Saison Un

: Obscure Prophétie

Et c’est parti pour la mission la plus simple qui ait jamais existée ! Franchement, c’est pas de l’argent donnée, ça ? Rester une nuit dans un musée pour le surveiller ! Qui irait déranger un musée la nuit ? Personne ! Autant dire que je suis payée à me balader. J’ai juste eu à faire une bonne sieste inversée la journée pour me réveiller en milieu d’après-midi, et me voilà parée à tenir la nuit en pleine forme !

Le monsieur de l’accueil m’a à peine posé des questions. Ma motivation et ma bonne humeur ont dû lui suffire ! Du coup j’ai fait pareil : j’ai rien demandé sur les précédents, persuadée qu’ils avaient juste peur du noir. Mais nous, à Kedal, on n’a pas peur du noir, alors ça va ! C’est pas ces racontage de trottoir disant que le dernier est parti en courant qui vont m’inquiéter, je m’en fiche moi. Allez, au boulot !

On m’a donné une lampe, surement pour m’occuper : ça me permet de pointer la lumière sur les vitraux et profiter en prime de la visite en pleine nuit. Faut dire que j’y suis jamais entrée, moi, au musée ! Et ce que je peux vous dire, c’est que Hélix, il a la super classe ! Regardez, c’est toujours le principal sur tous les dessins, et il tabasse toujours le vilain Kabuto ! Comme s’il s’agissait d’un dessin animé, j’imite la position de l’Amonita d’un air guerrier, levant mes mains moi aussi vers les cieux. Mais avec la lampe dont le rayon part dans tous les sens, c’est pas super pratique, du coup j’arrête. Et puis ça fait brâmer Truc de me voir faire des pitreries : le daim est dans mon sac de chasse, comme à son habitude. Il regarde lui aussi le spectacle de cette nuit sous la forme de vitraux.

— T’as vu, Truc ? Ça, c’est Helix ! Et ça, c’est Kabuto ! Sont super bien dessinés, pas vrai ?

Je pointe ma lampe sur les concernés, amusée que l’animal s’intéresse à ces histoires.
Mais l’heure tourne. Enfin, je crois ! Peu importe, je dois rester toute la nuit… mais on m’a quand même dit de passer partout. Même si la tentation de rester assise dans un coin en attendant l’aube est forte, je m’imagine qu’il sera plus amusant de s’enfoncer un peu parmi les salles de l’édifice pour découvrir ce lieu si prisé des gens bizarres.

J’abandonne donc les vitraux au gré du couloir éclairé de ma lampe un peu vacillante, d’excellente humeur et aussi discrète qu’un Pachyradjah. Après-tout, je dérange personne ! C’est vrai quoi : y va rien se passer, je le sais bien. Du coup je discute avec Truc, et quand c’est pas le cas, je sifflote un petit air guilleret de Kedal en projetant ma torche de gauche à droite, amusée par la grandeur des lieux. C’est tellement grand qu’on pourrait y mettre un squelette de Rexillius ! Là, en plein milieu, ça rendrait cool, non ?

— Ohé, Ohé !

Ma voix me répond en écho. Je ricane en le réalisant. C’est tellement vide, on se croirait dans une église d’Hélix !

— Pa, pala papa !

Truc sifflote à son tour, pris par mon enthousiasme en vue de cette longue nuit. Faut bien s’occuper ! C’est pas comme s’il allait se passer quelque chose…

Que de bonnes humeurs ! Truc et moi, on s’amuse bien pour l’instant. Je fais tournoyer la lampe dans ma main, pointant le faisceau de droite à gauche au hasard de mes envies sans m’attarder bien longtemps sur grand-chose. C’est sympa, c’est beau, mais sans guide pour tout raconter, j’y comprends rien. Alors je profite du décor sans autre effort cérébral !

Là, un tableau. Là, une statue. Là, le mur. Là, des vêtements en vitrine. Là, une plante verte. Je passe devant chaque chose tour à tour sans qu’aucun élément ne dénote plus que les autres à mes yeux. D’abord parce que j’y connais rien, ensuite parce que je m’en fiche pas mal. Par contre… le bruit de porte, ça, j’y porte attention !

Je pivote d’un coup, les yeux tournés dans la direction d’où me semble venir le bruit.

— Y’a quelqu’un ?

Réaction normale d’une personne normale, non ?

— Boarf, surement un courant d’air.

Réaction un peu moins normale, mais pourquoi pas, non ?
Je hausse les épaules et décide tout de même de partir à la recherche d’une quelconque porte qui serait sortie de ses gonds à cause du fameux vent que je n’ai pas senti. Rassurez-moi, c’est pas la porte d’entrée, quand même ? Si c’est le cas, je suis déçue : elles ferment vraiment mal à clé les portes, ici ! Manquerait plus qu’un touriste arrive à entrer en pleine nuit, juste parce qu’ils ont lésiné sur la sécurité ! Tsss, amateurs ! Heureusement que je suis là !

