Saison Un

: Obscure Prophétie

Comme à son habitude l'ancien garde s'était réveillé aux aurores au plus grand damne de la pauvre Duchesse qui geignit alors qu'elle n'aspirait qu'à encore une heure ou deux de sommeil. Elle avait fini par comprendre les habitudes plus que matinales de l'ancien combattant et de ses fidèles pots de colle mais elle ne voulait pas connaître le même entraînement. C'était certes une chienne qui avait connu des conditions de vie extrêmes mais elle pensait qu'en suivant ce vieillard, elle aurait une vie de pantouflarde. Pourtant, de toutes les personnes âgées, elle était tombée sur le plus vigoureux. Il l’entraînait même dans ses courses matinales avant d'avoir le droit à un copieux repas.

Malgré cela, elle avait toujours le droit à une séance de coiffage le soir et cela chassait tous les griefs qu'elle pouvait avoir à son encontre. Elle qui refusait que quiconque touche sa toison, aimait à voir comment le guerrier pouvait se montrer doux lorsqu'il s'occupait d'elle. Par contre elle devrait peut-être l'amener de force chez un barbier car il ne prenait pas du tout soin de sa barbe hirsute. En fait, mis à part le seau d'eau matinal, son maître ne se lavait pour ainsi dire jamais.

Peut-être devrait-elle trouver de l'aide auprès des Pokémons des connaissances de son maître pour pallier à ce soucis. Elle trouva l'excuse parfaite lorsque le colosse fut appeler par son cher frère d'armes pour une séance d’entraînement. Au moins elle n'attendrait pas pendant des heures dehors de l'humain ne se défoule avant d'aller se vider un grand seau d'eau glacé sous l’œil voyeur des villageoises. C'est qu'elles avaient fini par se donner le mot ces gourgandines et le pauvre grand dadet qui ne voyait rien de leur manège.

Les voilà donc en route à vélo jusqu'au commissariat où on leur indiqua où se trouvait Anty. Le grand brun ouvrit les portes de la salle d’entraînement, habillé des vêtements que son ami lui avait conseillé au profit de son armure et se dirigea vers lui d'un pas rapide et enjoué.

« - Bonjour à vous Maréchal et merci pour cette proposition d’entraînement. Trouver un adversaire ne me fera que le plus grand b... »

Sa main venait de se geler dans celle de son homologue alors que ce dernier lui demandait s'il était prêt à... prendre une déculottée ? Oh. Il ne savait comment réagir face à cette question et le grand homme eu presque un mouvement de recul. Peut-être devrait-il affirmer tout de suite ses limites avant qu'il ne perde le contrôle. Il voulait bien être compréhensif et accepter les nouvelles mœurs mais de là à faire de même. Non. C'était bien trop pour lui.

« - Je suis navré de vous l'annoncer ainsi mais je ne suis accepter pareille proposition. Votre amitié seule me suffit et je pensais que nous allions échanger quelques coups, pas que nous allions tester les nouvelles coutumes de Mistral. »

Par contre était-ce lui ou Duchesse était littéralement morte de rire, les quatre pattes en l'air, alors qu'elle venait d'entendre l'échange entre les deux géants. Il fallait dire que le quiproquo était tellement risible qu'il lui était impossible de pouvoir se retenir et ce malgré les regards courroucés que lui lancèrent les membres de l'Escouade.

Alors que leurs mais se serrèrent, une gêne gagna les deux protagonistes. Qu'il eut été cocasse de savoir que tous les deux pensaient que l'autre avait des sentiments pour lui. Une situation dont Duchesse prendre un malin plaisir à en rire sous le regard courroucé de L'Escouade. Si elle n'arrêtait pas de s’esclaffer ainsi, ils allaient devoir la tondre pour la punir. Se fut le plus jeune qui lâcha prise le premier et tout en passant une main derrière sa nuque, expliqua au vieux garde l'origine du quiproquo. À cela voilà Adalbert se gausser à gorge déployée face à tant d'inquiétudes infondées. Toute cette histoire à cause d'un changement de signification d'un mot ! Par bleu, ils avaient frôlé l'incident !

