Saison Un

: Obscure Prophétie

Du temps pour soi

Et voilà. Comme prévu, à trop vouloir enquiquiner Jasper, Flammy s’est prise une bonne châtaigne. Toute penaude, elle se couche un peu plus loin, sous le choc de cette décharge pas si inattendue. Absolument pas désolé pour un pokédollar, Jasper crache une dernière fois avant de se glisser dans le dos de Sören, espérant que son dresseur face barrière entre lui et la Caninos. Si tant est qu’elle revienne l’enquiquiner, bien sûr. Ca ne serait pas apprendre de ses leçons mais la chienne de feu paraît relativement jeune et à cet âge-là, les Pokémon expérimentent sans arrêt, jusqu’à enfin comprendre les limites imposées par leurs congénères. Jasper n’est vraiment pas la créature la plus sociable qui soit, et c’est notamment pour cette raison que Sören n’est pas pressé à l’idée d’adopter un nouveau compagnon. Ce n’est pas l’envie qui lui manque mais entre ses cours, Jasper et tous les frais que nécessitent les soins quotidiens … ce serait peu responsable de franchir cette étape. Surtout qu’il n’a pas encore la chance de vivre seul, et sa colocation est déjà remplie de Pokémon. La plus vieille de ses colocataires possède pas moins de trois Miaouss, un de chaque variante : Kanto, Alola et Galar. Autant dire que ces trois-là sont de véritables terreurs qui n’ont aucune pitié pour les rideaux de la demeure. Leur propriétaire ne va pas aimer quand il viendra le moment de payer la caution …

Néanmoins, Sören porte en ce moment assez peu d’intérêt au Lixy et à la Caninos. Il essaie plutôt de comprendre tout ce que Kata lui raconte - ou du moins, essaie de lui raconter. En ce moment même, le jeune homme a l’impression d’avoir raté cinq chapitres d’un livre et d’en lire la suite. Il pense comprendre quelques éléments, mais des points clés de l’intrigue lui sont complètement inconnus. Et d’ailleurs, il ne comprend pas comment la jeune ranger peut se montrer aussi calme en parlant du Pokémon niché dans sa tête. Il est capable de la contrôler, et ça ne l’inquiète pas ? Il veut bien comprendre qu’ils se fassent confiance, mais quand même…! Sören serait bien incapable de laisser Jasper le contrôler, malgré toute l’amitié qu’il ressent pour le lynx éléctrique. Cela dit, Kata est jeune et sûrement trop naïve pour partager les incertitudes d’un adulte. Pas qu’il estime qu’elle est irresponsable et folle, bien au contraire. Parfois, l’innocence des jeunes est bien plus bénéfique que les doutes des adultes. Alors si Kata estime qu’elle n’est pas en danger et qu’elle fait confiance à son Pitrouille … Qui est-il pour la juger et douter de Ciboulette ? De toute évidence, Kata le connaît beaucoup mieux que lui, et suffisamment pour lui accorder toute sa confiance.

C’est plutôt la deuxième partie de son discours qui réveille en lui le plus de ressentiments. Il se doutait qu’elle faisait référence aux cavaliers venus semer le chaos sur Mistral, mais une partie de lui a vaillamment tenté d’ignorer ces informations pour ne pas laisser ses émotions le submerger. Se souvenir, ne serait-ce qu’un instant, que cette calamité lui rappelle ces heures sombres, terrifiantes. Il se revoit, dissimulé au fond d’un placard à balai en compagnie d’un camarade de classe, tremblant de tous ses membres, priant pour que tout cela s’arrête. Et quand enfin il a pu sortir et qu’il a constaté l’état de Vigneaux, il a réalisé à quel point la vie ne peut tenir qu’à un fil. Puis il a appris pour Kedal. Il a appris pour sa mère et sa sœur, décédées dans le grand incendie. Et depuis, malgré tout ses efforts pour faire son deuil et accepter cette terrible vérité, il est encore incapable d’y repenser sans fondre en larmes. Sören lutte bien quelques minutes, tente de ravaler ses sanglots, essaie de contrôler sa respiration. Mais il finit par craquer, et son râle de douleur résonne sous le pont comme le cri d’un animal à l’agonie.

Incapable de parler, incapable de réagir aux paroles de Kata, incapable même de la regarder, l’étudiant enfouie son visage trempé de larmes dans ses mains, les épaules secouées de sanglots douloureux, sincères et ô combien désespérés.

