Saison Un

: Obscure Prophétie

Alphonse n'avait plus fait attention à Méline, mais celle-ci aimait déjà bien Kata. En revanche, elle se fichait complètement de Split et de ce qu'il pensait. Plus fort ou pas, elle ne saurait craindre un type Normal, soyons sérieux ! Pendant ce temps, la chasseresse dévoila un peu plus de détails sur le terrible accident du malheureux daim. Au moins, cela rassura Alphonse sur sa propre précision.

Kata qui reconnaît une erreur ? Il va tomber de la merde ! Aaaaaah j'hésite ! En soi, je devrais réagir normalement pour banaliser cette forme d'humilité de sa part... Mais la tentation de vanner est si grande !

« Ah... »

Alphonse ne trouva rien de mieux à répondre. Fort heureusement, Kata enchaîna en ajoutant des détails.

« Je vois ça : tu as l'air d'avoir mûri matière de Pokémon. »

Alphonse n'aurait pas cru Kata capable de prendre de telles responsabilités. Elle s'éleva de plus belle dans son estime malgré son horrible accident. Il ne prit pas la peine de demander qui était la dame au chapeau, se doutant que Kata ne retenait que très vaguement les noms.

« Ah bah tu vas rire, j'ai moi aussi été aidé par une dame en chapeau. Plus exactement madame Rable du Conseil Quatre. Elle m'a aidé à dépasser ma crainte de blesser en combat Pokémon. »

Manquerait plus que ce soit celle dont elle parlait... Le monde serait vraiment petit alors !

Quoi qu'il en fût, la dame se révéla visiblement d'une grande aide. Aujourd'hui, Truc avait repris des couleurs et ses yeux n'étaient pas ceux d'un daim à l'agonie. Kata pouffa lorsque Truc brama envers Alphonse comme s'il attendait quelque chose : monsieur avait un petit creux. Jouant le jeu, Alphonse chercha ce qui restait de baies dans son inventaire. Il en trouva une qu'il donna aussitôt au gourmand.

HRP : je sais que ça paraîtra évident pour Kata mais sait-on jamais en dehors, évidemment que c'est une baie contextuelle !

Kata posa alors la question fatidique, à laquelle Alphonse ne pensait pas devoir répondre de sitôt durant son périple à Mistral.

« Ouais... Disons que Vivaldaim et Haydaim sont extrêmement respectés dans ma famille. Par extension à cette raison, on les respecte beaucoup là d'où je viens, de manière générale. »

Alphonse se décida à en révéler un peu plus tout en restant prudent, que ce soit pour ne pas ennuyer Kata ou ne pas se compromettre.

« À vrai dire, j'étais censé naître aux côtés de l'un d'entre eux, mais il n'y en avait pas de disponible ce jour-là. Or, avec la famille que j'ai, c'était le jour J ou rien. Du coup j'ai grandi avec Ignis à la place. Non pas que j'en sois mécontent, attention ! »

Ignis était et resterait son ami de toujours, littéralement ! Il soupira.

« N'empêche, c'est vrai que j'aimerais bien en rallier un à mon équipe un jour. Non pas parce que ma vie aurait été plus tranquille si j'en avais eu un dès le début, mais juste parce que... J'aime ce Pokémon, tout simplement. Après, j'imagine que ça doit t'étonner de voir un tel engouement de ma part : c'est une espèce commune en forêt. »

Alphonse parlait probablement déjà trop et se décida donc à se taire afin de ne pas surcharger Kata de paroles.

Alphonse se surprit à prendre un véritable plaisir à converser avec Kata. S'il se répétait son étonnement, c'est parce qu'il peinait encore à réaliser l'ampleur de cette distinction. La pré-adolescente s'approcha alors pour lui dire ce qui semblait être un secret. Si Alphonse partageait l'enthousiasme de Kata en apprenant que Truc aurait des roulettes pour recouvrer sa mobilité, il ne comprit toutefois pas l'effort de discrétion de Kata.

« Mais c'est super, ça ! » s'exclama-t-il.

En parallèle, Kata ricana pour une raison inconnue mais qui ne sembla pas le concerner. Il s'abstint de se demander ce qu'il y avait de drôle, peut-être était-ce simplement l'enthousiasme nerveux. En revanche, elle ne comprit pas réellement ce que voulait dire Alphonse malgré sa réelle curiosité. Alphonse, lui, ne comprit pas si Volti était un Pokémon ou non, osant espérer que Kata se sache humaine.