Néanmoins, il reste un détail qu’il serait intéressant de préciser. Ce détail, il est dans mon dos. Oui, mon dos ! Vous savez, juste entre moi et cette plante près de laquelle je me suis arrêtée d’un coup à l’entente du bruit de porte entrouverte. Le détail, il porte le nom de Truc.
Laissez-moi préciser : Truc, Vivaldaim de sa nature, herbivore (en théorie, bien qu’il l’ait démenti à de multiples reprises), morfal (ça par contre, on en est sûr), et très râleur.
Est-ce bien nécessaire de décrire ce qu’il est advenu lorsque, me retournant d’un coup sec, j’ai malencontreusement permis au végétal de gifler le daim d’une de ses feuilles s’échappant du pot ? SCRONCH ! Tandis que je réfléchis, pose des questions et m’interroge sur l’origine du bruit, le daim grignote la plante. Ce n’est qu’au moment où je décide d’aller à la recherche de la fameuse porte qu’il se retrouve forcé de lâcher prise. J’ai aucune idée de s’il a eu le temps de bouffer une feuille entière… D’ailleurs, je l’ai pas vu faire. Mais à n’en pas douter, il a dû se régaler, le fin gourmet !

Pom, pom, pom… j’avance à la recherche de la porte aux courants d’air. Mais c’est un vrai labyrinthe ici, en fait ! Y’a des chemins partout. Vous devinez déjà ma façon de faire : j’y vais au hasard, portée par un bon sens kedalien qui me protège de tous les vilains maléfices tels que la malchance comme celle d’Aurora.

Puis vient cette vision. Au début, je reste abasourdie quelques secondes tant cette apparition me parait incongrue. Ma maman, ici ? Rapidement, les choses se mettent en place dans ma tête. Tout un puzzle dont les briques s’imbriquent, contraintes et forcées. On est comme ça à Kedal, on résout tous les puzzles en trois secondes, pasqu’on sait faire rentrer les pièces comme il faut, même quand elles ont pas la bonne forme !

Une porte s’est ouverte. À cause du vent, rappelons-le ! Du coup, quelqu’un est entré : ma maman ! TOUT S’EXPLIQUE !

— MAMAAAAAN !

Et voilà que je me rue dans sa direction en hurlant ma joie pour lui faire un énorme câlin, comme toujours. Oui, je sais, elle a pris son air sévère l’air de vouloir me dire que j’ai fait une bêtise… Mais ça n’empêche que je suis super contente de la voir, moi ! En plus, je sais pourquoi elle est là : elle a voulu me faire une surprise quand elle a su que j’allais faire cette looongue mission pendant toute une nuit, elle a décidé de venir me tenir compagnie, pasque sinon ça serait chiant toute une nuit seule dans un musée. Du coup, on va trop s’amuser !
Je me fige d’un coup au milieu de ma course, une pensée me venant à l’esprit.

— OH, alors c’était toi la porte ! Mais t’as pas les clés ! Moi le monsieur me les a données, faut qu’on aille vite refermer à clé, sinon le vent il va encore l’ouvrir et d’autres personnes vont venir !

Voilà, j’ai une destination pour la suite : l’entrée ! Je dois refermer cette porte à clé ! C’est officiel : selon le puzzle en sparadrap du fond de mon crâne, cette porte grinçante est forcément celle de l’entrée.
J’affiche ensuite un énorme sourire devant ma maman que j’aime et m’exclame :

— Qu’est-ce que tu voulais dire ? Y s’est passé un truc pas bien ?

Je suis toute ouïe ! Même si… D’abord, câlin ! Je reprends ma course jusqu’à elle et l’achève en me jetant enfin dans ses bras d’un dernier bond joyeux.

Vivia ? Incroyable ! J’ai vraiment eu de la chance que ma maman rencontre ma nouvelle copine. Apparemment, maman s’inquiétait de ma mission. Pourtant… c’est juste passer une nuit dans un musée, c’est pas si terrible ! Au pire, on va s’ennuyer, c’est tout. Enfin, je vais pas me plaindre : j’ai droit à un super câlin de ma maman alors que je pensais pas la revoir avant de rentrer à Kedal.
Volti est là aussi ! Une fois le câlin de maman terminé, je m’accroupis devant ma grande sœur et l’enlace chaleureusement tout en écoutant le reste des terribles nouvelles.
Puis j’ai un premier tic. Simple plissement de sourcils au-devant d’une incohérence sur laquelle je ne parviens pas à mettre le doigt. Avec la renarde aussi proche de moi, j’ai l’impression d’avoir raté quelque chose. Un détail… pourtant si important.

Bramement dans mon dos. Je pose mon regard sur Truc et lui caresse la tête pour le rassurer.

— T’en fais pas, on laissera pas la team rocket te prendre, je te protègerai comme l’autre fois !

Ça ne semble guère le rassurer. Il est inquiet, le pauvre ! Mais tout va bien aller, il ne risque rien tant qu’il est avec moi.
J’ai acquiescé de tout mon sérieux aux explications de ma maman. Je comprends mieux ! C’est pour ça qu’elle s’inquiétait tant et…
Au loin, la porte ouverte claque soudain si fort que j’en sursaute de panique. Oh non ! Ils sont déjà là ! Je vois ma maman sortir son pistolet, Volti prête à bondir après elle.

