Saison Un

: Obscure Prophétie

Alors qu’il bondissait de façon chaotique autour d’Anémone sans porter trop d’attention à ce qui l’entoure, Truc sentit une paire de main se refermer sur lui et… Le harceler de chatouilles ! D’abord surpris, le daim laisse rapidement place au fou-rire, cherchant à se défaire de son adversaire en remuant ses pattes dans tous les sens. Il en oublie de nager et coule à nouveau, jusqu’à se retrouver au sol à se rouler comme il le peut pour échapper aux assauts.
Fort heureusement, Anémone arrive à son secours ! C’est l’heure de la contre-attaque ! Truc se redresse, pousse sur ses pattes-avant afin de rejoindre l’humain d’un bond, la gueule grande ouverte, puis commence à mordiller sa chemise pour le chatouiller de ses fausses morsures.

Enfin, ça, c’était jusqu’à ce que les tentacules du Lila censées chatouiller Jack ne le touche également. Logique, après qu’il se soit jeté sur la cible ! Grimpant à la force de ses pattes jusqu’aux épaules de Jack, le daim remue la tête de gauche à droite avec sa gueule grande ouverte, cherchant à attraper les tentacules qui s’agitent avec tant d’aisance tel un chaton au-devant d’un fil de laine. Il tend le cou, essaye, essaye, essaye… puis perd l’équilibre et se retrouve à glisser entre les deux adversaires.
Des rires, à nouveaux. Inaudibles, mais bien visibles sur son visage enfantin. Truc s’amuse comme un petit fou ! Il en oublie Kata, en oublie sa vie. Il voudrait que ce moment dure éternellement.


Les joyeusetés de la surface sont bien moins appréciées. Du moins, si la comparaison consiste à rapprocher Truc de notre chère Luna.
Les deux starlettes se jaugent, chacun désignant l’autre comme inférieure. Non ? Non, pas exactement. Ce point de vue est sans doute celui de Luna. Pour le mouton, la chatte n’a rien pour elle. Rien de plus que le sale cabot entre ses pattes en tout cas. Le Moumouton d’or se fiche bien qu’elle soit mistral. C’est une étrangère, comme les autres : qu’elle dégage !

J’aurais ri d’une incartade entre deux créatures bénies par la nature. Tout cela aurait surement donné un affrontement digne d’un crêpement de chignons ! Hélas, c’est une véritable déception d’entendre ce que la femelle me rétorque cette fois-ci. Non contente d’avoir ignoré ma question dans un premier temps, voilà qu’elle marchande une réponse contre ma protection ! D’autant plus en laissant tomber toute forme de respect. Je m’esclaffe, pivote dans sa direction et la fixe de mes pupilles orangées.

Vraiment ? Elle vient vraiment de dire ça ? Je l’aurais aidée, si elle me l’avait demandé normalement. Tout comme je l’ai aidée la première fois, si blagueuse qu’ait été mon intervention. Tant que cela reste en mon pouvoir et qu’aucune de mes mises en scène s’en retrouve perturbée, je n’ai rien contre donner un coup de main. Par contre… Non, je ne marchande pas. Ai-je vraiment l’air d’un mercenaire ?

— Pitrouille.


Et cette fois, en prime, c’était insultant, d’où ma froideur.
Le rocher tremble, sous le choc des deux pattes-arrière du mouton frappant la pierre de colère. « Dégagez, dégagez ! » Qu’il nous balance à chaque nouvelle frappe, ses deux sabots contre la pierre. Sa femelle s’inquiète pour lui, de crainte qu’un de nous n’ait la mauvaise idée d’engager les hostilités. Il est le chouchou du troupeau, il serait malheureux qu’il arrive quoi que ce soit à sa splendeur.
Deuxième coup. Tout cela va finir par réveiller nos deux dormeuses ! Pourtant, je reste sans bouger, fixant la chatte de mon regard insistant. Le mouton bêle à nouveau, prêt à frapper le rocher jusqu’à ce qu’il se fende en deux.
Bien, assez joué. Je descends de mon perchoir et atterrit devant l’animal pour le fixer de mon regard mauvais. Madame m’a mis de mauvaise humeur, je te conseil d’obéir petit Moumouton…
Je lui susurre quelques mots à l’oreille, pointe quelque chose au loin, puis m’éloigne sans plus d’insistance. Perplexe, l’animal lance des coups d’œil inquiets autour de lui, notamment dans la direction que j’ai pointée, puis décide que la bataille n’en vaut pas la peine. Après un dernier regard mauvais à l’intention de la chatte et la puérilité d’une langue tirée, il poursuit sa route comme il l’aurait fait sans notre interruption pour sustenter sa soif.

