Saison Un

: Obscure Prophétie

[HS : Seul Split, l’Insolourdo de Kata, est présent dans ce topic. Même la dresseuse est absente.]



Il est temps. Des semaines durant, j’ai pris sous mon aile ce junior. Je l’ai entrainé, formé, forcis. Ce ne fut pas le premier. Ce ne sera pas le dernier. Et s’il ne fut ni bon, ni remarquable d’efficacité, je reconnais sa ténacité et sa dévotion pour sa dresseuse. Cela me désole de constater que jamais l’élève ne dépassera le maître, son espèce l’excluant d’office du rang des meilleurs chasseurs où trônent d'autres espèces plus adaptées comme la Voltali que je suis, mais je le juge digne de rejoindre notre famille, sous la tutelle de ma jeune innocente de sœur, Kata.

Comme toujours, l’énorme serpent boit mes explications tandis que je lui énonce les règles de son épreuve. Ce n’est qu’en m’entendant préciser que nous passerons la journée loin de Kata qu’il tic et rétorque d’un refus, trop inquiet pour accepter.
C’est justement pour cela que j’ai choisi les gorges. Pour cela que nous avons quitté Kedal aujourd’hui. Dévoué, il l’est. Un peu trop à mes yeux. Ce qu’il lui reste à apprendre, c’est l’importance de sa propre personne. Cette leçon, je l’ai moi-même apprise à mes dépends, après l’avoir omise auprès de nombreux disciples. Tous disparurent, l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’il ne reste que moi pour protéger ma dresseuse.

Tu veux protéger les tiens ? Alors survis. Si tu meurs, ils meurent.

Il a fallu que j’insiste. Beaucoup. Entre son père et sa mère, Kata ne risque rien. Elle a vécu de longues années sans lui, ce n’est pas une journée de plus qui la mettra en danger. Pourquoi s’inquiète-t-il autant ? Je garde cette question dans un coin de ma tête, prête à la redemander à l’issue de cette épreuve… s’il y survit.

L’Insolourdo s’avance de sa mollesse habituelle. Une limace perdue entre les deux immensités que sont les parois rocheuses des gorges. Lui aussi, tout comme Kata, n’est qu’un enfant. Lui aussi doit devenir grand. Je l’observe de loin, me contente d’observer sans agir. C’est son épreuve. Je n’en suis que juge. C’est à lui d’avancer, seul.

Split prend une profonde inspiration, une lueur de détermination naissant dans le trait de ses yeux. Il doit y parvenir. Pour protéger celle qui a posé ses yeux sur lui. Celle qui l’a accueilli, accepté, choyé. Celle qui est devenue l’entièreté de son monde. Tous ses sens sont en alerte. Il se souvient les dangers de sa dernière venue. Cette fois, il est seul. Pourtant, le résultat devra être identique. Aucune perte.

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Première épreuve. Une pierre atterrit devant la gueule du voyageur, figeant sur place le pauvre inconscient. Il n’est pas assez attentif. Regarde autour de toi ! Ta confiance en toi te porte préjudice.
Fouillant les cieux de ses yeux inquiets, Split aperçoit enfin son adversaire accroché à une paroi rocheuse tandis qu’une seconde pierre tombe aussi dangereusement près de lui que la première. Frustré que son premier adversaire soit hors de portée, l’Insolourdo lui balance un regard médusant des plus furax ! Le racaillou en perd sa troisième pierre, laquelle tombe à la verticale à des mètres de sa cible.

Voilà qui devrait aggraver la précision déjà mauvaise du Pokémon snipeur. Hélas, ce n’est pas suffisant pour le décrocher de son socle de guerre ! Split siffle à l’intention du lâche, réclamant un combat loyal. Il me fait rire, cet idiot. Dans la nature, ça n’existe pas un combat loyal. Celui-ci est le plus "normal" qu’il aura l’occasion de vivre. S’il ne trouve pas de solution, il ne survivra pas aux prochains. Il ferait mieux de fuir, passer son chemin en espérant semer la racaille et ses pierres.

