Saison Un

: Obscure Prophétie

ENFIN ! Libérés de la tyrannie des petits pois ! Tom et moi, on s’est tiré, et on va faire la bouffe nous-même ! Pasque quitte à galérer, autant manger ce qu’on veut, nah ! On va donc dans la forêt la plus proche que Tom avait déjà repérée, puis on chasse !

Enfin, ça, c’est le plan. Mais tom, je crois qu’il avait pas prévu de se retrouver sans rien en arrivant ici. Voilà qu’il râle de pas avoir d’arme ! C’est vrai que moi non plus, j’ai pas d’arme, mais je chasse très bien sans.

— C’est pas grave ! On a pas besoin d'armes : (on a des baguettes ! Non, je rigole. Ça sert à rien les baguettes !) si on trouve une bestiole, moi je l’égorge et on pourra la manger tous les deux !

Souhaitant prouver mes dires, je me transforme en un bond pour atterrir sous ma forme animale devant Tom et feuler d’un air combattif en direction des bois. Je tourne deux fois sur moi-même en prenant un air aussi satisfait qu’un véritable félin aurait pu le faire après avoir fait fuir une bête sauvage, puis reprend vite forme humaine. Enfin, presqu’humaine. Comme d’hab, quand je suis pressée, la queue et les oreilles font ce qu’elles veulent.

— Oh, ou mieux, mieux ! Tu pourrais leur faire peur en criant fort pour les faire fuir, et moi ensuite je bondis d’un buisson. PAF !

C’est la stratégie la plus basique qui soit. Le pire étant que le 3/4 du temps, ça marche ! Les animaux sont tellement stupides, ils fuient toujours le danger en ligne droite. D’ailleurs, je me demande quel genre de bestioles on va trouver dans cette forêt ?

— À côté de la cabane du garde-chasse, j’ai vu un Vivaldaim ÉNOOOORME ! Ils doivent trop bien manger les animaux dans cette forêt pour grossir comme ça, alors je suis sûre qu’on va trouver plein de machins bien dodus à chasser !

Ça serait trop cool d’en trouver un deuxième comme lui ! Enfin, un peu moins : faut quand même que la chasse soit intéressante, qu’il puisse fuir et qu’il se débatte un peu le bougre, sinon c’est pas drôle ! Par contre, on veut de la viande ! Pas un machin tout rachitique. Et tant qu’à faire, de la viande qu’on connait pas, pour découvrir ! Bon sang, je crois qu’elle va être super cool cette chasse !

Tom approuve mon plan ! Youpi !! Ce soir, c’est festin rien que pour nous deux ! Je le suis avec autant de bonne humeur que de gourmandise. C’est vrai qu’il a raison, par contre : faut qu’on s’éloigne de l’école pour pas que les adultes nous embêtent, ou que d’autres enfants nous volent l’idée.

Jusque-là, on marchait tranquillement pour s’enfoncer dans la forêt. Puis d’un coup, il file !

— Eeeeh ? dis-je en restant bête.

C’est quoi l’intérêt ? J’ai jamais été très adepte des concours sans raison. Mais d’accord, je suis !
Il court vite en plus, Tom ! Bon, pas autant que moi… mais c’est normal, les chats ça court super vite ! Pouf, transformation en plein démarrage de course, poussée des quatre pattes pour reprendre une vitesse respectable et destination l’arrivée en quelques bonds agiles et rapides ! Et plutôt que de m’arrêter sur l’arbre qu’il a désigné, je vais même jusqu’à l’escalader à coup de griffes à la va-vite pour me percher sur une de ses branches basses. Seulement une fois là-haut, je me laisse percher par les jambes pour reprendre forme humaine, comme un Tepig pendu, et m’exclame :

— Tadaaaa !

Bon, j’ai peut-être un peu triché du coup, à me transformer. Mais je fais tout en chat, moi ! C’est beaucoup plus amusant que de rester nulle et pas agile comme un humain. La forme humaine, c’est pour faire les trucs ennuyeux où t’as besoin de des doigts, comme la magie !
En tout cas, je fais pas plus remarquer ma victoire : c’est pas mon genre, je m’en fiche d’être meilleure ou pas.
Mes bras tendus dans sa direction sont à peu près à sa hauteur, l’une de mes mains toujours recouverte de la fameuse marionnette. Je me demande s’il va les attraper ? J’essayerai bien de le tirer sur la branche, vu qu’elle a l’air solide ! Ça serait galère, mais c’est faisable, on est tous les deux costauds !

Qu’il monte ou non, moi, j’en profite : dans cette forêt, y’a beaucoup d’arbres, mais ils sont tous plus haut que la branche où je suis, alors on pourrait voir les animaux qui passe de loin pour trouver une première idée de cible ! En plus, des gros machins comme ce que l’autre Vivaldaim obèse doit manger tous les jours, ça se voit forcément de loin.