— Attends, maman !

Je me rapproche de ma mère pour lui chuchoter aussi discrètement que possible :

— On a pas le droit de tirer sur des humains, nous ! Faut appeler la maréchaussée ! Y’a un machin pour les appeler je crois, qu’on m’a dit. Je sais plus si c’est un bouton ou un bidule qui leur parle directement, mais c’est dans une salle qui s’ouvre que avec les clés que j’ai !

D’ailleurs, j’ai d’autres informations ! Il faut absolument que je les lui partage pour qu’elle en sache autant que moi. Je sais bien que la team rocket n’est pas un conte, j’en ai rencontré durant mon voyage, et c’était terrible !

— En plus, j’ai déjà vu un vilain de la vraie team rocket ! C’était un magicien qui peut faire voler les choses et créer des barrières qu’on voit pas. Ils sont super dangereux !

Moins que ma maman, c’est sûr ! Mais je sais que moi, j’ai pas le niveau, et je veux pas être un poids pour ma maman. Le magicien pourrait me prendre en otage et l’empêcher de bien se battre, ça serait terrible ! Je pointe du doigt la direction – enfin je crois, si je me souviens bien des maigres explications du monsieur et que je ne suis pas trop perdue – qui mène à la salle de sécurité du bâtiment.

Chouette, maman est d’accord avec moi ! Je m’élance en première ligne avec elle et Volti sur mes talons, direction la salle de sécurité. Elle est là où j’avais compris qu’elle était, pas très loin, et j’arrive à l’ouvrir sans problème. Yes ! Tout se passe super bien ! On est sauvé !

— T’as vu, maman ? J’avais raison, on va pouvoir appeler la maréchaussée !

Et vas-y que j’y entre en trombe avant de réaliser… Que maman ne répond plus ?

— Maman ?

Je pivote sur place, surprise de n’avoir pas été suivie. Me faut même pas une seconde de réflexion pour me dire qu’elle est surement partie en avant. Elle a confiance en moi, maman ! Elle sait que je suis assez grande pour appeler la sécurité. Du coup, je m’inquiète pas. Enfin, pas tout de suite.

D’abord, se ruer sur le gros bouton rouge qui, selon moi, permet d’appeler la maréchaussée. J’attrape ce qui ressemble aux trucs pour parler du débat, accroché à la machine par un fil, puis m’empresse de hurler dedans :

— Bonjour ? Bonjour ?! On m’entend ? Y’a des gens bizarres qui sont entrés dans le musée ! Maman a dit que c’est la team rocket ! On a besoin de la maréchaussée ! Vite, vite !

Je repose le bidule sur la machine, à moitié soulagée d’avoir réussi à passer l’appel à l’aide sans pour autant être certaine qu’il ait bien réussi. J’y connais rien à tous ces machins électroniques, moi !

Plus qu’à attendre ! Pas vrai ? Je jette un œil aux écrans. Est-ce que je peux voir maman, d’ici ? Mais avant d’avoir la moindre réponse, une nouvelle brame attire mon attention.
Truc, qui avait fini par plonger sa tête au fond du sac après l’arrivée de maman, s’est finalement décidé à la ressortir. Et lui, il a vu ce qui m’a échappé. Je le fixe, remarque son insistance, puis jette un œil au sol.
Eh, c’est pas les pistolets de maman, ça ? Pourquoi ils sont par terre ? Je ramasse les précieux objets, les examine pour m’assurer de leur véracité…

— Maman ?! Maman, t’es là ?

Cette fois, je m’inquiète. Je jette un œil hors de la salle, parmi les ténèbres du musée. Brrr, je rêve ou c’est devenu tout flippant, d’un coup ? Retour à l’intérieur, fermeture de porte, et verrouillage ! Maman va bien. Je suis sûre que maman va bien ! Elle m’a juste laissé ses pistolets pasqu’on doit pas tirer sur des humains, c’est normal. Tout va bien aller. Je range les armes dans mon sac, aux côtés de mes propres munitions, puis retourne au milieu de la salle de sécurité.

— Y peut rien lui arriver, pas vrai ? ai-je demandé à Truc.

Le daim non plus ne répond pas. Il regarde la télévision. Du coup, je l’imite. J’ose pas vraiment appuyer sur tous les machins colorés qui font bip et boup : je sais pas à quoi ils servent. Par contre, sur les télés, je reconnais certaines salles que j’ai traversées aujourd’hui. Est-ce que je peux voir maman là-dessus ? Ou les méchants ? Je pourrais peut-être dire à la maréchaussée ce qu’ils font !

Voulant m’approcher de la machine pour mieux y voir (c’est vraiment nul les télévisions comme ça, c’est tout gris et blanc on voit rien), j’appose mes bras sur le tableau de bord et appuie sans le vouloir sur certains bitoniaux.