Saison Un

: Obscure Prophétie

— Eh bah, si on a besoin d’un crash test pour le pont une fois terminé, en voilà un qui fera parfaitement l’affaire !

Sans surprise, Prince a trouvé la blague du monsieur bien moins drôle que moi ! Il souffle sa frustration de ses naseaux, se retenant clairement d’agir face à ce gros ouvrier, lequel aurait bien mérité d’apprendre qu’il pesait plus lourd que l’énorme serpent malgré sa taille.
Faut dire qu’il se fait remarquer, Prince, avec sa belle collerette chromatique mêlant l’argent et l’or et ses quatre mètres de long. D’autant plus qu’il se contente de longer l’énorme gouffre, à proximité du pont sur lequel les ouvriers travaillent encore. Ils ont bien avancé, déjà ! Ils disent qu’ils auront bientôt terminé et que les convois pourront reprendre dès demain.

À l’origine, j’étais venue pour ça, d’ailleurs. Pour traverser. N’ayant pas été mise au courant de la destruction du pont, ni de sa réparation, j’avais simplement pris la route habituelle pour aller de Carcakrok à Frîme. Puis j’ai vu tous ces gens attroupés, et ils m’ont dit qu’ils avaient justement besoin de ranger pour les protéger, alors je suis restée. Que voulez-vous : toujours prête pour aider les gens !

Bon, c’est vrai que je suis pas au meilleur de ma forme. Pas sûr que je sois d’une grande aide à passer la moitié de mon temps endormie contre Prince, mais au moins la présence du gros Dunaconda rassure un peu les ouvriers, tout en éloignant quelques Pokémon sauvages un peu trop curieux. Et puis, parfois, je suis réveillée quand même. Pas très souvent, mais un peu, comme en ce moment.
Mes yeux brillent toujours de cette légère lueur orangée, rappelant la présence de Ciboulette malgré que sa faiblesse l’empêche de contrôler mon corps. Je sais juste qu’il est là, et ça me rassure. Il se remettra. On s’en remettra. J’en suis persuadée.

— Excusez-moi ?

Je tourne la tête, surprise. C’est un des scientifiques qui accompagnent les ouvriers. Il traine derrière-lui une charrette blindée d’équipements dont le grésillement continue me parvient aux oreilles. Surement des trucs de mesure je sais pas quoi bizarres. J’ai jamais vraiment aimé ces machins-là, moi.

— Je chercherais quelques personnes pour m’accompagner en bas avec mon équipement, il faudrait faire de nouvelles mesures pour vérifier la stabilité des parois et s’assurer qu’elles ne s’effriteront pas au passage d’une charge trop lourde.

Ah ? Ben si tu le dis. Moi, je suis pas trop là pour comprendre, juste pour aider. Alors je hoche la tête gentiment pour lui confirmer mon aide. Pas sûr qu’il ait fait le meilleur choix, mais bon. On essayera de l’aider comme on peut !

Il me remercie, me demande d’attendre un peu, puis repart chercher d’autres bonnes âmes qui seraient volontaire pour cette quête avant que nous ne nous engagions sur les pentes escarpées des gorges.

Je n’étais pas vraiment à ma place. Tout ce petit monde autour de moi s’organisait pour réparer le pont. Comme toujours, j’avais voulu aider, mais force était de constater que je n’étais pas la mieux placée pour ce genre d’activité. C’était quelque chose de physique. Pas vraiment mon domaine. Même mon équipe n’était pas vraiment tournée vers des activités physiques.

Au moins, Haret pouvait aider un peu en transportant l’un ou l’autre morceau de bois, mais cela n’empêchait pas les ouvriers de discuter entre eux et de se moquer ouvertement de ma faiblesse et je ne pouvais leur en vouloir. J’étais effectivement assez faible physiquement. Mais personne ne me congédiait.

