Saison Un

: Obscure Prophétie

Le bateau, les mouchoirs… Non, très peu pour David. C’est un sourire aux lèvres et une casquette d’une marque à la mode et brodée d’un logo en doublant le prix vissée sur la tête qu’elle s’éloigne du port de Kalos. Ce voyage palpitant, elle se l’est imposé à elle-même et à ses followers. Toutes cette hype qu’elle avait tant essayé de générer, ce concours mystère qu’elle avait organisé et qui s’était concrétisé dans cette pokéball à la couleur rose et violette. Une pokéball qu’elle avait négligemment fourrée dans un sac à mi-chemin entre le sac à main et un sac de course, lui aussi brodé d’une marque toute aussi ostentatoire et qui perdrait bientôt toute sa valeur à Mistral. Au revoir, Illumis. Bonjour, Aventure.
Ce n’est pas la première fois que le jeune Langlois prend le bateau. Toutefois elle fit bien attention à identifier chaque potentiel problème qui aurait pu lui arriver. Cette marche un peu bancale, elle sait qu’un procès est si vite arrivé. Non pas qu’elle ait un jour officiellement fait exprès de mentir pour toucher de l’argent, l’idée lui traverse l’esprit, voilà tout, ça ne fait pas d’elle une criminelle. On l’avait bien sûr aidée à porter ses valises, David n’a pas quatre bras… Et pour porter ses cinq valises il fallait bien au moins deux mackogneurs. A défaut d’en avoir, le personnel s’en était occupé. Pour sûr, David était dorlotée.

Le bateau s’arrête. David descend le pont. C’est une belle journée à Mistral, enfin en tout cas il fait plutôt beau. Elle prend une inspiration et réagit comme si elle venait d’avaler de travers. Ew. Est-ce que ça sent… la campagne ? Par le tout-puissant elle n’avait pas eu à subir tel affront depuis la colonie de vacance « petit zigzaton » en compagnie de l’arrière-petit-fils d’un éminent dresseur quand elle avait 8 ans. Elle s’en rappelait car elle avait dû subir l’épreuve traumatisante de devoir porter de longues chaussettes pour éviter les ronces. Sa réflexion est interrompue par ses valises claquant les unes sur les autres, vulgairement lancées à terre. Son regard s’arrête sur elles, visiblement dérangée non pas par l’irrespect que l’on montrait à ses affaires mais plutôt par ce bruit répétitif qui lui faisait cligner des yeux à chaque impact dans une moue proche de celle d’un tic.

Bon. Souffla-t-elle, en remettant sa casquette et sortant son portable. Je… hum--- Non non non non non… Elle tend la main, se met sur la pointe des pieds, va pour remonter sur le pont pour gagner de la hauteur mais un coup de sifflet retentit. Trop tard. Son regard se décompose. Ressaisis-toi, il faut seulement que tu reçoives le message te disant « bienvenue à Mistral »,tout va bien. Elle est secouée d’un rire nerveux et range son portable, regardant aux alentours comme un miradar…

On l’accoste enfin. Un monsieur d’un certain âge, à l’allure un peu bourrue qui sent fort le pâté. Entre deux phrases d’un accent si fort qu’elle avait l’impression d’accepter n’importe quoi on lui présente des papiers. Pas de douane ? Pas d’endroit où s’asseoir ? Elle lève un sourcil. Et le stylo alors, il veut qu’elle écrive avec son mascara ou quoi ? Heureusement que dans son sac à main en toile brodée il y a tout ce qu’il faut, dont son stylo 6 couleurs parfumé acheté dans une des boutique stylish de la capitale et qui représentait la tour d’Illumis.
En parlant de douane, une bande d’hommes aussi féroces que des colossinges ont commencé à fouiller ses affaires et à s’attarder sur une enceinte qu’elle avait emportée pour écouter sa musique et un couteau de Swissa  acheté pendant des vacances chez un artisan aux doigts aussi ronds que des cuillères en bois. Sentant le coup venir, elle se tourne sur ses papiers, sort son téléphone et le glisse dans ses sous-vêtements. Qu’ils essaient donc d’aller le chercher là-dedans. Croyez-le ou non, mais son sac contient aussi un sifflet à agression :

A non, désolée. Pas. Toucher. Elle mime avec ses mains et articule  comme si elle parlait à des sourds. Ce qu’ils tiennent est une antenne, David n’est pas stupide, elle a compris dès le début que le réseau ici serait pourri. Pourtant, ils n’ont pas l’air de l’écouter, alors elle redouble de "virulence" d'une voix fluette : S'il vous plaît ? Loin de moi l'idée de vous commander mais--- L'homme corpulent l'interrompt d'une voix aussi autoritaire et sèche que celle d'un marchand qui ne négociera pas plus : « Remplissez le formulaire. » ...