« C'est pas tout à fait ça. Là d'où je viens... Disons que certaines familles ont des symboles familiaux. Toi par exemple, vous avez tous l'air d'être de bons chasseurs. Pour ma part, ce sont des bons dresseurs. Je sais que les Kedalois trouvent que cette voie ne sert à rien, mais c'est pour expliquer. Et en gros, dans cette famille de dresseurs, on est censé avoir Vivaldaim ou Haydaim pour vedette, à cause de sa symbolique. Aux yeux de ma famille, c'est un roi de la forêt très élégant, avec une certaine prestance. Son adaptation à l'environnement en fonction des saisons symbolise une capacité d'adaptation face à tout type d'épreuve. »

Kata risquait bien de comparer cela à une religion. Alphonse devait éviter cette catastrophe.

« Mais attention hein, on le vénère pas ni rien. C'est pas une religion. C'est plutôt comme... Les maisons nobles, par exemple. Tu vois les Bonnefoy et leur Feunard emblématique ? Ou encore... Ah je sais ! Le Maître du Conseil vient de Kedal, non ? T'as donc déjà vu Azur a priori ! Bah sa vedette c'est Léviator. Imagine une famille dont chaque membre, dresseur ou non, se caractérise par un MÊME Pokémon vedette. Je dis pas que c'est intelligent, mais c'est la tradition. »

Il laissa un instant à la jeune fille pour digérer l'information.

« Donc par exemple, je ne l'ai pas respectée. Quoique j'ai surtout pas pu, mais ça compte quand même à leurs yeux. Je me demande même si ce n'est pas considéré comme pire. Enfin voilà, tu imagines sans doute à quel point on t'emmerderait si tu y manquais. »

Cela constituait probablement le seul point commun entre Kedal et la contrée d'origine d'Alphonse. Par la suite, Kata raconta son histoire avec Truc. Ce court récit se révéla finalement mignon notamment par le choix enfantin des mots, de quoi attendrir le plus grand nombre. Alphonse, très sensible derrière ses bêtises verbales, le montra un peu malgré lui. Il ne s'offusqua pas quant à la chasse au Haydaim : l'inverse l'aurait étonné.

« Avec de tels débuts, votre lien est on ne peut plus authentique. Cette amitié est donc très précieuse, en effet. »

Truc se régala visiblement avec la délicieuse baie offerte par Alphonse.

« Et pour l'avenir ? Tu as des plans particuliers, ou tu te laisses porter par le vent ? Outre ce que tu m'as dit plus tôt. »

La question du futur constituait plus ou moins le joker d'Alphonse lorsqu'il ressentait l'horrible sensation de ne pas savoir quoi dire.

Kata peina visiblement à suivre Alphonse malgré tous ses efforts, jusqu'à ce qu'il prononce le mot tradition. Ce constat ne requérait aucune précision, en ce que l'expression faciale de Kata parlait d'elle-même. Le changement fut si brusque et flagrant qu'Alphonse se sentit un peu stupide de ne pas avoir commencé par-là. De plus, la jeune fille était la représentante politique du parti Grotichon et Tradition ! Certes, elle ne comprenait visiblement pas grand-chose au domaine, mais Alphonse aurait dû se rappeler de l'information pour mieux s'exprimer avec elle.

Celle-ci lui proposa alors une atrocité aux yeux de n'importe qui du monde extérieur, mais naïvement bien intentionnée d'un point de vue mistralois. Alphonse lui sourit avec une mine fraternelle, quoiqu'embarrassée. S'il n'était nullement choqué grâce à son insouciance, il ne savait pas comment refuser avec du tact l'opportunité de réaliser un objectif aussi important pour Kata que la TRADITION.

Ah mais si attends je suis con !

« Haha ! Heu... Non merci, c'est gentil... Mais si je sors qu'on m'a filé un Vivaldaim après une chasse impliquant de buter toute sa famille, alors que cette espèce est censée nous symboliser... Je te laisse imaginer l'ambiance. »

Si Alphonse la « respectait » de la sorte, les siens lui feraient probablement avaler sa tradition. Cette prospective est bien évidemment au sens figuré. Outre cela, Alphonse avait employé un ton reconnaissant malgré sa gêne, afin que Kata ne l'interprète pas de travers.

Quant à ses projets d'avenir, Alphonse ne les aurait pas cru si simples, mais il est vrai que cette vie serait idéale et heureuse de ce point de vue. Alphonse lui-même avait plutôt hâte du jour où Mistral lui laisserait enfin installer une forme de routine sans l'éparpiller mentalement.

« Simple, sympa et efficace, en effet. »

Kata, en toute bonne volonté, exposa inconsciemment une extrêmement mauvaise idée. Alphonse lui-même, avec tous les efforts du monde, saurait difficilement faire pire.

