Saison Un

: Obscure Prophétie

Salon terminé ! Un échec complet. Juste pour moi, bien sûr ! Krystal, elle, elle s’en est super bien sortie, ils lui ont même donné un prix parce que apparemment elle s’occupe trop bien d’Arion ! J’étais trop fière d’elle !
Toujours est-il qu’à rester toute la journée sur son stand, j’en ai oublié la raison principale de ma venue au jour des éleveurs ce trimestre. UN CHIEN ! Il me faut un foutu toutou pour chasser ! Hélas, le temps que je réalise le machin, entre le concours de cuisine, le stand de Krystal, et moi qui me perdais dans le salon, impossible de trouver mon bonheur. Y’en avait bien un, mais… wep, je l’ai regardé de loin, j’ai vu un chien, puis j’ai vu le propriétaire. Alors j’ai fait demi-tour. Monsieur Jaune… franchement, je vais pas parler de rancœur, ça serait faux. Mais si je pouvais éviter de le croiser, ça m’arrangerait.

Parait que le destin, c’est un méchant. Aujourd’hui, je suis plutôt d’accord !

— Attend ! Reviens !

Petit Dada, mon Ponyta, il est intenable depuis qu’Arion n’est plus là ! Et pas qu’au figuré. Voilà quatre fois que la corde m’échappe des mains lors d’un simple exercice, Monsieur préférant partir au galop au moindre coup de langue plutôt que d’avancer progressivement comme Arion le fait avec Krystal. Et je vous parle pas d’essayer de grimper sur son dos ! C’est simple : avec lui, comme avec les autres, j’avance pas !

Et pourtant, je cours. Ah, ça, j’en fais des kilomètres à suivre ses sabots qui martèlent l’herbe n’importe où… Même Split en a la langue qui pend à force de nous suivre. Y’a que Truc, allongé dans mon sac, qui peut se permettre de bailler aux Cornèbres pendant qu’on s’épuise. Il sort même pas la tête aujourd’hui, tout camouflé par le cuir de ma sacoche.

— Petit Dada ! C’est dangereux de courir ici ! Reviens !

Pourrait y avoir des chasseurs, comme moi ! On est à Bivouac. La zone de chasse étant fermée, on est pas mal à se cantonner aux alentours quand on sait pas où aller.
C’est pour ça que moi, je suis plutôt alerte quand je me balade. La cible, je l’ai vue direct, contrairement à l’idiot qui continue sa course !

— REVIENS !

Il m’entend pas ce con ! Il est encore à croire que je le suis avec la corde pendante derrière lui. Je sors ma pokeball. Trop tard. J’entends le "chtak" caractéristique de la flèche décochée, moins bruyant qu’un canon, mais tout aussi inquiétant.
Le temps d’un clignement d’yeux, je me fige sur place, terrifiée à l’idée du résultat. Devant moi, Petit Dada écrasé au sol. Et la flèche… Dans la cible ?!
J’accoure jusqu’au Pokémon sonné dans l’herbe. Qu’est-ce qui s’est passé ? Comment y va ? On dirait qu’il s’est écrasé au sol juste avant d’arriver à hauteur de la cible. Me faudra regarder devant Petit Dada pour enfin comprendre : Split. L’aura ténébreuse de sa poursuite vient tout juste de se dissiper. Ah. Voilà comment il a réussi à rattraper le fuyard. Et voilà aussi pourquoi le fuyard est à terre. Pris de hâte, mon camarade a préféré taper fort plutôt que de risquer le pire. Je soupir de soulagement puis m’étale sur le pauvre cheval.

— Oh, Petit Dada… tu m’as fait super peur, faut pas faire ça ! le réprimandai-je d’une voix plaintive.

Mais le cheval est encore dans les vapes. Ne voyant rien d’autre pour nous réconforter tous les deux, je l’attrape dans mes bras pour le serrer très fort… Puis recule d’un coup en couinant de douleur à la brulure des flammes. Pauvre Petit Dada, on peut même pas lui faire de câlin !

De son côté, on dirait que le tireur essaye de s’excuser. Dès le premier pardon, Split se positionne entre lui et nous, dressé aussi haut qu’il le puisse à la verticale pour lui barrer la route s’il essayait de se rapprocher. L’Insolourdo grogne, menaçant face à cet individu dont l’arc a bien failli blesser son camarade et pourrait s’armer de nouveau.
C’est au bruit des grognements que je tourne la tête vers l’inconnu. Enfin, pas si inconnu que ça… le jaune de ses fringues m’écarquille les yeux, éblouissant jusqu’à mes souvenirs. Oh, non… Pas lui… Et pas ici… Et pas comme ça…
Je suppose que mes yeux en disent long sur l’agacement que me provoque cette rencontre. Parait que je cache mal mes émotions. De toute façon, vu le long soupir que je viens de lâcher, y’a plus aucun doute possible.
Bon… J’imagine que quand faut y aller…

Je relève la tête d’un regard peu amical à son attention.