Mission accomplie ? Eh ! Qu’elle le prenne comme elle l’entend. J’ai d’autres chats à fouetter. Ce qui est sûr, c’est que je ne retourne pas sur le rocher, préférant reporter mon attention sur les nageurs en voletant au-dessus de l’eau.

Truc accepte les caresses de l’humain sous l’eau, léchant la main qui le flatte. Il est redevenu aussi mignon qu’un Vivaldaim des forêts. Même moi, je m’en étonne. Je le pensais plus abattu que cela, le Truc ! Qui aurait cru qu’une simple baignade puisse tant lui redonner d’espoir ?

Jack remonte, laissant les deux autres à leurs jeux. Comprenant que l’humain devait respirer une fois encore, Truc tente de grimper sur la tête de la plante malgré les dangereuses tentacules qui la protègent !

Je salue l’humain d’une ailette en ricanant, acquiesçant à sa première question avant de réfuter sa proposition de baignade. Après-tout, nous n’avons rien d’important à relever, n’est-ce pas ? Rien d’autres que de vulgaires broutilles. La chatte et la chienne dorment, et les moutons broutent.
L’idiot du village m’a également rejoint. C’est vrai que lui, le pauvre, je ne lui ai porté aucune attention jusqu’ici. Il faut dire que les idiots ont cette faculté incroyable de n’avoir besoin de personne pour jouer leur propre rôle. Comment pourrais-je mieux le guider que lui-même ? Impensable, ma pensée est bien trop saine, logique… tout ce que je peux faire, c’est interagir et constater. Par exemple :

— Pi, trouille.


Tiens ? Il y a encore de l’agitation parmi les Moumouton. Certains s’éloignent de la berge, laissant derrière eux une fillette en maillot de bain qui observe le lac avec une main en visière.
Kata ! Elle est finalement venue ! Je lui fais un signe de la main. Elle me répond et comprend que Jack est en dessous. Vu sa tenue, je pensais qu’elle rejoindrait l’eau aussitôt, mais à la voir s’asseoir au bord du lac sans tremper davantage que ses orteils, je comprends qu’elle n’est pas plus pressée que cela. Son air parait mitigé. On sent qu’elle n’est pas venue d’elle-même, et en même temps, qu’elle s’inquiète. Surement qu’elle a appris que Jack comptait faire se baigner Truc aujourd’hui ! Alors en ne voyant ni l’un ni l’autre émerger…
Tout va bien, Kata, ne t’inquiète pas. Du moins, pour l’instant.
À ses côtés, Split. L’Insolourdo suit l’humaine comme une ombre. Encore que… je doute qu’il l’accompagnerait si elle décidait de faire trempette. Sa dernière tentative a prouvé qu’il était un piètre nageur, bien qu’il en soit capable. En tout cas, ces deux-là sont partis pour attendre encore quelques temps avant qu’on ne les repère.

Faut dire qu’ils s’amusent toujours, les baigneurs ! Truc a eu bien du mal à rivaliser avec la plante aux tentacules, si à l’aise sous l’eau. C’est un soulagement de voir l’autre adversaire revenu ! Un chacun pour soi rééquilibre toujours la balance ! Coup de pattes, le petit daim bondit à nouveau en direction de Jack. Sauf que cette fois… Plus de chemise à agripper ! Le daim grignote dans vide, ne frottant que son museau contre le torse du garçon sans savoir quoi faire. Bah mince alors ! Il ne va pas être obligé de vraiment le mordre, quand même ?

Cherchant un nouvel angle d’attaque, Truc patiente en repoussant les assauts de l’humain de ses pattes, toujours aussi joueur. Il tente de passer entre les mailles du filet, nage comme il peut… et trouve finalement quelque chose à quoi s’agripper !
Le seul tissu que Jack a gardé. Truc vient d’agripper son caleçon alors qu’il passait en coup de vent après l’un de ses bonds, loin de réaliser son geste. Après-tout, pour un Pokémon toujours tout nu, ces tissus que trimballent les humains sont bien tous les mêmes !

J’éclate de rire en voyant cela. Pauvre petit Jack, il n’a vraiment pas de chance avec son patient. Et pour une fois, le daim n’a vraiment pas fait exprès !

