Saison Un

: Obscure Prophétie

« Heu, je ne cherche pas vraiment à capturer les spectres. J’essaie de préserver les spectres. Vous savez les gens ont tendance à se méfier d’eux naturellement. Et, parfois, certains sont un peu trop brusques ou vicieux et j’essaie simplement d’éviter qu’ils ne causent d’autres problèmes… Et des fois, c’est juste le hasard d’une rencontre qui joue. »

Ce fut plus ou moins le cas avec mes pokemons de type spectre. J’en avais sauvé un et l’autre, elle m’avait agressé pendant un long moment. En réalité, même Roti et Haret étaient dans cette veine. L’un était le cadeau d’une amie, l’autre, un pokemon que j’avais sauvé.

Visiblement, l’inconnu ne semblait pas convaincu de l’impact de mes paroles. Ils risquaient de revenir. C’était problématique, mais ce n’était pas comme si je pouvais y faire grand-chose. Je baissais le regard, abattue. J’avais encore agi en vain.

« Ce… n’est pas très grave. Je n’ai juste pas l’habitude d’être observé…ainsi. »

Remettant une mèche de cheveux, je continuais à être gênée. Disons que j’avais été souvent observée et jugée. On m’avait souvent insultée. A vrai dire revenir sur les lieux de mon enfance ne faisait que raviver ces peurs enfuies. Mais ce genre d’intérêt m’était inconnu.

« Ca peut être une idée…Mais… »

Je penchais ma tête sur le côté. Oui, les rumeurs pouvait parfois avoir un effet assez puissant. Ce n’était pas ça qui me perturbait. Pourquoi avait-il précisé à Mistral ? C’était étrange. Comment pouvait-il savoir ce qu’il se passait ailleurs ?

« Pourquoi dites-vous à Mistral ? »

Sa proposition faisait sens. D’un certain point de vue. Pas du miens. Les mots pouvaient être des poignards, des lames qui perçaient le cœur. Mais il me proposait de donner mon avis. Un moyen d’apaiser les tensions… Sans blesser personne ?

« Je ne veux pas plus de souffrance… Si vous pouviez, je ne sais pas, faire croire que quelqu’un est là pour protéger les gens… Peut-être qu’ils auraient plus de réticences à venir ? »

Je n’en savais rien. J’étais très mauvaise en psychologie et en relation humaine. Il me demanda aussi mon nom. Oh, c’était vrai que nous nous étions même pas présentés.

« Lowine, Vivia Lowine… Et tu peux me tutoyer si tu le veux… Heu, je peux aussi avoir ton prénom ? »

Dis-je en un sourire.

« Je comprends mieux... C'est en effet une vocation très intéressante ! J'avoue qu'il est peu commun d'y penser, alors qu'il peut pourtant y avoir des spectres plus ou moins partout ! »

Alphonse ressentait sincèrement cette pointe d'admiration qui, malgré sa faible dose, produisait tout l'effet nécessaire pour être agréable. Il se désola donc de réduire en cendres le peu d'optimisme qui animait son interlocutrice en expliquant qu'une seule fois ne suffirait pas. Il ne fallait pas qu'elle se décourage ni se dévalorise ! Ironiquement, lui-même demeurait plus pessimiste que la moyenne, mais refusait de laisser quelqu'un s'embourber dans les émotions négatives. Son propre cas n'avait justement rien d'exemplaire.

« Je vois... Sans mauvais jeu de mots, hein. Au moins, ça nuance ce qu'on peut avoir l'habitude d'entendre ! »

Alphonse n'avait effectivement pas l'intention de plaisanter en employant le verbe voir, et ne s'en rendit compte qu'une fraction de seconde trop tard. Il s'était doublement rattrapé en commentant de façon méliorative afin de rehausser un tant soit peu le moral de cette personne. Nul doute qu'elle avait très mal vécu le regard des autres pour une raison ou pour une autre. Une telle aversion envers la souffrance infligée, une telle tolérance envers la souffrance subie, une telle tristesse indescriptible dans son regard ne trompaient pas. Si les loquaces et les taciturnes avaient un point commun, c'est qu'ils étaient souvent plus perçus à travers leur débit de parole qu'autre chose. Voir au-delà n'était pas compliqué pour Alphonse, a fortiori du fait qu'il visualise très bien ce qu'elle avait pu ressentir. Quoi qu'elle ait vécu, c'était sans doute infiniment plus grave que son cas, mais il en savait suffisamment pour visualiser. L'empathie et l'hypersensibilité exécutaient le reste du travail.

Elle lui demanda alors pourquoi il précisait à Mistral. La réponse était pourtant simple !