Pourtant ce n’était pas mon équipe qui allait m’aider à rester. Ils n’étaient pas très puissants et pas très imposant. Luna restait trop mignonne, Rôti volait haut dans les cieux. Mais cela se corsait avec Haret. Le tentacruel se montrait particulièrement protecteur et un tel pokemon avait toujours un côté un peu effrayant. Mais le pire, c’était Morphée et Obscura. Deux spectres qui me tournaient autour.

Beaucoup auraient surement préféré que je parte. J’étais inutile en ce moment. Mais on me gardait pour une raison : j’étais ranger et scientifique. Je devais servir de tête. Hé ben, ce n’était pas vraiment comme si mes connaissances allaient réellement m’aider dans ce genre de travail. Alors, j’attendais. Et finalement, un scientifique se présenta à moi.

« Excusez-moi. Vous êtes bien scientifique et ranger ? J’aurais besoin de vous pour vérifier la stabilité des parois. J’ai déjà croisé une jeune ranger qui a accepté de m’aider. »
« Ce sera avec plaisir, Monsieur. »

Sur ces mots, je le suivis, accompagnée par mes pokemons, mon revolver à ma ceinture. Il était surtout là à but décoratif à vrai dire. Je n’avais pas encore appris à m’en servir et je n’étais pas vraiment pressée d’apprendre. Je n’avais jamais aimé la violence. Mais c’était une nouvelle loi et je m’y pliais.

Marchant tranquillement, je finis par arriver à la personne qui devait nous aider. Mon cœur loupa un battement. Je ne la voyais pas encore totalement, mais je pouvais voir son aura, mais l’aura était faible. Etrange. Mon cœur rata encore un battement quand je reconnus la ranger : Kata… Sans y réfléchir, je me mis à courir.

Elle était vivante. Elle qui avait tant souffert. Je continuais à courir. Soulagement, inquiétude, perplexité, confusion… Je ne savais même pas quoi ressentir. J’étais juste à côté d’elle. J’étais essoufflée et le scientifique était derrière moi, totalement incompréhensif de la situation.

« Je… Je… Parle à qui ? A toi Kata ? Ou au spectre ? »

Je reprenais mon souffle. J’aurais voulu la prendre dans mes bras, mais je ne savais pas si elle était elle-même ou non. Alors j’étais là, les mains sur les genoux, reprenant ma respiration.

Kata rigola. Enfin, pas de moi. Mais de la situation, je pense. Après tout, je ne lui avais jamais dit explicitement que je voyais les possessions ou les spectres. Cela m’avait échappée. Quoiqu’il en soit, elle semblait effectivement en contrôle. Enfin, du moins, si c’était le spectre, il était réellement un bon comédien.

Mais elle semblait très fragile. Elle semblait fatiguée. Elle me faisait de la peine. A vrai dire, je n’étais pas beaucoup mieux avec cette maladie qui faisait des ravages un peu partout. Aujourd’hui, j’allais relativement bien. J’avais des hauts et des bas, bien plus souvent des bas cependant.

« Hmm… N’en fais pas trop. »

Mais on avait à peine le temps de bavarder que le scientifique nous remit en route. On devait descendre à présent. J’en oubliais même sa remarque et nos missions. Cela faisait tellement de temps. C’était une autre vie pour moi. J’avais tellement vécu en 5 mois.

J’observais devant moi cet énorme serpent, un nouveau compagnon de Kata ? Quoique… Cela faisait tellement longtemps. Il n’était peut-être pas si nouveau que ça. Lui souriant, je me présentais à mon tour.

« Bonjour Prince. Je suis Vivia Lowine. »

Derrière moi, mon équipe revenait un peu perdu. Bon sang, c’était vrai qu’ils ne connaissaient pas vraiment Kata. Une petite présentation s’imposait.