Du temps pour soi

Les vannes sont ouvertes, et elles promettent de le demeurer encore longtemps. Sören n’est pourtant pas quelqu’un qui se laisse si facilement mettre à terre par ses propres émotions. Sûrement parce qu’il n’en avait pas ressenti d’aussi fortes et douloureuses auparavant. Pendant les dix neuf années de sa vie, il peut assurément considéré avoir vécu une vie heureuse, avec des hauts et des bas évidemment, mais sans tragédie pouvant lui déchirer le cœur. Il a connu le deuil, lorsqu’il a perdu chacun de ses grands-parents. Mais à chaque fois, il s’y était préparé. Il savait qu’ils prenaient de l’âge, qu’ils se fatiguaient. Et d’ailleurs, aucun d’entre eux n’a connu une fin tragique. Ils se sont tous éteint paisiblement dans leur sommeil, et Sören réalise bien la chance qu’ils ont eu de partir si sereinement, sans douleur, sans brutalité. Ce n’est malheureusement pas donné à tout le monde, notamment à Kedal. Combien de paysans ont-il perdu la vie dans de malheureux accidents, ou terrassés par une maladie trop violente pour leurs vieilles carcasses usées ? Sûrement beaucoup trop, parce que c’en est presque devenu une triste normalité. La douleur n’en demeure pas moins vive, mais rares sont ceux qui s’en étonnent encore.

Ainsi, perdre si brutalement sa mère et sa soeur est une expérience particulièrement douloureuse pour Sören. A l’instant même où il a appris la nouvelle concernant Kedal, il a sauté dans le premier taxi pour rejoindre sa famille. Jamais, ô grand jamais il n’aurait cru qu’on lui annoncerait une chose pareille. Aujourd’hui encore, il s’enferme dans une sorte de déni, dans une réalité alternative. Puisqu’il habite bien loin de sa Kedal natale, il imagine que sa mère et Stella vivent encore à la ferme, avec le reste de sa fratrie. Il les voit flatter ses encolures des Ecremeuh et jeter du grain aux Poussifeu. Comment s’imaginer, ne serait-ce qu’un instant, qu’il puisse en être autrement ? Si Sören a conscience qu’il se fait plus de mal que de bien en réfléchissant ainsi, il n’est pas encore capable de voir la vérité en face. Il lui faut du temps, beaucoup plus de temps. Et surtout, beaucoup de courage. Chose dont il se sent totalement dénué depuis quelques semaines maintenant.

Paniquée de le voir ainsi effondré, Kata l’enlace à nouveau, tapotant son dos pour le consoler. Elle pense que c’est son récit qui l’a ainsi attristé, mais Sören n’a pas encore le cœur de lui avouer la vérité. C’est à peine s’il remarque Jasper qui feule à nouveau après Flammy, dérangé par ses aboiements incessants. Finalement, la jeune ranger sort un petit paquet de viande séchée de son sac, et l’agite sous les yeux de Sören. Son estomac se tort aussitôt. Il n’a sincèrement pas faim, mais il se voit mal refuser la gentille offre que Kata. Il voit bien qu’elle essaie de le rassurer par ses propres moyens, et il est sincèrement touché par son désir de le consoler. Ainsi essuie-t-il ses yeux trempés du revers de la main, bien que de nouvelles larmes se hâtent de s’y agglutiner.

▬ Merci. Je veux bien en prendre un petit peu.

Jasper, lui, semble néanmoins bien plus intéressé. Le nez relevé, il hume l’air et reconnaît sans mal l’odeur de la nourriture. Ainsi grimpe-t-il sur les genoux de Sören, se dressant entre Kata et lui afin d’essayer d’attraper le sachet entre ses pattes. Une pichenette sur l’oreille de la part de son dresseur suffit à lui intimer de se tenir à carreau, ce que le Lixy fait non sans mauvaise grâce.
Et alors que Kata déballe la viande séchée, Sören décide de vider son sac :

▬ La vérité c’est que j’ai perdu ma mère et ma sœur dans l’incendie de Kedal. Tu te souviens de Stella ? Elle était à peine plus vieille que toi. Et maintenant, elle n’est plus là.

