Saison Un

: Obscure Prophétie

Noter ? Quelle idée ! Serait-elle une scientifique sans blouse, pour ainsi chercher à se faire son dictionnaire des Pokemon ? En tout cas, c’est pas moi qui va l’en empêcher ! J’acquiesce à sa question et m’empresse de répondre :

— Et du coup tu les dessines aussi ? Oh, faudra que tu me montres quand on fera ça ! Par contre désolé, j’suis pas sûre de leurs types. J’dirais sol pour les Sabelette, vu qu’ils vivent en plein désert, et eau pour les Corayon. Ah, et les Vivaldaim sont plante et normal, comme leurs parents, ça je le sais !

Oula, par contre, on dirait que Krystal n’a pas aimé apprendre mes mésaventures vis-à-vis du Sabelette et de Truc. Je hausse le ton à mon tour en remuant mon bras libre, parce que ça m’énerve, cette histoire d’embrouilles de Pokémon.

— Ben je t’ai dit, je les ai pas capturés ! Je n’ai capturé que Fouifi moi, et encore, c’était bizarre. Je ne sais pas comment ils ont atterri dans mes pokeball !

Pour le coup, je crois que c’est bien mes pokeball, vu qu’il m’en manque deux. Je sais, c’est difficile à croire, mais c’est la vérité ! Je ne mens jamais, moi !

De son côté, la Sabelette fut heureuse de voir une personne plus réceptive à son histoire. Elle tenta d’autres signes, pointant son propre torse du doigt avant de lever une main horizontale à sa gauche, à mi-hauteur. Moi, et plus petit ! Elle comprendrait peut-être, ça ? Puis elle reprit son manège des coups d’yeux dans toutes les directions, l’air désespérée.

— Surement qu’elle a un nom, dis-je en haussant les épaules, mais je ne le connais pas ! Tu crois que j’devrais lui en donner un nouveau ?

Ça me paraissait bizarre. Et en même temps, ça rendrait la situation plus pratique !

Une fois la traque plus avancée, Krystal me raconte sa rencontre avec Shebk. Il a l’air drôlement gentil, son Shebk ! Et euh… Comment ça, mon Fouifi l’a attaqué ? Mais non, c’est impossible voyons ! Je reste sûre de moi, sereine même lorsque Kystal baisse la voix d’inquiétude. Moi, je continue à parler haut, comme toujours :

— Ben ça dépend ! De Bivouac ? On s’est éloignée ! De Vigneaux par contre, on est plus proches.

Ouep, j’ai un bon sens de l’orientation, moi, je sais à peu près où on est.

— Et Fouifi, elle n’a pas pu t’attaquer, regarde… La piste, elle part de tout là-bas, vers Bivouac, puis continue par-là, vers Vigneaux, sans interruption. Tandis que le groupe des Fouinettes dont tu parles, il est là-bas, dans les herbes ! C’est pas du tout la même direction !

Et voilà que je pointe une horde de Fouinettes qui se ruent dans notre direction. Ah ben, c’est nouveau ça ! Depuis quand les Fouinette attaquent à vue ? Je croise les bras sans un brin de panique, réfléchie malgré l’assaut lancé. Elles regardent toutes dans la même direction ! Le même petit point exact, au sol, à quelques centimètres de moi… Shebk ?
Des cris d’alerte parviennent d’en arrière : ma Sabelette décidé de jouer son rôle, alertant tout le groupe avant de remuer les bras vers Vigneaux en mimant un pas de course. Le mime se répète une fois, deux fois, puis elle tape dans ses mains d’un air décidé et montre l’exemple.

— On fait quoi, on suit la coach ?