« Heeeeeeeeeeeeeu... »

Alphonse se contenta de noyer le Poissirène.

« Disons qu'en gros... Ils peuvent pas vraiment me blairer pour tout un tas de raisons trop longues et alambiquées à expliquer. »

Il ne le noierait toutefois pas si facilement. Derrière cet effet compliqué, il fallait ajouter une explication un peu détaillée tout en employant des termes de son champ lexical de prédilection.

« Surtout que c'est un cercle vicieux : tu vois la tradition familiale avec ces histoires d'aînesse ? Bah disons que je descends du plus aîné possible, et que ça vaut pour mon père, mon grand-père et ainsi de suite. Je suis donc le plus aîné possible de ma génération, pour ainsi dire. Ça fait de moi le plus important au regard de la coutume. Et ma génération est la prochaine à la tête de cette famille. Du coup ça empire tout ce qu'ils me reprochent. Et comme je suis le plus important, ils me reprochent d'autant plus de détails. Et ainsi de suite. »

Si Kata avait une plus grande conscience des normes sociales, elle pourrait sans doute suspecter un secret fort compromettant sur les origines d'Alphonse. Fort heureusement pour lui, et il le savait, Kata n'y verrait que du feu. De toute façon, quand bien même elle percevrait une analogie adéquate, elle rejetterait l'éventualité que quelqu'un comme LUI puisse vraiment en être issu.

« ...Et puis je pense qu'ils aimeraient pas trop les Kedalois. Attention, je parle pour eux hein, pas pour moi ! »

Alphonse priait pour que ce détail passe sans l'énerver ni la rabaisser. Il rebondit alors sur cette différence établie entre sa famille et lui afin d'adoucir le potentiel coup verbal, qui ne se voulait pas perçu comme tel.

« Il est vrai que j'aimerais un jour rallier un Vivaldaim à mon équipe. Mais même aux côtés du plus puissant des Haydaim, je ferai toujours tache dans leur paysage d'une manière ou d'une autre. »

Il soupira dans le vide en se rappelant franchement cette réalité. Il se tint surtout prêt à encaisser une éventuelle mauvaise réaction de Kata. Son ego semblait bien peu certain, il voudrait donc éviter des réactions extrêmes en un sens comme dans l'autre. Il pensa d'ailleurs que dans un sens, il aurait pu la considérer comme une petite sœur ou cousine qu'il n'aurait jamais eu.

« Haha, merci ! »

Alphonse oublia de modérer son vocabulaire malgré le champ lexical de la traduction. Kata ne comprit donc quasiment rien. Elle fit également mine de retenir une remarque, craignant probablement de dire une bêtise. Alphonse, sans savoir pourquoi, pressentait qu'elle avait vu juste. Quoi qu'il en fût, Kata trouva l'ensemble de son propos bien trop complexe pour elle.

« Ouais, en effet. T'imagines pas tous les détails dont ils peuvent s'encombrer. C'était qu'un infime aperçu. »

Kata insista alors, croyant mieux connaître la famille d'Alphonse que lui-même. Il ne pouvait pas le lui reprocher : la situation d'Alphonse serait incompréhensible pour de nombreuses personnes dans un cas similaire. Comment concevoir des familles peu chaleureuses lorsque l'on grandit dans la convivialité ?

« Mmmmh... »

Alphonse n'eut ni le courage de la raisonner, ni celui d'acquiescer malhonnêtement. Il se contenta de rester dubitatif pendant qu'elle rassurait son cher Insolourdo. Décidément, il y avait des Pokémon au balcon pour les câlins de la chasseresse ! Elle avait visiblement plus progressé qu'Alphonse ne le présumait déjà. Une telle évolution en à peine un été parut bluffante aux yeux du jeune homme. C'est alors que Kata fit remarquer un désir de reprendre leur chemin de la part de ses Pokémon. De plus, son Ponyta avait été blessé : il ne fallait pas trop tarder même si ce n'était pas grave.

« Pas de souci ! Plaisir partagé ! »

Alphonse commença à se remettre en place pour l'entraînement, ne prenant pas la peine de rejuger Kata à son tour. Il en avait clairement la fainéantise, préférant se satisfaire de l'échange. Avant de partir, la jeune fille lui demanda de passer à Kedal lui rendre visite lorsqu'il aurait rallié un Vivaldaim à son équipe.

« Entendu, c'est promis ! »

Qui aurait cru qu'une conversation entre ces deux-là se passe correctement ? La vie à Mistral est pleine de surprise.

Oh ! Dans le mille !