Saison Un

: Obscure Prophétie

Pierre était arrivé à Bivouac à la suite d’un voyage qui avait comporté plus d’évènement qu’il n’en avait escompté, d’autant plus en prenant en compte la petite distance qui séparait le village de Pignouse. Il avait besoin de se reposer, mais aussi de se familiariser avec la ville et son environnement, donc il prévoyait un séjour long sur Bivouac, dans le cas où il ne déciderait pas de s’y installer pour enfin mettre en pratique les savoirs-faire qu’il avait acquis pour obtenir sa licence d’élevage – puisqu’il n’était pas le genre de personne à soudoyer l’administration d’Arnac-le-Peuple.

Arnac-le-Peuple était l’autre village qu’il aurait aimé visiter avant de sélectionner un endroit où s’installer, et pratiquer l’élevage de Pokémon. Ce dernier village était un peu moins sûr et cultivé que Bivouac, de ce qu’avait pu entendre Pierre, mais il était également l’un des sièges de l’administration de Mistral, de son pouvoir politique – à travers les maires qui s’y succédaient – et était situé bien au nord de la région, le plus loin possible des agissements connus de la Notra. Même si le jeune éleveur soupçonnait que la situation n’était pas aussi blanche.

Et voulait donc prioritairement visiter Bivouac. Une ville qui avait longtemps été connue pour être malade, mais qui intriguait le jeune éleveur – et qui possédait un potentiel immobilier immense pour l’installation d’un élevage, des suites de la mort d’une bonne partie de sa population. Ce qui aurait pu faire peur à Pierre, mais il avait déjà décidé qu’il n’était pas rationnel de choisir son lieu de vie en fonction de la probabilité d’une apocalypse. Après tout, ces dernières avaient une fâcheuse tendance à pouvoir décimer tout Mistral.

Après avoir pris un verre en terrasse, il se promenait donc dans les rues du village. On aurait pu le croire désœuvré, mais il était en fait en train de le visiter tout en essayant d’en établir une carte mentale contenant les lieux qui attiraient son attention – que ce soit par le menu des restaurants, le nombre de personnes dans les rues, la végétation, ou encore les Pokémon sauvages. Avec un peu de chance, le document serait utile, même s’il ne respecteraient pas les normes cartographiques – qu’il ne connaissait de toute façon pas. Après tout, ça n’étaient pas les lieux qui l’intéressaient, mais ses émotions en les arpentant, et les perceptions qui découlaient de leur observation.

La présence de Rongourmands à Bivouac ne surprenait pas Pierre, qui avait pu en apercevoir quelques uns batifoler sur les toits lorsqu’il était en train de prendre un verre. Mais celui face auquel il se trouvait à présent avait décidé de l’aborder de lui-même. Cela faisait de ce Rongourmand un être spécial : le premier Pokémon de Bivouac à venir voir le jeune éleveur. L’attention de Pierre se focalisa donc intégralement sur le Pokémon Joufflu, et il prit soin de bien l’observer sous toutes les coutures en se penchant vers lui. Il avait l’air d’avoir faim, alors Pierre pouvait bien se permettre une petite folie.

“- Je suis en train de chercher des lieux qui m'évoquent des émotions, comme le bonheur.”

Le concept était peut-être un peu compliqué à comprendre pour un Rongourmand, mais Pierre lui montrait son début de carte mentale – qui devait sans doute rendre la compréhension encore plus complexe. Mais ce qui importait à Pierre n’était pas que le Pokémon sache ce qu’était une carte mentale, ni qu'il soit à même de la décrypter. Ce qu’il voulait, c’était placer son doigt sur un lieu qui y était dessiné en violet, et faire revenir en sa mémoire les quelques rues qui y amenaient.

“- Près d’ici, il y a des stands de nourriture qui ont titillé mes papilles, et que j’ai indiqués sur ma carte.  Si tu m’y suis, je peux nous acheter à chacun quelque chose à manger. Comme une brochette aux baies.”