Ben non, je ne panique toujours pas, que voulez-vous ! Moi je sais comment ça va finir si une de ces belettes ose ne serait-ce que poser une griffe sur moi. Les Fouinette, c’est voleur, ça joue les durs en meute, mais c’est pas courageux pour deux sous. Et je dis ça en sachant que ma propre Fouinette est un parfait exemple de l’inverse. En tout cas, j’en connais deux qui n’ont pas hésité longtemps. Après un bond sur place, la Sabelette s’est plantée dans le sol à la verticale pour creuser de ses bras puissants et s’enterrer loin de nos assaillant. Quand à Truc, il a rejoint le trou sans la moindre hésitation, quitte à s’étouffer en arrière du creuseur.
L’idée est bonne, sauf que nous, on ne passera pas là-dedans ! Oh, et je doute un peu que les belettes laissent le Pokemon de Krystal filer aussi facilement.

Mouai, mouai ! Manquerait plus que je passe pour une vilaine, heureusement que le malentendu a été écarté. Moi aussi j’exècre les gens qui font n’importe quoi avec les animaux. Sauf que moi, j’ai pris la responsabilité de personne, et en plus, j’y connais rien.
De son côté, la Sabelette a joint ses mains en hochant vivement la tête sitôt qu’elle a entendu la traduction de Krystal. Elle a même fini par applaudirai cette incroyable réussite ! J’ai entendu les suppositions de la dame en noir sans vraiment avoir le temps d’y répondre, avec tout ce qui nous arrive. Du coup, faudra que je lui trouve un nom, à la bouboule ! Et qu’on retrouve une deuxième personne ? Décidément, c’est la saison des disparus !

De toute façon, pour l’instant, Madame la coach est sous terre, bien planquée en compagnie du daim. À croire que les trouillards trouvent toujours une façon de s’en sortir !
Suivant le plan, j’essaye de rattraper Krystal à cloche-pied, son Fouinette à mes côtés. Malheureusement, on galère un peu… surtout moi ! Ce n’est pas à ce rythme qu’on va les semer ! J’avoue ce constat en ricanant, toujours aussi détendue, presqu’amusée par la situation :

— Apparemment, non, j’les sèmerai pas ! Vous en faites pas, j’ai un plan !

Quelle chasseuse serais-je si de simples Fouinette m’effrayaient ? J’me suis déjà faite poursuivre par un troupeau de Bastiodon, c’est diablement plus effrayant ! Sans ma maman, j’aurais fini en crêpe.
Je m’arrête d’un coup. Tant pis pour l’armée qui se rue sur moi !

— Attention, Shebk, t’es prêt ?

Je n’attends pas sa réponse. D’un mouvement de bras, ma béquille se retourne et racle le sol de sa partie large derrière la Fouinette en fuite. Placement. Visée. Lancer ! D’un mouvement brusque, je fais décoller l’animal en direction de Krystal à la façon d’un club de golf. Oh, jolie visée ! J’devrais essayer une vraie partie, un jour !
L’armée de fouines arrive à ma hauteur : sans surprise, la majorité m’ignorent et poursuivent la chasse de leur ancien compagnon. Je me couvre juste le visage de mes deux bras, encaissant les plus audacieuses qui m’ont prise pour un tremplin et m’escaladent à coup de griffes avant de bondir à la suite de leurs camarades. À coup sûr, Krystal ne risque pas plus que moi : ils veulent juste récupérer leur ancien camarade, ou le punir, j’en sais trop rien.

La fuite semblait destinée à durer. Sauf qu’à présent, je suis tranquille ! Allez, au boulot : on enlève la sécurité, récupère quelques balles, en charge deux dans le canon… Petit clac clac de recharge, et on vise !

PAN.

Truc a sorti la tête du trou à l’entente de cette détonation, les oreilles dressées sur sa tête et les yeux en alerte. Quant aux Fouinette, elles se sont figées sur place quelques secondes, surprises et à moitié assommées par le vacarme. Un astéroïde encore fumant vient de leur couper la route avant de s’écraser à deux pas de la plus avancée des leurs. Un peu plus, et elle aurait fumé des poils, la pauvre !
Clac clac. De mon côté, j’ai déjà rechargé, œil à la lunette et le visage tout en satisfaction. J’peux vous dire que la prochaine, elle ne manquera pas sa cible ! J’ai pas voulu en tuer au premier tir : les Fouinettes, ça ne se chasse pas au fusil. Ça explose et c’est sale, on ne peut rien en faire après. Des fléchettes ou des pièges, c’est largement plus adapté ! Mais si c’est pour assurer la sécurité de Krystal, en tant que ranger, je n’hésiterai pas à réitérer l’attaque, et sans manquer cette fois !

