Saison Un

: Obscure Prophétie

Après plusieurs jours de préparation, Roger avait enfin quitté Frîme. Cela lui faisait de la peine de laisser à nouveau sa grand-mère seule mais il n’avait pas d’autres choix s’il voulait avancer dans ses objectifs. Sa prochaine destination était la prairie des lavandes. Un biotope intéressant pour le botaniste qu’il était.  

Cependant, pour arriver à sa destination, Roger devait passer par les marais. Heureusement, le scientifique n’en était pas à sa première tentative. Cette fois-ci, il tâtait le sol à l’aide d’un bout de bois pour éviter de s’embourber à la moindre occasion. Ambroise avait lui aussi retenu la leçon que leur avait apportée leur dernière escapade. Contrairement à leur première visite, le félin se montrait plus prudent. Il huma l’air et observa son environnement avec beaucoup d’attention. Même si, de temps à autres, les hautes herbes se mettaient à bouger, le chat ne sautait plus dessus à la moindre occasion. Les proies attendraient. Pour le moment, le Skitty préféra se concentrer là où il posait ses pattes : de préférence sur la terre ferme.

Quant à Astéra la Flabébé, elle ne connaissait pas ce problème. Désormais, elle avait trouvé un nouvel endroit où se poser. L’épaule de son dresseur était devenue son perchoir attitré. Le pokémon fée se montrait toujours aussi craintif envers les inconnus mais le botaniste avait, peu à peu, réussi à gagner sa confiance.

- On avance vite, plus vite que je ne l’espérais, lança joyeusement Roger. On pourrait bien atteindre Kalank avant la tombée de la nuit.

Pour atteindre son objectif plus rapidement, le botaniste avait décidé de lâcher son appareil photo quelque temps. D’habitude, il aimait prendre en photo les plantes des divers endroits qu’il visitait mais il avait désormais d’autres préoccupations en tête. S’il voulait étudier les pokémons fleur de plus près, l’idéal était de les intégrer dans son équipe. Il n’y avait donc pas de temps à perdre.

Bien trop heureux d’avancer aussi rapidement, Roger oublia presque qu’il avait deux bouches à nourrir. Cependant, l’une d’entre elle n’hésita pas à se faire entendre grâce à des miaulements plaintifs. Ambroise avait faim et savait comment s’y prendre pour le faire comprendre à son dresseur. Le voilà qu’il tournait autours des jambes de Roger.

- Ça va, ça va. J’ai compris, fit le botaniste en jetant un coup d’œil à sa montre. C’est l’heure de la pause.

Le jeune homme ne se fit pas prier plus longtemps. Il posa une vieille couverture abîmée à terre avant de sortir les gamelles de ses pokémons. Les deux avaient droit à leurs propres croquettes. Riches en protéines pour Ambroise et supplémentées en minéraux pour Astéra. Quant à Roger, il avait pris soin de préparer son repas la veille, de la panisse. Les frickois étaient peut-être connus pour leur superficialité, leurs plats avaient au moins le mérite d’être facilement emportés.

Sans aucune autre forme de cérémonie, Roger déclara :

- Bon appétit !

Roger profita de ce moment de quiétude avec ses pokémons. Ces derniers temps, il était rare qu’il puisse passer du temps seul avec son équipe. A la maison, sa grand-mère passait son temps à couver Ambroise et Astéra, et quand il était dehors, le botaniste trouvait toujours le moyen de faire de nouvelles rencontres. Une fois tout le monde repu, Roger commençait à ranger ses affaires. Cette journée-là, il se trouvait particulièrement joyeux. Il faisait beau, il savait où il se dirigeait et surtout, il avançait bien. Que pouvait-il arriver ?

Tout, sans aucun doute. Alors qu’il rangeait sa vieille couverture, le scientifique se raidit en entendant une voix mielleuse derrière lui. Cette voix ne lui était pas particulièrement familière mais elle ne lui était pas inconnue. Roger se tourna lentement, un sourire crispé sur les lèvres.

- Mademoiselle… -il chercha un moment le nom de la jeune femme, il l’avait déjà oublié- Nithé. Et Monsieur Tremblotti, bonjour, fit le botaniste avec un hochement de tête poli.

Ce duo, Roger l’avait déjà croisé la veille au marché, tandis qu’il préparait ses affaires pour son voyage. Si l’aîné ne lui avait pas spécialement fait mauvaise impression, la jeune femme, en revanche, ne lui disait rien qui aille. Elle avait un je-ne-sais-quoi que Roger ne pût blairer mais il n’arrivait pas à mettre exactement le doigt sur ce qui le dérangeait. Pour l’instant, le jeune homme préférait jouer la carte de la courtoisie et de la diplomatie. Il n’était pas du genre à se faire des ennemis et il n’avait pas envie de commencer avec Sérène.

