Saison Un

: Obscure Prophétie

Peut-on réellement se relever d’une telle tragédie ?
Tout perdre en une nuit. Sa femme. Son ami le plus fidèle. Et même sa fille.
Que reste-t-il aujourd’hui ? Un mirage. Et une image persistante de son échec. Celle qui avait tout engendré. Celle pour qui ma femme a donné sa vie.

Voilà des mois que les jours s’accumulent autour d’une bouteille aussi rouge que mon sang. L’odeur ne me quitte plus. Pourtant, mon esprit est toujours là. Et en ces jours sombres, je maudits cette résistance à l’alcool que ma femme n’avait pas. Toutes ces nuits où j’eus à la raccompagner jusque chez nous. Toutes ces soirées durant lesquelles elle se laissait porter par l’alcool tandis que je jouais les garde-fous. Que j’aimerais plonger dans son univers ne serait-ce qu’un jour avant que le sommeil ne m’emporte. Moi aussi, rire de tout et de rien. Moi aussi, perdre la tête. Et ainsi, te retrouver un peu, ne serait-ce qu’en pensée, en me rapprochant de toi.

La porte s’ouvre. Déjà ? L’engeance supposée être ma fille. Elle me tourne autour depuis ta disparition, avec ces yeux luisant dans la nuit. Je la vois se relever chaque nuit, hanter les lieux comme s’il n’y avait jamais de fin à mes tourments. Elle me parle comme elle. M’encourage comme tu l’aurais fait. Mais bon sang, je suis son père ! Quel parent serait incapable de différencier sa fille d’un usurpateur ?

Mieux vaut boire, à nouveau. Vider cette bouteille avant que l’enfant ne se mette en tête de me la prendre avec douceur, une fois encore, tel un plan machiavélique tirant sur mes sentiments. Ou pire, que je l’entends parler avec cette voix si proche de son timbre naturel, mais dont les paroles expriment un tout autre univers.

Mais aujourd’hui, sa voix est différente. Toujours fluette, hésitante… mais pourtant, plus masculine. Elle brouille mes pensées, s’immisce à travers mes souvenirs pour en extirper un lointain, très lointain. À cette époque où l’enfer était hors de Mistral.

La voix. Encore. Sa voix. Je le reconnais. Ma poigne se resserre sur la bouteille, tandis que mon autre main se ferme d’un poing figé sur la table.

— Comment… oses-tu… r’mettre l’pieds d’cet maison.

Vient-il se moquer de ma négligence ? Cracher sur cette bonté offerte autrefois ? Ou se targuer d’avoir brisé mon enfant ?
Les rumeurs voyagent, même pour des gens qui ne sortent plus de chez eux. Difficile aujourd’hui d’ignorer l’identité des quatre cavaliers. Le candidat opposé à Kata. Le voleur du Pokémon de Kata. Et lui. Le soi-disant ami de Kata.

— Sors d’ici ‘vant qu’et égorge sec. Assez d’sang qu’l’a coulé d’cet maison.

Lui mettre mon poing dans la face ? À quoi bon ? J’aurais pu le faire pour ma fille également. J’aurais pu faire comme bien d’autres et voyager en quête de vengeance. Mais non, ce n’est pas mon genre. J’ai recherché ma fille. En bon ranger, j’étais présent, ce jour-là, à Carcakrok. J’ai vu ce terrible affrontement. Puis mon enfant est réapparue d’elle-même. Ou plutôt, le pion la remplaçant. Depuis, j’ai cédé la rancune et la moindre once d’émotions similaires au profit du désespoir.
Tout comme elle. Sauf que contrairement à moi, elle ne restera pas sans rien faire à l’apparition d’un des meurtriers de sa dresseuse. Une brève étincelle marque un mouvement dans le coin de la pièce, là où Volti somnolait jusqu’à l’arrivée de Jack. Elle ne bondit pas encore, surement trop abasourdie par cette venue innocente pour y réagir. En revanche, elle n'attendra pas longtemps.
Quant à moi... je bois. À ma femme, à ma fille. À ce que je n'ai plus.

Kata m’aurait-t-elle parlé de sa mésaventure à Vigneaux ? Non. Ou juste quelques bribes. Elle n’en a pas parlé à Krystal non plus. Kata garde des choses pour elle depuis quelques temps. Parce que ce n’est pas Kata. Ce n’est plus Kata. C’est quelqu’un d’autre. Une personne dont l’existence se résume à me torturer en me rappelant ma vie d’antan. Celle dont il ne reste plus rien, si ce n’est un incapable seul et déprimé.

