Saison Un

: Obscure Prophétie

Ah… Fouifi… Je sais pas si je la reverrai un jour. C’est un soulagement de voir que personne a relancer le sujet. Juste Krystal qui a posée une main sur mon bras et me rassure de sa présence. Je me sens un peu mieux, à présent. Je commence à pouvoir en parler sans m’effondrer, à l’encaisser, ne gardant que la colère comme catalyseur d’un avenir potentiel.

Avec la famille de Krystal, on a l’air plus en accord sur l’histoire des frontières. J’affiche un grand sourire avant d’engager la discussion sur un terrain habituellement bien dangereux :

— Faut voter Grotichon et Tradition à la mairie pour protéger nos traditions ! C’est mon papa qu’il y est d’habitude ! Enfin sauf la dernière fois, c’était moi mais c’était juste pour une fois.

PARLER POLITIQUE, EN VOILÀ UNE BONNE IDÉE !
Surement que tout le monde m’a vu d’ailleurs, à l’époque. Peut-être qu’ils vont me recaser maintenant que j’ai dit ça ? J’avais un super programme : rien changer ! C’était trop cool comme idée, même que plein de gens ils ont aimé. Pas autant que Nirvana qu’a rien dit, bien sûr ! Mais elle, elle était trop forte pour moi, c’est la grande élue !

Après un bon repas, nous voici devant une tarte aux pommes. J’accepte le pot de crème de Juan, par contre, j’en mets pas beaucoup. Je suis pas très sucré, moi. La viande c’est la vie ! Par contre, j’aime bien les fruits, alors j’aime bien les tartes ! En plus, elle est super bonne la tarte, je m’en lèche les babines ! Pas autant que la viande, bien sûr, mais super bonne !
Je me fais plus discrète durant la suite de la conversation, bien que très intéressée par cette histoire de soirée. J’imagine déjà la fête autour du feu comme on avait fait à Kedal l’autre jour ! J’ai même hoché la tête, bien que n’étant pas certain de l’information :

— Oui, oui ! On a fait une super soirée aussi à Kedal, et on s’était amusée tout plein aussi avec Krystal ! Même que maman s’est encore endormie sur la table. Je suis sûr qu’ici ça va être trop trop cool aussi !

Par contre, la suite, je l’ai pas vue venir. Des tenues traditionnelles ? Eeeeeh ? On doit s’habiller différemment pour faire la fête ? C’est bizarre ! Je penche la tête, toute curieuse, puis me laisse entrainer par Krystal sans rechigner.

— À tout à l’heeeuuuure ! dis-je aux autres en suivant les traces de mon aînée.

Une fois dans la roulette, c’est une véritable chasse aux trésors qui s’engage. Pour ce qui est d’essayer les tenues de rechange de Krystal, c’est un peu loupé : dès la première, on réalise que malgré notre différence de taille pas si énorme, la quinzaine de centimètres qui nous séparent change quand même la donne. Et puis, y’a un deuxième problème… Disons que le buste de ses tenues est très aéré ! Je dois encore pousser de partout, moi !

Bref, on se retrouve rapidement à fouiller l’ancienne garde-robe de Krystal, de deux ou trois ans en arrière. Du moins, ce qu’elle a pu en garder. Ah, et je me retrouve à pas mal réclamer son aide pour mettre la majorité des trucs, que ce soit robes, jupes ou autres excentricités. La seule fois que j’ai mis une robe, c’était au feu d’artifice avec Théa, et c’est la madame du magasin qui m’a aidée. Sinon c’est short, t-shirt pour moi. Et on parle pas des t-shirt de qualité, plutôt des trucs qui pourraient se déchirer à moitié en les enfilant tant ils sont vieux, usés et rapiécés, le tout avec une tenue respectant la liberté de mouvement plus qu’un quelconque rendu visuel. J’enlève aussi les espèces  de gants en bandages que je me fais tous les matins au cas où j’irais chasser. Pis tant qu’à faire, on peut laisser le fusil et le sac dans la chambre, pas vrai ? C’est aussi sûr que dans ma maison dans la maison de Krystal, pas vrai ?

Finalement, je me retrouve à hésiter. Moué, pas confortable. Toujours pas confortable. Bof. J’ai pas d’autres arguments ! Visuellement, j’ai vraiment du mal à juger. Finalement, ma réaction sera :

— Je sais ! Je veux être habillée tout pareil que toi ! Ça serait trop drôle !

Ah, la mairie ! Quel drôle de souvenir perdu au milieu d’un enfer d’horreurs !