Alors qu’une trêve semble s’imposer, le sol se met à trembler aux pieds de l’éleveuse. L’instant d’après, la Sabelette ressort du sol aussi aisément qu’elle y était entrée. Elle s’époussette un instant, analyse la situation d’un coup d’œil rapide, puis se met à blablater au milieu du champ de batailler, aussi sereine que sa nouvelle dresseuse. Elle prend d’abord la horde de Fouinette à part, dans ce langage animal auquel nous sommes étrangers, puis se tourne vers Shebk, et enfin krystal.
Pour les premiers, le discours fut plutôt menaçant. Pas une menace directe, mais plutôt un constat, tandis qu’elle désignait à répétition la balle perdue devant elle en se tapant son buste avec force.
Pour Shebk et krystal, l’ambiance fut moins désagréable. La Sabelette faisait mine de serrer sa propre main, désignant tour à tour Shebk et ses anciens compagnons, allant même jusqu’à se serrer elle-même dans un câlin imaginaire. Ce long coaching d’explication s’acheva d’un fier salut militaire en direction des Fouinette, avant de tourner les talons vers Vigneaux d’une démarche droite caricaturale, le tout en gardant une main tendue vers krystal.

Je haussai les sourcils devant ce spectacle. Jamais je n’avais vu un Pokémon s’exprimer ainsi ! Même s’ils étaient devenus plus expressifs avec le temps, le Voltali de maman et le Bourrinos de Papa persistaient dans leur langage incompréhensible. Parait que c’est à nous de les comprendre, et pas eux de s’adapter ! Mais d’où elle sortait, celle-là ? Clairement, la Sabelette n’avait rien de sauvage, elle devait côtoyer les humains depuis des années.

Plic, ploc, plic, ploc. Ainsi fait le daim qui tente de passer inaperçu au milieu des Fouinettes. Les belettes sont en grand débat. Un véritable concert de couinements aigus ! Certaines ont beau pointer en direction des fuyards – qui ne courent même pas, ô scandale ! –, la majorité semblent résolues à lâcher l’affaire, convaincues par leur homologue des sables.
Pour ma part, je me remets en route d’un rythme paisible, le fusil encore chargé à l’épaule, canon en l’air. À leur tour, d’autres Fouinette me pointent du doigt en grondant, espérant motiver leurs troupes d’un changement de cible. Mais rien qu’en remuant ma main dans mon sac, faisant ainsi tinter tout un attirail d’objets métalliques, je parviens à les faire renoncer. Même seule, Fouifi est bien plus courageuse que ceux-là !
J’observe Truc, l’idiot s’étant arrêté à hauteur du missile planté dans l’herbe. Il renifle le fer encore chaud, gratte l’herbe et le tapote de ses sabots. C’est la première fois qu’il me voit tirer : sans doute qu’il se demande ce dont il s’agit. Je l’ignore et ramasse la balle usagée avant de poursuivre ma route, mais aussitôt, il se remet à bramer.

— On doit rejoindre Krystal, dis-je en me retournant. Ils vont nous attendre !

Nouveau bramement, plus fort, plus insistant. Je rêve où il s’énerve ? Le voilà qui saute sur place, tourne en rond et brame encore.

— Oui bah, tu demanderas à la Coach de te donner des cours d’expression !

Parce que moi, je ne comprends rien ! Ça me donne juste envie de lui tirer dessus avec ma seconde balle déjà chargée.


Et cette chère Coach, où en est-elle ? Madame a accompagné Krystal en toute sérénité. Parce que la vie est ainsi : un long fleuve tranquille tant qu’on en suit le courant. Même lorsque l’adulte l’attrape pour la serrer si fort dans ses bras, la Sabelette se laisse faire et se contente de tapoter la tête de l’humaine de sa patte chaleureuse. On la voit d’ailleurs saluer les remerciements de Krystal juste après cela d’une magnifique révérence. Rien n’est plus satisfaisant que de voir ses enfants réussir grâce à nos conseils.
Mince, son enfant ! Sursaut de panique ! Elle en avait oublié la catastrophe du jour. La voilà qui se frottent le menton d’un air pensif, son regard agité perdu vers l’horizon. Comment va-t-elle pouvoir retourner jusqu’au désert, après toute cette histoire ?

