilà l'ouverture   désolée pour le temps que j'ai pu mettre, mais je voulais faire ça bien ahah

L'appréhension de Frann augmenta d'un seul coup lorsqu'il découvrit, voletant joyeusement, un Togetic venir à sa rencontre. Pourquoi fallait-il toujours que les dresseurs qu'il abordait pour la première fois s'entichent de Pokémon fée ? Il eut un léger mouvement de recul, auquel répondit Ovide par un petit trépignement de pattes surpris. Le jeune homme craignait franchement que la créature de l'hôtelière ne ressente la même chose que tous ses congénères : cette peur, cette méfiance à son égard…
Mais, à sa grande stupéfaction, plutôt que de le fuir, le Togetic s'approcha tout près de lui, si près que Frann sentit un long frisson couler le long de son épine dorsale. Ses pensées s'enchaînèrent à toute vitesse : comment se faisait-il que…? Tout à coup, une certaine paix intérieure le gagn. La peur première se changeait en profond soulagement. Comme si une aura bénéfique, caressante, l'enveloppait tout entier et réduisait à néant l'ombre qui pesait habituellement dans sa poitrine.

Il respira un grand coup. Ses muscles se détendirent. Un petit sourire timide vint même se glisser sur ses lèvres.

Les souvenirs se bousculaient. Notamment ces vieux livres qu'il avait parcourus par curiosité, et qui contaient les légendes entourant les Pokémon. Togetic n'était-il pas la créature ailée, angélique, qui allait au devant des Hommes au cœur pur pour leur porter chance et bonheur…?
Lui ? Un cœur pur ?
Frann n'avait jamais prétendu croire à toutes ces bêtises, mais pour une fois, il voulait avoir foi en ces contes de fée… Y croire dur comme fer, ne plus en démordre. Seulement pour se réconforter, et se dire que le reste n'avait plus aucune importance.
Sans forcément y faire attention, il se redressa de lui-même, et bomba sensiblement le torse ; son visage reprit des couleurs : il avait désormais la sensation d'être à l'aube de la plus belle soirée de sa vie. Il mettait les pieds dans le meilleur des mondes ; les senteurs alentours, les teintes et les bruissements de la nature gagnaient en intensité.

Les pas de l'hôtelière parurent également vifs et décidés aux oreilles délicates de l'étudiant. Son visage s'éclaira d'autant plus en avisant le minois radieux de la demoiselle, vêtue en habits d'équitation, l'air superbe.
Il opina doucement du chef pour répondre à sa salutation, et s'apprêta à prendre la parole avant d'être coupé dans son élan par un changement soudain de situation. Le regard de Madame Inn venait de se figer sur un seul et unique point… Ses prunelles s'étaient soudainement chargées d'horreur, ses jambes si solides n'étaient plus que flageolantes… 

L'extraordinaire sensation de bien-être qui avait jusqu'alors possédé Frann s'évapora tout aussi tôt, et il fut de nouveau confronté à la pesanteur de son quotidien, au poids des peurs et de la fatigue, au dégoût de sentir sa Mimigal désespérément accrochée à son épaule.
Le miaulement rauque d'Horace, en pleine mue, vint ponctuer le tout, parfaisant ce tableau de nouveau bien sombre.
Togetic avait abandonné Frann pour rassurer sa dresseuse ; le garçon observa la scène d'un œil perplexe, et soupira longuement en comprenant le problème. Oui, effectivement. Ovide ne facilitait jamais les choses… Jusqu'à présent, elle n'avait trouvé grâce qu'aux yeux d'une certaine Adèle : toute une histoire.

L'étudiant en lettres classiques tenta bien de faire descendre l'araignée de son épaule, mais la demoiselle ne voulut rien entendre : pire encore, vexée au plus haut point d'être la cause de tout ce remue-ménage, elle se crispa et renforça son étreinte sur les vêtements du garçon.
Alors, Frann esquissa une petite moue désolée et passa une main plus qu'embarrassée dans sa tignasse brune et bouclée :

━ O-Oh… Je… Suis sincèrement désolé… Cela va sans doute vous paraître étonnant, mais je partage la même phobie… Autant dire que j'ai appris à prendre sur moi.