— C’est bon. C’est pas ta faute. Enfin, j’espère ?

Je laisse quand même le doute : avec lui, on sait jamais ! Après-tout, on parle quand même du type qui s’amuse à crier des mots interdits au pire endroit possible. Qui me dit qu’il attend pas qu’on passe devant sa cible pour tirer aussi ?!

Pouah, cette façon de le dire. Et ce ton morose à en crever. Mes souvenirs de l’hôpital sont assez flous (comme tout ce qui entoure Vigneaux désormais), et j’aurais préféré ne pas avoir à m’en rappeler. Hélas, on dirait bien qu’on est reparti pour une séance de piques gratuites.

Néanmoins, aujourd’hui, je vais bien. Un peu frustrée du salon et paniquée par la bêtise de Petit Dada, mais bien. Au moins, je sens sa respiration stable sous mes paumes. J’inspire un bon coup après une dernière caresse sur le torse du pauvre Ponyta assommé, garde tout ça en-dedans quelques instants pour reprendre mes esprits, puis reporte un regard moins agressif à l’intention de l’homme en jaune tout en expirant avant de répondre :

— Désolé. Ça m’a fait peur.

Après-tout, normal qu’il y aille à coup de pique après que j’ai lancé les hostilités avec mon sous-entendu ! Pas bien Kata, pas bien !
Sauf qu’en plus de monsieur Jaune, y’a un gros toutou qui s’élance vers moi à présent. Oups… on dirait qu’il a ignoré l’Insolourdo en plein chemin. Ça n’a pas loupé : les yeux clos de Split s’illuminent d’une lueur rougeâtre, braqués sur le sale sabot pour le paralyser d’un regard médusant.
Ce qui n’arrête absolument pas le Fulgudog immunisé à l’attaque. Split secoue la tête et laisse échapper un couinement de surprise. C’est bien la première fois que ça arrive, ça ! Et c’est pas moi qui risquerait de lui expliquer pourquoi.

De mon côté, j’accueille le canidé d’un air de surprise, répétant d’une voix troublée :

— Un souvenir ?

Je l’ai déjà dit. L’hôpital, Vigneaux… C’est flou. Si Alphonse a suffisamment été insistant (pour ne pas dire autre chose) pour me rester en mémoire, ce n’est pas le cas du chiot de toute façon méconnaissable depuis son évolution.
Ça ne m’empêche pas de tendre les bras pour le caresser autant qu’il le voudra. J’adore les chiens. Me faut un chien !

De son côté, Split revient vers nous en rampant, un peu grognon. S’il a compris que l’animal ne représentait aucun danger et que l’attaque aurait été inutile, l’idée d’avoir vu son autorité bafouée aussi bêtement lui reste en travers de la gorge. Je tends un de mes bras vers lui en le voyant approcher aussi pataud pour le caresser à son tour : comme ça, pas de jaloux !

— Il est encore plus beau de près. Dis-je en détaillant le physique du canidé. J’ai vu ton stand au salon.

Un petit rire m’échappe avant que je n’ajoute :

— Le seul foutu stand où j’osais pas aller, et aussi le seul où j’ai vu des toutous… Tout ça pour te tomber dessus ici, hahaha, c’est trop débile.

Je délaisse la magnifique bête du regard. Avant que le garçon n’ait une mauvaise idée, autant répondre d’avance à la question qui risque de se poser :

— Je voulais pas parler de l’autre jour.

Et je veux toujours pas. M’enfin… Peut-on vraiment empêcher celui qui balance des insanité n’importe où d’aborder un sujet ?

C’était bien à Vigneaux. À l’hopital. Je continue à dévisager l’animal de mon regard vide, incapable de le recaser. Tant pis. C’est pas important, pas vrai ? Le principal, c’est qu’il est super beau, ce toutou. Je lui caresse la tête puis retrouve un semblant de sourire, bien trop facilement amadouée par la bêbête.