Me revoilà ! Ça faisait longtemps !
La veille fut assez compliquée, tant pour mon cerveau qu’au niveau sentimental. J’ai eu beau en parler des heures avec ma maman, je sais toujours pas quoi penser. D’ailleurs, pourquoi tout ce micmac si c’est pour redevenir Jack aussitôt ? Je comprends pas.
Pourtant, Papa semblait plus en colère quand je suis rentrée. Et après une bonne nuit de sommeil, il m’a même conseillé de venir jusqu’ici, annonçant que je devrais y trouver Jack et Truc.
Truc ? Quelle drôle d’idée ! Je pensais qu’il était reparti en même temps que Jojo, pas que Jack l’avait embarqué. Tant mieux, en un sens ? C’est toujours bien un peu de changement pour le daim. J’espère juste que tout se passera bien ! La dernière fois, il s’est jeté à l’eau sans prévenir le vilain ! Loin de me douter qu’il a recommencé, j’observe l’eau dans l’attente qu’une tête resurgissent, loin de m’imaginer ce que j’ai raté jusqu’ici.

Truc s’amusait avec le caleçon du garçon sans en réaliser l’importance. Puisque tout n’était que jeu, il crut à une nouvelle partie en voyant l’humain essayait de reprendre son bien, et ne réalisa en rien la gêne de l’humain. Victoire ! L’humain remonte seul !

Je salue Jack en retour, malgré ma moue incertaine. Je sais pas quoi lui dire.

— Ça… ça va. Truc est avec toi ?

En disant cela, j’espérais qu’il réfuterait. Cela faisait bien trop longtemps que j’attendais de voir le daim resurgir pour que tout aille bien ! Et en même temps, tout le monde semble faire comme si de rien était. Même Ciboulette s’amuse de voir Cupidon le traverser pour s’étaler sur Jack ! Il laisse derrière-lui son expérience sur le petit attardé (À sa réponse, il parait évident qu’il n’y a rien d’autre à en tirer !) et revient plutôt vers moi, mimant un pouce levé de son ailette droite. Bon… si même lui le dit… mais du coup, pourquoi il s’en va ?
La citrouille déserte la scène en direction de ma maison sans rien dire. J’ai presque l’impression de l’avoir fait fuir. Pourtant, il me souriait ! Ça doit être autre chose.

J’attends que Jack refasse surface (bien que je me sois déjà redressée d’inquiétude). À nouveau, il me dit que ça va. Tout le monde. Mais vu son air gêné, bien que naturel chez lui, je reste inquiète.

— J’arrive !

Il va pas avoir longtemps pour récupérer son caleçon, le Jack ! Heureusement, Truc se montre presque coopératif. Alors que jusqu’ici il grognait et tournait la tête sitôt que les tentacules d’Anémone s’approchaient de sa trouvaille pour la conserver, les mimiques pressées du garçon eurent raison de sa logique : surement que Jack veut changer de jeu ! Il lui lâche le caleçon et dresse les oreilles, curieux et tout enjoué de voir la suite.
Pour ma part, j’ai pris mon temps avant d’entrer dans l’eau en me mouillant la nuque avant d’avancer pas à pas jusqu’à ce que l’eau m’arrive au buste. Seulement là, je m’élance en gardant la tête hors de l’eau jusqu’à Jack. J’attends qu’il ressorte la tête pour lui parler. Je crois que je vois Truc qui nage en bas. Est-ce que Jack lui a mis une espèce de tuba, ou un ballon avec de l’air dedans ? Surement un truc spécial d’exercice de ses machines de soin !

Au moins, je m’inquiète plus. Je peux atteindre en toute sérénité que le garçon ressorte la tête de l’eau pour lui parler. Sauf qu’au début, les mots me viennent pas. J’allais lui parler d’un truc, ou d’un autre. Je sais plus. Je sais même plus à qui je dois m’adresser. Néanmoins, mes pensées revenant sur Truc, j’arrive à mettre de côté mes troubles pour revenir au principal :

— Alors, vous faites quoi ? Truc il se débrouille bien ? Papa m’a dit que tu allais le baigner pour son soin aujourd’hui.

Mon timbre est plutôt froid, par rapport à d’habitude, mais sans aucune agressivité. Je fais tous les efforts du monde pour rester normale et oublier tout ça.