Toutefois, ce serait mal connaître l’Insolourdo. Il est en épreuve, il doit faire ses preuves. L’insecte géant commence ainsi à se rouler en boule. Replié sur lui-même, il enchaine les enroulements sans aucune contre-attaque, parfaitement serein tandis que les pierres s’accumulent autour de lui. Lorsqu’enfin un énorme caillou lui arrive dessus, la pierre se brise sur son corps de la même façon qu’elle l’aurait fait sur le sol. Loin de s’en préoccuper, le Racaillou poursuit son petit manège, jusqu’à en avoir une crampe au bras, bien content de voir l’Insolourdo finir ensevelit sous un petit monticule de plus en plus précis.

Moui. Un peu risqué, mais pas con comme idée. Après tous ces efforts, la racaille est à court d’énergie tandis que Split n’a fait qu’attendre patiemment. Il laisse couler plusieurs minutes après le dernier rocher, puis creuse cet amas de pierres inutile de sa queue pour s’en extirper. Couvert de poussière, mais en forme. Il a eu tout le temps de se reposer des quelques dégâts infligés d’un atterrissage pendant que l’autre s’acharnait en vain. Et voilà qu’il le défie une seconde fois du regard, l’air de vouloir que la racaille descende de son mur.

Haha ! Aucune chance. S’il est assez lâche pour rester aussi loin à balancer sa caillasse, le Racaillou n’osera jamais descendre affronter un adversaire capable d’encaisser cela sans broncher. Dommage, l’affrontement aurait pu être intéressant, s’il avait été fait dans les règles.

Devant l’abandon de son adversaire, Split reprend la route de son rythme molasson. Il jette quelques coups d’œil autour de lui, l’air de vouloir mon approbation. Tu ne me trouveras pas, jeune élève. Mon approbation, tu l’auras une fois ton épreuve réussie… si tu la réussis.

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Vraiment ? Parmi tous les dangers mortels dont regorgent ce lieu, n’y a-t-il véritablement qu’un Magicarpe d’assez audacieux pour lui barrer la route ? Il est vrai que la chance est une qualité parmi d’autres. Souvent décevante, jugée déshonorable, mais réelle. Je soupire en voyant l’Insolourdo se figer devant le poisson qui barbote au sol. Cet idiot pourrait crever de déshydratation avant que Split n’ait levé ses crochets.

L’élève n’en sous-estime pas son adversaire pour autant. Un duel s’engage ! Un duel… de regards. Double soupir pour ma part. Le pire étant que sur ce terrain, si inutile soit-il, l’Insolourdo a un avantage indéniable. Les deux créatures se figent, face à face. Les pupilles du Magicarpe détaillent l’étrange rond barré servant d’yeux à son adversaire, emplies d’une volonté de le fusiller du regard. C’est long. Très long. Trop long.
Soudain, les yeux de Split s’illuminent d’une lueur rouge menaçante. Son regard médusant frappe à nouveau ! Après un tremblement de panique, le Magicarpe sent son corps cesser ses barbotements contre la roche. Il est désormais complètement paralysé. Mais son regard… Son regard tient bon ! Il lutte, bien plus puissant que ses confrères des petits lacs ! Lui, c’est un guerrier qui a réussi à remonter le courant jusqu’aux gorges ! Tout comme Split, il passe l’épreuve des gorges. Plus encore que Split, il deviendra grand une fois son épreuve accomplie ! Tout le monde connait la légende des Magicarpe devenant dragon en remontant la cascade du bout des gorges jusqu’aux sources de l’Infini !

Nous avons donc deux adversaires déterminés, aux yeux fixes. L’un a pris l’avantage, mais l’autre refuse sa défaite ! Tel un rock, il persiste, sans réaliser que son courage est vain. Sans réaliser que son adversaire n’a, en fait, jamais ouvert les yeux. Dire qu’il attend de les voir se refermer… j’ai un peu pitié de ce poisson d’eau douce.

Je n’ai jamais vu Split ouvrir les yeux. J’ignore s’il voit ainsi, s’ils s’ouvrent si vite que je ne l’ai jamais vu faire, ou s’il se passe de ce sens au quotidien pour ne s’en servir qu’en de rares occasions, mais cela n’a jamais semblé l’handicapé. Dommage, petit poisson : tu n’auras aucune victoire aujourd’hui, puisqu’il n’y a pas de réel affrontement possible.