« Ah, heu... J'ai mal formulé, haha ! Je voulais juste dire à l'échelle de la région. Un peu comme quand on dit dans le coin ! Mais à l'échelle mistraloise c'est pratique, car c'est pas comme si tout le monde pouvait tout vérifier rapidement ! À quoi pensiez-vous ? »

Alphonse ne voyait ÉVIDEMMENT PAS ce que pouvait présumer la jeune femme !

Par la suite, cette dernière suggéra ce qui lui inspirait la création d'une sorte de pseudo-mythe, voire idéalement d'une légende urbaine à terme. Il ne se voulait toutefois pas trop ambitieux, reprenant donc ses esprits et se contentant d'un simple ersatz de fabulation.



« C'est également ce à quoi je pensais en parallèle. Je ne vous cache pas que... Si vous pouviez me faire l'honneur de reproduire cet effet spécial au bon moment, je vous en serais très reconnaissant et redevable. Un seul gardien, c'est pas forcément convaincant, mais si on part sur deux et qu'on utilise nos capacités adroitement pour des effets visuels, ça peut le faire ! D'un autre côté, je suis sincèrement navré de devoir vous importuner avec ça... »

Alphonse avait horreur de cette sensation de dilemme et n'était jamais vraiment sûr de faire le bon choix. Devait-il maximiser la réussite de son initiative quitte à ennuyer une inconnue, ou se débrouiller tout seul au risque de tout empirer ? En l'occurrence, il préférait porter le poids de cette culpabilité plutôt que d'échouer une fois de plus en quelque chose.

« Entendu, et enchanté, Vivia ! Je m'appelle Alphonse ! »

Elle a pas dit le nom de famille, donc pas besoin. Quoiqu'elle a commencé par ça, donc... Raaaah je sais pas ! Tant pis si je passe pour un con devant quelqu'un une fois de plus !

« Danlemur, si jamais. »

Ceci clarifié, Alphonse se reconcentra sur l'initiative.

« En tout cas, j'espère vraiment que ça va marcher... Il ne faudrait pas que ces petits groupes s'éprennent d'une ambition à toute épreuve et deviennent réellement dangereux, comme la Team Rocket ou la Notra. »

Après un instant de réflexion, et à moins que Vivia n'ait également d'autres réponses ou idées, Alphonse reprit la parole.

« On pourrait s'introduire à travers un brouillard, apparaissant tels des ombres au milieu du champ de fumée. Si tu consens à reproduire ton effet spécial d'éclair, Fulgur - le Fulgudog que tu vois là - pourra l'accompagner derrière. Méline peut également nous faire flotter à tour de rôle si besoin, en lévitant tout en nous soulevant. Ouais, elle en a la force. Ah bah Atlas aussi remarque, vu qu'on est dans la fumée. Si faut utiliser le vent, Oculus le pourra également en trouvant un emplacement adéquat. Qu'en dis-tu ? »

Il essayait de me complimenter, je pense. Mais cela avait un effet, mitigé. Cela me passait dessus comme une brise sur un rocher. Je n’avais plus réellement d’intérêt à espérer être meilleur. J’étais juste fatigué de combattre, fatigué d’espérer. Je souris simplement à ces propos, un sourire fade et sans joie.

Honnêtement, son explication sur le pourquoi il avait dit Mistral me semblait toujours aussi étrange. Mais je n’allais pas juger quelqu’un sur cela. C’était peut-être juste une expression courante dans sa ville natale. Ce n’était pas très grave au final.

« Rien de spécial. Je me suis dit que vous aviez peut-être eu la chance de voyager hors de Mistral. »

C’était très rare, mais cela arrivait à quelques rares privilégiés de ce que j’entendais. Mais je pensais que c’était davantage des rumeurs que de vrais faits établis. Et, en réalité, peut-être, avais-je l’espoir de trouver un moyen de partir d’ici ? Mais la vie n’était pas forcément plus belle ailleurs. Le problème n’était pas le lieu, mais la personne.

Alphonse Danlemur, qui était donc mon associé du jour, m’expliqua son plan. Une mise en scène un peu spéciale et, j’étais sûre, assez impressionnante vu de l’extérieur. Honnêtement, je ne me sentais pas très confiante sur cela. En temps normal, j’aurais essayé de fuir cette situation, mais qu’avais-je à perdre ? Je ne comptais pas passer l’été et j’étais sûr de pouvoir confier mes pokemons à des personnes de confiance.

« Tant que personne n’est blessé, je veux bien t’aider. Dis-moi juste quand je dois faire mon truc et je le ferai. »