C'était une tentative de détente de l'atmosphère. Le jeune homme n'était pas certain qu'elle fonctionne comme il l'aurait souhaité, mais au moins, il avait essayé.
Il força un petit sourire lorsque Krystal Inn reprit ses esprits, et secoua vivement la tête :

━ Je suis Frann. Frann Parlet. C'est moi qui vous ai contacté pour l'adoption de la Zébibron. Et pour la location d'une chambre pour la nuit, vous vous souvenez ? Ah… En toute hâte, le garçon chercha dans la poche avant de son sac pour en sortir une jolie lettre sans un pli, et une carte d'identité. Là, c'est bien moi. Encore navré pour le dérangement… Vous verrez… Même quand on n'aime pas les arachnides, on finit par s'habituer à la présence d'Ovide, même si ce n'est pas toujours une partie de plaisir…

Il s'approcha doucement du portail, rappelant Horace à ses pieds, et planta son regard gris foncé dans les prunelles émeraudes de l'éleveuse.

━ Je peux… Entrer…? Veuillez excuser mon retard. Je sais qu'il se fait tard, mais j'ai été surpris par le temps… D'autant que je ne connais absolument pas le coin…  Le félin, ne tenant pas aux pieds de son dresseur, passa entre les barres du portail et vint se frotter contre les bottes de l'aubergiste. Frann profita de cette intervention pour glisser une petite pointe d'humour qui se voulait bienveillante. Lui c'est Horace, au fait. Si vous voulez mon avis, c'est plutôt de lui dont vous devriez vous méfier.

@ ft. Krystal

Frann pensa qu'il serait certainement plus sain de faire descendre Ovide de son épaule. Après tout, la petite demoiselle était tout à fait capable de se débrouiller  seule dans le jardin en compagnie d'Horace. Et si cela pouvait mettre en confiance Krystal, alors tout irait pour le mieux. Frann préférait que les relations avec l'hôtesse soient apaisées, voire même agréables. Ce petit week-end était un moment suspendu dans le temps ; il comptait bien en profiter.
Aussi entra-t-il sans trop hésiter lorsque la jeune femme lui en donna l'autorisation. Son Togetic semblait avoir retrouvé sa joie de vivre. Tout voletant, il pépiait gaiement et montrait une grande impatience. Ce comportement amusa Frann, qui se surprit à sourire : c'était un drôle de Pokémon. Très mignon, même s'il gardait un brin de méfiance, habitué à ce que les créatures de type fée ne l'apprécient guère. Certains étaient même allés jusqu'à lui faire du mal ; il avait quelques souvenirs de ce genre, dont la plupart l'avait marqué au fer du traumatisme.
Il alla un peu plus en avant de la propriété, observa les grands arbres et la belle pelouse avec admiration, et rit un peu à la question de Madame Inn. Pourquoi Horace ? Était-il vraiment nécessaire de répondre ? Le matou était descendu de la murette et venait déjà se frotter aux jambes de l'aubergiste, ronronnant et miaulant pour obtenir des caresses. Et dire que ce petit vicieux n'en acceptait que très rarement de la part de son dresseur !

━ Disons qu'il n'est pas dépourvu de malice, souligna le jeune homme en quittant le Chaglam des yeux pour observer le ciel. Les nuages s'agglutinaient et tournoyaient lentement dans un océan de grisaille. Une légère odeur de pluie s'élevait déjà : la moiteur de cette fin d'après-midi laisserait bien vite place à une belle averse. C'est vrai que le temps est capricieux, en ce moment. En début d'après-midi, le soleil tapait fort… Et maintenant, on dirait qu'une belle tempête se prépare…

Le petit groupe s'engagea sur le chemin principal ; de petits cailloux blancs roulaient sous les chaussures de Frann ; il faisait attention à poser ses pieds sûrement pour ne pas faire une mauvaise chute… Ovide, sous ses indications, avait fini par descendre de son épaule. Elle s'était éloignée pour visiter le coin, trouvant notamment un des grands saules à son goût.
Quant à Horace, le minet se pavanait tant et plus, cherchant de toute évidence à impressionner la propriétaire du lieu. Ce Chaglam était décidément un cliché à lui tout seul : digne des Pokémon de la famille Parlet ; toujours à chercher son moment de gloire et de caresses complices.

La proposition de Krystal Inn décrocha un petit sourire à l'étudiant, qui acquiesça vivement, sentant tout aussitôt gonfler dans sa poitrine une pointe d'impatience et d'excitation. Mais, avant qu'il n'ait eu le temps de donner son avis sur la question, Auriel, le Togetic de la jeune femme, s'en chargea à sa place. Son petit manège parvint à le faire rire ; et lorsque la créature se rapprocha de nouveau tout près de lui, il sentit son aura céleste l'envelopper dans un voile de paix et de douceur.
Le cœur du garçon tambourina plus fort, s'emballant un peu à ce contact sybillin, et il ne trouva guère la force de regarder Krystal lorsqu'elle justifia le comportement de son Pokémon, obsédé par la blancheur immaculée de ses plumes et la sensation de bien-être, de légèreté que sa proximité lui procurait :

━ Oh… Sincèrement… Auriel ne me dérange pas du tout. Au contre : je suis plutôt étonné qu'un tel Pokémon m'apprécie… C'était une réflexion à haute voix un peu vaporeuse, bercée d'émerveillement. Frann retrouva néanmoins tous ses esprits et s'éclaircit la gorge pour continuer plus distinctement. De toute façon, c'est avec plaisir que je me rendrai à l'écurie. J'ai vraiment hâte de rencontrer ma future partenaire.