« Ha, Kata, il faut que je te présente mes nouveaux compagnons. Le tentacruel, c’est Haret, c’est un peu le petit ami de Luna. Le feuforêves avec la peluche pikachu à son collier, c’est Morphée. L’autre, c’est Obscura. En réalité, ils ne sont pas si nouveaux que ça. Je les avais déjà avant, mais ils préfèrent être discrets. Et dans le ciel, il doit y avoir Rôti. C’est un rapasdepic qu’on m’a confié. »

Et hop, une fois les présentations faites, nous partimes. Au vu de l’étroitesse du sentier, je préférais faire rentrer Haret. Il n’aurait clairement pas été à sa place. A côté de nous, les trois petits pokemons restant lévités tranquillement. Prince faisait un excellent guide d’ailleurs. Juste derrière Kata, je voulus reprendre notre conversation interrompue.

« Oh, Kata. D’ailleurs, ta mission au musée, ça a… »

Ma voix se fit incertaine. Je me tus un instant, un peu hagard. Je me sentais faible. Non, non… Je faisais une chute de tension. Pas maintenant. Je perdis l’équilibre.

« FEUFOOOOO. »

Cris de désespoir d’Obscura. Je chutais vers la rivière. Mais une silhouette brune piqua vers moi, attrapant mes épaules dans ses serres. Rôti nous avait vu et il s’était jeté sur moi pour me rattraper. Tout doucement, il me déposa au sol, un peu plus bas. Là, j’avais moins de chance de tomber. J’avais eu de la chance pour le coup. Restant encore un peu assise, je reprenais mes esprits.

Kata avait bien progressé depuis la dernière fois. Elle avait obtenu beaucoup de nouveaux pokemons. Elle avait aussi une rapasdepic ! Et encore bien d’autres pokemons. Elle n’avait pas chômé depuis notre dernière rencontre. Je devais faire un peu pitié avec mes 5 pokemons alors qu’elle dépassait déjà les six.

Oh, Kata accourait déjà vers moi. Hm, ah, oui, j’avais failli mourir. Aurora m’aurait tué si j’étais tombée tout en bas. Je reprenais peu à peu les fonctions de mes membres et de mon corps. Quelle plaie.

« J’ai fait un petit malaise. Plus de peur que de mal. Oh, toi aussi tu l’as attrapé. »

Une quinte de toux me prit justement à ce moment, accentuant mes dires. J’étais effectivement bien malade. Déjà, Kata me tendait une corde. Ha, oui, m’attacher pour ne pas tomber. C’était assez malin de sa part. Quoique… Elle ne semblait pas vraiment être très en forme et ce n’était pas le scientifique qui semblait avoir beaucoup de force. Si quelqu’un tombait, on risquait tous de tomber… Enfin, je ne savais pas trop, j’avais encore l’esprit embrumé.

Machinalement, je m’attachais. Oh, Prince tenait également un bout de la corde. Parfait ! Tiens, Obscura se collait contre moi. Visiblement, elle avait eu peur de ma chute. Un spectre qui craignait pour ma vie, c’était assez drôle comme situation.

« Ne t’en fais pas, Obscura. Ca va aller. Prince nous aidera si il y a un problème. »

D’un œil bienveillant, Rôti me regarda avant de prendre son envol. Il allait probablement nous surveiller de très près.

« Oh, vous avez de bonnes idées toi et Prince. Vous devez être efficace en mission avec votre force. Je devrais peut-être m’en inspirée car la dernière fois… »

« Excusez-moi Mesdemoiselles, mais vous avez déjà failli tomber il y a peu. Ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour parler ! »

« Oh… euh… désolée. »

Je baissais les yeux pour surveiller mon chemin. Je semblais encore poser beaucoup de soucis à d’autres personnes. Certaines choses ne changeaient jamais.

Faisant attention où je marchais, je vis tout de même ta tête de Kata. Elle se moquait du scientifique. Je lui souriais légèrement, bien que je ne partage pas son amusement. Je n’étais pas du genre à me moquer d’autrui. J’avais tellement été victime de brimade que je ne pouvais infliger ça à autrui.

« Oh, merci. Heu… Oui, je la connais un peu. Elle est la sœur de ma petite amie. On a pas pu beaucoup parler. »

Ainsi, Kata connaissait aussi Théa. Le monde était si petit. Mieux valait que je garde pour moi ce que j’avais pu apprendre sur son cas. Je n’étais pas vraiment sûre que Kata veuille apprendre toute cette histoire de famille et de spectre.