A la vue des inconnus, Astéra se cacha dans les cheveux du botaniste. Une habitude que la Flabébé avait prise quand elle ne se sentait pas en sécurité, c’est-à-dire à la moindre occasion. Il n’y avait donc rien de personnel dans le comportement de la fée. En revanche, Ambroise lui tourna fièrement le dos. On ne la lui faisait pas ! Ce n’était pas en une nuit qu’il oublierait les agissements de cet horrible Lakmécygne.
Roger prit un instant pour réfléchir aux paroles de Sérène. Il n’arrivait pas à déterminer l’honnêteté de la jeune femme et surtout, si elle comprenait qu’Ambroise avait subi. Dans tous les cas, le chat ne semblait pas prêt à pardonner au Lakmécygne. Ce pokémon était sans aucun doute plus fort que lui et ses misérables griffes de chaton ne pouvaient le défendre.

- Eh bien… excuses acceptées.

Avait-il d’autres options pacifiques ? Bien sûr, comme si l’univers voulait se liguer contre le botaniste, il avait fallu que Sérène emprunte la même direction que lui. Il ne pouvait l’éviter, ils se croiseraient forcément à un autre moment dans les marais.

- Je me rends également à Kalank. Je suppose qu’il serait plus judicieux de faire la route ensemble, en effet.

Les mots peinaient à sortir de sa bouche. Néanmoins, un vieux proverbe disait : « l’union fait la force »… et les marais pouvaient se relever dangereux. Le trio se mit donc en route vers la capitale. Puisque la route était encore longue, mieux valait briser la glace immédiatement.

- Vu que nous en avons pour un moment, autant apprendre à se connaître. Que faites-vous dans la vie ?

Ainsi, Roger apprit que Sérène Nithé n’était autre que la championne Eau de la région. Il devait bien l’avouer, le scientifique ne s’intéressait pas vraiment au dressage pokémon. Cette histoire de conquête de badges et de Ligue lui passait donc complètement par-dessus la tête. Néanmoins, avec son futur élevage, il serait probablement temps pour lui d’éveiller sa curiosité sur le sujet.

- Je suis botaniste, dit-il quand ce fut à son tour de répondre, j’étudie le monde végétal et j’espère bien faire des pokémons plante ma spécialité. Enfin, pour le moment, ce n’est que le début. Vous deux, vous avez l’air d’avoir plus d’expérience que moi en matière de dressage. Que conseillerez-vous à un débutant ?

En réalité, Roger redoutait un peu les conseils de Nithé. Comment avait-elle pu être championne alors qu’elle n’était pas capable de reconnaître un pokémon qui en intimidait un autre ? Cette question, le scientifique préféra la garder pour lui.

A la mention de son futur élevage, Roger avait su capter l’attention de Lorenzo. L’aîné n’hésita pas à couper la parole à la Championne Eau pour apporter son expertise. Une fois la machine en marche, il fut compliqué de l’arrêter. Le vieil homme était intarissable sur le sujet… pour le plus grand bonheur de Roger. Tandis qu’il prenait attentivement notes des conseils qu’on lui prodiguait, ses pokémons firent la connaissance du Skélénox du spécialiste Spectre. Une énième espèce que le scientifique ne connaissait pas.

Ne sachant pas trop comment ni pourquoi, Roger fut vite amené à justifier sa perplexité quant à l’existence de l’Hélix. Le botaniste ne savait que trop bien qu’il s’agîssait d’un terrain glissant, sur lequel des personnes avisées ne s’aventuraient pas. La plupart de temps, Roger ne préférait pas aborder le sujet. Il savait pertinemment que cette croyance était ancrée au plus profond de chaque mistralois. Même sa grand-mère, qu’il estimait énormément, était persuadée que le Nautile protégeait la région de son aura divine. Quoi qu’il en soit, la Championne arriva à la conclusion qu’il fallait remettre ce brave Roger sur le droit chemin… celui de la rédemption, celui qui le mènerait jusqu’à ce foutu mollusque.

Ce genre de conversation avait ce don étrange d’arrêter le temps… Du moins, le jeune homme trouva le chemin extrêmement long jusqu’à Kalank. Ou peut-être étaient-ils simplement perdus ? Dans tous les cas, Roger fut ravi d’être arrivé à destination. S’il avait trouvé le vieillard amusant et sympathique, la croyance injustifiée que portait Sérène en l’Hélix lui avait enlevé le peu de bonne humeur qu’il restait au botaniste.

Il avait juste besoin de repos.