Du temps pour soi

Machonnant son morceau de viande séchée avec peu d’appétit, Sören se calme petit à petit. Ses épaules tremblent encore un peu, mais le gros du chagrin semble s’en être allé, ne laissant place qu’à une profonde lassitude. Exténué par ses journées chargées et son manque flagrant de sommeil, il sent la fatigue lui tomber dessus aussi violemment qu’un coup de marteau. Voilà bien de semaines qu’il ne parvient pas à faire des nuits complètes, ou qu’il s’endort uniquement par fatigue, à moitié avachi sur son bureau. Pourtant, Sören n’a jamais été du genre à se laisser abattre de la sorte. Il a toujours été un garçon solide, un chêne se contentant d’agiter les branches plutôt que de faire ployer son tronc sous le vent. Ses parents lui ont offert une éducation typiquement kedaloise, l’habituant très tôt à l’autonomie et à toutes les épreuves de la vie. Néanmoins, le deuil soudain n’en faisait pas parti. Comment aurait-il pu se douter, ne serait-ce qu’un instant, qu’il perdrait subitement sa mère et sa sœur dans une telle catastrophe ? Rien n’aurait pu le préparer à ça. Personne ne l’était, en réalité. Et nombreux sont ceux qui, comme l’étudiant en histoire, ont perdu des êtres chers ce jour-là. Sören doute donc être le seul à traverser une si terrible épreuve.

Après avoir gâté Jasper Flammy d’un petit morceau de viande chacun, Kata avoue finalement à Sören avoir également perdu sa mère dans la catastrophe. Du moins, c’est ce que le garçon comprend. Madame Strophe se serait sacrifiée pour permettre aux autres de fuir, notamment son mari. Kata n’était pas sur place lors du drame, mais Sören ne doute pas que son père a dû lui raconter les événements, aussi tragiques soient-ils. En tout cas, la neutralité dans sa voix a quelque chose de très perturbant. Comme si ça ne l'atteignait pas vraiment, ou qu’elle avait déjà fait son deuil. Comment en a-t-il été capable, en si peu de temps ? D’autant que la Ranger est relativement jeune, et la perte d’un parent n’a rien d’anodin à cet âge-là. Finalement, Kata répond à sa question sans que Sören n’ait besoin de la poser. D’après elle, son Pitrouille aurait guidé toutes ces âmes pour ne pas qu’elles s’égarent dans Mistral. Sa mention du paradis kedalois arrache un petit sourire ému à Sören. Ce n’est pas si mal de voir les choses sous cet angle.

Finalement, la jeune fille conclut son récit par la volonté de rebâtir Kedal. Et là, une boule se forme dans la gorge de Sören. En apprenant la terrible nouvelle, il est rentré ventre à terre dans sa ville natale pour prendre des nouvelles de chacun. Et face à cette Kedal en cendre, il a bien évidemment émit le désir de rester, d’abandonner ses études et épauler son père dans les épreuves à venir. Mais contre toute attente, monsieur Camiski ne l’a pas entendu de cette oreille. Il a préféré le renvoyer à Vigneaux pour qu’il continue sur cette voie qu’il a choisi, sans jamais revenir en arrière. Cela n’a pas été facile pour Sören de quitter sa famille endeuillée, mais puisqu’il a promis à son père de devenir quelqu’un, alors il ne doit pas flancher.

▬ Comment se passe la reconstruction d’ailleurs …? J’aurais voulu y participer mais mon père a refusé. J’ai un peu peur pour lui tu sais, il se retrouve seul avec ses enfants et sa ferme dévastée. J’ai l’impression de le trahir.

Monsieur Camiski a beau être un fanatique du travail, gérer une famille et reconstruire une ferme, ça représente beaucoup pour un seul homme. Certes, la plupart de ses enfants ne sont plus des marmots, mais la famille est en grande majorité constituée de filles. Sören et son petit frère Jean sont les uniques représentants masculins, et le plus jeune n’a même pas encore douze ans. Il n’a pas encore la maturité nécessaire pour agir en tant que deuxième homme de la maison.

▬ Je suis vraiment désolé pour ta maman. Ça a dû être dur pour ton père et toi … Ces choses-là ne sont jamais évidentes. Et honnêtement, je n’étais pas prêt à les vivre.

Du temps pour soi

Jamais Sören n’oubliera la vision de sa Kedal natale dévastée, réduite en cendres par un feu meurtrier. Il a toujours connu sa campagne multicolore, changeante au gré des cultures, au gré des saisons. Elle avait ce côté chatoyant, rayonnant, d’une beauté toute singulière que les gens de l’extérieur ne pouvaient tout simplement pas comprendre. Alors voir cette herbe brûlée, ces champs dévastés, ces maisons calcinées … Ça a été un véritable coup au cœur pour Sören. Le feu a dévoré la moindre parcelle de champ, consumant le foin, détruisant les clôtures, massacrant les malheureux croisant sa route. Le jeune homme ne veut même pas imaginer la terreur qu’ont dû ressentir les kedalois à la vue de ces flammes meurtrières. Pour peu, il s’estime heureux d’avoir seulement dû patienter quelques heures dans un placard à balai. Bien sûr, qu’il a eu peur, très peur même : mais dans le noir de sa cachette, accompagné d’un camarade de classe, il a attendu sans savoir ce qu’il se passait dehors, sans voir la réalité en face. Sa famille n’a pas eu cette chance. Ils ont assisté à tout, jusqu’au décès de deux d’entre eux. Et dire qu’il a osé se plaindre de sa propre situation … En comparaison, Sören n’a pas vécu un dixième de ce que, eux, ont dû vivre.

