Saison Un

: Obscure Prophétie

Dans les hautes sphères spectrales, il est dit que ce qui sort de la bouche vient du cœur et que c’est cela qui souille l’homme. Voilà aussi pourquoi l’état dans lequel on mange est encore plus important que ce que l’on mange ; car on peut s’empoisonner avec les meilleures nourritures quand on ne fait pas forcément attention. En effet, il est dit que si en même temps que vous vous nourrissez, et que vous êtes agité par le trouble ou la colère, les aliments que vous ingérez s’imprègnent de poisons. D’un point de vue moral, il est donc important que vous fassiez l’effort d’imprégner votre nourriture de respect et de reconnaissance envers Helix. Enfin, si vous ne voulez pas qu’il vous arrive malheur. Etait-ce cela qui donnait à Aylee sa dominance conciliante ? Peut-être bien… Cependant, il lui arrivait parfois de déraper et de se transformer en véritable Rexillius. Si son caractère était vraiment pur, rien de ce qui venait de l’extérieur n’aurait pu le salir. Pourtant, c’était loin d’être le cas. Même couvert de boue, un diamant garde sa pureté et sa beauté, il suffira de le polir pour qu’il brille à nouveau de tout son éclat. Rien n’a le pouvoir de la salir, sauf s’il renonce lui-même à sa qualité de diamant et accepte, par sa négligence, de redevenir qu’un simple amas de carbone. Dans les prochains évènements à venir, c’est ce qu’Aylee aurait à retenir. Si elle ne voulait pas se laisser posséder par son instinct de fuite.

Jamais. Jamais, elle ne vous dirait comment elle y avait eu accès. Qui avait eu accès à quoi ? Aylee. Et quelle était cette chose ? Le nom de l’établissement possédant la meilleure recette de tarte de ceribous. Le saint graal pour une personne qui passait son temps à manger. Une jeune personne du nom de Aylee correspond à ce style de personnalité. La jeune scientifique pouvait vous donner aussi l’identité de son acolyte, mais vous comprenez… Par soucis d’éthique, elle ne pouvait le citer. Elle n’avait pas fait de promesse, mais c’était tout comme. Pour obtenir le meilleur, il faut faire des efforts. Et le mériter. Surtout lorsqu’il s’agissait de nourriture. Aylee aurait été prête à vendre le corps de l’une de ses sœurs pour obtenir le moyen d’y accéder. Enfin, ne leur dites rien. Elles pourraient mal le prendre… Et si c’était Freud qui vendait le corps de sa dresseuse ? Cela passerait sans doute moins inaperçu.  

Et c’est d’un coup de pattes de Psykokwak que le Pokémon et Aylee se retrouvèrent dans l’établissement en question. D’une certaine manière, on ne lui avait pas demandé son avis. Seul celui de Robert – son estomac – comptait. Il avait ce pouvoir sur elle, de prendre le contrôle quand il le fallait. Et ça arrivait régulièrement. Est-ce que ça se soigne Docteur ? Si un jour, elle se réveillait en pleine nuit dans les cuisines d’un restaurant ; elle ne s’en étonnerait même pas. Enfin, pour l’instant elle était bel et bien réveillée. Aylee commanda alors deux parts de tarte ainsi qu’un Psykoppucino. Il ne s’agissait que de crème fouettée mais Freud en raffolait. Alors à chaque fois que le duo se rendait en ville, Aylee se permettait de lui en offrir un gobelet. Et elle ne se ruinait pas vraiment puisque Psykokwak se nourrissait principalement de cailloux. Faudrait-il déjà qu’il puisse les digérer ! La commande de nos deux gloutons enfin prête, Aylee se délesta de la réaction de son Pokémon lorsqu’elle lui confia son verre de crème fouettée. Vous pouviez être sûr qu’il ne garderait pas son état initial très longtemps. Tout comme lui, Aylee ne tarderait pas non plus à dévorer sa commande.

Muni d’une bavette, Freud commença à déguster sa gourmandise avec passion, et comme il le pouvait. La forme de son bec n’était pas tellement compatible avec la forme cylindrique de son verre. Il y eut d’abord un moment de latence. Puis un moment de flottement. Jusqu’à ce qu’Aylee remarque le changement de son regard. Dites adieu au canard jaune tout doux. Et dites bonjour au Psykokwak mégalo. Sous sa caboche de diminué, Freud était une véritable bombe à retardement. Le canard jaune sembla d’abord désorienté. Puis en observant son gobelet, il semblait désabusé. Il déversa le contenu du gobelet en le bazardant à travers la pièce. Cela bouleversa profondément la dresseuse, qui ne comprenait pas ce qu’il se passait. Elle était sûre d’une chose, c’est que son Psykokwak n’était plus lui-même. Est-ce que sa boisson avait été trafiquée ? Et ce n’était pas le regard que Freud lança à Aylee qui la rassura. Cette pulsion qu’il tentait de contrôler si ardemment habituellement, ne semblait plus tant le déranger que ça. Il allait faire une crise. Quoi ? Je répète : il va nous faire une crise. Ni une, ni deux. Et Aylee se jetait par-dessus le comptoir de l’établissement ? Une première onde de choc passa. Dans l’action, la jeune scientifique se protégea la tête avec ses bras. Les murs se mirent soudainement à trembler. Le tintement du verre se fit explosif. Les secousses furent brèves mais assez intenses.

Aylee se releva avec facilité. Ca c’était ce qu’elle croyait jusqu’à ce qu’elle se mette à respirer fortement. Elle en eut un haut-le-cœur. L’odeur était si infecte et nauséabonde qu’elle aurait pu se mettre à suffoquer. Le gaz. Aylee était poisseuse de cet étrange parfum, comme s’il était doté de particules physiques capables de se déposer sur la peau dès que l’on entrait en contact avec lui. Se remettant à peine de ce choc olfactif, un sifflement perçant vint percuter les tympans de la jeune femme. C’était insupportable, pire que des crissements d’ongles sur un tableau à craie. L’écho lui déchira l’intérieur du crâne, et c’est en ouvrant les yeux qu’elle remarqua que ses pieds avaient disparu dans une fumée noire. Oh non ! Ses pauvres petits pieds ! Qui vous mettra vos souliers maintenant que plus personne ne peut vous voir, mes mignons ? Aylee s’imaginait déjà le pire ; ses pieds devenant indépendants et la traînant d’un bout à l’autre de Mistral. La faisant se promener la nuit. La faire danser jusqu’à ce que mort s’ensuive. Elle se voyait envoyer tout un tas de présents à Monsieur Lepiedgauche d’Aylee afin de le supplier d’arrêter. Un enfer.

Son cauchemar continua lorsqu’elle croisa malheureusement le regard de ce qui avait été son Pokémon. Son regard en disant long. Il allait sans doute finir par la bouffer. Elle esquissa alors un premier mouvement de recul qui invita le canard mégalo à avancer. Elle contourna avec prudence le bar de l’enseigne. Et lorsqu’elle estima que la distance avec Psykokwak était suffisamment sécuritaire, elle se jeta sur la porte de sortie comme une dératée en hurlant à la mort. Et c’est une fois à la porte du Paradis qu’elle se rendit compte qu’à l’extérieur c’était aussi l’Enfer.