Après Truc, c’est au tour d’Anémone de perturber les plans du pauvre Jack. Je remarque rien, n’ayant que des formes mouvantes en dessous de moi pour constater ce qui arrive. D’ailleurs, voilà Anémone qui remonte vers la surface ! Est-ce que… Est-ce que c’est un caleçon qu’elle trimballe au bout de ses tentacules ? Hum. J’ai dû mal voir, avec les remous de l’eau et tout…

En tout cas, Jack a dû me repérer puisqu’il remonte à son tour, très enthousiaste, au point d’obliger sa camarade plante à l’éviter pour lui laisser le champ libre. Bref, le principal est là : sa tête ressort de l’eau pour m’écouter. C’est bizarre, pourquoi il est en chemise ? Et pourquoi il la porte ainsi ? J’ai l’impression de moins en moins le comprendre, mon copain Jack, comme s’il me manquait encore les trois quarts des pièces d’un puzzle avec beaucoup trop de pièces pour moi.

Pourtant, Jack est redevenu Jack. Avec ses mimiques gênées, ses mots répétés et son timbre si hésitant. J’ai un peu de mal à croire ce qu’il me raconte : Truc qui respire sous l’eau ? Mais c’est un Vivaldaim ! Comment ça se fait ?
J’écoute la suite avant de répondre. Voilà qu’il me félicite. Je rougis un peu. C’est gênant d’être félicité quand on a dans l’idée mille engueulades ! Le pire c’est qu’il est le premier à me le dire, alors ça me fait vraiment plaisir. Pasque c’est dur, de s’occuper de Truc.
Mais ce qui m’achève, c’est la suite. Un régime ? Là, je pouffe, incapable de me retenir.

— Ça sera beaucoup plus dur que de lui apprendre à nager !

Lorsque mon calme revient, mes yeux se reportent sur le garçon. Et aussitôt, je me fige, prise d’un malaise. Oups. Je devais être fâchée, moi ! Devenue toute rouge, je plonge aussitôt pour faire comme si de rien était.

Au fond de l’eau, Truc a repoussé les tentacules d’Anémone, un air d’inquiétude sur le visage. Il m’a repéré. Il sent que mon arrivée marque la fin du jeu. Je vais descendre, l’attraper, puis le ramener sur la terre ferme comme Técla. Mais s’il s’était montré réticent et presque agressif face à Jack, c’est un daim résigné qui m’accueille. Il sait que moi, j’abandonne pas, même s’il râle pendant des heures. Il a essayé, durant nos premières séances d’entrainement. Résultat ? On a passé une journée entière à s’occuper de ses pattes au lieu d’une petite heure, jusqu’à avoir fini tous les exercices de l’infirmière, sans exception et sans rien bâcler.

Il se laisse tomber en arrière tandis que je plonge jusqu’au fond de l’eau et l’enserre de mes bras. La déception est lisible sur son visage alors que moi, à l’opposé, j’ai l’air si soulagée de le voir en forme. Jack avait raison, il respire vraiment sous l’eau ! Je le serre dans mes bras pour le féliciter de ce miracle. Sauf que lui n’a aucune réaction. Il détourne même le regard, fuyant le mien pour lui préférer le néant au fond du lac. Du coup, je fais la seule chose qu’il me vienne en tête : remonter à la surface.

— Est-ce que tu vas bien, Truc ? T’es tout bizarre !

Toujours aucune réponse. Le daim est aussi amorphe que la veille au soir, après que l’Halloween se soit éteinte. Je me tourne alors vers Jack, ou attend qu’il remonte s’il a replongé pour l’interroger :

— Il a été comme ça tout le long ? Ou il a réussi à nager un peu quand même ? C’est bizarre, il avait l’air d’avoir tant envie de nager !

Peut-être qu’il a encore pas aimé les exercices ? Ou que j’ai raté quelque chose ?

Pendant ce temps… Une certaine citrouille des calamités bien connue a fini son aller-retour. L’idée lui est venue en voyant le regard plein d’amour de Jack devant ses Pokémon endormis sur le rocher. Il est vrai qu’elles sont trop mignonnes, les deux dormeuses ! Alors voilà. Ciboulette dépose l’appareil photo polaroid devant elles, dans un cadre parfait, en cache le flash de sa personne, puis appuie à deux reprises sur le bouton. Tchak, tchak. C’est dans la boite ! Dans un grand sourire, il reprend ses affaires, abandonnant derrière-lui une des deux feuilles encore noires pour que la chatte la voit quand elle se réveillera, puis repart son "méfait" accompli. Il semble avoir d’autres plans en tête, surement qu’il reviendra très bientôt !

Hop-là, tout le monde remonte ! Jack et Anémone suivent leur camarade ramené de force à la surface. Puis Jack me répond.