Devant tant d'incivilité, David s’exécute, son regard jouant au ping pong entre la feuille et toutes les affaires qu’ils semblent mettre dans une sorte de grosse caisse. Une fois la feuille remplie, l’homme la lui arrache presque des mains. Ses valises sont ouvertes, ses beaux vêtements à moitié par terre. Le formulaire lui paraît débile... : "Faites-vous parti d'une organisation criminelle ?" ; "Avez-vous déjà eu un leveinard entre l'année 1985 et 1986 ?" ; "Ramenez-vous sur le territoire une somme supérieure ou égale à 100.000 P$ ?" ; Elle hésite. Est-ce qu'elle doit compter ses vêtements là-dedans ? Elle coche non. Ces Bidoufs ne se douteront jamais de la valeur véritable d'une veste en cuir de Tauros du designer Tanaka importé de Kanto. David a à peine terminé qu'on lui demande de l’argent, ne sachant quoi faire, et surtout car ça ne représente aucunement une grosse somme, elle le donne : « Bienvenue à Mistral, Mademoiselle. Un temps, il lit la feuille. Si David n'avait pas été aussi mal à l'aise il aurait sans doute eu le temps de se demander s'il lisait vraiment. Monsieur Lannegloasse. »

Il lui tend un papier avec une sorte de liste. David comprend vite qu'il s'agit de règles de vie. Elle ne répond pas. Interdite. L’homme s’en va, plie le formulaire si ardemment rempli dans la poche arrière de son pantalon déchiré avec autant d’attention qu’un ronflex plongeant sa patte dans un panier de baie. Un véritable massacre. Seraient-ils capable de lire les informations sur la fiche si elle était couverte de terre ? Et qui sont ces "ils" dont elle s'imagine la légitimité administrative ? Allait-elle se faire appeler Lannegloasse par tout le monde maintenant ? Ou était-ce seulement les dents manquantes de cet homme qui l’empêchaient de parler correctement… David a pourtant une graphie impeccable, on le lui a dit maintes fois. Elle esquisse un sourire gênée quand elle voit que l'une des règles est de vénérer un pokémon pathétique du nom de helix.

David finit par porter ses deux mains sur ses joues et se tire les traits du visage pour se réveiller. Sa vibre entre ses jambes. Elle sort discrètement son portable, en tout cas aussi discrètement que mettre la main dans son froc se peut. Aucun réseau, merci de vibrer pour rien. Si y a pas de réseau alors comment on peut recevoir un message comme quoi y en a pas ? De qui se moque-t-on. Bon. L’hôtel. Il doit y avoir un hôtel qui l’attend. Et il doit être fabuleux. Après tout elle a été invitée, enfin, presque. Vite, elle ramasse ses affaires du bout des doigts en priant pour qu’aucune tâche ne soit permanente. C'est drôle, maintenant que la moitié de sa chambre n'est plus dans ses valises, deux d'entre-elles sont vides. Pour une fois, elle est bien contente qu’on ne l’aide pas, elle ne veut pas qu’ils mettent leur sales doigts tout gras sur son cachemire.

Pour être dans sa bulle, elle l’était. David n’est pas de celles qui suivent aveuglément la logique tordue des gens sensés. Aussi lorsque vient le moment de commencer une visite dont elle n’avait jusqu’à lors eu aucunement conscience et que ses affaires sont toujours à terre, sa seule option est de lancer un regard semi-courroucé semi-plaintif. Elle abandonne donc deux de ses valises, celles vidées plus tôt par cette espèce de douane champêtre, absolument convaincue qu’à Mistral les gens sont trop bêtes pour reconnaître la valeur des choses. Et puis, ils ne voyagent même pas, la valeur marchande d’une valise ça ne doit pas voler haut.
A l’arrière, David suit le groupe dans un bruit lourd et graveleux de la valise qu’elle pousse – semble-t-il -  de toutes ses forces sur le sol en tenant les deux autres. Sa TOUTE nouvelle valise. Pétanque, église, troquet… La Langlois jette un nouveau regard curieux vers le papier qu’on lui a donné de ça quelques dizaines de minutes. Elle sort son portable, prend quelques photos discrètes pour imiter les touristes et ne pas paraître désintéressée. Dans sa tête seul le confortable  hôtel qui l’attend la pousse à continuer mais à ce stade ils vont finir par dormir sur un lit de paille, or,  il lui est impossible d’y dormir grâce à l’allergie qu’elle vient de s’inventer pour son upgrade. Elle s’essuie le front, tout ce sport… En redressant le regard elle voit qu’une troupe les suit, les encercle, les regarde. UN PUBLIC. Oh non ! Elle s’imagine déjà les joues rosies, la sueur dans ses cheveux, cette valise toute cabossée à force de la pousser dans les graviers. Mais que vont penser les… Mistralois ? Mistralien ? Mistra… Tant pis :

