Saison Un

: Obscure Prophétie

Les yeux de Théa brillaient, tenant son oeuf de Couafarel entre ses jambes en écoutant le récit du papy du jour. Elle qui s’attendait à juste un repas dans la salle commune, voilà qu’ils ont droit à des histoires locales.
MAIS QUELLE CHANCE ! Et cette histoire était des plus intéressantes. Romantique, tragique avec inspiration de lieux visiblement connus par les Kebakois. Et derrière cette petite histoire transmise de génération en génération, il y avait des faits historiques intéressants. C’était une colonie pour combattre l’envahisseur.
…
La question c’était de savoir : qui était ces fameux envahisseurs.
Peut-être que ce sera pour une autre fois.





Avec elle, il n’y avait qu’Utopie et Elegance, les autres étaient parties manger avec Folklore en se remémorant leurs journées.
Pour l’instant, le vieux monsieur avait terminé et s’adressait à son assistance voulant savoir si quelqu’un avait des questions ou peut-être une petite histoire à partager. Allez Théa, c’est ton grand moment



Théa se racle la gorge. Autant rester dans le thème des fiancées contrariées, visiblement, cela a créé beaucoup de compte local. Cependant, elle avait une petite particularité : elle était sous forme de comptine populaire, facile à retenir et qu’on ressortait pour les périodes d'halloween.

Adapté mille et une fois, sous tous les genres possibles et imaginables, c’est le genre de petite histoire que grosso modo, tout le monde a au moins entendu une fois, avec certaines des variantes. Aujourd’hui, ce sera à la Vignelaise.



C’était une histoire dont on avait pu retracer les origines vers le 18ème siècle. Où dans Mistral, c’était plus compliquée à déterminer, mais visiblement, elle avait fait le tour du pays. Sauf ici peut-être.  





Théa ? Elle était à l’aise à l'oral. Sa voix était douce, presque chantante sur la comptine puis elle regardait un peu tout le monde.
Il faut dire qu’elle a l’habitude, elle fait des lectures en public de ses romans.







Théa laisse un petit blanc, attendant un court instant que peut-être quelqu’un lui réponde comme la comptine le voulait. Un mini dialogue très simple entre généralement des enfants curieux et le compteur.
Et ?



Et ensuite ?



Et ensuite !



ET ENSUITE !



Silence dramatique.





Morale de l’histoire.
L’amour rends aveugle, surtout quand on est riche.
Attention aux profiteurs.
Et surtout…





Théa lâche un petit rire en même temps qu’Elegance dont elle chatouille la joue. Elle aime bien ce conte, c’est gentiment glauque et pourtant très intéressant à étudier.
Mais ce sera pour une autre fois, les autres avaient peut-être des histoires à partager ou des interrogations.

Eh bien, eh bien… j’écoute tout cela avec attention, comme toujours avide de nouvelles histoires et légendes. Kata aussi adore cela. Et si elle ne m’avait pas laissé la main par peur que quelque chose ne dégénère au milieu d’autant de monde, sans doute aurait-elle-même levé la main avant que son amie littéraire ne prenne la parole pour raconter une énième fois l’histoire des Nosferatus de son village. Il faut dire que l’ambiance ici est très proche de celle de Kedal. Au coin du feu… de cheminé, certes, mais le principal y est.

Pourtant, après deux légendes d’amour aussi inspirantes l’une que l’autre, l’envie me vient d’y ajouter une petite touche de fantaisie. Je me lève, une main dressée, répondant ainsi aux demandes du conteurs :

— Permettez ? J’aimerais participer à mon tour à l’imaginaire de ce soir.

Mon regard orangé dévisage l’assemblée rapidement, s’assurant que personne ne m’interrompe avant d’entamer ma participation.

— Il semblerait que votre légende, monsieur Déssornaitte, ait traversée la tempête plus aisément que les hommes. Permettez-moi de vous offrir cette comptine de Mistral, écho de votre histoire.

Je m’éclaircis la gorge puis entame le récit délicat d’une histoire d’autrefois, à laquelle la voix innocente de Kata se mêle étonnamment bien.

« Ô douce nuit.
Brillante de milles étoiles.

Veille sur tes enfants endormis.
Protège de ta noirceur tout Mistral.

Une brise et tout se refroidi.
Mais jamais ne dérange cette dame au voile.