J’arrive avec Truc auprès d’elles quelques minutes plus tard, plus que ralentie par cette foutue béquille. C’est un soulagement de voir que tout le monde est là ! Je les salue de loin en levant la main qui tient ma béquille, quitte à faire du cloche-pied sur quelques mètres, puis finit de les rejoindre en accélérant un peu le pas.

— Tout le monde va bien ? Désolé si je t’ai fait peur tout à l’heure, je t’ai vue tomber, j'aurais dû te prévenir ! Tu ne t’es pas faite mal ?

En tout cas, c’était une drôle d’histoire tout cela ! Je peux enfin enlever la balle en trop dans le canon de mon arme et ranger le fusil dans son étui avec toutes les précautions nécessaires. C’est un peu dommage d’avoir gâché une balle pour rien, mais au moins, j’aurais presqu’eu l’impression de chasser aujourd’hui. Le simple toucher de la crosse m’a fait un bien fou ! Et le frisson de la visée, Ouuuh ! Quel soulagement, je n’ai rien perdu de mon talent malgré ces quelques jours de jachère.

— Oh, au fait, tu me disais quoi à propos de Coach ? (Plus je le dis, plus j’ai envie de l’appeler comme ça, tout simplement.) T’as compris quelque chose à son histoire ?

On est toujours sur la piste de Fouifi, mais puisqu’il reste juste à la remonter… autant faire autre chose en même temps ! D’ailleurs, vu comment Krystal s’est allongée au sol, j’ai l’impression qu’elle préfèrerait une petite pause… ce que j’approuverai sans rechigner ! Foutue béquille. Je me laisse tomber à mon tour, mon fessier accueillant l’herbe avec soulagement. Oh ? Truc aussi décide de s’allonger en voyant tout le monde installé. Son air boudeur m’étonne, je ne l’ai jamais vu comme ça. Il en oublie même d’avoir peur, le bougre !

Ouf ! Krystal va bien. Je me serais sentie mal de l’avoir blessée, même indirectement. Ses compliments me vont droit au cœur, tant que je m’en gratte la joue de gêne, mes yeux déviant sur le côté.

— Bah… Euh… c’est l’habitude, je pense. Devant un prédateur, faut surtout pas courir et leur tourner le dos, donc mes parents m’ont toujours dit de rester calme comme ça.

Un tirage de vêtements m’interrompt. Oh, la Fouinette de Krystal ! Est-ce qu’elle essaye de monter ? sans bouger, j’agite une main vers le haut en lui murmurant :

— Vas-y, grimpe !

Ahaha, ça chatouille ! Trop mignonne ! C’est incroyable la différence entre lui et Fouifi. Deux opposés ! Néanmoins…

— J’ai vraiment hâte de te présenter Fouifi, tu pourras lui apprendre les bonnes manières !

Et voilà qu’il repart vers sa dresseuse. Allez, ne restons pas jaloux ! On ne peut rien y faire, Fouifi finira bien par s’améliorer aussi.
Par contre, y’en a une qui m’a impressionné ! Sans que je compte sur elle, Coach s’est interposée durant l’affrontement pour calmer le jeu. Elle mérite que j’essaye de la comprendre à mon tour. D’autant que, comme Krystal l’indiquait, elle semble chercher quelque chose du regard.

— Une version miniature ? Genre un enfant ? (La sabelette bondit à ce mot, acquiesçant vivement.) Mais… je n’ai aucune idée d’où chercher. Je ne sais même pas où elle s’est faite capturer.