Ex-Excusez-moi ! Elle remonte la foule, laissant ses valises derrière, les quelques touristes ne lui arrivent pas à la cheville, le guide comprendra l’importance capitale de sa question juste en la regardant. Pardoooooon… Elle roule des yeux, mais poussez-vous que diable. Alors qu’elle arrive au niveau du guide, elle se rend compte de son erreur. Depuis le début, ce n’était pas un guide, mais un Bidouf local. Impossible qu’un guide s’habille comme ça. Elle se fait rabattre par un imposteur, elle ne se laisserait pas avoir. Oui, donc, mon brave Monsieur, loin de moi l’idée de vous accuser mais… auriez-vous vu notre guide, je suis sûr que vos… elle mime un truc en faisant virevolter ses mains désarticulées. champs, conclut-elle comme si le mot venait de lui revenir, ont besoin d’être…ça a besoin de quoi un champ ? Elle n’en sait rien. d’être taillés.

Elle n’a pas le temps de finir sa phrase qu’une de ses valises a implosé. Son regard se porte sur les quelques vêtements qui retombent comme des feuilles mortes, catapultés par elle ne savait quelle cho--- UN RAMOLOSS SHINY ! Attendez, non. De galar ? Et puis un et un font deux. Le pokémon mystère ! Quel brave petit, il a vu sa détresse psychologique et est sorti de sa pokeball pour la rassurer. Presque attendrie, David oublie le guide sans lui accorder plus d’attention et s’en va mais une étrange vibration se fait entendre. Du réseau ?! Elle sort son portable. Non. Et puis elle voit le ramoloss, SON ramoloss. Pourquoi il grogne ? Son regard est rivé sur le guide. Et, le grand pokemon maître de l’univers lui en soi témoin, c’est un ramoloss qui fonce à la vitesse d’un dodrio en colère qui se rue en direction du guide. David hurle. Les touristes hurlent. Le public hurle. Tout le monde hurle. Même le guide, qui commence à courir face à l’impensable rapidité d’un ramoloss de galar, hurle. Dans sa course, il percute une valise qui est propulsée en l’air. Rien ne semble pouvoir arrêter le ramoloss. David n’est pas dresseuse elle ne sait pas quoi faire, elle connaît les bases grâce à l’émission de télé « 30 millions d’amis » mais ça s’arrête là.
Alors elle fait ce qu’elle pense être le mieux et se jette sur le ramoloss qu’elle écrase de tout son poids – ce qui n’est pas grand-chose – et parvient à le ralentir, et le ramoloss se met à la traîner mollement derrière lui jusqu’à ce que éventuellement il s’arrête. Le guide n’est plus là. Le ramoloss s’assoit. David redresse le regard. Là tout de suite elle tuerait pour un venti iced chai latte, jus de baie kika, crème fouettée. Mais comme c’est un peu long, ramoloss s’appellera juste : Venti, c’est italien, ça fait exotique. Après ce baptême de fortune, son regard se plisse vers un individu pour le moins… suspect. Il court de façon si maladroite, et … HEY ! David se relève et court elle aussi vers ses valises, ramasse les deux qui lui restent et ramoloss la suit lentement. Elle finit par rattraper l’homme qui tenait sa valise, peinant à suivre ses mouvement erratiques jusqu’à enfin parvenir à son niveau :

Bon. Souffla-t-elle, en remettant sa casquette et reprenant son souffle. Vous savez où est l’hôtel au moins ? Non parce que quand vous avez tourné deux fois pour faire demi-tour, je me suis dit ‘’c’est pas possible il essaie de me semer ou il est complètement perdu‘’, Hahaha. Elle arbore un sourire ingénu et soulagé. Venti ? Elle regarde derrière elle, le ramoloss tourne à peine le coin de la rue. Ah… dit-elle en reportant son regard sur l’homme, c’est soooooo sweet de m’aider j’ai cru que personne allait, genre, le faire ever. Ralentissez voyons ! J’ai pas couru comme ça depuis le concert de Lady Glagla !

Elle trottine derrière lui. Quelle galanterie que d’avoir pris la valise la plus lourde des trois. Après tout, elle avait peut-être mal jugé les Mistralo—Mistralie— enfin les habitants de Mistral quoi.

