Saison Un

: Obscure Prophétie

Ça fait plaisir de voir Jack rigoler comme ça ! En plus, ça me met tout de bonne humeur aussi, même quand il s’amuse à m’embêter ! Tant pis si on n’a pas réussi à caresser Piège, on est quand même encore plus sûr qu’avant qu’elle pense qu’à manger.

Poum, Truc et Luna qui tombent au milieu du tas de sable de Jack. Je peux pas m’empêcher d’en rire, surtout en le voyant s’énerver ! C’est si mignon ! Presque aussi mignon que Truc qui relève la tête d’un air abasourdi, cherchant à comprendre comment il a subitement atterri au milieu du désert pour en avoir jusque sur le museau. Il en a presque oublié sa douleur à la queue.

Je fais une gentille tape sur l’épaule de Jack puis ramasse son balai pour finir ce qu’il a commencé. Ah, non, faut virer Truc avant. Je fous le daim sur la table, puis reprends le travail. Un peu déçu de cette partie express, Truc étale sa tête sur ses pattes d’un air tristoune.
Allez, j’ai presque fini le ménage ! À mon tour, j’ai fini mon gros tas de sable réuni en un point pendant que Jack faisait ses bagages, plus qu’à tout ramasser !
Du moins, je le pensais. Mais le temps que je me retourne pour prendre de quoi transvaser le sable dans une poubelle, le daim est retombé de la table directement sur l’objet de mes efforts, et tout est à recommencer. D’abord surprise que Truc ait réussi ce tour de force malgré ses pattes inaptes, je réalise bien vite la vérité en remarquant qu’il se noie une seconde fois dans le sable, n’ayant absolument pas prévu cette situation. Sur la table, Fouifi ricane de bon cœur devant mon air déconfit. Faut croire que le comique de répétition, parfois, ça a du bon !

— Fouifi !

Elle s’arrête de rire un instant, me défiant du regard comme si elle attendait de voir la punition que je lui réserve. Un soupir, voilà tout ce que je peux lui faire à la vilaine ! Son rire reprend de plus belle devant mon impuissance tandis qu’elle mime le geste de balayer.

— Bah bien sûr que je dois recommencer maintenant, vilaine ! Pffff !

Cette fois, je prends pas de risques. Truc reste au sol – il n’ira pas plus bas – et le tas de sable finit dans un coin de la pièce. Mon regard se porte alors sur Jack… puis un fou rire me prend, sans raison apparente. J’ai juste réalisé qu’on vient de râler pour exactement la même bêtise chacun notre tour ! Et bêtement, ça me fait rire.

— On dirait deux parents avec toute une armée de gamins qui font des bêtises !

Même si des bêtises, on en fait pas mal nous aussi. Mais faut pas le dire !
Allez, faut se préparer. J'ai fini par retrouver mes vêtements dans un coin en rangeant mes affaires. J'allais pas partir avec des trucs pas à moi! À mon tour, je quitte la pièce en compagnie de Jack et ses Pokémon. Contrairement à mon copain, je rentre Truc dans sa pokéball pour pas surcharger ce pauvre Gros Dada. Quant à Fouifi, elle se fait un peu attendre, préférant jeter un dernier coup d’œil en direction de la fenêtre avant de nous rejoindre sur le Pokémon de Jack.

— Mais… Qu’est-ce que tu trimballes, toi ?

C’est quoi ce casque en ferraille qu’elle a sur la tête ? Oh, vous savez quoi… peu importe. Puis je préfère ne pas apprendre que Fouifi a décapité quelqu’un pour lui voler son casque.
Mon regard se tourne vers Jack.

— Alors, direction Bayette ? T’es prêt à sauver le monde ?

Je lui fais un grand sourire, toute contente d’aider mon copain dans sa tâche écrémeuhment importante.

De lointains murmures. Rien que Jack et moi pourrions entendre. Seule Fouifi et quelques autres Pokémon purent dresser leurs oreilles, curieux de les entendre malgré les précautions du jeune garçon. Et pour cause : le garde avait fait son petit bonhomme de chemin, cherchant à retrouver le vilain Jack échappé. Sauf qu’il n’avait pas seulement fait chou blanc, au point de préférer retourner à Arnac prévenir la mairesse dès que possible, il avait surtout laissé comprendre aux villageois que le terrible Pestilence se trouvait peut-être en ville. Sans ses pouvoirs, bien évidemment ! Il n’en fallait pas plus pour qu’une foule de Vignelais s’arment de tout ce qu’ils avaient pu trouver et se mettent à fouiller la ville de fond en comble à la recherche du fugitif.

Et c’est ainsi que certains eurent la bonne idée de passer du côté du manoir, juste au moment où nous le quittions. Je n’eus que le temps de grimper aux côtés de Jack avant qu’un villageois ne hurle dans notre direction :

— Il est là ! Attrapez-le !

C’est une véritable foule en délire qui hurle aussitôt à sa suite, tous parés de la première arme passée à leur portée. Sabre de famille, couteau de cuisine, poêle à frire, fourche et balai… on voit de tout dans leurs rangs, ainsi que de nombreuses torches allumées. Le plus inquiétant sera tout de même d’entendre une violente détonation, identique à celles des pistolets fournis par la mairie aux rangers et aux miliciens.

— Aie !

Je porte une main sur mon bras pour y découvrir la griffure d’une balle m’ayant frôlé de bien trop près. Heureusement, tout le monde n’avait pas la précision d’un professionnel, mais la simple idée qu’on puisse m’avoir tiré dessus ainsi me fige sur place.
TIREZ-VOUS.

— Mais… Mais qu’est-ce qu’ils ont…

Fuyez, fuyez, fuyez !
Mes yeux se vrillent d’un éclat brutal et soudain, Ciboulette s’emparant de ma voix pour hurler ses pensées répétées :

— FUYEZ !

Fouifi n’est pas en reste : elle couine à l’intention du cheval, bondit de mon épaule et frappe son arrière train de sa queue pour lui ordonner d’accélérer. Plus vite Gros Dada, plus vite ! Dans un réflexe, j’ai rappelé Prince et Piège qui voyageaient à nos côtés avant de me prendre la tête de mes deux mains.

— Aaah !

Ciboulette a forcé d’un coup, j’ai mal ! Je m’appuis sur la monture, m’y accrochant de mes deux bras pour ne pas tomber sans pouvoir observer la situation. Et en même temps, en voyant la suite, j’aurais hurlé.

Fouifi a bondit de Gros Dada après son geste, remuant sa queue d’un par-ici avant de se barrer en courant dans la direction opposée. Qu’importe qu’elle ait beaucoup plus de chance de s’en tirer que nous deux réunis, la simple idée qu’elle lutte seule m’aurait rendue folle au point de descendre à mon tour.

La foule de nos poursuivants se sépare en deux, un bon nombre se sentant obligés de poursuivre la Fouinette au loin. Hélas, il en reste trop pour que nous puissions souffler.