Des excuses… Ces excuses sont encore plus douloureuses qu’une véritable attaque. Comme s’il n’avait pas conscience de cette main tendue dont il s’était départi à l’époque. Comme s’il n’avait eu aucune solution pour l’éviter, et qu’il ne lui restait qu’à s’excuser pour oublier le passé. Et ces pleurs, comme s’il imaginait ne serait-ce qu’un dixième de ma souffrance. Des larmes ? Il ne m’en reste plus depuis bien longtemps. Voilà des semaines qu’elles ne coulent plus, effacées par le temps qui passe pour ne plus laisser qu’un vide intérieur dans cette enveloppe charnelle inutile.

Volti s’est levée. Elle marche à pas feutrés, jaugeant la bête d’un regard fou camouflé dans les ombres. Une seule raison la retient d’agir : son dernier affrontement avec Famine. Elle a échoué une fois. Pourquoi aujourd’hui serait différent ? Parce qu’il n’a pas son cheval ? Parce qu’il parait si seul, si fébrile, si fragile ? Méfiance. Elle s’avance, grondant toujours davantage tandis que les étincelles illuminent presque la pièce à force de vriller son pelage électrique.

Il me fait la morale. Après quatre mois. C’est un peu tard, n’est-ce pas ? Je n’ai plus de sang. Il est toujours rouge, fluide, mais ce n’est plus que du vin. Je profite de cette réplique pour reporter la bouteille à ma bouche et l’achever d’un cul-sec bien nécessaire en gardant le môme à distance, ignorant ces paroles qui ne sont que moqueries.
Réparer. Il ne reste rien à réparer. Ce mot… C’est le mot de trop. La renarde bondit, crachant sa haine dans un éclair dirigé vers Jack. Ma réaction est instantanée, véritable miroir de la confiance inexistante qu’il me reste d’elle. Sa pokeball toujours à portée de main. Toujours et en chaque instant, au cas où elle bondirait, folle à lier une nouvelle fois, et tenterait de m’ôter la vie. Le rayon rouge frappe avec précision, arrachant la Voltali à notre réalité pour l’enfermer dans sa petite sphère rouge et blanche d’où je n’aurais jamais du la laisser sortir.

Une fois la ball en main, je la frappe avec violence contre la table, le coup résonnant un instant dans toute la pièce à en faire trembler les restes de vaisselle désordonnée.

— Réparer ? De ta vie ? L’sang d’autres y t’suffit plus, tu ‘clames d’couler l’tien t’nant ?

Ma main demeure immobile, l’objet étant tenu d’une poigne ferme. Pourtant, la sphère continue de s’agiter, secouée par la colère de celle que j’y ai emprisonné. Elle veut sortir. Elle non plus, il ne lui reste plus rien. La seule chose qui pourrait encore lui permettre de ressentir quelque chose… ce serait de plonger ses crocs dans la chair de ce meurtrier.
Il ne mérite pas que je le protège ainsi. D’ailleurs, je ne le fais pas pour lui. Ni pour elle. Ni pour moi. Aucun de ces vivants ne mériterait un tel effort. Il n’y a qu’Anna, ma chère et tendre. Il n’y a qu’elle pour justifier ce geste. Elle ne voudrait pas que Volti égorge une âme sous notre toit. Encore moins un gamin se livrant de lui-même, si diabolique soit-il. Elle ne mérite pas que la maison de son existence soit couverte du sang d’un meurtrier. Cet endroit où elle vivait chaque jour, où elle cuisinait avec tant d’ardeur, où elle riait, pleurait, chantait, criait… vivait.

— Personne veut d’l’aide, ’sassin. S’tout vu c’que t’en pense, toi, d’l’aide.

Après-tout, ne l’avons-nous pas tous aidé, nous ? Combien d’habitants de Kedal ont sacrifié leur temps et leur sueur pour accueillir ce menteur parmi eux ? Je n’ai pas revu monsieur Dessavoi depuis l’apocalypse. J’ignore même s’il a survécu, s’il a perdu des proches lui aussi. Je lui ai offert toute l’aide dont il avait besoin. Et en récompense… Il a détruit l’entièreté de ma vie.
J’aurais dû l’arrêter ce jour-là. Lui faire la leçon, l’envoyer quelques jours en prison pour avoir falsifié son identité, et laisser les autorités se charger de lui. Au lieu de cela… je l’ai laissé se rapprocher de ma fille, de ma vie. Pour qu’il la détruise de l’intérieur, juste avant d’envoyer son camarade achever le peu qu’il en restait.