Quelqu’un de normal se serait excusé, ou aurait proposé de prendre la valise à sa place, et de lui en donner une plus légère. David est tellement ravie de voir que quelqu’un s’occupe d’elle que sa bienséance à elle l’oblige à ne rien en faire. Non, après tout, Mistral lui paraît beaucoup plus accueillant maintenant qu’elle a… un valet ? Elle arbore un sourire étrange, celui des gens riches qui se rendent compte qu’ils ont besoin des pauvres et qui, l’espace d’un instant, les mettent sur un pied d’égalité.
Un hôtel de LUXE ? Elle devient soudainement excitée, se gratte la tête, rit nerveusement et fait mine de ne pas être intéressée avant de tout simplement boire les paroles de son nouveau porteur de valise dévoué. Le fait qu’il ait utilisé un mot de plus de trois syllabes l’impressionne presque, seuls les gens ayant eu accès au prestigieux en connaisse le sens. Et pauvre David lit si mal les intentions de ses interlocuteurs qu’il lui semble d’un coup naturel qu’un valet connaisse toutes les places « to be ». Elle se rapproche de lui comme un papinox d’une lampe, il sent pas bon, une rivière lui parcourt les tempes, et il est habillé comme un plouc mais puisqu’il a quelque chose que David désire plus que de rester ici, elle fait avec. On peut être intéressé et inoffensif, c’est le cas ici. Son gros accent de Mistral lui donne des airs un peu grossiers mais c’est le charme rural, se dit David.

Du coin de l’œil elle surveille l’aspicot. Elle a entendu dire que la piqûre d’un aspicot vous fait gonfler comme un ballon et que le résultat est aussi douloureux qu’inesthétique, un peu comme quand Justine avait eu son allergie à la teinture quand elle avait voulu avoir les cheveux roses. Non merci. Le fait qu’il lui laisse ainsi crapahuter sur son épaule et qu’il n’y ait aucune forêt avoisinante la laisse croire qu’il s’agit de son pokémon. Ca ne la rassure pas vraiment, elle se l’imagine tout de suite aussi caractériel que Venti… Malgré son petit regard en va-et-vient vers le ver, David s’est trouvée un guide de confiance. Du moins, c’est la seule personne à ne pas lui avoir fouillé les poches ou avoir essayé de la perdre dans une ville. Et en plus il avait utilisé le « code » de toute personne chic : un mot anglais. Ce ne pouvait qu’être quelqu’un de bien, David avait déjà décidé qu’elle lui donnerait un petit billet à la fin de son service, il l’avait amplement mérité.

Éh bien qu’attendons-nous ! Chop-chop ! fit-elle en poussant du bout des doigts son interlocuteur dans la direction qu’il semblait suivre avec une bienveillance condescendante. Son intérêt pour Kalos ne fait que gonfler son égo davantage. Kalos, DUH. .. Nous sommes voisins. conclut-elle pour mettre fin au regard perdu du mistralois.

Elle lui raconte donc son départ dans les moindres détails, ses fans, son succès (qu’elle embellit largement), l’argent qui est le sien mais techniquement celui de son père, le fait que la vie est super difficile quand on est spécial et les petits fours trop cuits donnés sur le bateau lors du trajet. Elle élude volontairement le fait qu’elle trouve son pays gauche et arriéré, mais elle ne s’arrête plus de parler, elle rebondit encore et encore, blague, donne des noms que Judas ne connaît pas mais continue d’en parler comme s’il connaissait l’histoire, et tout ça ponctué de mimiques aussi adorables qu’excentriques et surjouées :

Et enfin, vous. Gentil, serviable et attentif-vous. C’est so cray-cray qu’une personne puisse ainsi sauver notre vie, pas vrai ? Par exemple, je suis sûre que vous ne vous attendiez pas à me rencontrer, moi, touriste et vous savez, c’est bien vrai que je ne m’attendais pas à me confier autant à un autochtone, j’avais si peur de ne pas arriver à comprendre votre accent. Mais au final vous vous exprimez bi—enfin j’arrive à vous comprendre quoi. Et moi, j'ai un accent moi aussi ? s’enquit-elle excitée à l’idée de paraître encore plus exotique qu’elle ne l’était déjà dans ce décor médiéval. Et vous alors, je ne connais même pas votre nom, assez parlé de ma triste vie, à vous. Dites-moi tout ce que je dois savoir pour être irréprochable. Oh ! Mes fans m’appellent Davinity, mais vous pouvez m’appeler Davie, d’ailleurs, tout ça c’est si formel et vous m’aidez comme si nous nous connaissions, nous devrions nous tutoyer ! Cela fera plus authentic.

Cela fait maintenant plusieurs minutes qu’ils marchent et la ville se fait moins dense, les rues plus silencieuses et paradoxalement moins crottées – tout est « crotté » ici pour David de toute façon. Elle traîne ses valises et Judas porte encore la sienne, Venti est toujours derrière, elle ignore s’il finirait par rentrer de lui-même dans la pokéball ou si justement c’est ce qu’il cherche à faire depuis tout ce temps. De temps en temps elle l’entend grogner alors elle se dit qu’il va bien. Un rire innocent la secoue et elle lève les yeux au ciel qu’un un énième grognement les pousse à avancer un peu plus vite pour ne pas qu’il morde les fesses du paysan.