D'un pas vif, le brun réduisit la distance entre l'éleveuse et lui, lui adressant un sourire un peu timide, un peu froid encore, comme il était de coutume, et passant une main nerveuse dans ses boucles sombres :

━ À vrai dire, je suis un peu nerveux. J'espère que la Zébibron ne va pas me rejeter, ou avoir peur de moi… Je sais qu'il n'y a pas de raison, mais… Disons que mon contact avec les Pokémon n'est pas toujours aussi bon qu'avec Auriel. Il laissa le silence grignoter quelques secondes avant de reprendre sur un ton sincèrement curieux. Elle est née tout récemment…? J'espère que ce ne sera pas trop top pour la séparer de sa mère. J'essaierai de me familiariser avec elle, et dès que nous serons prêt, j'apprendrai sans doute à monter. C'est le projet, en tout cas. Mais nous avons encore le temps… Toujours est-il que je vous suis !

@ ft. Krystal

S'il savait pourquoi ? Oh, certainement. Mais il ne comptait pas lui répondre. Aussi haussa-t-il simplement les réponses, jetant une pincée de flou et d'incertitude sur la question de l'éleveuse. Peu importait pourquoi, après tout. Le résultat était là : ses relations avec les pokémon n'étaient pas au beau fixe ; il était rare qu'il se sente apprécié. Mais il ferait de son mieux pour accueillir la jeune Zébibron. Il lui devait bien ça, et il était sûr de pouvoir y arriver… C'était un nouveau né, encore ingénu et naïf : avec un peu de chance, il ne percevrait pas ce que tant de créatures redoutaient chez lui, sans qu'il ne puisse vraiment se l'expliquer.

Frann se contenta donc de hocher la tête aux recommandations de Krystal, renchéries par le miaulement approbateur d'Horace. S'il se montrait doux et prévenant, tout irait bien. Et d'ailleurs, il lui semblait que les Zébibrons n'étaient généralement pas farouches ; plus encore s'ils avaient été élevés en captivité. Une monture idéale et docile, qui se montrerait parfaite à l'avenir.
Le jeune homme s'amusa finalement de la remarque de la jeune femme, délaissant ses craintes pour profiter de l'instant présent : ça oui, s'il montait sur un Zébibron, il aurait l'air ridicule :

━ Ah ! Je ne m'aventurerai pas à monter un poulain. Ce serait vraiment idiot, même si elle a les jambes solides. Je pense que je préfèrerai apprendre à l'apprivoiser et l'entraîner pour qu'elle évolue… Et après… Pourquoi pas ?

Il laissait planer un doute sur sa propre capacité à tenir sur un Zéblitz. Il n'avait monté un Pokémon, et ce serait certainement une expérience assez déroutante ; il n'était pas certain de s'en sortir avec panache.
En attendant, il ne fallait certainement pas mettre la charrue avant les Bourrinos ! De l'eau avait le temps de couler sous les ponts de Pignouse, d'ici là.  
Pour l'instant, il croisait les doigts pour savoir s'en occuper. Il savait que les gens redoutaient un peu les Pokémon équestres depuis que les Cavaliers Noirs avaient traversé la région ; il espérait donc ne pas avoir trop de problèmes… Et au-delà de ça, il savait que Zébibron aurait besoin de grandes étendues d'herbe pour pouvoir grandir et se défouler : ce n'était certainement pas dans son appartement qu'elle trouverait son bonheur. Alors, tous les jours, il devrait se rendre au Parc Naturel pour lui accorder un peu de bon temps. C'était une résolution à prendre et à tenir. Frann s'engageait à respecter cette promesse : s'il n'était pas le dresseur le plus doué, il n'appréciait pas pour autant faire souffrir ses Pokémon.