Les annonces de Kata ne sont pas aussi rassurantes qu’il l’aurait souhaité. Malheureusement, les champs prendront du temps avant de leur fournir à nouveau toute la nourriture qu’ils produisaient jusqu’à maintenant. Quant aux troupeaux, donner la vie ne prend pas trois jours et même s’il semble y avoir de nouvelles naissances, ces petits prendront du temps à grandir et à devenir utiles. Le père de Sören, à titre d’exemple, a perdu deux tiers de son troupeau. Il ne lui reste que quelques Ecremeuh, traumatisées par l’incendie, incapable de fournir la moindre goutte de lait. Son Tauros reproducteur n’a pas survécu à l’incendie, et qui sait combien de temps cela lui prendra pour en trouver un autre. De toute évidence, ce n’est pas demain qu’il pourra revendre du lait… Bien heureusement, toutes les maisons semblent avoir été remises en état. Au moins, les kedalois ont des toits au-dessus de leurs têtes. Mais ont-ils seulement de quoi manger au fond de leurs assiettes…?

— C’est vrai que c’est bizarre que ton papa il a pas voulu, t’aurais pu aider tout plein pourtant ! Pis ça serait sûrement plus amusant que de passer tout ton temps à Vigneaux !

Sören hausse les épaules. Bien sûr qu’il aurait pu aider, toute paire de main est la bienvenue dans une situation pareille. Mais il faut croire qu’il n’y a tout simplement plus sa place. En partant faire des études à Vigneaux, Sören s’est détaché de Kedal, au point d’en devenir une sorte d’étranger. Evidemment, il aurait pu insister. Il aurait pu se joindre aux travailleurs en ignorant l’avis de son père. Néanmoins, ce dernier lui a fait promettre de continuer ses études et de devenir quelqu’un. Quelqu’un d’autre qu’un fermier qui n’a pas la passion des champs. C’est pour ça que Sören est rentré, et qu’il demeure à Vigneaux alors que son cœur l’appelle à Kedal. D’après les dernières lettres qu’il a reçu de la part d’une de ses sœurs, son père se porte déjà un peu mieux. Il s’est rapidement relevé et travaille encore plus pour rebâtir sa ferme. Bien sûr, l’absence de sa femme et de Stella pèse sur les coeurs de tous, mais l’équilibre familiale semble se stabiliser petit à petit. Ils vont de l’avant, comme tout bon Camiski qui se respecte.

Sören apprend alors avec surprise que le père de Kata, lui, ne semble absolument pas se remettre de tout cela. Il n’accepte la présence que de sa bouteille de vin, rejetant le Voltali de sa défunte femme. De toute évidence, il est bien plus difficile pour lui de se relever d’une telle épreuve. Sören peut le comprendre : perdre l’amour de sa vie, rester pour se battre afin de lui sauver la vie, ça doit être terrible. Notamment pour un homme kedalois, fier, se considérant comme responsable de sa famille. Sûrement doit-il se répéter en boucle qu’il aurait dû périr à sa place. Sören est persuadé que son propre père a dû se faire la même réflexion mille fois. Malheureusement, ruminer n’arrangera rien, bien au contraire. En agissant ainsi, monsieur Strophe se détruit - ce n’est sûrement pas ce qu’aurait aimé sa femme…

▬ Ton papa doit beaucoup souffrir. Il doit se croire responsable, penser que … qu’il aurait dû partir, et pas elle. Mon père a pensé pareil, mais il ne s’est pas laissé abattre. Il n’est pas seul, il a des enfants pour le soutenir. Alors que le tien … il n’a plus que toi.

Doucement, Jasper se glisse sur les genoux de Sören, afin de mieux toiser Flammy en contrebas. Les doigts du garçon se perdent alors dans le pelage bleu du Lixy qui, pour une fois, ne le rejette pas. Au contaire, il se laisse caresser avec un certain plaisir, bien qu’il garde une allure fière et droite. Du Jasper tout craché, ça.