Pourquoi ne part-il pas ? Pourquoi ne s’arrête-t-il pas de parler ? Dois-je subir ce cauchemar en plus des précédents ? N’ai-je pas assez souffert, je dois en plus être persécuté par celui qui a détruit toute ma vie ? J’en viens à maudire Hélix pour ce destin si cruel qu’il m’inflige.

Ce monstre me parle du sang qu’il a coulé. Durant l’apocalypse, j’imagine. Certains ont dû s’en prendre à lui. Eh bien ce n’était pas assez, puisqu’il se tient encore devant moi. Un des cavaliers a péri ce jour-là. Celui-là même qui dévasta le village des jours plus tôt. Une maigre compensation vengeresse pour ses habitants. Les trois autres auraient dû le rejoindre.
Mais ce n’est pas à moi de le faire. Tuer par vengeance ne ferait que me renier plus que je ne le fais déjà. Moi qui étais autrefois si respecté parmi mes pairs. Nous qui avions tant apporté et déjà tant sacrifié pour Mistral. Méritions-nous une telle destinée ? Certainement pas.
Encore moins après avoir cru l’innocence de ce monstre. L’aide ? Évidemment qu’elle n’a pas suffi. Il n’en a rien fait.

— j’t’a attendu. Des s’maines. J’gardais l’peuple loin du Bivouac, j’a fouillé dossier pis dossier, cherchant pour tout c’qu’tu ‘contais. Pis l’est viendu, ton pote. Pour me r’mercier d’tout ça au lieu d’toi.

Contrairement à bien des gens, j’avais pris au sérieux ces avertissements. Je n’avais pas hésité un seul instant à prendre le risque de se mettre des gens à dos pour fouiller et trouver une piste sur le Pokerus. Toutefois, cela n’avait servi à rien. Jack n’était jamais revenu. Ne m’a jamais contacté. Rien. Malgré toute mon insistance, toute ma franchise, il avait préféré jouer les loups solitaires et s’engager sur une voie bien plus sombre dénuée du moindre espoir. Impardonnable ? Pour moi, certainement. Il est déjà difficile d’encaisser la perte d’un être cher en temps normal, de pardonner au coupable même en sachant qu’il n’avait plus toute sa tête. Mais Jack ? Il avait eu bien des occasions de s’extirper de ce cauchemar et n’en avait saisi aucune. Alors non, aucun pardon ne viendrait de ma part pour ce traitre.

Mais ce n’est pas le pire.

Cette fois, impossible de me retenir. Alors que Jack récupère la bouteille vide, libérant ma main en déblatérant ces inepties sur Kata, je me relève d’un coup et lui assène la baffe de sa vie d’un geste sec et sans retenue, quitte à le balancer contre le mobilier.

— J’T’INTERDIS D’PARLER D’MA FILLE !

Pas après tout ce qu’il lui a fait. Pas après ce qu’elle est devenue. Pas après qu’il ait brisé sa promesse. Il m’avait paru si franc, ce jour-là ! Alors que je lui demandais de ne plus mentir à l’enfant, et qu’il m’assurait qu’il l’aiderait en retour. Tu parles ! Il n’a fait que l’enfoncer davantage, encore et encore. Il l’a abandonnée pour ce petit jeu de cavalerie. Même cette maudite Krystal est moins coupable que lui… Elle, au moins, s’est occupée de son "amie" après l’avoir jetée dans les limbes.

— T’SAIS RIEN D’ELLE ! L’AURA JAMAIS DÛ T’PROCHER !

Tout cela me met tellement en pétard ! Mes nerfs craquent, tant qu’un rire nerveux malsain me prend entre deux respirations brusques peu contrôlées. Je me passe une main sur le front, griffant ma peau de mes ongles en voulant faire cesser ce mal de crâne qui me prend subitement.