Dans un premier temps, je hausse les sourcils sans comprendre ce dont il me parle. Lui faire confiance ? Mais je lui fais vachement confiance à Truc ! C’est même mon deuxième camarade de chasse, il nous accompagne toujours partout et il joue super bien son rôle de regardeur !
Du coup, je vois pas ce dont il me parle, Jack. Il insiste, desserrant mon étreinte sur le pauvre daim. Étreinte qui se referme sitôt que je l’entends comparer notre histoire avec la sienne. J’ai même un mouvement de recul dans l’eau pour qu’il ne me touche plus. Truc ? Partir ? Non ! Je refuse ! J’ai déjà perdu Fouifi, je veux pas que Truc il parte aussi !

La suite me fait douter davantage. Le surprotéger ? Mais il est handicapé, le pauvre ! Par ma faute, en plus. C’est normal que je sois ses jambes, non ? Que je fasse tout ce qu’il peut pas faire pour lui, et que je le protège toujours comme il devrait pouvoir se protéger tout seul si je l’avais pas blessé ! Il m’est impossible de comprendre ce que j’ai raté. Comment pourrais-je être responsable de cette mine déprimée que le daim nous renvoie alors que je dévoue tant de ma vie à l’aider ? Je secoue la tête, la bouche tremblante. Non, je comprends pas ! C’est pas logique tout ce qu’il dit !

Jack propose alors de s’en remettre au daim, posant une main sur mon épaule. Mon regard plonge dans celui de Truc. Lui cherche mon approbation sans y croire.

— Tu… Tu pars pas, hein ? Jamais ! Si… Si te plait…

Vu la tête d’idiot qu’il me lance, Truc n’a aucune idée de pourquoi je lui demande ça. Ça ne lui serait jamais venu à l’esprit de partir : de un, il en est incapable, et de deux, je suis son garde-manger. Jamais il ne parviendrait à se nourrir seul en pleine nature.

Je défais mon étreinte, lentement, mes bras tremblant de doute en sentant les premiers mouvements du daim se jetant à l’eau. Et comme Jack l’avait prédit, le voilà qui reprend vie. Bien moins qu’avant mon arrivée, mais ses pattes-avant s’agitent, l’aident à battre les flots pour tenter de se maintenir en hauteur. Il me regarde un moment, cherchant une nouvelle fois mon approbation. A-t-il le droit de continuer, ou vais-je à nouveau le rattraper s’il ose faire autre chose que me montrer ce dont il est capable ?

Je porte une main sur mon visage, cachant mes mordillements de lèvre avant de hocher la tête. Truc se dirige alors vers Anémone, cherchant à toucher la base de l’étrange fleur pour lui demander de reprendre les jeux malgré les coups d’yeux méfiants et incessants qu’il lance vers moi.

Soupir. Celle-là, je l’avais pas vue venir.

— Je suis vraiment nulle, hein ?

Ce ton est étonnamment léger. Surtout sachant ce qui vient d’arriver. J’ai cligné des yeux, respiré un bon coup, et voilà. Le choc est passé. Pasque, si terrible que ce soit… C’est ni la première ni la dernière fois que ça m’arrive. Quand il s’agit de Pokémon, je porte mon nom à merveille.

— Papa et maman, ils comprennent les Pokémon comme s’ils parlaient notre langue. Mais moi, sur touuuuus les Pokémon que j’ai vu, j’en comprends pas un seul. Même quand je crois tout bien faire, que je suis ce que des gens disent de faire ou que je crois que ça va, tout va quand même de travers.

Nouveau soupir. La suite est encore pire dans ma tête :

— Pis toi, tu passes un jour avec Truc, et tu comprends tout ce qu’il arrive pas à me dire depuis des mois. Si c’est toi qu’il avait suivi, Truc, il se serait même jamais pris de balle pasque t’aurais compris qu’il essayerait de se faire toucher exprès.

Là encore, je dis cette horreur sans m’énerver. Là encore… je le savais déjà, en fait. Je l’ai toujours su, et c’est pas la première fois que ça se vérifie. Je suis une très mauvaise dresseuse, détestée par la moitié de ses Pokémon, ignorée de l’autre. Je garde mes yeux rivés sur le daim nageur, plus dépitée qu’autre chose.

Pendant ce temps, Split attend sagement au bord de l’eau en compagnie des Moumoutons. Enfin… il fait les cents pas de gauche à droite. En fait, lui, il est exactement pareil. Sauf que c’est pas Truc qu’il protège, c’est moi.