« - Nul crainte là dessus mon ami, je ne t'en tiens point rigueur ! »  

Et une frappe virile dans le dos, une ! Tandis que la chienne offrait un œil entendu au panda géant. Eh, elle n'avait pas été la seule à rire de cette situation, qu'il ne lui fasse pas croire cela car le sourire de Qiu en disait long sur ce qu'il pensait réellement. Tous les deux des incompris mais au moins ils n'avaient pas ce long manche qui semblait avoir embroché toute l'Escouade au grand complet, eux ! La Couafarelle serait-elle taquine avec eux, il semblerait bien.

Le Maréchal Anty exposa par la suite ses réelles intentions et un sourire carnassier se devinait de sous la barbe du plus âgé. Alors comme ça le damoiseau se sentait capable de venir à bout d'un vieux cabot tel que lui ? Eh bien, ils allaient pouvoir le voir. Un tel défi ne pouvait être que relevé. Faisant claquer son poing dans la paume de sa main, il accepta avec grand plaisir.

« - En ce cas, je ne puis refuser une telle gageure ! »  

Pendant que l'agent de l'ordre lui posait de nouvelles questions, le quadragénaire défit le haut de son uniforme et posa le tout, proprement plié, non loin de leurs spectateurs. Les muscles à l'air libre, il put s'amuser à faire rouler tout cela afin de vérifier s'il n'avait besoin de plus d'échauffement. Entre sa course matinale et son arrivée en vélo, il fallait dire qu'il avait eu largement de quoi réveiller tout son corps.

Torse dénudé et en position de combat, il se souvenait des entraînements qu'il exécutaient avec feu ses frères d'arme. En hiver, ils gardaient leurs vestons mais en été ou en intérieur, il leur fallait bien se mettre à l'aise d'autant plus que manier des armes demandaient énormément d'énergie et il n'était pas rare que tous finissaient complètement trempés ou même à terre après avoir tant donné. Le soldat n'était certes pas un expert en arts martiaux comme pourrait le constater son opposant mais il avait assisté à suffisamment d'escarmouches avec des ivrognes pour savoir au moins comment encaisser ou contre-attaquer.

Il tournait autour de son adversaire, les deux poings de chaque coté de son visage, bloquant ainsi ses épaules et ses bras pour protéger le haut de son corps. Ses cotes, sa gorge, sa tête, ce qu'il pensait être ses points faibles durant un combat à mains nues était protégé par ses muscles. Il était aisé de voir que sa garde au niveau du bas de son corps était moindre dans ce genre de combat. S'il avait été armé de sa guisarme, sa posture aurait été toute autre et peu de points faibles auraient pu être perçus.

« - Je suis fin prêt ! »

Tournant autour de son adversaire, le vieux soldat analysait sa posture. Son cadet ne déméritait pas son titre en voyant qu'il avait un maintien relativement similaire au sien si ce n'étaient quelques failles dans sa garde. L'expérience des combats comblerait ces lacunes et d'ici quelques temps le jeune homme pourrait le battre, surtout avec son corps qui lui faisait défaut comme lors de son combat contre Félicia. Le poids des années et de son armure avaient fini par peser sur son dos mais il était bien trop dur envers lui-même pour pouvoir l'avouer à ses alliés.  

Même s'il n'était plus le noble qu'il fut jadis il pouvait tout de même continuer à servir le peuple, suivre les responsabilités qu'il avait promit d'embrasser il y avait des  années de cela. Il était un chevalier du Saint Helix, loué soit son nom, afin de protéger sa patrie. Des blessures, il en avait reçues bon nombres et son corps dévoilé le prouvait. Souvenirs de batailles et cicatrices de guerres : elles montraient aussi bien ses hauts faits que ses défaites.

« - Je t'en prie. ~ »  

Droit sur ses pieds, il attendait de voir ce que son belligérant lui réservait. La fougue de la jeunesse ? L'envie de prouver sa valeur ? En tout cas voilà que le Maréchal Anty lançait les hostilités en frappant au niveau de son ventre. Face à la manœuvre du plus jeune il se protégea en refermant le bouclier de muscles qu'étaient ses avant-bras. L'impact fut violent et pourtant le vieil homme amorti assez afin de ne pas être déstabilisé. Cependant il ne put éviter le coup de tête porté à son menton.