— Oui, c’était moi ! dis-je en souriant sans rien préciser d’autre.

Je pense que ça se voit que la victoire ne me tenait pas à cœur. Ça ne fut qu’un jeu, à mes yeux, destiné à m’éloigner de mes cauchemars. Ça aurait presque marché, si je ne l’avais pas recroisé le jour même.

Mais passons. Oublions ces peines et autres mauvais souvenirs, et profitons de pouvoir en faire de nouveaux, bien plus merveilleux. Après nombre de tentatives ratées, une tenue me va enfin ! C’est finalement l’idée de jouer sa petite sœur qui nous parait le plus amusant. Et c’est une réussite ! Bon, on est pas vraiment pareilles pareilles, mais ça passe ! Krystal m’offre même les vêtements, ce à quoi je m’exclame d’un merveilleux :

— C’est vrai ?! Trop super !

Puis je fais mine de me jeter sur elle, avant de me retenir au dernier moment en voyant les ciseaux dans sa main. Oups, j’ai failli faire une bêtise ! J’en ricane, puis m’amuse à tourner sur moi-même devant un miroir avec la moitié de costume, très curieuse de me voir aussi différente. J’ai toujours les mêmes tenues, moi, d’habitude ! Et vu que mes fringues finissent toutes en lambeaux, j’ai vite appris à ne jamais m’y attacher. C’est marrant d’avoir de beaux vêtements pour une fois ! Je fis de même une fois la jupe raccourcie, toute curieuse de voir ce vêtement plus ample que mes tenues habituelles.

— Hihi ! ça me va bien ? demandai-je, incapable de répondre à cette question.

Je saurais pas dire si c’est beau ou pas, tout ça, mais je suis plus que ravie d’être habillée comme ma copine ! On va trop s’amuser, ce soir !

J’accepte tout sans aucune hésitation, prise par cet élan de nouveauté. Je me retrouve même à me faire traiter les cheveux, c’est trop bizarre ! Ils bougent plus comme avant et sont tout peignés pour me donner une coupe à la fois mignonne et moins garçonnette. Perplexe devant ce changement de visage, j’en rigole plus qu’autre chose, loin d’imaginer être ainsi plus séduisante. C’est pas mon genre, de toute façon !

Les voix se font entendre à l’approche de nos pas. Les voilà !

— Coucouuuu ! dis-je de bon cœur en arrivant de mon habituelle bonne humeur kedalienne.

Ce qu’on peut dire, c’est que je suis pas timide, même dans une pareille tenue. Je salue tous ceux que Krystal me présente, accordant quelques mots à chacun s’ils le faisaient avant de me faire tirer par la main.

De la danse ? Chouette ! Dans un grand sourire, j’obéis à ma copine et bouge… n’importe comment, disons-le. Une enfant sur une piste de danse qui tourne, saute, remue les bras et s’agite en imitant ce qui pourrait être de la danse.

— Vous faites souvent des soirées comme ça tous ensemble ? C’est trop marrant, vous êtes encore plus nombreux que quand on fait la fête avec les voisins !

Faut dire qu’à Kedal, si y’a les habitués toujours présents, y’a aussi beaucoup de ronchons. Et surtout, pas mal de gens qui font dodo tôt pour se lever avec les Ecremeuh. Alors quand on prévoit une veillée au dernier moment, il reste que les fêtards du groupe !
On dirait que personne n’a ramené d’armée Pokémon, comme Jojo le fait parfois avec son troupeau. Faut dire, c’est un peu une exception, Jojo. Normalement, les Pokémon ils font pas parti de la famille à Kedal, sauf les très très proches comme les Mastouffe de berger, les Pokémon de mes parents et Split. Je demande tout de même :

— Dis, dis, tes parents ils ont des Pokémon comme Volti et Grand Dada qu’ils ont toujours avec eux ?

Whouuuups, j’ai un peu trop sauté, et ce qui devait arriver arriva. Ma jupe est redescendue un peu moins vite que moi, jusqu’à finir à l’envers. Gros moment de gêne ? Tu parles ! Je la remets bien sans m’en préoccuper, plutôt curieuse qu’un vêtement puisse faire ça, puis reprend ma danse avec Krystal.