— S’tu connais Kata… S’tu la connais… T’aurais su. T’aurai compris. Hahaha… Même ça… Même ça…

Même son amitié n’est qu’un mirage. S’il croit sa pauvre amie quant elle lui dit s’inquiéter pour son pauvre papa déprimé… Qu’il n’est même pas capable de lire la vérité à travers tout cela… C’est qu’il ne la connait pas. Elle n’est pas Kata. Elle est une personne qui s’inquiète pour moi, oui, au même titre que les autres habitants de Kedal. Mais pas ma fille. Kata n’aurait pas réagi ainsi. Kata n’aurait eu aucune des réactions de cette personne depuis son retour après l’apocalypse. Aucune.

— Sors de chez moi…

Je suis las.

Après les cris, la brutalité et le vacarme d’une chute, le calme revint. Jack entendit-il le paternel qui soupirait ? non de regret, mais de désespoir. Il l’avait fait. Par la faute de son insistance, Hapo avait fait couler le sang dans la demeure de sa femme, aggravant encore un peu le mal-être qu’il ressentait. Hélas, c’était un échec critique de la part du scientifique qui avait cru pouvoir passer en force et ainsi relever un homme déchu.

Était-il encore conscient quand la poigne de l’adulte s’agrippa à ses vêtements pour le soulever, aussi insensible que s’il portait le corps d’un gibier abattu ? L’entendit-il marmonner pour lui-même de bien sombres pensées ? Ressentit-il une dernière chute tandis que le paternel l’abandonnait dans l’herbe, seul et sans traiter sa blessure, à quelques mètres de chez lui ?
L’homme ne viendrait pas en aide à quelqu’un qui l’avait tant fait souffrir. Il s’était refusé à le tuer. Peut-être l’avait-il fait, finalement. Peu lui importait. Il voulait juste rentrer chez lui, refermer cette porte à jamais, et nettoyer toute trace de cette funeste venue.

Pourtant, lorsque Jack rouvrit les yeux, il n’était plus dans l’herbe. Il n’était plus dehors. Il n’était plus seul. Quelqu’un avait finalement eu pitié de lui et l’avait ramassé. Qui devait-il remercier pour ce curieux sauvetage nocturne ?
Eh bien, un petit curieux, qui s’était inquiété en entendant des bruits dans la demeure de sa dresseuse, non loin de là. Truc, le jeune Vivaldaim à roulettes, avait gueulé jusqu’à en réveiller le pauvre Jojo en pleine nuit, puis l’avait mené jusqu’au corps. Jack fut ensuite posé sur le dos d’un Haydaim, lequel embaumait déjà l’humain des premiers soins de son aromathérapie tandis qu’ils se dirigeaient chez l’ami de Kata.

— Viva ! Viva ! Viva ! Viva !
— C’est bon, Truc ! C’est bon ! Il revient à lui, alors calme-toi !

Le pauvre Jack risquait de finir noyé sous les léchouilles du Vivaldaim tant celui-ci semblait inquiet de son état. Jojo avait même fait rentrer son Haydaim à l’intérieur pour qu’il poursuive son traitement à coup de synthèses et d’aromathérapies pendant que Jojo s’occuper de nettoyer et bander les blessures qu’il voyait. Sauf que… Il en avait, des blessures, le pauvre ! Pour s’assurer qu’il n’en ait pas râté, il avait bien fallu que Jojo retire les vêtements du blessé, ne lui laissant que son caleçon. Et en effet… il y avait de quoi s’inquiéter. Sauf que tout cela paraissait plus ou moins ancien. Dans le doute, il avait tout traité à coup d’onguents et autres remèdes dont il avait le secret. D’ailleurs, Jack risquait de se sentir particulièrement drogui, puisqu’un des remèdes en question était ni plus ni moins un anti douleur fait maison, que certains utilisaient pour d’autres occasions. La moitié de ses ventes, aisément ! Mais passons sur le business.

— Allo, allo ? C’est bon, tu reviens à toi ? Est-ce que tu te rappelles de ton nom ?

L'aurait-il reconnu ? Non, bien sûr que non. Jack était déguisé la dernière fois qu'ils s'étaient croisés, et la soirée s'était plutôt mal terminée pour Jojo. Une histoire de Bourrinos endormi...
Le guérisseur aux herbes claqua des doigts d’un air pressé, cherchant à capter l’attention du malade. S’il avait gentiment accepté la besogne pour faire plaisir à Truc, il n’était pas pour autant ravi de le faire. D’autant que tout cet onguent coutait une blinde ! Il espérait vaguement que ce type aurait de quoi payer une fois rétabli, sans quoi il serait obligé d’aller quérir réparation ailleurs. Et… il s’imaginait mal risquer sa peau dans la barque des Strophe après ça.