▬ Mais dis-moi… Je passe du Poussifeu au Tiboudet, mais pourquoi parles-tu de Vigneaux comme un enfer sur terre ? J’y suis bien moi. Bon, j’ai quelques réflexions sur mes origines mais à part ça, ça va.

Du temps pour soi

La transition de Sören peut paraître un peu rude, mais elle est nécessaire. Il a bien assez parlé des catastrophes récentes pour aujourd’hui. D’autant qu’il préfère ne pas imaginer son père dans le même état que celui de Kata … La situation doit la rendre bien malheureuse, sûrement se sent-elle même terriblement impuissante. Et pour une kedaloise, ce n’est pas habituel, sören parle en connaissance de cause. Toujours est-il qu’il souhaite de tout coeur que monsieur Strophe réussisse la remonter la pente. Une perte, c’est difficile mais il doit le relever : il en est capable. Il lui faudra du temps pour faire son deuil et sûrement se remettra-t-il jamais vraiment. Mais il ne tient qu’à lui de prendre le Tauros par les cornes et de refuser de finir sa vie entre le silence et le vin. A ce rythme, il se détruira avant d’apercevoir la moindre étincelle d’espoir. Néanmoins, ce n’est rien que Sören puisse arranger, malheureusement. D’autant que lui-même ne sait pas comment faire avec son père pour s’assurer de son état. Il s’en veut de ne pas pouvoir soutenir Kata autant qu’elle a pu le faire quelques minutes auparavant, mais Sören préfère encore ne rien dire plutôt que prendre le risque de dire quelque chose de travers, ou même de totalement déplacé.

Ainsi préfère-t-il enchaîner sur le rapport chaotique entre Kata et Vigneaux. Il y vit depuis deux années maintenant et il a bien du mal à comprendre le problème. Ok, les gens ne sont pas tous des anges et l’épisode des Cavaliers n’est clairement pas une fierté locale, mais il ne trouve pas la ville si déplaisante. Tout doit donc porter sur l’expérience personnelle de la jeune Ranger. Cette dernière commence alors à énumérer tout ce qu’elle a pu vivre dernièrement à Vigneaux et au fur et à mesure, Sören comprend mieux. Forcément, après avoir vécu des choses pareilles, il comprend qu’elle ne porte pas la ville dans son coeur. Néanmoins, il y a là quelques histoires qui le surprennent. Un Kabuto dans un mariage ? La création des Cavaliers ? Il a l’impression d’avoir raté tout un épisode. Certes, il était tellement plongé dans le travail qu’il ne faisait attention à rien d’autre, mais à ce point ? D’ailleurs, il se demande d’où Kata a tiré toutes ces informations. Il veut bien croire qu’un Ranger est mieux informé qu’un citoyen lambda, mais à ce point ? Pour peu, Sören aurait l’impression de vivre dans une toute autre dimension.

Se grattant l’arrière du crâne d’un air un peu gêné, Sören écoute Kata qui conclut en se dédouanant de toute responsabilité. Sûrement a-t-il du se confronter aux doutes de nombreuses personnes, imaginant seulement que la jeune fille provoquait ces catastrophes sans chercher plus loin. Ce n’est pas le cas de Sören cependant. Kata n’est pas quelqu’un de faux, et elle dit les choses comme elles sont, sans filtre. Parfois, il a un peu de mal à la suivre mais ça n’enlève en rien son honnêteté. Ainsi hoche-t-il doucement la tête, signe qu’il comprend bien tout ce qu’elle vient de raconter.

▬ Je comprends mieux, oui. C’est compréhensible, moi aussi je haïrais une ville si j’y subissais des trucs pareils. Mais vraiment, je n’ai eu aucun souci à part les Cavaliers alors je m’y sens assez bien. Et puis j’y ai rencontré quelqu’un de … euh … spécial pour moi.

Ses joues prirent une adorable teinte rosée à la mention de ce “quelqu’un” si particulier. Bien sûr, Sören fait référence à Frann, ce camarade avec lequel il s’est caché pendant toute la récente calamité. Un lien étrange s’est créé entre eux ce jour-là et depuis récemment, ils se fréquentent un petit peu plus. Sören a dû forcer un peu pour déjeuner avec lui la première fois mais après s’être livré l’un à l’autre, les choses ont eu l’air de se débloquer un petit peu. Et il faut bien avouer que le kedalois n’est pas insensible à la beauté toute particulière de l’étudiant en lettres. Quant à savoir si c’est réciproque … c’est une autre histoire !