L’intéressée se frotta le menton, les sourcils froncés. Elle semblait réfléchir à une solution pour m’expliquer tout cela. Pendant ce temps, je réponds aux inquiétudes de Krystal :

— Elle n’était pas là, tu peux être sûre que Fouifi ne m’aurait pas ignorée comme ça ! Quant à se faire capturer… je n’espère pas pour eux !

Je ricane fort. Tous les dix, elle se les prenait, ces trouillards ! Bon, j’exagérait peut-être un chouilla… Mais elle, elle n’avait pas reculé en me voyant sortir mon attirail. S’ils avaient la mauvaise idée de s’en prendre à elle, Madame défendrait chèrement sa peau.
Bref, dans tout cela, y’a un truc qui cloche toujours. C’est cette sensation bizarre que j’ai eu sur place… Et ce chemin qu’aurait fait Fouifi… De Bivouac à Vigneaux ? Pourquoi elle aurait refait exactement le même chemin que…

— AH ! Mais que j’suis bête !

Aïe ! Par habitude, je me suis cognée la tête de ma main libre. Sauf qu’aujourd’hui, j’ai aussi une bosse sur le front à cet endroit-là. Ouch… je frotte ma blessure en grimaçant avant de reprendre là où je me suis arrêtée :

— Bien sûre que Fouifi est passée par là y’a moins d’une semaine… C’est comme ça qu’on est arrivés, tous ensemble, avec Jean-Jean ! J’suis en train de pister mes propres traces !

Aaaah, tout fou le camp ! Je m’allonge dans l’herbe en arrière en poussant un long râle de lassitude, dépitée par ma propre erreur. C’était bien la peine de s’inquiéter !
Patte. Patte. En me voyant m’effondrer, Coach est venue jusqu’à moi pour me consoler. C’est vrai qu’elle est drôlement intelligente, cette Sabelette ! Je l’attrape dans mes mains. Elle se laisse faire, soulevée tandis que je me redresse.

— Ben tu sais quoi, Krystal ? T’as raison ! On n’a peut-être pas retrouvé Fouifi aujourd’hui, et j’sais pas comment t’es arrivée là, Coach, mais t’es super ! Tu veux être mon amie aussi ?

Elle hoche vivement la tête, applaudissant la proposition de bon cœur. Toutefois, sitôt que je la repose, elle se remet à réfléchir, statufiée par ses pensées. J'observe à gauche, à droite, puis finit par redresser la tête vers Krystal, le sourire aux lèvres :

— Si tu voulais les dessiner, j’crois que t’auras pas meilleur moment ! C’est pas souvent qu’on voit des Pokémon aussi inactifs !

Entre le daim boudeur qui dort à moitié et la Sabelette perdue dans ses pensées, elle a le choix du tableau !

Loin de m’inquiéter pour mes blessures, je ricane aux interrogations de Krystal.

— Le plus flippant, ça a été de tirer avec ma jambe ! C’est infernal sans appui. Mais ça va, d’après le médecin, j’suis solide comme un roc !

Et heureusement, au nombre de fois où je me blesse. Ce qui m’embête, c’est plutôt d’avoir perdu toute piste pour Fouifi. Tant pis, on cherchera encore demain !
Je me rapproche de Krystal à quatre pattes en la voyant sortir son carnet, très curieuse de la voir à l’œuvre. Finalement, je m’installe à côté d’elle avec une vue plongeante idéale sur l’entame du dessin. Mes yeux suivent ses mouvements, curieux de la voir agiter son stylo ailleurs que sur le papier. J’allais rester muette tout du long, persuadée qu’elle avait besoin de concentration comme moi lors d’une véritable chasse, mais voilà qu’elle poursuit la discussion. Alors je réponds :

— Haha, lui ! Il fait preuve d’un talent incroyable quand il s’agit de se planquer. Mais c’est la première fois que je le vois bouder, d’habitude il se contente de trembler en me suivant comme si je l’y obligeais. Il est bizarre.