Kata ne finit pas sa phrase. On venait de se stopper net. Visiblement, le scientifique était choqué de quelque chose. Un cadavre de Cabriolaine. Luna cria immédiatement à la vue de la chèvre morte. Haaa, elle devait penser à Fromage.

« Luna, ce n’est pas lui, c’est un autre de son espèce. »

Visiblement peu sûre de l’information, elle préféra se poser sur ma tête, assez soucieuse de la situation. Silencieuse, j’écoutais les commentaires de Kata. Même si j’étais empathique, même si j’étais biopoké, la vue d’un cadavre ne me choquait pas. Je trainais dans des cimetières, la mort ne me dérangeait pas en soi. Elle était une cause naturelle. Par contre, ça me perturbait.

« C’est bizarre… Personne n’a touché au cadavre… Il a juste été tué. Mais ce n’est pas mon domaine les attaques de rongeurs. Si c’étaient des spectres, j’aurais pu faire quelque chose comme… »

Mes yeux s’ouvraient en grand. C’était vrai qu’elle me l’avait dit. Son fouinette était quelque part ici. Elle risquait d’être en danger.

« Heu Kata, ta fouinette, elle ira bien ? Tu sais avec les rongeurs agressifs, elle pourrait être en danger. »

Je regardais un moment Kata… Heu ? Je crois qu’elle n’avait pas réellement compris. Ha. Je me souvenais de Sally. Elle ne pensait pas non plus qu’une fille puisse être amoureuse d’une autre fille. Hm, ce n’était pas la chose la plus facile à expliquer selon moi.

« Heu, non, Kata… C’est pas pareil… C’est mon amoureuse si tu préfères… »

Je n’étais pas vraiment sûre qu’elle accepte aussi facilement cette idée. Mais je ne renierais pas Aurora et l’amour que je lui portais, juste pour ne pas choquer Kata, même si je l’appréciais. Je voulais assumer qui j’étais et ce que j’éprouvais. Je voulais pouvoir affirmer qui j’étais et ne plus juste vivre à travers les autres.

Visiblement, je me trompais sur cette fouinette. Elle pouvait largement se défendre. C’était une bonne chose pour elle. Je regrettais peut-être même un peu qu’elle ne soit pas là pour nous défendre. Ça aurait pu nous être utile. Mais pas le temps de penser que notre groupe fut déstabilisé. Qu’est-ce qui s’était encore passé ?

Je me retournais pour voir le Kraknoix. Ha, le pauvre, il se faisait insulter pour suivre son comportement. Ce n’était pas juste. Vraiment pas juste. Ensuite, c’était à notre tour de s’en prendre plein la poire. Mais on essayait juste d’aider. Pourquoi est-ce qu’il s’emportait autant ? En plus, c’était lui qui était venu vers nous. Ce n’était pas correct. Je m’approchais derrière lui, passant ma tête sur le côté, un sourire éclatant sur le visage.

« Désolé, cher monsieur. On pourrait essayer de reprendre une expédition dans la bonne humeur.»

Hm, je retournai en arrière au côté de Kata. Son regard me scrutait avec intensité… Je… Il ne s’attendait vraiment pas à ce que j’essaie d’arranger les choses. Cela me mettait quelque peu mal à l’aise. J’espérais ne pas avoir fait de bêtise.

« B-bien… Oublions cette histoire. Vous n’y êtes pour rien… au final. Je suis désolé…»

Je lui adressais un petit sourire. Il semblait avoir décidé de nous donner une autre chance. C’était parfait.

« Oh, d’ailleurs, concernant ta… »
« OUAH. »

Je regardais le scientifique. Il se passait quoi ? Paniqué, il se retourna vers nous. Son doigt pointait quelque chose.

« J’ai vu… un pokemon recouvert de sang… Je… Je… Peux vous laisser gérer ? »