— Est-ce que ça va ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Truc t’as retrouvé devant chez les Strophe, c’est quand même pas Hapo qui t’a fait ça ?!

C’était pourtant évident, mais il désirait l’entendre pour en être sûr. Jamais il n’avait vu le puissant ranger s’en prendre à un innocent, et même ses victimes étaient moins brutalisées que le pauvre garçon. En vérité, jamais il n’avait frappé un enfant de la sorte. Cela n’avait aucun sens ! L’alcool n’excusait pas tout ! Était-ce ce qui l’attendait s’il faisait un jour l’erreur de… Non, mieux valait ne pas y penser. Pour l’instant, cet humain avait besoin de soins ! Et mieux valait s’en charger avant que Truc n’achève le pauvre blessé à coup de gueulantes paniquées ou de léchouilles.

— Ohla, ohla ! Du calme, l’idiot ! T’es pas en état de faire le zouave !

Qu’est-ce qui lui a pris de se couvrir comme ça ? Il est à poil depuis tout à l’heure… Jojo a déjà tout vu. Y’a rien de bien intéressant à voir, d’ailleurs.
Au moins, le blessé est encore conscient de lui-même, il parvient même à prononcer son nom. Jack ? Oh, ça lui revient :

— Ah ! Mais t’es le p’tit copain médecin de Kata ! Alors c’est ça le risque à essayer de la peloter ? J’espère que t’en a au moins profité pour finir comme ça !

Et voilà qu’il s’esclaffe, aussi beauf que le sous-entendent ses paroles. Lui, à mille lieux de la vérité ? Sans blague ? Faut dire qu’il n’est pas trop au courant des tendances actuelles, contrairement au paternel. Alors l’identité des cavaliers… Ce n’est pas vraiment son problème. Les villageois affamés de Kedal ont bien plus ravagé son troupeau durant la famine que Famine lui-même !
Mais passons sur cette triste période. Aujourd’hui, ses deux Haydaim se portent bien et engendrent de nouveaux Vivaldaim. Il ne reste à espérer que tout cela durera assez longtemps pour retrouver un troupeau digne de ce nom.

Tandis qu’ils échangent ces premières paroles, quelqu’un d’autre semble vouloir s’inviter chez Jojo. L’intéressé tourne la tête, ainsi que son Haydaim. Et si ce dernier prend déjà de la place à l’intérieur, autant dire que la version XXL qui attend à la porte n’a aucune chance d’y entrer !

— C’est quoi ce machin ?! C’est à toi ? Tout doux, tout doux mon gros, il va bien… Euh, Barny, tu peux t’en charger ?

Le Haydaim opine de la tête puis se dirige vers l’entrée, ses sabots claquants contre le parquet fragile de la maison. Sans aucune animosité, mais toujours avec cet air haut et fier qui fait de lui le dominant du troupeau, et ce, même au-devant d’un machin de deux fois sa taille. D’une brame calme et posée, il explique la situation au Pokémon glace pour essayer de le rassurer. Le principal étant qu’il est tiré d’affaire.
Par contre, il en a des questions bizarres, ce type ! Rien dire sur ce qu’il a vu ? Jojo se frotte la tête :

— Ben là, si tu veux mon avis, tu ferais mieux de carrément le dire en allant à l’hôpital le plus proche plutôt, t’as vu ton état ? Fin j’veux dire, déjà ta blessure aujourd’hui elle n’est pas belle à voir, mais alors ça… Et ce n’est même pas du jour, t’as croisé un dominant ou quoi ?

Il pointe le reste des bleus du pauvre garçon qu’il devine de mémoire à travers la couverture.

— Moi j’veux bien que Kata n’a pas à savoir ça, par contre soigne-toi, mec ! Pour un docteur, t’es encore plus mal loti qu’un clochard en termes de soins là ! Ah et je te préviens, ne tente pas la connerie de te relever tout de suite ou je te mets double dose de calmant.

S’il n’a jamais plané avant aujourd’hui, autant dire qu’il découvrirait un tout nouveau monde plein de couleurs étranges et de phénomènes incompréhensibles pour le commun des mortels ! Jojo comptait bien garder le scientifique toute la nuit, vu son état. Il n’allait quand même pas chevaucher avec une blessure pareille !