Un pas en arrière, il essuya sa lèvre tout en se replaçant dans sa position initiale. Son adversaire avait de quoi être fier mais malgré le coup, Adalbert avait plus que bien encaissé. Contrairement à une lame tranchante, le poing était une douleur moindre et il n'était pas assez orgueilleux pour se sentir honteux d'avoir été touché, au contraire il était fier de voir que Mistral possédait encore des combattants farouches et prêts à tout pour protéger à leur tour leur belle contrée. Un fin sourire empli de fierté étira ses lèvres alors qu'un fin filet de sang se mélangeait aux poils hirsutes de sa barbe.

« - À mon tour. »  

La flamme ardente dans son regard s'intensifia et l’aîné était prêt à lui montrer ce qu'il avait appris et visa les cotes de son adversaire de son bras droit tandis que lorsqu'il revenait, il la jointure entre le trapèze et le cou de son adversaire. C'était une attaque audacieuse car elle laissait ses propres flancs à découvert et comptait plus sur la rapidité et l'effet de surprise pour toucher son adversaire. Alors, est-ce que le vieillard était à la hauteur de sa réputation ou bon à mettre au repos ?

La pression venait de monter d'un cran et la température aussi ! Voilà qu'après le chevalier déchu, c'était au tour du maréchal de se dévêtir de son haut. Cela devenait vraiment intéressant et maintenant Duchesse était totalement concentrée sur le combat, la queue oscillant avec force et enthousiasme, la voilà qui aboyait des ordres incompréhensibles aux oreilles du plus que centenaire.  L'Escouade toute entière s'était retournée vers elle, le regard empli d'incompréhension avant de se braquer sur le Pandarbare, y quérant une réponse. Les femelles des temps modernes agissaient-elles toujours ainsi ou avaient-ils eu la malchance de tomber sur les plus aliénées de la société ?

Cet aparté mis de coté, l'attention pouvait se recentrer sur le combat et si la première attaque du plus vieux toucha son adversaire, la seconde le mit en position de faiblesse car son poing était désormais prisonnier de l'étau du belligérant. Toutefois le premier coup n'était nullement une victoire complète car il avait été envoyée dans le but de cacher le second. En se prenant ainsi la première estocade, son adversaire avait pu remarquablement dévié la suivante. D'ailleurs, le barbu devait avoué que l'action d'accompagné l'inertie du coup était une idée fort bien trouvée. Il devrait la garder en tête pour une autre de ses joutes.

Toutefois l'ancien garde n'eut pas le temps se s'extirper de la prise que le voilà tiré par son adversaire afin qu'une distance de sécurité soit établie entre eux. Pourtant il n'en avait pas fini pour autant et utilisant l'impulsion de son adversaire, le plus vieux n'eut qu'à tourner d'un quart ses pieds pour envoyer son poing libre en direction de messire Anty qui pendant ce temps avait utilisé le mouvement pour se remettre face à lui.

Que le coup touche ou non, l'ancien voulait montrer que toute action pouvait mener à des enchaînements et que pour cela, il ne fallait jamais laisser tomber sa garde. Au moins son adversaire était en face de lui et le coup, bien que puisant, n'occasionnerait probablement que peu de dégâts. Surtout que son ami était bien bâti et dans la force de l'âge contrairement à lui et son corps ayant encaissé de nombreux combats. L’expérience était certes là pour pallier à cette défaillance mais un jour viendrait où cela ne serait plus suffisant. Il l'avait bien vu en combattant la milicienne, des douleurs jusqu'alors inconnues commençaient à le ronger de l'intérieur.

Le temps, bourreau impartial, faisait son office sans faillir. Contrairement à lui. Mais en attendant, il donnerait toujours le meilleur de sa personne pour que même le jour où il tombera, sa légende puisse rester et ainsi inspirer les générations à venir. Ainsi donc, son regard ambré demeurait toujours enflammé et alerte, espérant voir son bras délivré par le détournement d'attention qu'aurait suscité son attaque. Il fallait dire qu'il n'avait pas en face de lui un néophyte, l'homme en face de lui savait calculer les risques encourus lors de leurs échanges et savamment agir en conséquence. Il lui adressa quelques paroles autant pour le féliciter qu'essayer d'abaisser sa garde.