Il écoutait attentivement l'éleveuse, et notait ses conseils et explications dans un coin de son esprit, essayant de les retenir : le fait que la jeune Zébibron les prenne pour son troupeau, ses Pokémon et lui, avait quelque chose d'amusant, mais le brun n'était pas fou : cela pouvait aussi bien s'avérer tout à fait problématique. Il craignait en réalité de ne pas parvenir à lui faire accepter l'idée de la Pokéball, d'autant qu'Horace et Mimigal, eux, par leur petit gabarit, n'en avaient pas besoin. Il lui faudrait donc lui expliquer clairement les enjeux de cet objet, et peut-être même prendre le temps de la rassurer les premiers jours en la faisant sortir souvent.
Heureusement, le week-end ne faisait que commencer, et il aurait quelques jours de battement pour mettre à exécution ce plan audacieux :

━ Je vois. Je ferai sincèrement de mon mieux ; près de Vigneaux, il y a le Parc Naturel. Nous irons souvent nous y promener pour qu'elle se familiarise à ma présence, à mon autorité si tant est que j'en ai une. J'imagine aisément que les Zébibrons ont besoin de se défouler, surtout si elle aime autant la course, comme vous le dites. Je ne lui ferai certainement pas perdre cette bonne habitude ; ce serait une erreur.

Plus que chercher à rassurer l'éleveuse, réciter ce qu'il avait à faire et ce qu'il avait compris lui permettait de se donner confiance à lui-même. L'étudiant esquissa finalement un petit sourire en s'assurant intérieurement que tout était sous contrôle, et continua de suivre Krystal d'un bon pas, talonnant son Chaglam qui galopait la queue bien haute.

L'écurie se rapprocha finalement, et lorsqu'ils n'en furent plus qu'à une dizaine de mètres, Frann interrogea l'éleveuse du regard pour savoir s'ils pouvaient y entrer. Les portes étaient encore ouvertes, et d'ici, on apercevait les premiers box. Le vent, quant à lui, se levait sur le domaine ; le ciel s'obscurcissait. Krystal s'engagea à l'intérieur, et inspecta les différentes parties du bâtiment ; l'étudiant, curieux, fit de même, apercevant ça et là des Pokémon équins, mais aussi un gros Tauros qui dormait déjà dans la paille. Et, passant la tête hors de son box, il aperçut une belle et grande Zéblitz, qui les observait arriver d'un œil brillant. Le grand cheval flatta son éleveuse de quelques coups de museau affectueux, et observa Frann avec curiosité, et une certaine méfiance naturelle, lorsque cette dernière le lui présenta.
Le jeune homme força un joli sourire pour lui paraître rassurant, et eut pour seule réponse un petit hochement de tête :

━ Vous êtes prêt à la rencontrer ?

━ Bien sûr. J'espère juste que Sleipnir me laissera l'approcher !

Après avoir toisé le brun encore un moment, et une fois le box complètement ouvert, la Zéblitz sembla se résoudre à dévoiler sa petite. Elle l'appela patiemment, et la poussa doucement du museau vers les visiteurs. Un sourire attendrie étira doucement les lèvres du garçon, qui se pencha vers la jeune créature, encore un peu timide. Horace demeurait tout près de l'éleveuse, et laissa échapper un miaulement pour saluer la nouvelle venue.
Prudemment, le garçon s'approcha, non sans avoir jeté un dernier coup d'œil à la mère, et tendit une main lente et douce vers le petit museau duveteux du Pokémon :

━ Salut toi…! Moi, c'est Frann. Tu es toute jolie dis-moi, et déjà tellement grande…! Tu m'as l'air en très bonne santé ; tu es bien, ici. Il caresse doucement ses naseaux, et remonta jusqu'à la naissance de sa crinière, entre ses oreilles. Horace s'approcha, tout curieux, et se frotta contre les pattes du Pokémon. Ah, lui, c'est Horace. Ce sera un des tes amis, maintenant ; j'espère que vous allez bien vous entendre.

Si la Zébibron recula un peu, effrayée au premier abord par ce contact un peu prématuré – Frann n'avait peut-être pas été très adroit – le hennissement rassurant de sa mère l'encouragea à refaire marche avant. Le garçon lui fit d'autres caresses plus douces, demeurant tout de même un peu distant pour ne pas lui faire peur. L'aide d'Horace fut tout à fait précieuse : la créature sembla plus à l'aise avec ce contact un peu plus familier ; elle renifla le matou, qui roucoula de plaisir.
Bon, ce n'était pas gagné, mais pour autant loin d'être perdu. Les débuts se passaient plutôt bien, non ?