— T’en pense quoi ? Faut aller plus loin ou…

CHUT ! je mets ma marionnette sur ma bouche pour faire signe de se taire avant de pointer un buisson en contrebas qu’une créature semble faire remuer. Ça arrive ! Faut surtout être tout tout discret si on veut pas le faire fuir ! Alors, est-ce que ça va être notre première proie, un premier problème, ou un truc inintéressant ?

— Oooh… C’est vrai que tu dis toujours que tu peux être en garou, mais je t’ai jamais vu le faire. J’aimerais bien voir un jour ! P’t-être que je pourrais t’aider avec ?

Même si en toute sincérité, j’ignore de quoi il parle. Le contrôle, c’est juste une habitude, genre marcher sur quatre pattes au lieu de deux ça vient petit à petit, comme l’instinct et tout ! C’est pas comme si j’avais un vrai chat dans la tête qui se battait avec moi pour agir à ma place. Alors lui quand il se transforme, ça doit bien être pareil !

Mais pas le temps d’y réfléchir plus longtemps. On a une proie à choper ! J’observe ses directives, y répond d’un pouce levé marqué d’un grand sourire, et on est partis ! De nouveau en forme animale, je suis prête à bondir de la branche sitôt qu’une bestiole passera en dessous.

Un cri ! Parfait, c’est le signal ! Bientôt, la bestiole va sortir des fourrés et… WAAAAAH ! Kécésa !

La petite bestiole que visait Tom vient de se transformer en un puissant dragon paré d’une armure d’or ! Je le connais même pas celui-là !
Sur le coup, j’aurais pu me dire "bah tant pis, ça sera plus dur à couper mais je lui saute dessus quand même". Sauf qu’en plus, le machin il a cassé le plan ! Au lieu de partir en courant à l’intervention de Tom, il s’est juste relevé et voilà qu’il veut manger Tom ! HEY ! C’EST NOUS QU’ON MANGE LES ANIMAUX, PAS L’INVERSE !!!

J’ai bondis au sol pour accourir jusqu’en direction de Tom. Puis, n’écoutant que mon courage, j’ai surgis en arrière de la créature en feulant toute ma hargne pour m’accrocher sur elle, planter mes griffes entre ses écailles et lui arrache le déchiqueter à coup de crocs ! Enfin, ça, c’était la théorie. En pratique, ça a plutôt fait : ping, aie, paf. Ping mes griffes et mes crocs sur ses écailles ultra résistance, aïe mon petit cri de douleur en sentant ses griffes m’agripper à la place, et paf tout mon corps qui se fait jeter à plusieurs mètres de la comme un vulgaire caillou.
Aouch ! On m’a rarement malmené comme ça… Ou peut-être si : mon papa quand il m’entraine et qu’il fait le grand fort. Je couine de douleur en me redressant. J’ai pas intérêt à m’en reprendre un comme ça… J’ai déjà de la chance d’être en un seul morceau ! Hélas, le bestiaux semble penser autrement, le voilà frapper les écailles de ses bras pour déclencher un Vibrécaille dans ma direction.

MAIS ! Je voulais choper du gibier, moi, pas tomber sur un dragon… ça va faire mal.

Tire-toi !
Faudra pas me le dire deux fois ! Surtout après m’être fait vriller les tympans par le hurlement du machin. J’ai profité du coup d’éclat de Tom pour me redresser et prendre mes pattes à mon cou. Tous mes poils sont hérissés de panique, mes pattes bougent d’elle-même. Mais, mais… non, même pas le temps de penser à Tom, l’instinct prend le dessus après s’être fait hurler dessus ainsi. J’entends plus rien, juste deux petits bip, la voix dans ma tête et mon cœur qui bat !
Résultat, je fuis. Pas assez vite, malheureusement : l’onde vibrécaille me rattrape bien assez vite pour s’ancrer jusqu’en chacun de mes muscles et me faire couiner de douleur. Quelques roulé-boulé plus tard, je m’étale enfin pour ne plus bouger.

Bon, tu te relèves ?
Ce type a vraiment pas l’air inquiet. Je viens de risquer ma peau, là, quand même !
Tu ronfles à mes côtés, les rêves n’ont rien d’inquiétant. Néanmoins, il serait malheureux d’interrompre ainsi cette aventure divertissante.
Ça, c’est toi qui le dis ! À mes yeux, tout ça est bien réel. C’est peut-être toi qui fais dodo ?! Enfin peu importe. Je crois que je vais bien. Enfin… je suis en un seul morceau, et consciente. Un énième couinement forcé m’amène à constater mes blessures lorsque j’essaye de me redresser : c’est plus l’heure de taper des sprints, j’ai les pattes en guimauve. Et je vais même pas essayé de reprendre forme humaine dans cet état, ça risque d’être encore pire. Rampant comme je peux à travers le buisson le plus proche, j’essaye d’observer la situation.