« - Je dois avouer que je suis assez fier de combattre contre toi, mon ami ! Tu es un belligérant chevronné. »  

Muscles contre muscles, les coups s'échangeaient et malgré la complicité entre les deux belligérants ces derniers ne se retenaient pas. Mais cela était pour le mieux car sur le terrain, leurs opposants ne leur feraient pas cette faveur. À la guerre comme à la guerre, pour que la victoire soit acclamée dans son camp, il fallait user de tous les coups possibles. En cela un champs de bataille ressemblait énormément à un échiquier au détail que c'était sa propre vie qui était mise en jeu. Chaque jour à ouvrir les yeux était ainsi une victoire pour les combattants qu'ils étaient jadis et ceux qui se levaient, le faisaient toujours avec sagesse acquise.

Malgré son âge avancé, le vieux guerrier avait gardé un certain mordant et son regard vif examinait le corps tout aussi – si ce n'était plus – abîmé que le sien de son opposant. Même en des temps de paix, le danger rodait ? Quelles épreuves ou épopées le maréchal avait-il surmonté pour arborer ces brûlures le long de son corps ? Un tragique accident ? De son temps, ce n'était guère chose rare que les chaumières prennent feu et que des familles entières périssent sous les flammes de leur foyer. Alors la ville s'éveillait dans un capharnaüm sans nom où tous s'entraidaient pour éviter que les flammes ne se propagent trop vite. À moitié habillé et s'échangeant les seaux rempli d'eau avec ceux vides, ils tentaient par une alliance de dompter les ravages du feu.

Pourtant cet élément fascinait le soldat de par son coté purificateur. Ainsi lorsqu'il avait jeté la torche sur les bûchers des cavaliers après avoir pendu le quatrième, il avait espéré que cette ultime épreuve puisse purger leurs âmes de leurs péchés. Il semblerait que nenni car ces derniers étaient revenus d'entre les morts pour semer le chaos de jadis.

Alors pour pouvoir leur tenir tête, il lui fallait devenir plus fort mais surtout se faire des alliés de choix. Ce maréchal Anty était déjà un atout tout trouvé mais il lui faudrait bien d'autres compagnons pour défaire, il l'espérait cette fois, de façon définitive les quatre cavaliers. Alors il testait le colosse en face de lui, ne le lui laissait aucun répit et malgré la fougue de la jeunesse de l'autre homme, ce dernier gardait la tête froide face à ses mots. Il se permettait même quelques paroles à son tour ce qui fit sourire le plus vieux.

Tout du moins jusqu'à ce que ce dernier ne comprenne que l'autre n'était guère décidé à lui rendre son bras. Malgré ses efforts pour essayer de s'extraire de l'étau, jamais il ne capitula et le plus jeune entama une manœuvre inconnue au chevalier déchu. Le bras désormais coincé dans son dos, il tenta par réflexe de s'éloigner en bombant le torse mais son manque d'attention vis à vis du bas de son corps lui fut fatale : voilà qu'un coup de pied lui fit définitivement perdre l'équilibre.

Dans son élan, sa jambe droite tapa en dessous du genou de son opposant, l'obligeant à se plier et à suivre le poids qui chutait. Résultat des courses ? Un pauvre garde le torse au sol et le postérieur relevé par ses jambes emmêlées à celles du lieutenant. Lieutenant qui avait soit dit en passant désormais le bassin collé à l'arrière-train du quadragénaire sous les éclats de rire de la Duchesse qui ne savait plus où donner de la tête devant cette scène improbable.

Ne comprenant pas du tout la position dans laquelle il se trouvait, le barbu s'enquit de connaître le mouvement que venait de faire son adversaire, du moins après avoir reprit ses esprits et ce malgré une voix à moitié étranglée.

« - Quelle est donc que cette prise ? Quelle fougue ! »

Peut-être étaient-ce parce qu'on avait besoin du chef de la maréchaussée ou peut-être étaient-ce l'hilarité de la canidé qui attira l'attention d'une nouvelle personne mais voilà qu'un agent de la maréchaussée faire son entré dans la salle d’entraînement et découvrir la scène, la bouche grande ouverte, avant de refermer la porte aussi sec et ne plus vouloir refaire parler de lui. Dommage que son teint blême ne finisse par interpeller ses collègues pour de plus amples informations...

Autant dire que la Couafarelle n'avait pas fini de rire !