Saison Un

: Obscure Prophétie

EH ! MAIS, MAIS, MAIS… C’EST LUI ! C’EST VRAIMENT LUI ! Je me suis à moitié camouflée derrière mon pupitre, les yeux rivés sur le TERRIBLE vampipi. J’ai l’impression qu’il ne m’a pas reconnu ! On nous a demandé de nous installer, tandis qu’un monsieur que j’arrive pas à repérer gueule si fort qu’on pourrait l’entendre dans toute la ville afin de présenter la soirée. Je crois que c’est le monsieur sur l’écran géant derrière nous. C’est bizarre, ce truc… c’est comme le machin inutile dans le dépotoir de je ne sais plus quelle maison à Kedal et qu’on n’utilise jamais (sauf aujourd’hui, du coup, ils doivent tous être devant), mais en version immense et beaucoup plus belle. Si y’avait pas le vampipi à quelques mètres de moi, j’aurais surement été toucher l’écran, juste pour m’assurer qu’il s’agissait bien d’une image et non de la réalité tant c’était bien fait !

Allez Kata, courage ! Tu l’as acheté juste pour ça… Souviens-toi : tu es ranger, tu dois aider les gens. Soit une super héroïne, toi aussi ! Tu pourrais lui sauver la vie, à ce monsieur ! Fouillant dans ma bourse, j’attrape le petit flacon soigneusement gardé depuis tout ce temps et quitte mon pupitre – ignorant superbement la gêne du présentateur qui me vit faire –, passant derrière les trois autres candidats pour me diriger vers Casto. Une fois à un mètre de lui, je m’immobilise, mes mains tremblantes tenant l’incroyable flacon sur lequel est écrit : "remède Nosferatu".

COURAGE KATA ! ALLEZ !

— Mo…. Monsieur ? J’ai… J’ai ça pour vous, c’est pour vous… pour vous guérir !

AAAH, je n’ose pas lui tendre l’objet, et encore moins le toucher ! Puisant jusqu’au plus profond de mon courage, je trouve finalement la force de poser l’objet sur son pupitre en hâte et repars aussi vite que je le peux à cloche-pied avec mon plâtre et sans me retourner, terrifiée à l’idée qu’il essaye de m’attraper pour me mordre le bras.

OUF ! C’est fait ! Une fois retournée à mon pupitre, je m’avachi à moitié dessus pour observer le vampipi au-delà des trois autres qui me bouchent la vue. J’espère qu’il va la boire ! Sinon, il risque de mordre tous les maires, et ça sera la fin du monde ! Enfin, je crois.

Oh ? Le présentateur semble avoir fini son discours (enfin, il a fini de combler en attendant que je reprenne ma place.). Enfin, c’est l’ouverture du débat ! Que l’avalanche de fions commence ! D’habitude, c’est ça qui se passe : nous, on se marre bien à regarder. Y’a rien à comprendre, c’est juste des gens qui se coupent la parole en continue pour dire des conneries. Et aujourd’hui, je peux jouer au jeu avec eux ! Et puisqu’en plus, je suis la plus jeune… C’est à moi de commencer !

Je prends une profonde, Très très très profonde inspiration… Et hurle dans mon micro, persuadée d’avoir besoin de parler fort pour être entendue comme le monsieur à la télé :

— BOOOONJOUUUUUR VIGNEAUUUUUUX !

Oui, je suis très sérieuse ! Faut dire bonjour, c’est important ! D’ailleurs, j’ai rien d’autre à dire : je me tourne donc en direction des autres pour les écouter, en espérant qu’ils feront de même !

Je ne peux pas détacher mon regard du monsieur vampire. Il ne m’a fallu qu’un coup d’œil pour remarquer la disparition de la fiole de son pupitre… et un second pour la retrouver par terre, brisée et son contenu répandu au sol. Mais quel idiot ! J’en avais qu’une, de fiole. On ne peut plus rien faire, maintenant ! Espérons qu’il n’ait pas le temps de mordre d’autres candidats… Ou de leur faire pipi dessus !

Hein, quoi ? On me parle ? Ah bah oui, le monsieur fatigué vient de me pointer du doigt pour cracher son venin. Contrairement aux autres, je ne sais rien du programme de mes concurrents. La seule chose que je sais, c’est ce dont mon papa m’a prévenu : dans les gros évènements comme ça, y’a toujours un Pokebio ! On sait ce que c’est, les Pokebio. Typiquement comme ce type : ils sont malades, les pauvres. D’ailleurs, le regard que je lui lance est beaucoup plus proche de la pitié qu’autre chose.
À peine a-t-il terminé sa première phrase que j’y réponds de ma voix forte sans le laisser finir, parlant en même temps que lui, nos voix se mêlant en un brouhaha dans les enceintes :

— Et voilà ! Il préfère insulter plutôt que dire bonjour. Pfff.

Je suis tellement désolée pour lui. Bien sûr, je n’écoute rien du reste de ses attaques, encore moins pour y répondre : vous savez ce que c’est, la maladie pokebio ! Vous perdez la tête, commencez à réfléchir de manière irrationnelle en oubliant votre vie au profit de bestioles qui vous boufferaient à la moindre occasion, et en plus, c’est super contagieux ! Faut pas leur parler, aux pokebio. C’est comme ça qu’on l’attrape, leur maladie ! Du coup je me contente de le fixer avec ce triste sourire sur le visage que l’on réserve aux malades en fin de vie qu’on souhaite encourager sans oser leur mentir d’un espoir de survie irréaliste.

Il passe ensuite à quelqu’un d’autre : je devrais prévenir le monsieur qu’il ne faut pas lui parler ! Hélas, c’est trop tard, le débat s’engage. Et de toute façon, je vais être occupée à autre chose pour quelques instants…
Monsieur vampire prend enfin la parole. Il n’a vraiment pas l’air bien, lui non plus ! C’est quoi ces maires en cartons ? Moi j’ai une jambe dans le plâtre, l’autre il a l’air mourant de sa maladie pokebio, et le vampire va crever de son Nosferatu. Mais, MAIS ! Il va vraiment crever ! En le voyant dégobiller du sang, je m’empare de mon micro et hurle :

— Bon sang, mais réagissez ! Pourquoi y’a personne pour aider les gens ? Appelez un médecin, vite !

Oh et puis merde, si personne le fait, moi je m’en charge ! J’abandonne le micro : au diable le débat, y’a des vies en jeu, là ! Poussant tant que possible sur ma béquille et ma jambe valide, je me rue jusqu’au malade à nouveau, presque au pas de course. Sans lui demander son avis, je commence à lui soulever le bras afin qu’il s’appuie sur moi.

— Mais pourquoi t’as cassé la potion, t’es fou ? Regarde dans quel état t’es ! Faut qu’on t’amène à l’hôpital !

Quand je pense que je suis aussi proche du vampipi… Je tremble à l’idée qu’il essaye de me mordre. Mais je ne peux pas non plus le laisser mourir de sa maladie ! Au pire, moi, je sais où acheter des remèdes, je pourrais me soigner avant que ça empire à ce point. Mais lui ? Il a besoin d’aide ! Oh bordel, mais c'est quoi ce truc bizarre qui sort à moitié de lui ? J'ai l'impression qu'il a un truc à expulser, mais euh... c'est vraiment bizarre. C'est ça, la maladie Nosferatu ? Ne sachant quoi faire d'autre, je lui tapote le dos de ma main libre pour l'aider à respirer, en espérant que cela l'aiderait aussi à expulser cet ectoplasme bizarre.