La tête du monstre m’apparait non loin de là : il gronde, hurle et jette des coups d’yeux dans toutes les directions. Enfin, je crois qu'il hurle. J'entends pas encore bien, mais je vois sa gueule s'ouvrir et se refermer. À tous les coups, il nous cherche ! Son attaque a été dévastatrice, il a rasé pas mal d’arbres et d’autres plantes en plus de nous avoir soufflés. Avec un peu de chance, il va pas nous retrouver. Par contre, ce qui m’inquiète, c’est que je vois pas Tom ! Je me sens déjà bête d’avoir fui tout à l’heure, même si j’aurais probablement crevé en restant, à présent faut que je reprenne mon courage à quatre pattes pour le retrouver et voir s’il a besoin d’aide !

Usant de toute la discrétion dont je peux être capable malgré mon état, je rampe à travers les fourrés et laisse mon odorat de chasseuse me guider. Le dragon a l’air moins doué que moi là-dedans – surement le seul truc que j’fais mieux que lui ! –, faut que j’en profite. Je garde la bête en vue, longe troncs couchés et buissons sans jamais compter sur la moindre vitesse. Même si je le voulais, j’en serais incapable.

Finalement, après un temps, je retrouve Tom étalé au sol. Mince, est-ce qu’il va bien ? J’en sais rien. Tout comme Aurora dans la chambre, je prends pas le temps de vérifier. D’abord, le tirer loin de là ! J’attrape mon copain par le col et commence à le tirer en arrière à la force de mes crocs, priant intérieurement pour que la bête n’ait jamais la mauvaise idée de venir vers nous…

Tous mes poils se hérissent lorsque j’entends la bestiole gronder non loin de nous. Oups de oups ! Tom il a fait du bruit, et ça va l’attirer ! J’essaye de lui faire signe de pas en faire davantage, mais en forme de chat, c’est compliqué de mettre un doigt sur sa bouche ! Complètement paniquée, je tente de redoubler d’effort en tirant encore plus, mais faut pas oublier que moi aussi je suis dans un sale état. Tout ce que j’arrive à faire, c’est me faire encore plus mal aux pattes. Et Tom arrange pas les choses, voilà qu’il essaye de parler, maintenant !

Non, non, non ! Je vais pas partir et te laisser là ! Je… Hein ?
Whoa, qu’est-ce qui lui arrive, là ? D’accord, je devrais pas être surprise d’une métamorphose quand moi et mes parents on en fait tous les jours… mais c’est quand même vachement plus flippant que la notre ! Là où nous on fait un truc tout fluide et agréable, lui il tremble, ça craque, ses vêtements se déchirent et ça a l’air de faire super mal !
J’observe l’incroyable créature qui en résulte d’un air ébahi. Je fais pale figure en comparaison, même avec mon gros chat ! C’est une sacrée bestiole sa transformation ! En plus, il a l’air beaucoup plus en forme maintenant, même au point de pouvoir lutter face… ah non, il se tire.

J’ai bugué un instant, surprise de ce revirement de situation. C’est vachement bizarre de pouvoir se transformer comme ça au dernier moment juste pour pouvoir fuir ! Mais j’imagine que ça reste pratique. Même si je pensais qu’avec une grosse bestiole comme ça, il se battrait plutôt !
Après, c’est vrai que le dragon est encore plus gros, mais tout ça, c’est du détail bien sûr. Bref, fuite ? Oui, fuite. Moi aussi, ça m’arrange, vu mon état ! Ce qui m’arrange pas, c’est que j’ai mal partout. J’arrive même pas à dépasser Tom tant ça tire sur mes pattes, il va me larguer à force.

Derrière-nous, le résonnement terrifiant de l’attaque du dragon retentit une seconde fois. Heureusement, on court assez vite pour n’en ressentir que les bribes de fin, tandis qu’à proximité du dragon d’autres arbres s’effondrent dans un chaos assourdissant.
Couinant de douleur, je parviens à poursuivre mes efforts malgré mes muscles meurtris. Et plus je force, pire c’est, sauf que j’ai trop peur pour arrêter de courir alors je continue ! Et ça, longtemps. Jusqu’à ce qu’enfin mes pattes me lâchent et que je m’effondre au sol pour glisser sur quelques centimètres.

J’en peux pluuuuus ! C’est ce que je crie intérieurement tandis que ma gueule se contente de cracher son épuisement. Et Tom, comment il va ? Je jette un œil à l’Ixon, un peu inquiète pour lui, même s’il a quand même l’air en meilleur état que moi. Après-tout, il s’est transformé alors qu’il était déjà blessé ! Quand je le fais, moi, ça me fait encore plus mal. Surtout quand je reprends forme humaine, les douleurs sont bien plus supportables pour les chats.