De sa beauté elle les avait conquit.
Ces hommes qui s'avançaient dans la nuit abyssale


Un baiser et les voilà congelé.
Eux qui narguèrent d'arrogance, se targuèrent.

Dans ce monde se croyaient les plus cultivés.
Mais leur impudence leur coûta cher.

Car cette étreinte gelée,
Dans le froid et les ténèbres les plongèrent.

Et pourtant jamais son sourire ne s'était effacé,
Car le prix de leurs erreurs ils payèrent.


La Dame blanche avait encore frappé.
Et les voilà à jamais prisonniers de Thanatos.

Ne restait plus de ces deux insensés.
Que des cadavres gelés jusqu'à l'os.

Alors Mistral, son visage ne l'oublie jamais.
Car du froid elle serait à jamais son sacerdoce.

Cette beauté au visage masqué,
Acceptait le rôle qu'il fallait qu'elle endosse. »

Je rouvre les yeux après l’avoir contée de mémoire, elle que j’avais appris il y a fort longtemps en fouillant les recueils de mes parents, avant que la mort ne réduise à néant mes ambitions artistiques.

— Je me suis remémoré ceci à l’entente d’une rumeur intrigante cette année. Deux personnes auraient été retrouvées un matin près de Bivouac, la peau bleutée et gisant sur un lit de neige décoré de cristaux de glace. Je suppose qu’il n’en est rien, mais il m’est amusant d’imaginer que l’instigateur de cette rumeur souhaiterait ramener cette légende aux yeux du monde.

Chaque personnage mérite qu’on en parle si on prend la peine de voir l’histoire de son point de vue. Un proverbe qui m’a toujours paru véridique et l’est encore aujourd’hui, tant pour ce lanceur de rumeur que pour ces dames blanches aux légendes éparpillées à travers tout Mistral.

La dernière soirée du festival, il était de coutume de rejoindre la grande salle afin d'y écouter des histoires. Un grand classique indémodable, l'un des moments préférés des plus jeunes. Depuis quelques années, Tom n'y allait plus vraiment. Il avait passé l'âge et sommes toute, il connaissait tout le répertoire de Déssornaitte. Le beau parleur était doué pour parler, on ne pouvait le nier. Mais à entendre les mêmes récits à répétition, ont perds cette petite flamme qui nous pousse à s'installer au bord de la cheminé le soir, à tendre l'oreille et simplement écouter.

Cette édition du festival d'hiver allait être différente par contre. Il y avait tout ces invités d'au delà de la tempête. Avec les vents qui se levait dehors, le bûcheron avait donc eux l'excuse parfaite pour prendre place dans la grande salle. Assis en retrait, verre de gin en main, il avait écouté avec un sourire en coin aux allures nostalgiques le récit de la dame blanche. Le classique des classique, un grand favoris indémodable! Puis, Déssornaitte avait passé la parole aux visiteurs. C'est bien là que les choses devenaient intéressantes. D'ordinaire, les histoires ce répétait en boucle. Pas ce soir.

Alouest, c'était bien son nom? Celle qui avait gagné la course de chien de traîneau prit la parole en premier. Un récit d'amour au cœur brisé, une jeune femme qui s'était faite trompé, un homme sans scrupule qui avait joué de son innocente. Elle était joyeuse aussi les histoires d'au delà de la tempête! Puis une autre, Kata. La petite avait un ton tout différent que lorsqu'ils avaient discuté ensemble. Le récit tout en rime avait à la fois des allures de poèmes et de comptine. Était-ce son fameux Ciboulette qui parlait? Qu'importe, une autre histoire toute nouvelle, bien qu'aussi déprimante que les précédentes.

À croire que Mistral n’était que cela. Des histoires d'amour impossible, de peuple bafoué et d'injustice illimité. Une terre adoré par ceux qui la peuplait, mais qui ne rendait que malheur à ces habitants. Tom finit de boire son verre cul sec. lippoutou que la soirée s'annonçait déprimante. Un œil à la fenêtre. Le vent soufflait fort, devrait-il prendre le risque de rentrer? Il redressa un sourcil intrigué à la quantité de givre qui s'était formé, créant des arabesques aux allures enchantés sur la fenêtre. Oui, il était définitivement trop tard pour quitter. Soupirant, le bûcheron reportât toute son attention sur le centre de la pièce, là où se tenait Déssornaittes et la majorité de son public.

Qui sait ce qu'annonçait la suite de cette soirée.