Tout le monde ? Whaou, y’a vraiment tout tout tout le monde qui vient pour les fêtes ? Mais c’est trop cool ! Ça arrive jamais ça à Kedal. J’aimerais bien qu’on puisse faire de grosses fêtes avec tout le monde tous les mois, nous aussi !
C’est ensuite le fabuleux retour du monstre : Auriel ! Je ricane à la blague de mon amie. Elle est mignonne comme tout, Auriel ! Je l’ai jamais vue sans Krystal… mais avec Krystal, ça se passe toujours bien ! Elle fait toujours plein de câlins !

Krystal me parle ensuite des Pokémon de ses parents.

— Oh oui ! Et faudra que tu me montres tous les dadas que vous avez, doit y’en avoir au moins autant que les Ecremeuh de Kedal !!!

Apparemment, c’est pas comme ma grande sœur et Grand Dada, ici. C’est plus comme tout le reste de Kedal, encore. C’est marrant comme c’est pareil, je suis sûre qu’ils pourraient venir s’installer à Kedal et personne il remarquerait rien ! Tout en pensant cela, je ricane en voyant le frère de Krystal rougir pour une raison qui m’échappe. Ou si, je sais ! Lui, il a trop bu, comme maman à la fin d’une soirée.

Ah, oui ! Ça me revient, le Démolosse ! Je veux voir le Démolosse ! Je pense que même si je dis rien, ça se voit à mes yeux que j’écoute déjà plus ce que Krystal raconte, trop excitée à fouiller les lieux à la recherche d’une ombre. Elle prend alors ma main, me dirige dans la bonne direction. Et là, c’est la petite flammèche.

UN TOUTOU !

— OoOoooOooOooOooh ! Il est trooooop beau !

Je m’élance aussitôt, bras en l’air comme une enfant et avec un grand sourire sur le visage pour aller caresser la brave bête ! Malgré mon départ en flèche, je ne me montre pas brutale avec l’animal, juste encombrante, du genre à lui faire un énorme câlin en posant ma tête sur son dos en le caressant d’un bout à l’autre avec mes mains.

— C’est trop beau et trop bien et trop cool les Démolosse ! En plus, parait que t’es un super super Démolosse, toi !

Comment Auriel peut-elle avoir peur d’un Pokémon aussi parfait ? Je me retourne alors vers Krystal pour poser LA question, haussant le ton si nécessaire :

— Tu sais où ils l’ont eu tes parents ? M’en faut absolument un tout pareil ! Ou un Arcanin ! Ils sont tous les deux trop super ! L’autre jour, j’avais demandé à mon papa pasqu’il avait un Arcanin avant, mais il m’a dit que son éleveur il faisait plus son élevage !

C’est alors qu’il y eut un flash sorti des ténèbres. Certains lèvent la tête et repèrent sur le toit de la caravane la plus proche une citrouille aux yeux orangés qui saluent la foule des curieux. Ah, on dirait que toute cette agitation a attiré la curiosité de notre photographe préféré ! Ciboulette, armé de son polaroid du salon, a décidé d’immortaliser l’instant. Bon, avec tous ces gens qui dansent, j’espère pour lui que les photos ne seront pas trop floues !

Plop, le photographe repose son appareil sur sa citrouille et se rapproche de nous pour prendre une deuxième photo de moi allongée sur le Démolosse. Puis une de Krystal, quoi qu’elle fasse ! Trois petites feuilles que le Pitrouille roule dans sa citrouille en ricanant, toujours aussi amusé de son nouveau jouet. Il s’amuse ensuite à aller de gauche à droite, proposant aux gens qui l’intriguent le plus de les prendre en photo pour ensuite leur laisser la photo.

Zéblitz ? Oh oui, je connais les Zéblitz !

— Bien sûr ! Y’a des copains de mon papa qui en ont des Zéblitz, dans ceux qui sont montés pour la chasse ! Ils vont super vite, ils peuvent courir après n’importe quelle proie, encore mieux qu’un Ponyta ! Et pis t’as raison, les pokeball c’est ennuyeux, on peut jamais les voir après ! En plus, ça coute super trop cher ! À Kedal, personne il en utilise.

Mais ça, Krystal l’avait déjà remarqué durant son passage. Que voulez-vous, j’ai la répétition facile sur les sujets qui m’intéressent !

Krystal eut ensuite la bonne idée de parler d’un élevage de toutous :

— VRAI DE VRAI ?! Ça serait trop trop bien, comme ça je pourrais t’en acheter un et j’aurais le meilleur de tous les toutous pasque tu l’aurais élevé ! Ah, euh… Coach ? Bah, dans la Dune Dunaja ! D’ailleurs, c’est là-bas qu’elle est toujours, avec le Prince des Dunaja et avec toute sa famille ! Je t’avais jamais dit qu’on a retrouvé son bébé ? C’était vraiment soulageant !