La patience de Split m’impressionne : il a sagement attendu que le Magicarpe baisse les yeux avant de s’approcher. Je crois qu’en réalité, il attendait une attaque. Las de ne rien voir venir, l’insecte géant attrape l’une des nageoires du poisson paralysé, le soulève sans peine puis le recrache dans la rivière. Le courant emporte le pauvre paralysé au loin, là d’où il devra repartir pour une prochaine tentative de rite d’évolution. Bruit de bouche de l’Insolourdo. Il semble perplexe de cette aventure. Pourtant, il poursuit son aventure et s’engage de nouveau sur la route aux nombreux dangers.

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L’Insolourdo poursuit sa route, une majorité des gorges déjà derrière lui. Cette traversée aura été décevante. J’ignore si je pourrai m’en satisfaire et lui faire confiance afin de veiller sur ma petite sœur. Jouer sur la chance comme seule maitresse n’a jamais été d’une grande fiabilité. J’espère que la fin saura révéler davantage de son potentiel.

C’est alors que Split tressailli, figé sur lui-même par une attaque qu’il connait bien mais dont il ignorait jusqu’ici les effets profonds. Moment de panique pour l’Insolourdo paralysé. Il a aussitôt perdu de vue son adversaire qui vole à une vitesse inquiétante autour de lui, ne plongeant qu’au dernier moment pour lui assener ses terrible Bec Vrille lorsqu’il perçoit que la paralysie retient son adversaire.
Rien à voir avec les cailloux hasardeux lancés par le Racaillou ou le combat de regard du Magicarpe. Cette fois, l’oiseau entaille sa chair, bien décidé à le réduire en lambeau avant de toucher pied à terre. Split doit réagir. Hélas, sa queue drill le vide chaque fois qu’elle essaye de rattraper l’oiseau bien trop rapide pour lui. Impossible de tourner la tête assez vite pour lui renvoyer une paralysie, impossible de l’atteindre avec une attaque sol, et pire encore, impossible d’encaisser la puissance de son bec plus longtemps.
Ses ailettes se collent à son corps, l’insecte géant cherchant à regagner un brin d’énergie à coup d’atterrissage dans l’attente d’une idée. Voyant cela, le rapace fond de nouveau sur lui, frappant les ailes du pauvre Insolourdo pour l’interrompre et lui infliger de nouvelles blessures.

Split est bloqué. L’oiseau lui fonce dessus une nouvelle fois. Il pourrait peut-être le frapper d’une poursuite, mais face à un adversaire aussi déterminé, la puissance en serait diminuée. Il n’a plus le choix. Il aurait préféré l’éviter, n’étant pas certain d’être prêt à l’utiliser, mais cette fois, la situation l’exige…

*****


C’était hier, puis les jours d’avant. Des semaines durant, j’ai subi l’entrainement de la renarde électrique. Chaque exercice, chaque affrontement me portait aux limites de mon être et me faisait découvrir de nouvelles parts de moi.
Volti n’est pas une mentor des plus compréhensives. Connaître la douleur afin de savoir la prévenir est un de ses préceptes. Dès les premiers jours, elle m’a foudroyé de sa pleine puissance, quand Kata avait le dos tourné. Elle me laissait ensuite plusieurs heures pour me remettre du choc, puis revenait quérir mes babillements avant de réitérer.

Elle a voulu faire de même avec Monsieur Croa. J’en ai parlé au rapace, il s’y est toujours refusé, même après avoir subi les remontrances de la renarde de plein fouet. La foudre le terrifie, le pauvre.

Moi, par contre… J’ai senti quelque chose naître au fond de mon être dès les premiers assauts. Je pense qu’elle l’a perçu également. C’est pour cela que l’épreuve s’est répétée, répétée, puis répétée encore. Ce n’était plus un simple jeu de dominance, une simple démonstration de force destinée à m’impressionner d’une puissance qu’il me faudrait atteindre. Non. C’était un éveil.

Après plusieurs jours, ses assauts se faisaient moins violents. La foudre s’insinuait toujours dans mon corps, me vrillait les nerfs un par un en les traversant de son ardeur. Pourtant, j’y percevais quelque chose de différent. Comme si le picotement de la foudre à travers mon corps devenait plus naturel. Je la sentais qui restait après coup, s’accumulait en moi dans une petite poche destinée à la contenir.