@ ft. Krystal

Les conseils de Krystal aidèrent Frann à se montrer moins maladroit avec le jeune poulain. Zébibron, de caresses en caresses, semblait de plus en plus se prendre au jeu. Elle tendait le cou vers son nouveau dresseur, et demandait avidement d’autres marques d’affection que le garçon lui donnait non sans une certaine hésitation, qui tenait plus à un manque de confiance en lui qu’à un quelconque désintérêt. Finalement, il se redressa et laissa sa nouvelle partenaire faire connaissance avec Horace, qui désirait établir un contact plus poussé. Le Chaglam passa entre les pattes musclées de la jeune Zébibron, s’y frottant tant et plus et ronronnant gaiement, avant de rouler sur le dos sous ses naseaux, saisissant de ses pattes de velours, seulement pour jouer. Le cheval eut un petit mouvement de recul sous la surprise, et se cabra élégamment et secouant la tête ; le félin roucoula et revint vers elle pour la pousser à jouer avec lui. Ce spectacle était de toute évidence très mignon, et Frann l’observa d’un œil serein ; puis, se tournant de nouveau vers Krystal, il acquiesça à son conseil : les plaines verdoyantes seraient effectivement idéales pour s’entraîner et créer un lien solide. Il lui faudrait seulement trouver le temps de s’y rendre, et ça, c’était une autre paire de manches… Mais il y parviendrait : il n’y avait aucun doute là-dessus. De toute façon, il n’avait pas vraiment le choix. Quant aux exercices de travail à pied… Ce n’était évidemment pas de refus : difficile pour un étudiant en lettres d’imaginer des entraînements appropriés pour un Pokémon équin. Ce n’était certainement pas son champ de confort… Et il avançait sur un terrain résolument flou, qu’il conviendrait de défricher.
Aussi, Frann se hâta-t-il de faire savoir à l’éleveuse son intérêt pour sa proposition : en guise d’explications supplémentaires à d’éventuelles questions, un petit exposé des exercices qu’il pourrait entreprendre avec son nouveau Pokémon n’était certainement pas de refus :

━ Sincèrement… Je veux bien que vous me montriez quelques exercices ! Cela ne peut qu’être utile, après tout… Et puis… Si vous m’apprenez, je saurai sans doute mieux les appliquer.

Le Brun esquissa un petit sourire timide, et tendit de nouveau sa paume à la Zébibron qui renifla doucement sa main avant d’accepter de nouvelles caresses. Son regard sombre croisa ses grands yeux bleu électrique, et son sourire s’élargit : mais avant tout exercice, ne devrait-il pas donner un nom à cette jolie demoiselle ? Après tout, plus tôt il l’habituerait, mieux ce serait ; et s’ils devaient s’entraîner dans l’immédiat, Frann pensait toujours que le premier contact était crucial :

━ Comme ta maman a un joli nom, que dirais-tu d’en avoir un toi aussi, demoiselle ? J’y ai un peu réfléchi, et j’ai pensé à Agrippa ou Lucrèce… Qu’en penses-tu ? Plutôt Agrippa ? Plutôt Lucrèce…?

La Zébibron échangea un petit regard dubitatif avec sa mère, et marqua son désaccord pour le premier surnom. Frann rit un peu, et haussa les épaules :

━ Plutôt Lucrèce, alors. C’était aussi mon préféré… Et je trouve qu’il te va très bien : élégant comme toi. Si on s’entraîner un bon peu, tu vas vite t’y habituer.

Le Pokémon s’ébroua de contentement, sentant l’excitation monter d’un cran : elle avait bien compris que quelques exercices allaient suivre, et elle aimait visiblement beaucoup s’exercer. Mais Frann, dans son souci de ne pas déranger l’éleveuse, émit un léger doute, ne serait-ce que pour lui laisser l’occasion de refuser cette petite leçon privée :

━ Mais vous avez peut-être du travail, Krystal. Je ne veux pas monopoliser tout votre temps.

Discrètement, alors que le petit groupe discutait tranquillement, une revenante se frayait un passage dans les herbes harmonieuses du terrain. Bientôt, Frann sentit quelque chose d’étrange monter le long de sa jambe… Un immense frisson d’effroi parcourut tous ses membres, et il manqua de pousser un cri de terreur. Bien heureusement, il reconnut tout de suite sa Mimigal qui en avait visiblement assez de faire cavalier seul. Un profond soupir vida ses poumons :

━ O-Ovide…! Je t’avais dit de te trouver un arbre…! Je suis navré, Krystal… Elle est très collante.

Lucrèce hennit, toute curieuse et avide de faire connaissance avec la nouvelle venue. Ovide jeta un regard intrigué sur le petit poney, et la salua en bougeant vivement ses petites mandibules.
Point positif : les rapports dans l’équipe étaient… Plutôt apaisés. Pour l’instant.

@ ft. Krystal