Définitivement, les deuils s’étaient faits. J’avais parlé de Fouifi, et je pouvais reparler de Coach sans même tressaillir. Juste une hésitation, un doute, rien de plus. Coach restait un des rares bons souvenirs de cette époque.

Krystal reprit, expliquant la rencontre entre son papa et son Démolosse. Une grande histoire, comme celles que papa et maman me contaient à chaque fois ! Enfin, c’était pas le cas pour leurs Pokémon. Du moins, pas ceux qu’il leur reste. Volti et Grand Dada venaient d’élevages, d’ailleurs Grand Dada vient d’ici. C’est des valeurs sûres, les Pokémon d’élevage !

Je ricane à l’entente de l’histoire, puisqu’elle parle d’un chasseur, et me sent obligé de rajouter à l’intention du chien :

— Oooh, je suis trop trop désolé pour toi ! J’en ai un, un piège à Lougaroc comme ça ! Mais c’est pour attraper des Pokémon dangereux, pas des gentils petits Malosse ! Le monsieur qu’il a fait ça, il devait être super nul et l’avoir mis n’importe où pour que Vador se le prenne. Il a dû avoir trop mal, heureusement que ton papa était là !

Tandis que Ciboulette s’empressait d’immortaliser tant de vedettes que nécessaires, Krystal s’intéressa à l’appareil photo qu’il tenait entre ses ailettes.

— Oh, mais mince, t’aurais dû me le dire ! Il l’a volé au salon ! Alors moi je l’ai grondé tout plein, et ensemble on a retrouvé la madame à qui il l’a pris pour l’acheter normalement, avec pleiiiiin de cartouches de photos ! Je sais pas c’était qui la dame, par contre, mais y’a Roger, un adulte copain que j’ai sauvé dans les marais l’autre jour, il m’a dit que maintenant y’en avait des qui marchait avec des pellicules, comme les cheveux ! Et du coup tu peux faire beaucoup plus de photos, par contre tu peux pas voir la photo tout de suite, alors Ciboulette il aime pas. Mais du coup, à Kalank je crois que y’en a plein des comme ça en magasin !

Je fais un large sourire puis reprend la main de Krystal. Ça fait beaucoup de parler tout ça ! On retourne danser ? Allez ! Je la traine vers les gens qui continuent à s’amuser et rie de bon cœur, toujours d’humeur à faire la fête !

Il est trop mignon le toutou, il me lèche la main ! Je lui fais de grands sourires, toute contente ! En tout cas, malgré des débuts difficiles, il a l’air d’avoir eu une belle et heureuse vie aux côtés des parents de Krystal. Comme Volti et Grand Dada !

Krystal semble intéressée par l’appareil photo, puisqu’elle me demande des précisions. Ah ben là, ça va être compliqué ! J’éclate de rire avant de lui répondre gaiement :

— Aucuuuuuuuuune idée ! C’est Roger qui m’a dit ça ! Moi j’ai jamais été voir là-bas. Mais les gens de Kalank ils doivent savoir ! Enfin c’est grand, très grand Kalank… Peut-être qu’il faudrait aller demander à Roger ? Y’a sa mamie qui vit à Frime, je pourrais te dire où elle habite !

De contact en contact, Krystal finira bien par avoir l’information voulue, pas vrai ?
En tout cas, cette question ne nous chamboulera pas l’esprit bien longtemps. Déjà, nous repassons aux amusements du jour, dansons et riant joyeusement. Ciboulette s’amuse tout autant ! Ses yeux brillent d’intérêt pour tout ce qui l’entoure, tandis qu’il immortalise sans le vouloir ce qui sera l’une des dernières soirées normales pour nous avant bien longtemps, en une série de clichés qui resteront enfermés dans un sac, puis oubliés.

J’ai une pensée pour Truc, Split, et tous les autres qui doivent s’amuser de leur côté. Cela me rappelle ce jour, avec Jack, à Kedal. Jack et Krystal, c’est vraiment mes deux grands amis. Je pense qu’aujourd’hui, je peux dire que j’adore ma vie, et que bon nombre de mes problèmes sont derrière moi. Du moins, c’était ce que j’espérais ce soir-là, entre les danses, les histoires contentées et les éclats de rires.

C’est triste, n’est-ce pas ? D’avoir lutté tout ce temps jusqu’à y parvenir, juste avant que le pire n’arrive ?