C’est ainsi que c’est arrivé. Juste après une énième attaque de la renarde. Je cru qu’elle poursuivait son assaut, mon corps tremblant encore des picotements de son énergie électrique. J’en percevais les étincelles au bout de mes crochets. Deux étincelles qui persistèrent le restant de la journée, jusqu’à ce qu’enfin mon corps ne s’en départe d’une ridicule décharge incontrôlée dirigée sur ma mentor.

Je ne vous raconte pas la charge que j’ai pris ce jour-là. Elle n’a pourtant rien senti ! Néanmoins, voir qu’une attaque (même involontaire) pouvait échapper à mon control fut source de ma plus grande punition.
Des jours durant, elle refusa de me voir, allant même jusqu’à me balancer un dard-nuée si j’osais me rapprocher d’elle. Même lorsqu’enfin sa colère fut dissipée et qu’elle daigna reprendre mon entrainement, jamais elle ne relança sa foudre sur ma personne. Les punitions continuèrent, bien entendu, mais différentes. Le sang remplaça les tremblements. Quant à la foudre… je fus contraint d’y repenser seul, chaque nuit. Elle ne m’a jamais quitté, depuis ce jour où elle m’a échappé par mégarde. Elle a toujours été là. Elle est toujours là. Ancrée au fond de mon être, prête à surgir.

*****


Le bec du Piafabec frappe à nouveau. Le sang de Split commence à tâcher le sol. S’il ne réagit pas… il mourra. Ce n’est pas moi qui lui viendrais en aide. Mieux vaut qu’il meure aujourd’hui, seul, plutôt qu’il entraine d’autres avec lui dans sa perte lors d’une situation bien plus dangereuse. Les ranger ont besoin de Pokémon fiables, capable d’encaisser mille dangers bien pire qu’un piaf un peu trop rapide.

Nouveau déchainement du rapace. De dos, toujours. Split n’a jamais l’occasion de lui faire face, retenu au sol et privé de son agilité déjà bien mauvaise par la paralysie. Il est à la merci du prédateur. Celui-ci est en pleine confiance, réitérant des assauts répétés sur sa proie. Ses ailes battent, l’éloigne à nouveau en le ramenant dans les cieux où il n’aura qu’un demi-tour à faire avant de…

Un flash. Un cri. Les gorges, jusqu’ici si tranquilles, se voient d’un coup secouées par le grondement sourd du tonnerre. Les crochets et la mâchoire de l’Insolourdo vibrent sous l’effet de ses nerfs relâchant cette pression si longtemps accumulée. La lumière aveuglante de la foudre se rue sur sa proie abasourdie, laquelle n’a que le temps de réaliser avant d’être ainsi terrassée. S’en suit une longue chute pour le rapace dont l’achèvement brutal annoncera la fin d’un combat.

Le corps encore tremblant de sa propre attaque, Split, rampe lentement jusqu’à sa proie. Ses ailettes peuvent enfin profiter d’un repos bien mérité pour regagner un brin d’énergie. Il se sent vidé. Vidé de cette foudre, du sang qui s’écoule de son corps, et de sa hargne pour cet oiseau de malheur qui lui a tant donné de fil à retordre.

Bientôt, sa gueule se referme sur le piaf, si minuscule à présent qu’il git entre ses mâchoires. Le rapace réparera ses torts en servant de repas.


J’avance et me montre enfin auprès de mon élève tandis que celui-ci profite d’un repos bien mérité, au creux d’un petit terrier creusé dans la roche. Nos regards s’échangent sans autre parole. Il n’y a rien à ajouter. Rentrons. L’épreuve est terminée. Sans aller jusqu’à hurler au succès, je dirais que j’en suis satisfaite par rapport à mes attentes.

Je suis surprise, il faut l’avouer. Je pensais qu’il n’arriverait jamais à maitriser cette attaque. Voilà pourquoi j’ai cessé ses entrainements. J’imagine qu’il les a poursuivis dans son coin, loin de mon regard inquisiteur. Dangereux. Très dangereux. Mais s’il a su s’en servir ici, peut-être pourrai-je lui faire confiance. J’espère ne pas regretter mes choix à l’avenir… pas encore.

Split apprend la CT Tonnerre.
Split passe au niveau Rouge.
Topic Terminé