Impossible pour moi d’y comprendre quelque chose ! Ma Sabelette, au moins, elle s’exprime ! D’ailleurs, voilà qu’elle tourne la tête vers nous, ce qui semble faire accélérer l’opération dessin de ma camarade. J’essaye de mimer un truc, avec mes deux mains qui s’agitent devant moi, l’air d’ordonner à Coach de rester sans bouger, mais faut croire que je me débrouille moins bien qu’elle. Au contraire, elle se redresse d’un bond et accoure vers moi avant de m’interroger d’une tête levée.
Je m’excuse envers l’autre humaine d’une voix pataude :

— Ah… Désolé ! T’as pas eu le temps de finir, pourtant, c’était super bien parti !

On reconnait déjà l’animal sur son croquis, il ne manquerait pas grand-chose ! Hélas, Coach s’est mise en tête de nous parler – puisque moi, au final, je n’avais rien à lui dire –. Elle prend une profonde inspiration, un air sérieux sur le visage, puis entame ses premiers mouvements de bras.

Bizarrement, son "discours" débute par une ruée au sol, les mains en avant. Et voilà qu’elle creuse à pleines pattes jusqu’à avoir retourner une motte de terre aussi grande qu’elle. Elle consolide son œuvre du bout de ses griffes, condensant la terre sur elle-même pour s’assurer qu’elle ne s’effondrerait pas avant la fin de l’exercice. Une bonne chose de faite ! À présent, elle se retourne vers nous et pointe la motte de terre.

Je lui jette des yeux ronds. Autant d’habitude, ça va. Autant là…
Devant mon incapacité à la comprendre, madame se lance dans une seconde explication. Et quelle explication ! Elle s’est jetée par terre, et désormais, on entend plus d’elle qu’un long sifflement du tout début de son nom, tandis qu’elle se dandine au sol les mains et les pattes alignées, comme si elle essayait de ramper sans s’en servir.

— Un abo ?

C’est le son, qui m’y fait penser. Oh, et en y réfléchissant, la voir ramper ainsi, ça aide aussi. Elle se redresse, se mordille les lèvres d’un air hésitant, puis finit par repointer du doigt la motte de terre.

— Un abo de terre ?

Ça existe, ça ? Je jette un œil à Krystal, cherchant à la fois son réconfort et de meilleures idées tandis que la Sabelette s’écrase une patte contre le front. Son image ne marche pas ! Il lui faudrait quelque chose de plus marquant, de plus simple à comprendre.
Elle bondit sur place. Mais oui, c’est bien sûr ! La voilà qui me pointe de ses deux pattes à répétition, plus qu’excitée par sa nouvelle idée.

— Hein, moi ?

Quoi, je suis un Abo de terre ? Mais on m’avait pas prévenue !
Avant que je n’ai le temps d’embarquer dans une bêtise plus grande encore que celle-ci, Coach reprend son manège. Elle recule pas à pas et continue à me pointer d’une unique patte, et ce, jusqu’à se tenir à côté de sa grosse motte de terre. Là, sa griffe m’abandonne pour venir au plus bas de la butte et l’escalader de petits bonds guillerets. Elle me repointe une fois. Une seconde fois. Une énième fois, tout cela en poursuivant son escalade jusqu’au sommet de la motte de terre. Arrivée à son sommet, elle me pointe une dernière fois avant de tout dégringoler d’un coup et d’achever la chute au sol d’un poing sur l’herbe.

— AH ! J’AI COMPRIS ! C’est la dune Dunaja ! C’est là-bas que j’ai glissé !

Après un soupir de soulagement à en décrocher les nuages, la Sabelette bondit sur place en agitant ses bras vers les cieux. Mais attention ! Ce n’est pas fini ! Cette fois, Coach se pointe elle-même, puis y ajoute le geste qu’elle avait déjà singé à l’intention de Krystal, simulant une version plus petite d’elle. Enfin, l’ultime geste arrive : Madame creuse deux petits trous dans la motte.
Hein ? Celle là, je ne l’ai pas. Elle se repointe de la patte, puis refait un trou.

— Quoi, tu manges du sable ?

Bras en croix et roulé des yeux. Je dois être très loin de la vérité ! Tellement loin que la Sabelette préfère se tourne vers Krystal et reprendre son manège. Quand même, y’en a bien une des deux qui va comprendre le principal après tout ça ?!