Alphonse se montre bien plus aimable que dans mes maigres souvenirs. Ou alors, c’est moi qui suit plus abordable ? peut-être un peu des deux. Tout ce que je sais, c’est qu’il a accepté de ne pas relancer le sujet, et que comme il le dit, j’aurais ruminé longtemps le fait de l’avoir aperçu sans m’en approcher au salon si le destin ne nous avait pas joué ce coup foireux.
Tout cela me met de meilleure humeur pour la suite. Au point qu’au moment où il parle de béquille, un souvenir bien moins agressif pour ma pauvre mémoire, je parviens à en rire en m’exclamant :

— Haha, moi j’ai eu qu’un mois ! Avec Truc, on a voulu faire trempette et j’ai pas réfléchi. C’était redevenu tout mou et tout déformé, du coup, le médecin de Fricke, il a dit qu’autant l’enlever ! Heureusement ma jambe elle allait déjà bien.

À l’entente de son nom, Truc relève la tête dans mon dos. Le daim qui squatte mon gros sac de chasse se demande bien de quoi on parle. Voyant que son camarade a du mal à soulever l’ouverture du sac, Split rampe derrière-moi pour l’aider.
Pendant ce temps, je réponds à monsieur jaune :

— Ça va beaucoup mieux ! J’ai pu refaire une mission ranger et aider un monsieur dans les marais, et on a même traversé les gorges avec ma copine Krystal, on a été trop fortes ! Et puis j’ai passé plein de temps avec ma famille à Kedal. Et puis le salon ! Ah, mais ça, j’ai déjà dit. Enfin, c’était trop trop bien ce mois !

Mais c’est pas tout ! Le plus important, dans tous ça, c’est…

— AH, et j’ai trouvé mon copain Split ! Regarde, c’est le plus gentil de tous les Pokémon !

Je délaisse un instant le chien et me tourne pour attraper le serpent et le cajoler comme il aime tant que je le fasse. Pendant le processus, Alphonse peut entrapercevoir hors de mon sac la tête dépourvue de fleur d’un daim curieux, lequel passe vaguement sous les yeux de Fulgur avant de re disparaitre dans mon dos lorsque je refais face à l’humain.
Je tourne Split pour que ses deux gros yeux clos soient face à l’humain et l'animal s'empresse de saluer l’humain de son cri amical aussi lourdaud que lui-même. Il est tout parfait mon Split !

— Et toi, tout a bien été aussi ?

— Ben non, quelle idée ! J’ai pris un taxi !

Ben voilà, il sait être drôle monsieur Jaune ! Faudrait être débile pour faire la moitié du pays en béquille. Déjà juste aller de Kalank à Fricke, ça m’a pris trop trop longtemps, alors j’imagine pas de Vigneaux…

Puis vient la surprise suivante. Alphonse qui connait Krystal ? Sans rire ! Faudra absolument que je lui parle de monsieur jaune un jour, je suis sûre qu’on aura plein d’anecdotes rigolotes à raconter ! Par contre, je comprends pas pourquoi il se reprend. C’était évident, que c’était dans son auberge ! Ou qu’il aurait voulu séjourner sinon ? Je vois pas. Du coup, je le relève pas, même si je garde l’impression d’avoir raté une occasion. Ou alors Krystal lui a proposé d’autres auberges ? Faudra peut-être que je pose la question à ma copine, tout simplement.

— Mais oui c’est elle ! T’as vu ? Elle est trop sympa ! C’est ma meilleure copine !

Avec tant d’enthousiasme, c’est forcément vrai !

Et puisqu’on parle d’enthousiasme. Je m’attendais pas à ce qu’il en démontre autant, encore moins par rapport à Truc ! C’est pas rare, les Vivaldaim, y’en a plein dans la forêt. Et j’en mange plein aussi. Enfin, des Haydaim.

— Ben oui, c’est Truc ! Il est réveillé ? Truc, tu veux sortir ?

Je tourne la tête pour ramener mon sac sur le côté et le détacher pour le déposer au sol et en sortir le daim. Tout un bordel de trucs à faire pendant lesquels Alphonse reprend la parole pour me raconter ses propres aventures. Malheureusement, Vigneaux n’étant pas dans mon cœur, je n’ai pas envie d’en reparler. Et malheureusement aussi, le nom de Sally me dit rien : j’ai pas eu le temps de faire tous les stands avec Krystal, c’était tellement bien au sien ! Déjà que j’ai cherché un toutou en quatrième vitesse à la fin… pour rien !
Je réponds donc de gentils "Humhum.", à l’écoute malgré que je sois occupée à sortir Truc. Je salue au passage d’un sourire les Pokémon d’Alphonse, notamment la Meditikka que Split toise d’un air mauvais lorsqu’elle se met à me tourner autour. Il aime pas trop ça, elle a l’air menaçante celle-là ! Moi, je m’en inquiète pas : j’ai l’habitude de côtoyer tout plein de Pokémon bizarres à Kedal. En tout cas, Alphonse aussi a l’air d’avoir fait plein de rencontres !