Le Pokémon avait l’air très intéressé par la perspective d’avoir de la nourriture gratuite : la mention des brochettes était suffisante pour qu’il se mette à sautiller sur place en attendant que Pierre se relève et l’y emmène. Et le Rongourmand ne faussa pas compagnie au jeune éleveur jusqu’au stand en question, y arrivant même quelques pas avant Pierre, sans toutefois causer de problème.

“- Deux brochettes aux baies s’il-vous-plaît.”

Un peu après ces évènements, Pierre était assis dans un coin et en train de finir sa brochette en partageant l’un des morceaux de la dernière baie avec le Rongourmand. Il s’étira puis se releva, avant de regarder à nouveau le Pokémon, se demandant si celui-ci serait enclin à lui servir de guide. Voire à rejoindre son équipe. Après tout, il avait été très intéressé par le jeune éleveur jusqu’à présent – même avant qu’il ne soit question de nourriture. Pierre se tourna donc vers lui en le lui demandant directement.

“- J’ai deux questions pour toi. Premièrement, j’aimerai savoir si tu pouvais me guider un peu à travers la ville, et me montrer des lieux que tu apprécies. En second lieu, je me demandais si tu serais enclin à rejoindre mon équipe de Pokémon.”

Pierre n’était pas sûr de son idée, mais étant donné qu’il s’entendait bien avec le Rongourmand jusque là, il se devait de lui poser la question. Ne pas forcer les Pokémon sauvages dans une PokéBall, mais ne pas non plus leur refuser le choix. Et essayer de ne pas non plus présenter un choix qui n’en était pas un – en tout cas pas pour un spécimen en bonne santé comme le Rongourmand. Il lui présenta sa PokéBall.

“- Je compte ouvrir un élevage. Très probablement avec des Pokémon champignons comme Spododo pour commencer. Cela veut dire un environnement qui pourrait être contenir des arbres fruitiers ou des baies, comme l’entrée d’une forêt ou un verger. Je pense que ça pourrait correspondre à tes besoins biologiques. Si tu refuses, et que j’ouvre mon élevage ici, à Bivouac, tu serais quand même le bienvenue comme visiteur, bien entendu.”

[Tentative de Capture. Aucun Objet. Dresseur Vert. Pokémon Vert. Lieu Vert. PokéBall. Jet de Capture +0.]

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'Lancer de Capture 0' :

Le Rongourmand avait l’air plus intéressé par le fait de le guider quelque part plutôt que par la perspective de rejoindre son équipe. Il n’avait pas le temps de réfléchir à la question, ni l’opportunité de clarifier ou de réitérer sa proposition – ce qu’il ne comptait pas faire, même s’il le pouvait – puisque le Pokémon était déjà en train de sautiller à quelques pas de l’éleveur, l’encourageant à le suivre. Si l’instinct de Pierre était correct, il semblait même que le Rongourmand le trouve un peu lent.

Il mit de côté les deux bâtonnets utilisés pour les brochettes de baie, afin de les réutiliser plus tard ou de les poser dans une poubelle pour le recyclage – une fois qu’il prendrait le temps de réfléchir à quelle solution adopter. À la place, il se demandait s’il saurait être aussi clément lorsqu’il trouverait des spécimens appartenant aux espèces qu’il voulait élever : idéalement oui. Mais existait-il des situations qui le conduiraient à capturer un Pokémon même si ce dernier ne semblait pas le vouloir ? Probablement, s’il en croyait les histoires qu’il avait entendu à propos de Pokémon avec des difficultés physiques ou psychiques et qui arrivaient à aller mieux s’ils étaient accompagnés à travers une thérapie. Mais capturer était-il vraiment nécessaire pour de telles thérapies ?

Pierre avait déjà réfléchi à ces questions, mais elles lui revenaient soudainement pendant qu’il suivait le Rongourmand. S’il était chanceux, n’allait-il pas être confronté à ces choix plutôt tôt que tard ?