Enfin, j’arrive à ouvrir mon sac, libérant la tête du daim qui s’exprime d’un "Viva !" satisfait pour observer tout le monde. Déjà, Alphonse doit commencer à voir les emmerdes venir, entre le fait qu’il se balade dans un sac et qu’il n’ait pas de fleur sur la tête.
Mais pour l’instant, je risque pas de le remarquer, alors je réponds à sa question :

— Je m’entraine plus vraiment, je chasse tous les jours alors c’est naturel maintenant. Mais quand j’étais petite, Papa et maman me faisaient tirer sur des grosses cibles en bois. Parfois fallait courir, parfois pas bouger, et plus ou moins loin. On faisait même des entrainements avec des cibles qui bougeaient parfois, que maman tirait avec des ficèles ! Mais c’est quand même en vrai que t’apprend le plus mieux bien, savoir tirer c’est pas beaucoup par rapport à tout ce qui faut faire en vrai.

Rien ne vaut l’expérience d’une véritable chasse pour le comprendre. Les réactions des proies, les hasards du terrain, l’épuisement, l’instinct, la patience… Tant de choses à prendre en compte pour bien chasser, c’est vraiment super passionnant !

— Tiens, voilà. Avec Truc on a eu un accident le pauvre. C’est pour ça que je le porte tout le temps maintenant. Tu dis bonjour, Truc ?

Je prends le daim dans mes bras avec délicatesse pour le montrer à Alphonse. Ainsi confortable, le Pokémon brame en direction d’Alphonse, qu’il reconnait malgré son temps passé à se planquer à l’hôpital. Faut dire que le garçon détonne avec le paysage mistralien habituel !

C’est marrant le hasard, pas vrai ? Krystal et moi on a rencontré le même Alphonse ! Faudra vraiment que je lui en parle ! Juste pour savoir les bêtises qu’il a dû faire, encore ! J’espère qu’il a pas encore crié un mot qui faut pas dans l’auberge de Krystal… Ou que Krystal lui en a mis une !
En tout cas, il a l’air intéressé par la chasse. Faudra peut-être que je l’emmène un jour ? J’avoue que j’ai un peu peur, faut être sérieux pour chasser, pas faire des bêtises ! Du coup, j’hésite à lui proposer… et heureusement, il insiste pas, du coup, on peut passer sur cette idée. J’espère quand même que mes conseils l’ont aidé et qu’il fera très très attention !

Quoi qu’il en soit, à présent, Truc est sorti à la vue de tous. Et lui aussi, il intéresse Alphonse ! Sans surprise, j’ai droit à la fameuse question. Un petit air triste sur le visage, je caresse le front de mon protégé de la main en le gardant calé entre mes bras. L’intéressé frotte son museau contre moi, observant mon visage sans comprendre ma peine. Pour lui, tout ça est déjà loin. Il l’a surpassé comme un grand ! Puis c’est devenu un vilain râleur égoïste ! Mais c’est comme ça qu’on l’aime, Truc !

— C’est ma faute. Truc, il s’est pris une balle à la chasse.

Je sais, c’est lui qui s’est jeté sur mon fusil, mais j’en prends l’entière responsabilité sans la moindre hésitation. J’aurais dû le comprendre, le voir venir, retenir mon tir… Un tas de choses impossibles dans la situation, mais que j’aurais quand même dû faire dans mon esprit.

— Heureusement, y’avait la madame au chapeau pas loin, alors on a réussi à le sauver ! Mais sa fleur elle s’est fanée, et il peut plus bouger ses jambes. Alors maintenant c’est moi qui le porte partout et lui fait faire ses exercices pour réparer ma bêtise.

Et ça, jusqu’à ce qu’il aille mieux ! Toujours, quoi. Je continue à caresser le daim qui reste immobile, visiblement habitué à être porté ainsi. Son regard pétille de vie et son pelage a su retrouver la teinte d’un daim en bonne santé. Il ne reste de ce triste jour que les cicatrices de ses pattes et de sa fleur.
Le voilà qui penche la tête, bramant de nouveau à l’intention d’Alphonse en gardant la gueule entrouverte. Je pouffe aussitôt, expliquant sa réaction à l’humain :

— Je crois qu’il demande si t’as à manger, haha ! C’est un gros gourmand.

Voyant son camarade sorti du sac, Split se dresse à la verticale pour venir le gratifier d’un frottement de tête. Lui aussi, il s’occupe bien de Truc !

— T’aime beaucoup les Vivaldaim, toi, non ? finis-je par demander.

En tout cas, c’est ce qui transparait de son intérêt pour mon Pokémon ! On dirait qu’il a une pépite d’or tagguée au feutre sous les yeux, là !